"Hé, Damian ?" demanda-t-elle.
L'homme qui glissait dans le sommeil à côté d'elle bougea.
"Ouais ?"
"Ça ne va pas durer, n'est-ce pas ? Toi et moi ?"
"Vu le taux de renouvellement des agents de FIM, probablement pas ?"
"Alors pourquoi s'embêter ?"
Creed rit.
"Tu veux vraiment parler de ça alors qu'on est sur le point de s'endormir ? La vie est courte, Bea. Je préfère passer le peu de temps libre que j'ai avec quelqu'un qui me comprend, quelqu'un à qui je n'ai pas à mentir tout le temps. En plus, t'es vraiment mignonne."
Elle le sentit embrasser sa joue.
"C'est suffisant ?" demanda-t-il.
"C'est suffisant."
Elle sentit son bras qu'il avait passé autour d'elle resserrer légèrement son étreinte. Elle se rapprocha sans bruit près de lui et plongea dans le sommeil.
L'Agent Beatrice Ross était assise sur un lit dans l'un des dortoirs du personnel du Site-64 ; ses mains étaient bandées et couvertes d'une paire de gants noirs. Elle admirait une petite photographie. Elle la représentait elle et Creed l'hiver précédent, souriant à la caméra, assis près du feu dans un chalet de ski et habillés d'épais pulls. C'était l'une des quelques photos dont elle disposait qui ne montrait qu'eux deux ensemble.
"Ils savaient que tu étais une thaumatologiste. C'était une tentative d'assassinat, Bea."
Les mots de Creed s'introduisirent dans son esprit. Elle grimaça et posa la photo à l'écart. Un coup retentit à la porte.
"C'est ouvert," cria-t-elle.
Une femme plus âgée avec des cheveux bruns coiffés en queue de cheval et habillée d'un uniforme de l'administration du site glissa sa tête dans l'embrasure de la porte. Une paire de lunettes à montures marron couvraient ses yeux bleus qui scannaient les lieux. Elle fit un sourire sympathique lorsque son regard rencontra celui de Ross.
"J'adore voir tout l'argent qu'on met dans ces dortoirs." gloussa l'Assistante Directeur Merlo. "Comment tu tiens le coup ?"
Ross haussa les épaules.
"Je m'en fiche. Ce n'est pas comme si je passais beaucoup de temps dans mon vrai appartement de toute façon."
"En effet." Merlo regarda les mains de Ross. "J'ai rendu visite à Creed aujourd'hui. Tu es probablement la seule raison pour laquelle il a survécu aux coups de feu. Comment vont tes mains ?"
Ross fronça brièvement des sourcils. Elle remua ses doigts afin de démontrer leur fonctionnalité.
"Engelures. Rien qu'un traitement régulier ne puisse régler avec du temps," répondit Ross. "Est-ce qu'ils ont dit combien de temps il va rester hors-service ?"
"Il a pris trois balles et a perdu beaucoup de sang," gloussa de nouveau Merlo. "Il s'en sortira, mais tu peux être certaine de rester aux commandes de Tau-51 pendant un peu de temps."
Ross hocha la tête, puis regarda le sol en silence. Merlo s'approcha et s'assit à côté d'elle sur le lit.
"Depuis combien de temps ?" demanda Merlo.
"Quoi ?"
"Toi et Creed. Depuis combien de temps ?"
"Deux ans en juin. On a essayé de garder ça aussi secret que possible." Le regard de Ross restait fixé au sol. "Tu vas me faire la leçon, Sasha ?"
"Honnêtement, avec qui tu sors n'est pas vraiment ma préoccupation en ce moment," dit Merlo en haussant des épaules. "Ce qui me préoccupe, c'est quel sera ton prochain coup."
"Je n'en ai pas." soupira Ross. "Toutes les pistes sont des impasses. Jusqu'à ce que Spencer décide qu'obtenir un mandat pour les suspects à Trois Ports mérite son temps, tout ce que nous avons, c'est trois corps d'aspirants assassins et à peu près un mégagramme de Poussière de Spiritisme. Pas grand-chose-"
Ross s'arrêta. Elle leva des yeux écarquillés par une idée.
"Les corps d'assassins et de la Poussière de Spiritisme," répéta-t-elle.
Merlo arbora un rictus.
"Je vais commencer à préparer la paperasse."
=Fondation SCP=
QG du Haut Commandement
Bureau du Conseil des Superviseurs
Assistante Directeur Merlo,
L'utilisation par vos soins de la substance familièrement dénommée "Poussière de Spiritisme" à des fins d'investigation a été, avec hésitation, approuvée à neuf voix contre quatre. Je me dois de vous informer que cette décision suit une recommandation à trois contre un en faveur de votre plan par le Comité d'Éthique du Site-64. En raison de sa potentielle utilisation dans le confinement de menaces additionnelles au consensus de la normalité, le Conseil délibère actuellement sur une possible reclassification de la substance en Thaumiel, délibération qui devrait aboutir positivement. Soyez préparée à remplir les éléments administratifs associés de votre côté.
Bonne chance.
O5-3
Sécuriser. Confiner. Protéger.
L'Agent Ross laissa échapper une profonde respiration et regarda la petite fiole de poudre bleu électrique dans ses mains, puis le brancard de l'autre côté de la chambre de test, sur lequel un sac mortuaire avait été soigneusement placé. En fermant les yeux, elle pressa la fiole contre sa narine et inhala d'un coup sec. Elle sentit un petit picotement au fond de sa gorge, mais la pièce resta en dehors de cela silencieuse.
"B-bonjour ?"
Ross se tourna au son d'une voix grave et profonde. Un homme se tenait près du brancard ; il était habillé d'une longue cape noire et sa silhouette entière était de couleur sépia. Sur son torse, une grande marque de brûlure était visible là où l'éclair l'avait frappé. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il reconnut Ross, et il porta immédiatement sa main à la poche intérieure de son manteau.
"Oh merde, c'est vous !" cria-t-il avant d'en sortir un pistolet fantôme.
"Ouais, ça ne vas pas marcher, mon gars," l'interrompit Ross en regardant l'homme lever son arme et appuyer sur la détente. L'arme tira, mais aucune balle ne sortit du canon. L'homme laissa échapper un cri perçant ; ses mains tremblaient alors qu'il tentait de tirer encore, et encore, et encore. L'arme finit par cliqueter dans le vide.
"T'as fini ?" demanda Ross.
L'homme répondit en laissant échapper un hurlement colérique avant de charger dans sa direction. Lors du contact, Ross sentit son corps entier être pénétré par le froid. L'homme disparut et réapparut de l'autre côté de la pièce.
"Et maintenant ?"
L'homme regarda Ross, sa bouche béante de terreur.
"Bordel de merde, qu'est-ce qui se passe ?!? Où est-ce que je suis ? Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Vous êtes qui, merde ?"
Ross soupira et se dirigea en direction du brancard ; elle ouvrit le sac mortuaire afin de révéler le corps à l'intérieur.
"Tu es mort, mon ami," répondit Ross en montrant à l'homme son propre visage. "Toi et tes potes avez essayé de me tuer, ainsi que mon commandant. Vraiment une très mauvaise décision. Je te parle grâce à une prise de Poussière de Spiritisme."
L'homme baissa les yeux en direction de son torse et toucha du doigt sa marque de brûlure. Ses yeux s'écarquillèrent et ses genoux se dérobèrent. Des larmes s'échappèrent de ses yeux et il commença à frapper violemment la brûlure.
"Non," marmonna-t-il. "Non. Non. Non ! NON ! NON ! NON !"
Avec un cri profond et guttural, l'homme plaça sa tête dans ses mains.
"Oh mon dieu, Donna, je suis tellement désolé !" gémit-il. "J'ai merdé. J'ai tellement merdé."
Ross attendait en silence. Après quelques instants, l'homme se calma ; ses pleurs de lamentation se transformèrent en sanglots périodiques.
"Quel est ton nom ?" demanda-t-elle en approchant de l'épave en sépia.
"Allez vous faire foutre, madame." Il recula.
"Très bien. Eh bien, Allez Vous Faire Foutre, nous sommes prêts à te proposer un marché. Dis-nous le nom et l'adresse de celui qui t'a engagé pour venir s'occuper de mon collègue et moi, et nous écrirons une lettre que tu pourras laisser à tes proches. Pour faire tes adieux."
"Madame, même si j'voulais vous dire quoique ce soit, le contrat que j'ai reçu était rempli de geis, j'peux rien vous dire."
Ross cligna des yeux.
"Cher ami." Elle soupira. "Tu es mort. Tu n'es plus lié par ce genre de choses désormais. La plupart des gens ne s'attend pas à ce que la personne sous geis agisse contre elle une fois qu'elle a arrêté de respirer."
L'homme tomba dans le silence. Il renifla puis leva les yeux en essuyant les larmes qui s'y trouvaient encore.
"Vous avez quelque chose pour écrire ?" demanda-t-il.
"Spencer à l'appareil."
L'Agent de l'U2I Kenneth Spencer ne fit aucune tentative pour cacher le mépris dans sa voix. Dès qu'il avait vu le numéro de Spicy Crust Pizza apparaître sur son téléphone de bureau, il avait su qu'il ne s'agirait pas d'un appel téléphonique agréable.
"Salut, Ken."
"Sasha. Que me vaut ce plaisir ?"
"Eh bien, comme tu ne veux même pas donner l'heure à Creed et Ross, je me suis dit que j'allais te passer un coup de fil, mon vieil ami."
"Très bien. Écoute, je leur ai déjà dit à tous les deux que jusqu'à ce que la Juge Jelen signe le mandat-"
"Des aspirants assassins ont tiré sur Creed il y a trois jours dans l'Oregon," l'interrompit Merlo. "Figure-toi que non seulement ils savaient qu'il était de la Fondation, mais qu'ils étaient aussi connectés au fournisseur de Poussière de Spiritisme. Donc maintenant, non seulement une substance anormale quitte ta juridiction en masse, mais en plus des gens meurent parce que tu restes assis sur la dernière piste par pure malveillance. Tu n'aimes pas la Fondation, très bien, Ken. Je comprends. Nous ne sommes pas des gens très aimables. Mais cette bombe va finir par exploser, et je peux t'assurer que ça sera moche à voir si tu es encore assis dessus à ce moment !"
Silence de l'autre côté de la ligne. Spencer s'éclaircit la gorge.
"Nous ne sommes pas vos garçons de courses, Merlo." Sa voix était calme. "Je ne peux pas disparaître dans les ténèbres sans être inquiété si tout foire. Donc, si ça ne te dérange pas, je vais un peu me préparer avant de commencer à lancer des raids sur des entrepôts au hasard dans le quartier maxwelliste."
"Si tu n'agis pas, quelqu'un le fera."
Spencer laissa échapper un grognement amusé.
"Menacer de lancer une guerre occulte parce que tu n'aimes pas la procédure officielle, ce n'est pas une bonne idée, même venant de toi, Sasha."
"Ne me ressors pas cette excuse de procédure officielle. Tu essayes de gagner du temps et nous le savons tous les deux," répondit Merlo. "Ces gens tirent sur mes agents, Ken. Ce n'est plus un crime sans victime. Et s'ils sont prêts à cibler des skippers, ils n'auront sans doute aucun scrupule à attaquer des fédéraux. Bientôt, ça pourrait être toi dans la ligne de mire. Ou Thorne."
Silence, de nouveau, de l'autre côté de la ligne.
"Écoute." soupira Merlo. "J'ai un nom, un croquis et une adresse pour toi. Tous obtenus auprès d'un des aspirants assassins. Ils arriveront par les moyens habituels dans peu de temps. Je t'encourage fortement à en faire quelque chose."
"Je ne te promets rien."
Spencer raccrocha.
Extrait de "The Three Portlands Investigator"
15 avril 2022
Q
artier Maxwelliste - 15 avril 2022 À approximativement 13:00 HdE, des équipes d'intervention du FBI ont lancé un raid sur l'un des nombreux entrepôts du quartier, après qu'un tuyau anonyme eut suggéré que l'endroit servait de site non-enregistré de fabrication et de distribution de Poussière de Spiritisme…
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