Mon Enfer

Je remercie le Seigneur que la Fondation SCP m’ait trouvé. Ils prennent bien soin de moi, s’assurent que j’ai des visiteurs, me laissent écouter de la musique. On m’a dit que les autres ne sont pas aussi bien traités que je ne le suis, donc je remercie encore le Seigneur. Mais malgré toute leur hospitalité, ma vie reste un enfer.

J’ai conclu un marché avec quelqu’un il y a de cela bien des années. À cette époque, j’étais jeune et stupide, et je me pensais invincible. J’ai réalisé un rituel d’invocation grâce à un vieux livre, sur un pari. Le livre disait que si le rituel était complété correctement, celui qui l’avait exécuté serait immortel. Donc je l’ai fait, et je l’ai regretté depuis lors.

Les détails exacts de ce qui s’est passé se sont estompés avec les ans, mais à la fin de tout ça, quelque chose a placé une malédiction sur moi, et j’ai commencé à me changer en béton. Au début, j’étais content de ma situation. Immortel et invincible. Ça semblait être la vie parfaite. Je me suis vanté auprès de mes amis à propos du fait que je verrais les derniers instants de la Terre.

Mais alors que le temps passait, je me suis aperçu qu’il m’était de plus en plus difficile de bouger. La panique s’est installée. J’ai désespérément tenté de le dire à mes amis, mais ils ont pensé que j’étais fou. Comme ils me l'ont dit avant que je sois jeté dans un asile, ils avaient joué le jeu au début parce qu'ils pensaient que j'étais ivre. J’étais devenu de trop pour eux, et ils me mirent à l’écart, pour ma propre sécurité.

Pendant un temps, je n’étais pas si mal. Le personnel de l’asile prenait bien soin de moi et essayait sincèrement de m’aider. Cependant, les docteurs et les thérapeutes ont commencé à s’éloigner. Leurs traitements ne pouvaient rien pour moi, et je ne semblais plus avoir besoin de soins. Finalement, quand le dernier estima que j'étais un cas désespéré, ils me jetèrent dans un cachot et m’oublièrent.

À partir de ce jour, ma vie est devenue un véritable enfer. Non, je ne devrais pas dire "ma vie". La vie, c’est être capable de marcher, de manger et de boire et de festoyer. Être conscient de la présence d’autrui et être libre. Mais le temps que j'ai passé là-bas n'était rien de tout cela.

Immortel et invincible. Les deux qualités que j’avais voulu, et moi, prisonnier dans une petite cellule, incapable d’en profiter. À deux doigts de devenir fou, je me suis tourné vers Dieu, priant pour le salut, priant pour que ma malédiction soit levée. Priant pour, un jour, marcher de nouveau en homme libre.

Pendant ce premier séjour en enfer, ça a fonctionné. Je suis resté aussi sain d’esprit que possible, car je savais que Dieu m’accordait un sursis. Et de fait, un jour, des hommes me sortirent de mon isolement. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai connu le Soleil, l’air frais, le visage des autres. Certes, je restais immobile, mais le Seigneur pouvait, non, voulait, réparer ça.

J’avais tort. Peu après ma libération, j’ai été jeté dans une autre cellule plus petite, dans un autre asile. Je pensais que Dieu m’avait sorti de ma cellule pour me tenter avec la perspective de la liberté avant de me jeter plus profondément dans l’abîme. C'est alors que je me suis cru fou. Comme je ne rêvais jamais, mes pensées se manifestaient par des visions. Ou étaient-elles réelles ? Je n'en ai jamais été sûr.

Pensée après pensée, je me tourmentais dans mon cercle privé de l'enfer. Et si le monde s’achevait, et qu’il n’y avait personne autour pour me le dire ? Je serais tout ce qui resterait et ne le saurais jamais. Mon corps resterait le même tandis que le monde pourrirait autour de moi, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à part moi et mes pensées. Et puis celles-ci se décomposeraient, et je serais piégé dans une coquille vide. Je pourrais crier tout mon soûl, mais qui m’entendrait ? Ils me pensaient dingue, et maintenant je l’étais.

Finalement, la Fondation arriva et m’emmena ailleurs. Ils me placèrent dans une chambre sympathique, avec de la musique et des gens et de la lumière. Je garde mes actions extérieures normales, afin de ne pas les effrayer. Que puis-je faire d'autre ?

Mais à l’intérieur, je retournerai sans cesse dans mon propre coin d’enfer, un endroit rempli de rien d’autre que de l’obscurité et de moi-même. Comment puis-je être sûr que je sois parti ? Je devins fou. Parfois, je ne suis plus dans ma chambre, mais de retour en enfer. Un jour, je soupçonne que j'y retournerai, et que j'y resterai.

Si la Fondation est la réalité, je remercie Dieu pour cela. Si mon calvaire est la réalité, alors c'est tout ce qu'il y a. Pas de Fondation, pas de Dieu, rien.

Juste moi et mes pensées. Et l'obscurité.

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