Né en : Néant

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L’agent Emmerson et l’agent Jefferson avaient tous deux des costumes bruns clairs, avec chemise blanc cassé et cravate noire. Et d’étranges dispositifs dans leurs oreilles, ce que l’on comprendrait aujourd’hui être des oreillettes massives et mal conçues, mais qui n’avaient pas lieu d’être en 1935. Ni en 1936, comme ça le serait d’ici quelques minutes. C’était le nouvel an.

Jefferson sortit quelques dossiers d’un attaché-case. Emmerson les saisit sans les regarder.

« Mr Victor Lustig, reprit-il. Dois-je énumérer la liste de vos crimes ?

- Eh bien, je pense que les trois personnes présentes dans cette salle les connaissent déjà très bien, surtout moi, répondit Lustig, et…

- Victor Lustig. Né en 1890 en ancienne Autriche-Hongrie, dissoute depuis la fin de la Première Guerre Mondiale, ce qui complique quelque peu les affaires administratives. Quarante-cinq années de crime…

- Comme vous y allez.

- Plusieurs fois condamné en Autriche-Hongrie pour violences, vols mineurs et tentatives de fuite. Profite de l’expansion des navires transatlantiques pour arnaquer les riches citoyens européens et américains passant d’un continent à l’autre, grâce à des jeux de cartes truqués, des paris frauduleux et une centaine d’emprunts non remboursés. Perpétue ses arnaques diverses aux Etats-Unis en se faisant passer pour le « comte » Victor Lustig. Continue de soutirer de l’argent à l’occasion de paris, notamment pendant des courses équestres. Conçoit de fausses machines à impression de billets, qu’il vend à prix d’or aux moins honnêtes de nos citoyens, mais qui ne fonctionnent pas. Doit 5000 dollars à Al Capone en personne qui, pourtant, semble continuer d’entretenir de bonnes relations avec vous. Fréquentation floue des milieux mafieux. En parallèle, commence à se lancer dans le vrai faux monnayage. En France, est-il besoin de le préciser, est connu pour être l’Homme Qui Vendit La Tour Eiffel, à M. André Poisson, ferrailleur. Usurpation d’identité d’un fonctionnaire de l’état, acceptation de pot-de-vin (qui ne compte pas, je le suppose, vous que vous n’étiez pas vraiment fonctionnaire), conception de faux documents officiels, intimidation et arnaque caractérisée. A le culot de recommencer, mais échoue. Se réfugie aux Etats-Unis et reprend le faux monnayage. Corruption d’agents de l’état. Avec de la fausse monnaie. Faux investissements, falsifications et arnaques diverses. Se fait finalement arrêter par le Service Secret Américain. Condamné à 15 ans à la prison d’Alcatraz au début de ce mois de décembre.

- Pas très concis, votre résumé.

- Et encore. Reste la partie pour laquelle vous n’avez pas été jugé.

- Pour laquelle… quoi ? »

Jefferson saisit un second dossier. Cette fois-ci, il le lut.

« En 1922 et 1923 vous êtes aperçu en présence de plusieurs membres de l’Esprit de Chicago, un Groupe Digne d’Intérêt que notre organisation suit depuis quelques temps déjà, dont Charles F. Derringer, un de leurs leaders. Cette organisation mafieuse est accusée de vendre illégalement des objets aux propriétés… particulières. Je suis certain que vous en avez déjà entendu parler, mais je n’attends pas que vous avouiez quoi que ce soit. En 1921, à bord du transatlantique Le Vigilant, vous arnaquez M. Léonard de Pascillet et lui soutirez 182 francs à l’occasion d’un blackjack truqué. Vous l’ignoriez sans doute, mais De Pascillet est ce que l’on appelle par chez nous un manipulateur de réalité de second degré, capable de modifier les cartes à volonté, s’il le voulait. Egalement capable de vous disperser comme un tas de poussière, s’il le voulait. Que vous soyez revenu de cette croisière en vie est un miracle inexpliqué. En 1924 est retrouvée une fausse machine à billets qui ressemble étrangement à celles de vos arnaques, mais qui semble bel et bien fonctionner par d’autres moyens et à d’autres fins, générant des faux billets ne correspondant à aucune occurrence connue. En 1930, à Paris, vous comptez parmi les spectateurs de la pièce…

- Très bien, très bien. Très bien. Je suis censé être à Alcatraz. Et de toute évidence, je n’y suis pas. Qu’est-ce que vous me voulez ?

- C’est bien simple, Monsieur Lustig. Nous vous voulons. »


« T… Très drôle, Tesla, gargouilla Gémini, un mélange de sang, de sucs et de salive dans la gorge.

Un horrible doute continuait néanmoins de planer au fond de l’âme tourmentée du vieil homme.

« Vous… vous n’êtes pas vraiment mon petit-fils biologique, si ?

- Pauvre con. »

Bonne nouvelle, a priori.

« Et vous n’êtes pas un agent formé non plus, je note. Ce qui veut dire…

- Ce qui veut dire qu’il y a beaucoup de monde d’horizons divers réunis ici, oui.

- Ca n’a pas de sens. »

Et ça n’en avait pas. Le Dr. Tesla n’était qu’un chercheur ordinaire, à la limite du simple technicien. Un homme moderne habité par l’âme d’un mort, certes. Mais pas de quoi rejoindre une bande de cagoulés, armes à la main. Avec un mec du Département de Sécurité Interne ? Ils étaient même censés en douter l’existence, du DSI. Ca n’avait pas de sens. Et les autres ? Agents ? Chercheurs ? Bureaucrates ? Stagiaires ? Dans un regain de panique confuse, l’Italien agita ses mains. La seule conséquence fut de lui rappeler la piqûre. Le B-23. Qui ne faisait pas effet. Et dont on avait clairement énoncé le nom devant lui.

Les chances qu’il s’agisse d’un sérum de vérité auquel il serait immunisé par quelque sorte de magie diminuèrent violemment. Les chances qu’il s’agisse d’un hallucinogène – ou d’un amnésique ; ou d’un aphrodisiaque, pour ce qu’il en savait – augmentèrent tout aussi brutalement.

C’était certainement ça. Parce que la présence de personnel de la Fondation dans un sous-sol de la Fondation le séquestrant, lui, un Niveau 4, n’avait strictement-

Le Dr. Tesla approcha sa chaise de lui et plongea ses yeux dans les siens, et son regard le frappa.
Il avait déjà vu ce regard.

Deux fois.

Et il ne l’oublierait jamais.

Bien sûr que tout ça avait du sens. Aucun problème à enfreindre les règles si les surveillants sont dans le coup. Aucun problème à faire ses sales affaires au sein même du site si les garants du site étaient dans le coup. Tout ce qu’il fallait était un ennemi commun.

Et oh bordel qu’est-ce qu’il était commun.

Péniblement, il tourna la tête, vers Pénélope puis vers Il-Sung. Il se rendit compte qu’il y en avait d’autres, de chaque côté. Une belle lignée de menteurs haut gradés. Payés pour mentir. Séparés du lot, pour pouvoir mieux lui mentir.

Et désormais, le lot était là.

Octavio eu une sensation de froid sous son menton. C’était le bout du canon de l’arme de Tesla, qui s’en servit pour redresser la tête du vieux afin qu’il lui fasse face.

« Ne fais pas l’imbécile. Tu savais que ce moment arriverait, n’est-ce pas ? lâcha le savant réincarné.

- Plus ou moins, oui. Du moins, pour toi.

- Les autres aussi.

- Quels autres ?

- Tout le monde. Mme Rouge ici présente est tombée dans les pommes avant de le dire, mais toi… on ne se débarrasse pas de toi comme ça, n’est-ce pas ?

- Tu leur as dit ? Aux autres ? Ca fait combien de temps que la mémoire t’est revenue ?

- Un moment déjà. Je me souviens depuis bien assez longtemps. Tout du moins c’est toujours resté quelque part, brumeux, latent. Le souvenir de sa mort, ce n’est pas quelque chose qu’on souhaite se remémorer sous la douche. Mais c’est véritablement en croisant ton regard, ces petits yeux méfiants, de très, très près, que je me souviens le mieux. Pour le reste, une recherche Wikipédia suffit. Vous avez beau cramer toute la documentation interne que vous voulez, vous devez bien laisser une part d’Histoire pour occuper les civils. Et, oui, je leur ai expliqué les grandes lignes sur Victor Lustig. »

Quelqu’un, au fond, ricana. C’était totalement déplacé et il était le seul. Il s’arrêta abruptement.

« Et donc c’est toi le leader de tout ce petit monde ?

- Leader ? s’étonna Tesla. Il n’y a pas de leader ici. Tout le monde est le leader. Ou plus exactement, si, il y a un leader. Un désir commun.

- La Vengeance ? « Bouhouhou on nous ment » ? Pathétique. On dirait une bande de… je n’ai même pas la force de faire une comparaison. »

Un éclair blanc, encore. Son menton s’ouvrit. Le sang, du moins le peu qui lui restait, perla.

« Chacun sa raison, édicta paisiblement Tesla. Pour moi, oui, la vengeance. D’autres veulent tout simplement savoir. Tous veulent des excuses. Et le pire, c’est qu’ils ne savent pas forcément ce pour quoi ils veulent des excuses. Ceux-là sont probablement ceux qui les méritent le plus. »

Tout en douleur, Octavio tourna la tête et désigna d’un coup de menton le corps étalé de l’agent mort.

« Maxence Rieter. Agent du DSI. Ancien membre d’exception d’une Force d’Intervention, comme beaucoup d’autres agents du DSI. Persuadé d’y être arrivé après avoir merdé au cours d’une opération avec la FIM Thêta-5, à la fois une rétrogradation et une possibilité de travailler avec ses deux genoux légèrement endommagés, en tout cas trop pour continuer les interventions sur le terrain. Il n’a jamais fait partie de Thêta-5, mais d’Alpha-11. Toute son équipe a été décimée par un simple danger-info. Il entretenait une relation amoureuse et sexuelle avec une autre membre de la même FIM, Sylvia Bertin, qu’il a dû tuer de ses mains alors qu’elle-même cherchait à le tuer sous l’influence du danger-info. Sa « vraie » fiancée avant qu’on ne lui trouve un remplacement, pour lui et son fils. C’était il y a moins de neuf mois. Si certains d’entre vous ici pensent l’avoir connu avant cela, vos souvenirs ont été réécrits. Voilà. C’est ce genre de vérité que vous voulez ?

Il y eut un silence. Tout ça était complètement inventé. C’était un réflexe. Mais ce mensonge n’avait aucune originalité, il faisait même pâle figure par rapport à certaines Réécritures Biographiques. Et aucun assassinat n’y figurait.

« Oui. Oui, nous voulons que nous soient restituées nos Vérités. Et, en plus de cela, nous voulons connaître la Vérité sur vous, Octavio Gémini. Monsieur DCD.

- Sur moi ? Qu’est-ce que ça peut bien vous foutre, que je sois né en 1890 ? »

Un sourire ignoble — certains amateurs d’hyperboles auraient dit 'dément' — déforma le visage du Dr. Tesla. Lentement, il fit basculer sa chaise en direction de son prisonnier jusqu’à être en contact avec lui, front contre front. Puis, tout aussi doucement, il fit glisser sa tête de côté jusqu’à ce que ses lèvres soient au niveau de son oreille. Et il murmura :

« Parce que tu sais mieux que quiconque que la Vérité est l’outil de torture le plus puissant. »


L’agent Emmerson et l’agent Jefferson avaient tous deux des costumes bruns foncés, avec chemise beige et cravate noire. Et d’étranges dispositifs dans leurs oreilles, ce que l’on comprendrait aujourd’hui être des oreillettes un peu moins massives et mal conçues qu’il y avait neuf ans de cela, mais qui n’avaient toujours pas lieu d’être en 1944. Ni en 1945, comme ça le serait d’ici quelques mois. L’attente se faisait longue.

Jefferson sortit quelques dossiers d’un attaché-case. Emmerson les saisit sans les regarder.

« Mr Victor Lustig, reprit-il. Dois-je énumérer la liste de vos crimes ?

- Eh bien, je pense que les trois personnes présentes dans cette salle les connaissent déjà très bien, surtout moi, répondit Lustig, et…

- Victor Lustig. Sous-directeur du Département de Censure et de Désinformation depuis 1935, aussi bien pour la branche américaine que pour la branche française de la Fondation SCP, ce qui complique quelque peu les affaires administratives. Neuf années de mise en danger de l’Humanité…

- Comme vous y allez.

- Depuis la reddition de l’Italie et sa collaboration avec les Alliés en 1943, un certain nombre de documents corroborent et confirment votre rôle d’espion et de collaborateur rapproché au service des forces fascistes italiennes et allemandes dans le cadre de la Guerre Occulte qui fait actuellement toujours rage. Cela inclue la communication d’informations stratégiques concernant la position des sites français de la Fondation SCP, leur organisation, de potentielles failles de sécurité, les effectifs scientifiques et militaires de la Fondation SCP, des informations de niveau d’accréditation 1 à 3 concernant une vingtaine d’objets et d’individus anormaux dont seuls treize sont toujours en notre possession, ainsi que des informations concernant diverses opérations de censure et de désinformation menées par votre département. Des virements bancaires de montants assez colossaux ont pu être observés sur votre compte, ainsi que des traces de communication épistolaire avec des personnes inexistantes, des pseudonymes correspondant au ministre allemand Joseph Goebbels et d’autres employés du Ministère du Reich à l’Education du Peuple et à la Propagande, ainsi que du Ministère de la Culture Populaire, son équivalent italien. Qui d’ailleurs semblait vous promettre une place de choix, du moins avant la reddition italienne.

- Plutôt concis, votre résumé.

- Le Commandement O5 est à l’heure actuelle en train de vous juger. La haute trahison est bien entendue passible d’exécution immédiate, mais certains estiment que vos talents sont malheureusement trop précieux pour être ainsi gâchés, d’autant plus qu’ils seront nécessaires pour dissimuler les traces de la Guerre. Si jamais elle se termine un jour. A titre tout à fait cordial, sachez que le fait qu’il puisse vous rester une porte de sortie me révulse.

- Charmant. »


Voici l’histoire d’un rapport de la Fondation SCP.
Voici l’histoire de tous les rapports de la Fondation SCP.
La musique « The Office » du film Brazil en fond sonore vous est recommandée.

La description de l’objet est bien évidemment prioritaire, et entamée dès la découverte de l’objet. D’abord superficielle et rédigée d’après les premiers rapports d’observation sur le terrain, elle est augmentée lorsque de nouvelles propriétés anormales sont découvertes en laboratoire.

Les procédures de confinement sont établies dès l’entrée de l’objet dans un des sites de stockage de la Fondation. Il existe des procédures de bases, les Patrons, pour les objets de petite taille, les objets de grande taille, les animaux, les végétaux et les humanoïdes.

Le Patron passe entre les mains des Spécialistes en Confinement et connait une série de rajouts censés l’adapter au mieux à l’objet, rajouts souvent si massifs que le Patron disparaît complètement, tel un sucre dans l’eau.

La première description et les premières procédures sont ensuite transmises au Comité de Confinement avec le reste des informations de terrain. C’est le Comité de Confinement qui attribue la Classe du SCP, qui choisit de débloquer ou non le budget pour son confinement et qui sélectionne quel casier, quelle chambre et quel site servira au confinement. Le rapport peut faire un ping-pong de plusieurs semaines entre le Comité de Confinement et les Spécialistes avant qu’ils n’arrivent à un consensus. Les premières esquisses du rapport sont ensuite transmises à l’un des O5 dont c’est la charge de prendre connaissance des dernières entrées.

Les addendas sont divers. Les plus fréquents ajouts sont liés à la découverte de l’objet, à des témoignages civils, à des interviews ou des rapports d’exploration. D’autres sont ajoutés plus tardivement, liés aux incidents causés par l’objet ou aux décisions de la direction. L’ensemble de ces éléments va avoir jusqu’à cinq auteurs différents, les rédigeant à des moments différents. Ils sont collectés et rassemblés par le Chercheur en Chef placé à la tête du projet, rédigés au propre, puis envoyés au Département de la Censure.

Il existe plusieurs cabinets au sein du Département de Censure, qui est lui-même englobé par le Département de Censure et de Désinformation.

Le Cabinet de Censure Formelle est celui qui ██████, afin de supprimer les données personnelles qui ne sont pas pertinentes au sein du rapport, comme les noms du personnel, les citations de certains SCP, ou les dates. Ces informations n’ont rien de risqué en soi, mais mettraient en danger la Fondation si elles tombaient entre de mauvaises mains : les dates permettraient d’établir des connexions avec des événements connus, les noms exposeraient dangereusement certains employés ou des personnages importants.

Le Cabinet de Censure Sensible est celui qui [DONNÉES SUPPRIMÉES], afin de supprimer les données qui présenteraient un risque direct pour les intérêts de la Fondation ou le lecteur lui-même. Cela inclut les passages jugés trop perturbants ou choquants, qui risqueraient d’affecter le moral du lecteur, souvent des drames au sein du personnel, mais également les informations techniques les plus secrètes : composants chimiques censés rester inconnus, passages de textes gênants, détails technologiques qui permettraient de comprendre le schéma global.

Ce qui disparait et ce qui reste est soigneusement choisit en aval par le Comité de l’Information, en collaboration avec le Comité d’Ethique qui choisit ce qu’il ne faut pas dire et avec le Département de Désinformation qui choisit ce qu’il faut cacher.

Les versions originales et non-censurées de chaque document sont scannées, copiées, puis détruites, avant que leur copie ne soit transmise au Département de Archives qui les place au sein d’archives spéciales : à partir de ce point, elles ne seront consultables qu’en cas d’extrême urgence, généralement par des membres du personnel de niveau 4 ou plus.

La copie censurée est ensuite relue et les fautes sont corrigées avant que le rapport ne soit ajouté à la base de données centrale, sur l’intranet de la Fondation, accessible à tous.

Cela vaut aussi, bien évidemment, pour les dossiers des membres du personnel.

« Jessica Cornbell, ici présente, en tant que membre du Département Médical, a accès aux rapports de tout le personnel du site. Mais comment se fier au tien, bien sûr ? Alors nous avons accédé aux archives non-censurées. Procédure inhabituelle mais facilitée lorsqu’une partie du Département des Archives est impliquée dans notre…

- …Conjuration ?

- Conjuration ? Tesla fit rouler le mot dans sa bouche. Oui, très bien, oui. On peut dire que nous sommes là pour conjurer le DCD, comme une malédiction ou un mauvais sort, oui.

- J’aurais surtout juré que vous êtes des cons.

- Octavio, le prisonnier qui sort des insultes sous forme de vannes alors qu’il est à la merci des coups, c’est dépassé. De manière générale tu es dépassé, ceci-dit.

- Je parle, c’est tout ce que je sais faire. Parler et écrire. Tu ne me frappes pas ?

- Je ne prends pas de plaisir à frapper, si c’est ce que tu crois. Quoique tu sois un cas particulier… invitant. Mais je suis un humaniste avant tout. Tout ce que la Censure et la Désinformation ne sont pas. Je crois en l’Humanité.

- On le saura. »

Tesla ne répondit pas. Un autre individu cagoulé amena un dossier. Ou plutôt un porte-document ne contenant qu’une feuille simple. Et essentiellement blanche.

« Plus vierge qu’un membre des Joueurs Contre l’Herbe. Nom : Néant. Niveau d’accréditation : Néant. J’ai particulièrement apprécié le « Né en : Néant. ». Toujours plus honnête que le rapport personnel en ligne rédigé par tes soins, mais tu n’as pas idée d’à quel point j’ai dû me battre pour qu’ils acceptent d’envisager que tu ais techniquement plus de cent-vingt ans. Alors qu’ils l’acceptent volontiers quand c’est mon cas et que j’essaye de le cacher.

- Eh oui. C’est ça, la psychologie humaine.

- La ferme. J’ai raconté ce dont je me souvenais vaguement concernant ma vie précédente et mes rapports avec… Victor Lustig. Pour le reste, il y a les documents historiques. Mais ça ne suffit pas. Non, non. Raconte-nous les années 40.

- Quoi, encore une nouvelle version ? Vous préférez celle où je suis Canadien ou celle où je fonde Aleph ?

- La vraie, et cette fois tu vas la donner. Déjà parce que… »

Gémini grimaça. Derrière lui, quelqu’un – peut-être Jessica – venait de lui planter une seconde aiguille dans le poignet.

« …voilà, déjà parce qu’un véritable sérum de vérité vient de t’être injecté. La première piqure, avec quelques effets secondaires, n’avait pour but que de préparer ton organisme. Les sujets d’expérimentation réagissent… assez mal… au B-24 qui vient tout juste d’entrer en phase de développement. »

…c’était possible, ça ?

« Et ensuite parce que la star de la soirée va bientôt arriver. A vrai dire elle devait être là mais elle n’ai-

Une figure cagoulée entra, escortée par une deuxième, sous le regard sévère des caméras de surveillance.


Emmerson retira les doigts de son oreillette. Jefferson les conserva appuyés.

« Le Commandement a voté. Six votes pour l’exécution. Six votes pour la conservation et l’exploitation. »

Jefferson retira les doigts de son oreillette à son tour. Petit sourire.

« O5-13 tranche. L’exécution l’emporte. »


Tesla fit un signe de la main. Le nouvel arrivant, la nouvelle arrivante, ôta sa cagoule.

« Voilà. Octavio, Polymnie, Polymnie, Octavio. Pour le coup c’est vraiment ta fille. »

C’était impossible, bien évidemment.

Elle avait de grands yeux marrons Et foncés pour des raisons évidentes. et Mais la des cheveux ni vraiment blonds moindre chance, la moindre chance ni vraiment bruns, pour que cela soit qui partaient raides pour commencer à vrai, et…onduler avant d’arriver aux Le épaules. choc figea presque le Directeur du DCD sur Elle place. ressemblait formidablement à sa Immobile. Bouche mère. béante et regard affolé. Elle ressemblait Il était perdu formidablement dans un océan de confusion à l’enfant qui au milieu aurait dû d’une tempête changer de paranoïa, et s’il devait sa vie pour toujours. avoir un radeau, cela devait être les restes de ses C’était trop, anciennes certitudes. trop de pensées d’un coup, Et, quitte à trop faire une de métaphore filée, fatigue, les questions trop de peurs anciens et nouvelles, étaient une centaine de trop de raisons de ne pas fermer vagues le balançant l’œil de la de nuit, tout côté, et trop de les réponses remords et de des rames trop qui brillaient de par leur absence. confusion.

Trop de pensées.

Trop de.

Trop.

Il n’était plus question de rien

faire.
Il en avait déjà fait bien

assez.



Alors le choc figea presque le Directeur du DCD sur place.






Presque.






Dans les faits, le B-24 venait tout juste d’atteindre le cerveau, et il commença à convulser.

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