De : moc.ne.pcs|senoj.hairam#moc.ne.pcs|senoj.hairam
À : battingen·mariengood§DCRCABOEODSXEAc
Date : 14/02/24
Sujet : Rêve
J'ai fait un rêve.
Comme nombre de mes rêves – comme nombre de mes journées aussi – j'étais au bureau. Je devais envoyer un mail, mais l'adresse n'était pas valable, alors je ne faisais que recevoir des erreurs en retour. Mais je m'obstinais. Je tapais l'adresse jusqu'à ce que mes doigts saignent. Sitôt mon travail effacé, je recommençais le mail, avec d'autres tournures, d'autres mots, comme si ça allait corriger le problème. Plus le temps passait, plus mon discours devenait incohérent. Je ne me souviens plus du sujet du mail. Je me souviens juste que, si ce mail ne partait pas avant 15h, la direction me tomberait dessus. Il était 14h59 depuis trois jours.
À force, je me suis endormie à mon poste de travail. J'avais les paupières lésées de plomb. Lésées, pas lestées : un métal gris bleuâtre les scellait et les brûlait. J'ai commencé, toujours dans le rêve, à rêver.
Il y avait quelqu'unɘs devant moi. Quelqu'unɘs aux traits incertains, vêtuɘs d'une tenue ancienne et de grands gants noirs. Sans peau, peut-être, sans maquillage aussi, sans doute : à la place, des bandages.
La première question que je lɘui ai posée était : "Qu'êtes-vous ?". Un nuage de brume est sortie de sous les compresses au niveau de la bouche, et cette brume était anglophone.
La deuxième question fut : "Allez-vous me faire du mal ?". Cette fois-ci, ∃ls ont répondu en chanson, avec un grain de voix curieux, comme un gramophone. Curieusement, je n'ai pas reconnu le titre mais je savais instinctivement que c'était le deuxième titre de l'album Barbara chante Jacques Brel. ∃ls se sont approchéɘs de moi et j'ai su que, sous le masque, il y avait une bouche qui se dessinait, avec beaucoup de dents pointues.
J'ai alors posé la troisième question : "Est-ce qu'avant de s'embrasser, on pourrait apprendre à se connaître ?"
∃ls ont marqué un temps d'arrêt, de silence, avant de me répondre. C'était le dernier titre du premier disque de l'album Lily passion. Alors, j'ai pris une des mains gantées dans la mienne et j'ai commencé à marcher, pour m'éloigner du bureau de travail, du réveil inéluctable qui m'attendait.
Je ne me souviens pas de tout. Certaines parties sont troubles. Je sais que nous avons visité une cité nommée Astoria, où nous n'avons pas eu le temps de dormir car il y avait trop de choses à faire avant de devoir se réveiller. Lorsque je marchais sur les branches des arbres, que je tombais, de grands bras de Morphée me rattrapaient : c'était toujours les siɘns qui me recevaient, en revanche. Parfois, nous allions dans l'esprit des géants, et l'un d'eux se réveillait : alors, je saisissais le sixième titre du Mal de Vivre dans mes bras et je serrais très fort jusqu'à ce que le danger soit passé, que je sois sûre de ne pas me retrouver seule, seule dans l'esprit d'un géant trop éveillé.
Lorsque le temps est venu à manquer, ɘls m'ont emmenée au bord de grandes chutes d'eau. Les torrents ne faisaient aucun bruit, au contraire des cris des âmes damnées qui semblaient y être charriées. C'était bɘau. On a regardé à l'horizon l’œil solaire s'ouvrir, petit à petit, et plus il y avait de lumière, moins j'y voyais clair. Alors j'ai demandé si ɘls comptaient m'embrasser, ou me dévorer au moins. Alors que la pupille de l’œil solaire s'agrandissait au loin, devenant un grand soleil noir, ɘls ont répondu en chantant le neuvième titre d'un album dont je ne me souviens plus, puis se sont penchéɘs vers moi.
Mais je me suis réveillée, vraiment pour le coup. Et j'étais seule. Les lèvres froides et la peau vierge de toute trace de morsure.
Je ne sais pas pourquoi j'écris ce mail. L'adresse inexistante est gravée dans mon esprit de toute manière, alors peut-être que j'espère l'exorciser. Il est 12h31 et je dois retourner au travail dans moins d'une demi-heure et je n'ai pas encore fini mon verre et je tremble. J'ai… besoin d'inviter quelqu'un, PAS n'importe qui, quelqu'unɘs, le deuxième titre du Mal de Vivre, à venir combler le vide de mes rêves. J'aimerais retrouver ce que mon cerveau a oublié, un jour, plutôt que de laisser les délices de ce jour aux limbes. J'ai besoin d'oublier la Fondation, au moins pour un temps. De penser à autre chose. Quelqu'unɘs chosɘs d'autrɘ.
Si ce mail ne s'envoie pas, toutefois… Je n'insisterai pas. Je n'ai pas la capacité d'être folle plus d'une fois.
Adieu, alors, fantasmɘs.
Envoi en cours…
Erreur de destinataire. L'adresse courriel spécifiée semble ne pas ɘxistɘr. Si vous pensez que c'est une ɘrrɘur, veuillez contacter votre fournisseur de réseau intranet Lupus10.
…
∃nvoi rɘussi.