Maruta 87

Set fire to the altar
middle finger to the sun
no time for the sacred
no one to save me when I'm done
took me down to the water
tried to wash it all away
I wait for forgiveness
and in the dark I stay

Brace my soul
cause theres no good
in the place I'm going
pray for light

We all got a little bit of devil inside
ah ah ah ah ah
We all got a little bit of devil inside
ah ah ah ah ah
tearing you apart in the middle of the night
ah ah ah ah ah
they could bury us alive with the things we hide
we all got a little bit of devil inside

Hey momma can you save me
how many nights will it take
cause I stared down the hell fire
its been keeping me awake
maybe I was born a sinner
I might never be a saint
its ice cold in the shadows
one foot in the grave

Brace my soul
cause theres no good
in the place I'm going
pray for light

We all got a little bit of devil inside
ah ah ah ah ah
We all got a little bit of devil inside
ah ah ah ah ah
tearing you apart in the middle of the night
ah ah ah ah ah
they could bury us alive with the things we hide
we all got a little bit of devil inside

Brace my soul
cause heavens to far
and I lost my way
pray for light

We all got a little bit of devil inside
ah ah ah ah ah
we all got a little bit of devil inside
ah ah ah ah ah
tearing you apart in the middle of the night
ah ah ah ah ah
they could bury us alive with the things we hide
we all got a little bit of devil inside

CRMNL - Devil Inside


Unité 731, district de Pingfang, Mandchourie. Dimension Driscoll - 09/06/1939, 08h15.

Kawa Tamo faisait sa ronde matinale. Il fallait vérifier combien de maruta1 devaient être remplacés. Les numéros 45 à 86 étaient déjà hors-service. Les remplacements suivraient sous peu, lors de la prochaine livraison. Le maruta 87 n'allait probablement pas tarder. Il nota distraitement ses observations avant de passer à la cellule suivante, fronçant tout de même le nez sous l'odeur atroce qui se dégageait de la cellule.


Unité 731, district de Pingfang, Mandchourie. Dimension Driscoll - 23/05/1944, 04h18.

Omioh Hide faisait sa ronde nocturne. Il y avait peu de choses à noter, les maruta n'étaient remplacés que le matin. Les numéros 15 à 86 étaient frais et bruyants. 87 était silencieux depuis trois jours, mais la consigne était formelle : interdiction totale d'ouvrir la porte de la cellule ou le judas en étant seul. Il passa rapidement devant la cellule et ralentit. Il cru entendre un grattement à la porte et fut tenté d'aller vérifier, mais il se souvenait de l'état du cadavre de Tamo. Mieux valait continuer sa ronde.


Unité 731, district de Pingfang, Mandchourie. Dimension Driscoll - 10/08/1945, 11h55.

Les Russes approchaient. Les explosions sourdes des canons, que ce soit de l'artillerie ou des tanks, se faisaient déjà entendre au loin. Les ordres du ministère étaient formels : détruire toute trace de l'unité 731 au plus vite, et se disperser. Ils avaient déjà tous reçu une dose de poison à utiliser afin d'éviter la capture.

Restait le problème du maruta 87. Même en faisant exploser le bâtiment, le sujet était capable de s'en tirer. La seule solution était de lui injecter le composé 347, mais même là il n'y avait aucune garantie que ça fonctionne.
Nakaya Shiru avait été désigné pour faire l'injection. Un seul soldat l'accompagnait, armé d'un lance-flamme. Les fusils ne suffisaient pas, Hide en avait fait les frais. Ils marchaient d'un pas vif, le temps pressait. Arrivés devant la cellule, il se positionna près du judas circulaire et attendit que son compagnon lui fasse un signe de tête. Il ouvrit le judas et s'éloigna le temps que le soldat place la gueule de son lance-flamme dans l'ouverture et presse la détente.

Les cris étaient effrayants, emplis de colère plus que de souffrance, dignes d'un oni.

Le soldat tira trois fois dans la cellule, pour être sûr. Il s'éloigna et, sans ranger son arme, fit un signe de tête à Shiru. Ce dernier enfila un gant ignifugé et ouvrit la porte de la cellule. L'appel d'air fut rapide. Le maruta, carbonisé, bougeait encore. Quel dommage de devoir détruire cette expérience, vraiment. C'était l'aboutissement d'années de recherches en collaboration avec le Reich.


Archives techniques, réserve 3, Site-Ansuz. Dimension Driscoll - 18/02/2015, 14h25.

- Hey, Flamme.

- Quoi ?

- Qu'est-ce qu'il se passe quand un ingénieur bourré mélange une lance-thermique avec un lance-flamme et…

Il y eu une série de bruits métalliques pendant que Sui Xu-Fei fouillait la caisse.

- … Et des éléments anormaux ?

- J'en sais rien moi. Un énième prototype inutilisable sur le terrain ?

- Une rôtissoire à soldats portative ! Ha ha ha !

Vivianne "Flamme" Brewilh laissa échapper un soupir et se tenta de se concentrer sur les documents étalés devant elle. Finalement la curiosité l'emporta.

- Hey Sui.

- Ouiiiiiii ?

- Fais voir ce lance-flamme.

- Je savais que tu craquerais. Attrape.

La chinoise fit glisser la caisse avec son pied. Le prototype était nommé "DIA²", acronyme extrêmement original pour le nom tout aussi original de "Dispositif Incendiaire Anormal Autonome". Viviane ne s'embêta pas à lire le reste de l'étiquette et porta son attention sur l'objet. De couleur gris métallique, il était long d'environ 70 centimètres, composé d'un corps rectangulaire d'environ 50 centimètres et d'un tube de 20 centimètres dont la gueule se terminait par ce qui ressemblait beaucoup à une tuyère de réacteur d'avion de chasse. Contrairement à la plupart des armes, la poignée se situait au-dessus du corps. Il fallait visiblement fixer l'arme sur son avant-bras. Pour peu que son fonctionnement soit similaire à celui d'un réacteur, c'était peut-être une nécessité en raison du recul.
Pendant que Viviane observait le prototype, Sui expliqua.

- D'après la documentation, l'idée était de créer un genre d'arme thermique multi-usage, ou du moins un prototype, qui n'aurait pas nécessité de munition. Pour l'élimination, la décontamination et visiblement le découpage de parois métalliques.

- Faut vraiment ne jamais avoir mis les pieds sur le terrain pour s'imaginer qu'un soldat veuille de ce truc. Comment ça fonctionne sans munition, y'a pas de carburant ?

- Nope, j'ai pas tout compris au blabla technique, mais en résumé l'arme utilise l'oxygène ambiant pour générer une flamme et une partie de la chaleur pour s'auto-alimenter en électricité.

- Tu peux pas avoir une flamme avec juste de l'oxygène. Ni générer plus d'énergie que tu n'en consommes.

- Je sais, mais c'est là que les composants anormaux semblent entrer en jeu. Visiblement les ingénieurs qui ont planché là dessus ont réglé ces soucis, ce truc fout littéralement le feu à l'air ambiant dans une chambre spéciale avant de projeter ça par le canon façon lance-flamme ou lance thermique, selon le réglage.

- Wah… Et si cette beauté prend la poussière ici, c'est que quelque chose a horriblement foiré pendant les essais.

- Surprenamment, non. Le prototype a passé quasi tous les tests techniques avec brio. En revanche, les déperditions de chaleur sont telles que si l'utilisateur n'est pas en combi ignifugée avec un système de refroidissement intégré, il cuit sur place en commençant par les mains.

- Aïe. Ils ont abandonné le projet pour ça ?

- Nan, ils ont jamais réussi à régler le plus gros souci : la portée ne va pas au delà de deux-trois mètres, à cause des déperditions de chaleur, justement.

- Ah. Gênant pour un lance-flamme, en effet.

- Il semble qu'ils ont voulu en faire un outil mais au final le service technique leur a dit qu'ils étaient bien gentils mais que les techniciens étaient déjà entraînés avec des outils normaux qui ont l'avantage d'être nettement moins dangereux. Du coup, projet terminé, archivé, un seul prototype en état de marche remisé dans les archives.

- Classique.

- Je parie que tu pourrais l'utiliser.

- Sans doute, mais j'en vois toujours pas l'intérêt.

- Foutre le feu ?

- J'peux faire pareil avec un briquet.

- Foutre le feu à grande échelle ?

- J'peux faire pareil avec du napalm.

- Sans napalm.

- C'est moins drôle sans napalm.

La phrase était une private joke, faisant référence à une ancienne mission qu'avaient effectuée les deux femmes. Elles rirent toutes les deux. Viviane s'adossa contre un mur, jouant machinalement avec la longue tresse rousse qui trônait dans son dos. Ses yeux bleus-verts se levèrent vers le plafond. Son visage fin était orné de taches de rousseur presque masquées par la couche de poussière ambiante.
Elle bailla.

- J'me fais chier, putain.

Le rire cristallin de Sui lui répondit. La chinoise, vêtue d'une Qipao2 bleue ciel, avait les cheveux noirs, portés longs, un visage doux, indubitablement asiatique et les yeux noirs. Elle était petite, environ un mètre cinquante, soit vingt centimètres de moins que Viviane, et particulièrement maigre, presque anorexique. Elle rangea une énième caisse en carton dans le compactus, une grande armoire sur rails utilisée pour économiser de la place dans les réserves archivistiques ou bibliothécaires, avant de répondre.

- C'était ton idée de fouiller les archives.

- Je sais, je sais.

Viviane avait levé les mains comme pour se rendre. La journée avait débuté normalement, avec l'éternel processus administratif entourant la gestion de la sécurité du Site-Ansuz. N'ayant rien de mieux à faire, la FCM3 Algiz-5 "Bois d'if" étant au repos, Sui s'était improvisée assistante pour la journée. Elle s'était révélée être surprenamment efficace, apportant une aide précieuse à la directrice de la sécurité. Elles avaient découvert une entrée corrompue dans la base de données, qui avait visiblement échappé à toute vérification. Au lieu d'envoyer n'importe quel subalterne chercher le document manquant, Viviane avait décidé d'aller fouiller les archives en personne, espérant trouver là une échappatoire temporaire à l'ennui administratif du jour. Cela faisait une demi-heure qu'elles fouillaient les compactus sans trouver le document manquant. Sui vint s'adosser à ses côtés.

- Peut-être qu'il n'est pas ici ?

Viviane se prit la tête entre les mains en laissant échapper un gémissement plaintif.

- Noooooon… J'ai pas envie de me taper le site-Jēran pour un document de merde.

- Tu sais que tu n'es pas obligée d'y aller physiquement ? Tu peux juste faire une demande.

- Mrf. Ça va prendre une plombe.

- C'est si grave que ça ? C'est pas comme si le document était important.

- Non, c'est pas si grave, mais ça m'emmerde.

- Écoute, au pire je peux y aller rapidement.

- Mmmh. Ça t'emmerdes pas trop ?

- Pas plus que ça, mais tu m'en devras une.

- Une de plus ou de moins.

- Allez, retourne dans ton bureau, sers toi un café et pose toi. J'vais choper une autorisation et je te ramène ce foutu document demain midi.

- Merci, Sui.

Elles sortirent de la réserve, puis du bâtiment administratif et montèrent dans la jeep qui leur servait à se déplacer sur le site, Viviane à la place du conducteur. Il faisait froid, même avec leurs vestes. Pendant que la conductrice manœuvrait, Sui activa le chauffage.
Elles firent la moitié du chemin vers le centre névralgique de la sécurité du site, avant que Viviane ne fasse un détour pour aller se parquer devant l'héliport. Sui arbora un petit sourire en coin avant de demander :

- J'en déduis que tu vas t'occuper de l'autorisation ?

- C'est la moindre des choses. Et puis ça ira plus vite si je m'en charge.


D152, Marlanval, France . Dimension Driscoll - 18/02/2015, 18h45.

La route était déserte depuis un petit moment. La voiture, une Renault ZOE grise, était électrique et silencieuse. Sui tapotait sur le volant au rythme d'une chanson passant à la radio. Elle aperçut au loin une camionnette rouge arrêtée sur le bas-côté, le capot ouvert. Le conducteur était occupé à placer son triangle réfléchissant et, voyant Sui arriver, lui fit un grand geste de la main. Elle lui fit un appel de phare en retour et ralentit pour se parquer devant la voiture. Avant de sortir, elle ouvrit la boîte à gant et récupéra un pistolet qu'elle rangea dans un holster d'épaule porté au dessus de sa robe. Elle prit sa veste et prit soin de l'enfiler avant de sortir de la voiture afin de ne pas montrer son arme au civil en panne. Elle se crispa légèrement en entendant le civil lui adresser la parole. Il avait un accent japonais prononcé. Il s'inclina comme pour s'excuser.

- Bonjour, désolé d'interrompre votre voyage, mais comme vous pouvez le voir je suis en panne.

- Bonjour, pas de souci voyons. Vous avez appelé une dépanneuse ?

- Je suis arrivé en France récemment, je ne connais pas le numéro.

Elle soupira intérieurement et se força à sourire. La tête du civil ne lui revenait pas, mais elle avait ça avec tous les japonais.

- Je vais en appeler une, attendez un peu.

Elle dégaina son téléphone portable et commença à composer le numéro.

- C'est très gentil à vous… Maruta 87.

Son cœur se mit a battre à tout rompre. Elle lâcha son téléphone sans plus de cérémonie et dégaina son pistolet d'un mouvement fluide.

Avant qu'elle ne puisse faire quoique ce soit d'autre, la voiture du civil explosa violemment.


Bureau de la directrice de la sécurité, Site-Ansuz. Dimension Driscoll - 18/02/2015, 20h53.

Viviane raccrocha et regarda l'écran du téléphone de longues secondes. Sui aurait dû arriver au site site-Jēran depuis au moins une heure et demie. Inquiète, elle se loga rapidement sur le terminal de tracking des véhicules de la Fondation et tapa "FCM Algiz-5" pour trier les véhicules affectés aux membres de ladite FCM. Le plus récent était une voiture électrique de la marque Renault. Elle cliqua sur le matricule du véhicule pour afficher sa position.

Son inquiétude se mua en angoisse.

La voiture de Sui était immobile. Pire, elle n'avait pas bougé depuis environ 18h55.

- Merde…

Elle composa précipitamment un autre numéro. La voix qui lui répondit après deux sonneries était vibrante. Viviane put décerner une autre voix en arrière plan, très certainement celle de Nada.

- Neca à l'appareil, j'espère que tu as une bonne raison pour m'interr-…

- Il est arrivé quelque chose à Sui.

- Quoi ?

- Désolée d'interrompre ta soirée mais c'est une urgence, j'ai besoin d'Algiz-5, je vous rejoins au Cirque dans cinq minutes.

- Reçu.


Zone d'habitat spécialisé Ansuz-5, Section des anormaux humanoïdes, "Le Cirque", Site-Ansuz. Dimension Driscoll - 18/02/2015, 20h54.

Necuhal "Neca" Manango, adjudante dans la FCM Algiz-5, avait espéré passer une soirée romantique avec Nada, sa compagne. En temps normal, elle aurait râlé que ses obligations militaires l'empêchent d'en profiter. Mais il était arrivé quelque chose à un membre de la FCM, aussi elle avait immédiatement basculé en mode professionnel. Elle s'était levée du lit et avait enfilé la première tenue venue, un simple pyjama. Elle faisait un mètre soixante-cinq et pesait environ soixante-quatre kilos. Plutôt large d'épaules, elle avait les cheveux courts, noirs avec une pointe orangée, légèrement hérissés. Sa peau était cuivrée, parsemée de poils clairs légèrement orangés, surtout au niveau de son dos, de ses avant-bras et de ses jambes. Des poils urticants. Son visage était légèrement joufflu, la faute aux deux chélicères rétractiles situés de part et d'autres de sa mâchoire. Elle affichait un air inquiet. Ses yeux marrons se posèrent sur sa compagne. Nada al-Kharai, soldate dans la même FCM, mais surtout la femme partageant sa vie depuis cinq ans, la regardait de ses grands yeux argentés avec une pupille en W, l'air surprise. Ses tentacules crâniens s'agitaient un peu, leurs motifs changeants indiquant qu'elle était légèrement tendue. Elle était un peu plus petite, faisant un mètre cinquante huit. Plus légère aussi, avec cinquante six kilos. Sa peau légèrement caoutchouteuse était totalement dépourvue de pilosité et avait une teinte proche de celle des draps, beige, tout en étant parsemée de motifs sombres se modifiant lentement.

- C'était Flamme, apparemment quelque chose est arrivé à Sui.

- Oh merde.

Nada oublia immédiatement sa déception et quitta le lit pour enfiler, à son tour, son pyjama. Neca ne put s'empêcher de sourire et de l'interrompre pour la serrer dans ses bras et déposer un baiser sur ses lèvres.

- Je t'aime.

- Moi aussi.

Elles quittèrent leur chambre d'un pas vif et traversèrent le couloir menant à la salle commune de l'habitat. Salle qu'elles traversèrent en vitesse, sous le regard interrogateur des quelques membres qui y étaient. Elles atteignirent l'entrée du bâtiment et y attendirent Viviane. Cette dernière arriva en trombe, faisant déraper la jeep de service devant le bâtiment et courant pour entrer.

- Salle de briefing, maintenant.

La salle de briefing ressemblait fortement à une simple salle de classe high-tech, dotée de bancs avec des prises de courant, de chaises et d'un écran large en lieu et place de tableau. Viviane exposa rapidement la situation :

- Sui est partie du Site-Ansuz aujourd'hui vers quinze heures, elle devait se rendre au Site-Jēran et aurait dû y arriver vers dix-neuf heures. Son véhicule est immobile sur la route depuis dix-huit heures cinquante cinq, à environ dix kilomètres du site.

Tout en parlant, elle avait allumé un ordinateur et s'y était loggée. Elle pianota sur le clavier et afficha une vue satellite du véhicule. Neca intervint.

- Le véhicule est immobile depuis tout ce temps. Il doit être planqué, quelqu'un aurait du le voir. Si c'est le cas c'est que Sui a été attaquée.

- Elle a été attaquée, regarde.

Viviane lança l'enregistrement que la caméra arrière de la voiture avait capturé.

Un homme asiatique parlait avec Sui, désignant le capot ouvert de sa camionnette, une Peugeot Expert. Sui prit son téléphone et se détourna quelque peu. L'homme avait visiblement dit quelque chose, car Sui lâcha son téléphone pour dégainer, l'air furieuse. Un flash aveugla la caméra. L'homme avait jeté une grenade au pieds de Sui, juste avant de s'abriter. Sui fut projetée sur la route, couverte de sang et sonnée. L'inconnu se releva rapidement et dégaina à son tour une arme de poing. Il fit feu à trois reprises sur Sui, puis dégaina plusieurs entraves métalliques, un modèle carcéral. Sans perdre de temps, il menotta les bras et les jambes de la chinoise et lui passa des lanières de chantier autour des membres pour l'empêcher de bouger. Il la jeta sans ménagement à l'arrière de sa camionnette, avant de se diriger vers la Renault ZOE. Le véhicule se mit en mouvement et, comme l'avait prédit Neca, alla dans le bas-côté de la route. L'inconnu alla chercher un filet de camouflage dans le coffre de sa voiture et le jeta sur la voiture de Sui, obscurcissant la caméra. Viviane coupa la rediffusion. Neca et Nada affichaient un air songeur. L'adjudante reprit.

- Il connaissait Sui, ou quelque chose en lien avec son passé. Elle n'aurait jamais réagi comme ça autrement.

Nada intervint, ses yeux et sa compréhension particulière des espaces lui permettaient de lire sur les lèvres avec aisance :

- Maruta quelque chose. C'est ce qu'il a dit pour la faire réagir.

- Maruta 87, c'était son matricule dans l'unité 731.

Neca jura avant de continuer :

- Ça veut dire que son agresseur est un nostalgique du Japon Impérial. Il n'a même pas bougé quand la grenade a explosé et il n'a pas l'air de porter une protection auditive. Il est probablement anormal. L'agression manquait de préparation et il ne semble pas avoir eu de renfort. Un acte improvisé ?

Viviane hocha la tête.

- S'il connaissait Sui ou s'il avait préparé son coup, il n'aurait jamais agi seul. On ne peut tout de même pas écarter l'hypothèse d'un coup préparé à l'avance, même à l'arrache. Mais ce qui m'inquiète c'est s'il a un lien avec l'Unité 731.

- Il pourrait vouloir finir le travail.

Neca se releva.

- On doit agir vite. Petite équipe, rien de trop voyant mais de la puissance de feu tout de même. Nada, moi, Sébastien et Pauline.

Viviane intervint, l'air déterminée.

- Je viens avec.

- Ok. Toi, Nada, Pauline et moi.

L'adjudante fit un rapide signe de tête à compagne. Nada se releva et sorti de la pièce pour aller chercher Pauline "Greyja" Liona. Neca s'autorisa un petit sourire pour détendre l'atmosphère.

- Sortie entre filles pour aller casser du criminel de guerre, donc.

Viviane n'afficha qu'un très léger sourire en réponse, toujours inquiète.


Marlanval, France. Dimension Driscoll - 18/02/2015, 21h28.

Shirō avait attaché Sui à l'intérieur de la camionnette. C'était du travail improvisé, bâclé même, mais il avait dû agir vite. Il avait veillé à ce que les sangles soient solidement maintenues ; le maruta ne s'échapperait ni facilement, ni rapidement. Il avait conduit la camionnette au cœur des bois afin de ne pas être dérangé.

- Je suis étonné, maruta 87. Tomber sur toi en France suite à une panne sur la route. C'est sûrement le destin, mais imagine ma surprise.

Elle ne répondit pas, se contentant de le regarder avec haine. Elle avait le visage en sang, mais ses blessures étaient déjà régénérées.

- Tu étais une expérience prometteuse. Ton utilisation nous aurait donné la victoire, tu sais. Dommage que les Russes ait progressé plus vite. Mais rassure-toi, j'ai toujours le composé 349 sur moi. On ne l'a pas essayé sur toi, celui-ci, mais j'ai bon espoir qu'il te maintienne au calme.

- Vas-y, essaye. Cao ni zuzong shiba dai4 !

- Toujours cette langue barbare. Sache, je n'ai pas attendu que tu régénères pour te faire l'injection. J'attendais que tu te réveilles pour débuter les tests.

Elle se tendit, essayant de forcer les sangles.

- Toujours aussi énergique.

Il prit une petite pochette en cuir noir et l'ouvrit, révélant un petit kit d'outils médicaux. Il y piocha un scalpel et releva la manche de sa chemise.

- Saches que tous les résultats de ton anomalie n'ont pas été inutiles.

D'un geste fluide et vif, il s'entailla l'avant-bras. Une ligne de sang y apparut, commença à couler avant de refluer. En quelques secondes, la plaie avait disparu, sans laisser la moindre trace de sang.

- J'ai pu perfectionner en partie le processus, mais il me manque encore des données.

Un sourire froid se dessina sur son visage tandis qu'il se pencha vers elle, le scalpel pointé vers sa gorge.


D152, Marlanval, France . Dimension Driscoll - 19/02/2015, 00h29.

L'hélicoptère, un H225M Caracal, se stabilisa au dessus de la route. Le pilote fit un rapide signe aux passagers. L'un des soldats ouvrit la porte latérale et fit un dernier check du système de descente en rappel des quatre agents. Quelques secondes plus tard, Nada et Neca se laissaient tomber, ralentissant leur chute à l'aide des cordes. Elles touchèrent le sol presque en même temps, se dégagèrent et, fusil d'assaut à l'épaule, observèrent le périmètre. Viviane et Pauline les suivirent rapidement. Une fois les quatre agentes au sol, l'hélicoptère repartit. Les pilotes et le contingent de soldats à bord avaient comme consigne de se poser non loin et de se mettre en stand-by. Ils devaient servir de renfort si jamais les forces ennemies devaient dépasser les forces de quatre opératrices anormales de la FCM Algiz-5. La petite équipe avait l'avantage d'être discrète et autonome.

Elles étaient toutes vêtues de la même tenue, un dérivé du GIGN : un casque noir, un gilet tactique pare-balle noir, une veste et un pantalon noirs ainsi qu'une paire de chaussures noires. Neca et Nada avaient un FAMAS, un Glock 17 ainsi qu'une paire de couteaux de combat. Viviane avait troqué son FAMAS contre un appareil inconnu, mais conservait le Glock 17 et le couteau de combat. Pauline, enfin, n'avait que le Glock 17 et une machette.
Tandis que Viviane, escortée par Neca et Nada, s'approchait de la Renault ZOE maladroitement camouflée, Pauline scanna rapidement les environs en étendant sa conscience.

- Personne dans le secteur. Je cherche des traces.

Elle se déplaça rapidement vers l'endroit où elle avait vu l'inconnu agresser Sui. Elle posa la main au sol et marmonna une incantation, étendant ses perceptions au delà du voile dardant ses yeux devenus intégralement noirs sur la route. Au bout d'une minute, elle revint vers ses collègues.

- J'ai une direction.

Viviane répondit vivement.

- Quelle distance ?

- Deux, peut-être trois kilomètres. La voiture est en état de rouler ?

- Oui, mais on va perdre du temps pour la dégager.

- Je m'en occupe, éloignez-vous.

Elle étendit les bras et entama une mélopée. De nombreux craquements de bois se firent entendre, tandis que des racines et des branches soulevèrent la voiture, non sans ruiner sa peinture. L'amas végétal repoussa le véhicule sur la route avant de replonger sous terre. Pauline souffla et s'appuya sur la voiture.

- Tout est ok, Greyja ?

- Pas de souci Flamme, je pourrais récupérer sur le chemin.

- Alors allons-y.

Pauline s'installa à la place du mort, laissant Neca conduire, tandis que Viviane et Nada prenaient les place arrières. La conscience toujours étendue, elle attendait d'être à portée afin de pouvoir établir un lien mental avec Sui.


Vallée de Champlaid, Marlanval, France . Dimension Driscoll - 19/02/2015, 01h03.

Sui émit un gargouillis mouillé, une écume rose sombre lui coulant des lèvres. Le bruit recommença.

Un ricanement.

Le composé 349 n'avait pas détruit ses capacités de régénération, il les avait juste ralenties. Aussi, Shirō attendit de longues minutes que la gorge et les poumons du maruta soient juste assez régénérés pour qu'elle puisse parler. Son élocution était laborieuse, entrecoupée de sifflements et de bruits humides.

- Qu'est-ce qu… qu'il se passe… quand on donne… un prototype… de lance-flamme… à une combattante…

Il soupira et leva les yeux au ciel. Il lui était difficile de dire si le maruta délirait ou essayait de le déconcentrer. Peu importait, il avait récupéré divers échantillons de tissus et les avait soigneusement stockés dans des bocaux. Le maruta continuait de ricaner. Elle devait délirer. Il allait lui sectionner à nouveau les cordes vocales, quand la portière s'ouvrit brutalement et qu'une voix féminine explosa.

- AU SOL, IMMÉDIATEMENT !

Le sourire ensanglanté du maruta s'élargit. Il sentit la panique l'envahir. Il se retourna et se jeta sur la femme, scalpel en avant. Elle bougea surnaturellement vite, l'esquivant sans souci. Elle tenait un couteau dans la main droite et avait relevé sa manche. Avant même que son mouvement d'esquive ne soit terminé, elle frotta vivement sa main gauche sur son avant-bras nu, projetant quelque chose qu'il n'eut pas le temps de regarder en détails. Plusieurs dizaines de poils urticants, véritables harpons microscopiques, se plantèrent dans la peau exposée de son visage et dans ses yeux. Il trébucha et sentit une douleur brûlante lui vriller une cuisse. Son facteur régénérant était déjà en action, mais sa vue était troublée et la douleur l'empêchait de maintenir ses yeux ouverts. Il dégaina son pistolet et chercha son assaillante du regard sans la trouver.

- Cours ! Cours, bâtard d'impérial ! Et dit bonjour à Flamme de ma pa-…

Un vrombissement sourd noya le reste de la phrase de la chinoise.
Viviane portait le DIA² fixé sous son avant-bras droit. Une flamme conique bleue sortait de la gueule de l'arme. Elle grimaça à cause de l'intense chaleur qui se répandit dans son bras, puis pressa le bouton de contrôle pour faire basculer l'arme en mode lance-thermique. Le vrombissement sourd se mua en crépitement sec, tandis que le cône se transforma en gerbe d'étincelles jaunes-orangées, formant une lame lumineuse. La chaleur s'intensifia brutalement. Le recul et la pression kinétique en sortie d'arme était gérable. Elle fondit sur Shirō, déséquilibrée, et lui trancha le bras avec lequel il tenait son arme. La lame trancha le membre sans difficulté et l'odeur de la chair carbonisée emplit immédiatement l'air. Comme Viviane en avait fait l'expérience avec Sui, ce genre de blessures mettait beaucoup plus de temps à se régénérer. Désormais complètement paniqué, le Japonais s'élança dans la forêt, courant maladroitement, déséquilibré par la perte de son bras droit mais gorgé d'adrénaline. Viviane coupa le DIA², jetant un œil à sa main droite.

Le métal de ses doigts avait commencé à rougir.
Sa tenue avait roussi sur tout le côté droit. Heureusement qu'elle avait activé son anomalie pour l'étendre à tout son bras droit. Elle parla, laissant son laryngophone transmettre son message.

- Greyja, Nada, il est à vous.

- Reçu.

Viviane rejoignit Neca dans la camionnette. Sui était en piteux état, couverte de sang et les vêtements en lambeaux. La chinoise souriait néanmoins.

- Vous en avez mis du temps.

Elle se sentit soulagée. Si Sui était en état pour vanner, c'est qu'elle ne risquait plus grand chose. Viviane eut tout de même une pointe d'inquiétude et fronça les sourcils en voyant ses plaies non cicatrisées.


Vallée de Champlaid, Marlanval, France . Dimension Driscoll - 19/02/2015, 01h07.

Shirō grimaça en sentant son moignon pulser. La plaie avait été cautérisée, carbonisée en fait, par la lame thermique. La régénération faisait pression sur la croûte noire qui recouvrait ses chairs. La sensation était désagréable. Il avait l'impression d'avoir des aiguilles plantées dans le visage, mais aussi dans le moignon. L'arme avait du grêler ses chairs de particules de métal en fusion. Quelle saloperie. Quelle honte. Que ces Gaijin5 se permettent de le traiter ainsi, lui qui n'avait voulu que parfaire ses recherches. Pourquoi est-ce qu'elles protégeaient ce simple maruta ?

Il ralentit et s'adossa à un arbre, le souffle court. Il grogna en sentant son moignon calciné finalement se fendre sous la pression de ses chairs nouvelles. De nombreuses particules de métal sortirent des chairs roses et la douleur reflua lentement.

- Shirō…

Un murmure, porté par le vent, prononcée d'une voix douce. Innocente.

Il se redressa et regarda autour de lui. Les bois étaient sombres. Bien plus sombres qu'avant. Lors de sa course, il avait profité de la lueur de la lune et des étoiles pour s'orienter, mais désormais sa vision était plus limitée, comme si un mur noir bloquait toute lumière cinq mètres autour de lui. L'atmosphère, à moins que ce soit sa panique, était étouffante.
Une silhouette humanoïde s'approcha de lui. Une femme, encore. Elle s'approcha lentement. Il leva sa main valide, tenant toujours son scalpel. D'un geste vif, elle lui saisit la main. Sa peau était caoutchouteuse et légèrement humide. Avant qu'il ne puisse se dégager, elle lui planta son genou dans le ventre et lui saisit la gorge de son autre main, le soulevant de quelques centimètres. Un visage noir, parsemé de minuscules taches blanches s'approcha du sien. Une paire d'yeux argentés avec une pupille en W se braquèrent dans les siens et il eut l'impression d'être face à un oni. Il essaya de se débattre mais la femme avait beaucoup plus de force que lui. Elle serra sa main jusqu'à ce qu'il lâche son scalpel. Il grogna. Elle pivota brusquement et le projeta au sol. Il se releva précipitamment.

Elle avait disparu.

Le mur d'obscurité était toujours là, oppressant, étouffant. Un craquement de bois se fit entendre. Une silhouette perça l'obscurité. Puis une autre. Puis une autre. Puis encore une autre. Une véritable marée. Il les reconnaissait. Son cœur battait à tout rompre, tandis qu'un gémissement s'échappait de ses lèvres. Le gémissement se mua en cri de terreur absolue quand l'armée de maruta lui saisit les membres.

Les ténèbres fondirent sur lui et le néant l'emporta.

Pauline rouvrit les yeux. La noirceur qui les avait empli se dissipa.

- C'est bon, il est H.S., on peut l'attacher.

Nada laissa échapper un sifflement.

- Efficace ton truc.

- Merci.

- J'attache ses jambes, je te laisse le moignon.

- Oh non allez, c'est chiant.

- Privilège de l'ancienneté, nananèreuh.

Pauline soupira, non sans sourire. Nada n'avait qu'un an de plus qu'elle dans la FCM, mais elle ne se privait pas pour le lui rappeler. Elle ouvrit une poche de son gilet tactique et en sortit une paire de menottes, essayant de trouver une solution pour menotter le japonais.


Zone médicale Ansuz-9, chambre 58, Site-Ansuz. Dimension Driscoll - 20/02/2015, 10h15.

- QUOI ?!

Viviane fronça les sourcils.

- Arrête de crier, Sui.

La chinoise se renfrogna sur le lit avant de reprendre.

- Comment ça, il était là par hasard ?

- C'est ce que je te dis, il n'avait rien prévu du tout. Tu es tombée sur lui par pur hasard.

- Tu te fous de ma gueule.

- Non, absolument pas.

- Quelle chierie. Et donc ?

- Il est dans l'aile carcérale 3, en isolement total. Je ne sais pas comment il était avant mais l'hallucination que Pauline lui a collée l'a complètement brisé, on a même pas eu à pousser l'interrogatoire, il s'est mis à table quasiment tout de suite. Il existe un réseau d'anciens de l'unité 731. Tous n'ont pas bénéficié des mêmes modifications que lui. On a transmis l'info à la branche japonaise pour les choper, mais deux d'entre eux sont sur le territoire français.

La chinoise se redressa vivement.

- J'en suis.

- T'es sûre ?

- Oui.

- Tu vas pas me péter une durite en plein milieu d'opération ?

- Si je me mettais à les torturer, je vaudrais pas mieux qu'eux. J'veux les coller au trou ou les buter pour finir ce cauchemar une bonne fois pour toute.

Pour la première fois depuis des années, des larmes fugaces perlèrent aux coins des yeux de Sui. Viviane eut un pincement au cœur.

- Les toubibs pensent que ton organisme aura purgé ce qu'il t'a injecté d'ici un jour ou deux. Repose-toi d'ici là, dès que tu sors on lance le briefing pour l'opération.

- Ça marche.

Sui se laissa retomber sur son oreiller, les yeux fermés et un petit sourire aux lèvres.
Viviane se dirigea vers la porte.

- Hey, Flamme ?

- Quoi ?

- Merci d'être venue me chercher.

- Pas de soucis. Hey, Sui ?

- Quoi ?

- Étant donné que le document manquant n'est pas sur mon bureau, je ne te dois rien, on est d'accord ? Et comme j'ai dû aller te sauver le cul, c'est toi qui m'en dois une.

Sui soupira de manière exagérée.

- Voui, Directrice Brewilh.

- Repos, soldat.


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