Nettoyer, Astiquer

Dan Dunke-Hatyx est une personne normale et ce, malgré son nom de famille que beaucoup de gens décrivent comme bizarre.

Dan Dunke-Hatyx se tient devant l’entrée d’un immeuble se situant en boulevard.

Dan Dunke-Hatyx est un concierge. Chaque jour, il se dirige vers son lieu de travail, à pied, pour accomplir son job, à savoir nettoyer les couloirs du même immeuble. Cela fait 5 ans qu’il s’en charge et, à ce jour, il n’a jamais vraiment eu à s’en plaindre.

Chaque jour, Dan prend son seau, le remplit d’eau, prend son balai et se met à nettoyer. Aucune trace de saleté ne lui échappe. Après tant d’années, il sait où elles se trouvent. Ses amis aiment bien blaguer sur le fait que son travail consiste à suivre le même, long trajet chaque jour. Dan ne les a jamais contredits parce qu’après tout, cette blague avait un fond de vérité.

Dan aime son travail. C’est un travail qu’il juge simple, suffisamment répétitif pour savoir quoi faire mais mobilisant suffisamment d’énergie pour ne pas l’ennuyer complètement. Ce travail lui apporte du calme et de la tranquillité. C’est tout ce qu’il demande.

Dan est toujours un peu mal à l’aise quand il doit se déplacer dans les couloirs de l’immeuble. Ils ont l’air toujours « pas assez » pour lui. Pas assez grands, pas assez larges… juste « pas assez ». Si seulement cela pouvait s’arranger, il considérerait son travail comme le meilleur travail au monde. Mais, depuis le début, ces couloirs sont toujours restés les mêmes. Donc, il fait de son mieux pour ignorer leurs défauts.

Dan possède toujours son baladeur pour essayer d’ignorer le silence qui règne dans l’immeuble. Pour lui, il n’y a rien de mieux que mettre une bonne musique pour ne pas y penser. Quand il y pensait trop, il se rendait compte qu’il y avait plein de choses qui rendaient cet immeuble angoissant. Donc, il fallait qu’il fasse l’inverse et fasse son travail sans se questionner sur quoi que ce soit.

Pour chaque petite partie du sol et des murs sur laquelle il passe, Dan passe toujours son balai dessus 4 fois d’affilée. 5 fois, si besoin. Dans son schéma de pensée, cela ne fait jamais de mal de repasser une fois de plus que ce qui est demandé.

Dan se dit finalement qu'il avait tort au sujet de ce à quoi il pensait plus tôt. L'immeuble n'était pas silencieux tout le temps. Il pouvait distinguer deux "modes" comme il les appelait : le silence complet ou le vacarme assourdissant.

Dan pouvait assimiler tout ça à des locataires précis dans l'immeuble. Le silence, il le reliait à cette dame toujours vêtue de bleu qui ne sortait que rarement et laissait parfois une odeur de tabac derrière elle. Le vacarme, il le reliait plutôt aux enfants de ce couple qui s'était installé au deuxième étage, il n'y a pas très longtemps.

Dan Dunke-Hatyx est considéré par son patron comme un bon employé. Le fait que ce dernier n'aie, à sa connaissance, exprimé aucune protestation après que Dan aie posé un papier marqué "Dan Dunke-Hatyx, Président de Tous les Concierges" sur la porte de la pièce où tout son matériel était entreposé était, en tout cas pour lui, un signe qu'il n'y avait aucun problème.

Dan Dunke-Hatyx n’a pas vraiment l’intention de changer de travail. Il n’y avait rien de compliqué dedans, il n’avait pas à dépenser tant d’énergie que ça et il pouvait partir au moins à une heure à peu près décente.

Dan Dunke-Hatyx se tient devant l’entrée d’un immeuble se situant en boulevard.

Dan Dunke-Hatyx rêve de pouvoir changer de travail. Cela faisait 25 ans qu’il le pratiquait et rien ne changeait. Cela ne le dérangeait pas avant mais maintenant, il souhaitait juste autre chose. Ces dernières décennies, il avait l’impression que tout se répétait. Il souhaitait que quelque chose de plus excitant se passe.

Dan trouve que les concierges qu’il emploie, ces derniers temps, ne sont pas des plus compétents. A certains moments, il se disait qu’il pouvait très bien faire leur travail lui-même. Comme ça, il n’avait pas à payer qui que ce soit et pouvait bouger un petit peu plus que d’habitude. De plus, il avait l'impression que certains d'entre eux s'amusaient à lui prendre ses beignets. Il ne pouvait pas le prouver.

Dan déteste rester assis sur sa chaise mais il n’a aucun problème à prétendre le contraire. Il n’a aucun problème à vivre en étant conscient de certaines contradictions mineures coexistant dans son esprit.

Dan souhaite aller dormir parce que la fatigue commence très sérieusement à le gagner. Il pense que l’homme en bas n’a même pas fini ce qu’il avait à faire. Il pense aussi que ce vieil homme habitant au rez-de-chaussée va venir le voir pour parler (avec une voix très forte) de ses voisins et de chaque petite chose qu'il n'apprécie pas chez eux. Peu importe. A ce stade, il s’en fiche.

Dan se dit que s’il allait dormir, il pourrait peut-être avoir les idées plus claires et arrêter de penser que ses employés sont aussi mauvais que ça. Lui non plus, il n’est pas le meilleur ou bon en tout. Il y a des choses qu’il apprend aux autres et, en retour, il y a des choses que les autres lui apprennent. C’est donnant-donnant.

Dan Dunke-Hatyx pense que ses employés sont des bons employés.

Dan Dunke-Hatyx se tient devant l’entrée d’un immeuble se situant en boulevard.

Dan Dunke-Hatyx regarde cette habitation venant tout juste de finir d’être construite. Cela fait plusieurs semaines qu’il passe devant, à chaque fois qu’il est en chemin pour aller vers le métro ou rentrer à la maison.

Dan n’a pas vraiment d’avis sur les maisons ou toute chose s’en rapprochant, d’habitude. Mais pour cet immeuble, il fait une exception. Il ne sait pas vraiment pourquoi. Peut-être parce que c’est relaxant pour lui de s’arrêter pendant quelques secondes et de juste se fixer sur ce point en particulier. Peut-être parce que c’est la première fois qu’il voyait un immeuble prêt à être investi par de futurs locataires être terminé. Peut-être autre chose.

Dan ne sait que peu de choses sur pourquoi ce bâtiment est-il construit. Il a juste entendu parler de la propriétaire du terrain, une femme qui collectionnait les vinyles datant des années 50.

Dan se demande combien de personnes s’installeront dans ce lieu. Ou, au moins, combien de personnes auront peut-être comme projet de s’installer dedans.

Dan décide de rentrer chez lui. Il aura tout le temps de réfléchir à ce genre de questions plus tard.

Dan Dunke-Hatyx se demande parfois pourquoi est-ce qu’il a l’impression d’être jeune une journée puis d’être extrêmement vieux le jour d’après. Parfois, il se dit que c’est juste parce qu’il y a des jours où il ne se lève pas bien et cela lui permet d’ignorer ce genre de questions dans sa tête mais il y a d’autres moments où il se retrouve forcé d’y réfléchir plus en profondeur.

Dan déteste avoir à réfléchir au sujet du temps qui passe. Même si le sujet en lui-même n’est pas exclusivement quelque chose de morbide, à chaque fois qu’il y pense, il se met à penser à des choses qu’il juge morbides.

Dan souhaiterait ne pas avoir à penser à sa propre mortalité. Ou à sa perception du temps, qu’il juge déplorable.

Dan décide de se remettre à dormir avant que ça ne se mette définitivement à l’énerver d’y penser. Il a encore du travail, demain.

Dan décide de continuer à travailler. Il est encore jeune. Il ne s’en fait pas trop pour ça.

Dan décide que cela ne lui fait plus peur. Il juge avoir eu une belle vie et aussi que cette dernière n’est pas encore vraiment terminée. Même loin de là, il dirait certainement aux autres.

Dan décide finalement d’aller faire un tour autre part au lieu de directement rentrer chez lui. C’est sa solution-miracle pour tout. Il en rit, des fois. Mais ce n’est pas pour rien que c’est sa solution-miracle.

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