...les écrits restent.

Aujourd'hui c'était la journée d'accueil pour les nouveaux sur mon nouveau lieu de travail. C'était sympa. Le directeur nous a fait faire le tour, puis on s'est installés dans un amphi qui ressemblait à celui de mon lycée pour avoir un briefing général. Les consignes de sécurité, les alarmes, les précautions nécessaires à proximité des quelques SCP. C'est un site mineur, sans tête nucléaire ni grand intérêt stratégique. Idéal : les risques sont minimes. On m'a proposé Yod comme première affectation, mais j'aurais préféré sauter d'un train plutôt que de me trouver 24h sur 24 à proximité de prédateurs anormaux, même enfermés. J'ai entendu ce qui se disait parmi les vétérans. "Yod, on en ressort souvent les pieds devant…"
On a des chambres individuelles, c'est plutôt sympa. Les bâtiments datent (le site a 35 ans, apparemment), mais c'est bien entretenu. La cafétéria vient d'être refaite, et il y a un babyfoot !
Bref, je pense que je vais bien me plaire ici.


Assez mal dormi. Nouveau lieu de vie, premier vrai boulot, avec le secret en plus ! Ça fait beaucoup de changements d'un coup. Mes parents pensent que je travaille pour une entreprise d'armement, et en y repensant c'est peut-être pas si faux.
Enfin bon, ici on est plus proches du grenier où des vieux objets prennent la poussière que du labo d'un méchant de comics.


Je m'habitue à ma nouvelle vie, je crois. La cantine est acceptable et les six autres gardes permanents sont de joyeux compagnons. Le chef de la sécurité est un ancien de la FIM Delta-4. Il dit qu'on l'a mis au placard. En même temps, avec sa jambe en moins, ça devait être ça ou la retraite.
J'ai un tour de garde chiant, le lundi de 3h à 7h du matin. Heureusement que le café est fourni.

Bonne chance !


Je ne sais pas qui a écrit dans mon journal. C'est un peu honteux, je vais mieux le planquer la prochaine fois.
Je sais que pas mal de gens tiennent des journaux intimes parmi le personnel, mais bon… voilà quoi, ça fait un peu gamine de dix ans qui raconte ses journées à l'école. C'est un coup à se faire vanner.

J'avoue, c'est mignon. J'avais un journal de rêves dans le temps… je crois.

(Ah, et
promis je garderai tes écrits d'adolescente secrets, agent Thomas Blériot)


Flippant. Je sais pas qui a écrit mais c'est un putain de stalker. Et c'est flippant.
À partir d'aujourd'hui je garde le carnet sur moi, comme ça plus de soucis. En plus je pourrai écrire pendant les tours de garde, ça passera le temps.

Je t'ai fait peur…
Je veux juste parler. Je ne voulais pas me montrer bizarre, continue à raconter ce que tu fais, s'il te plaît.

Ok.
1. Qui ?
2. Comment ?
3. Votre but ?
4. Je suis à deux doigts de purifier ce journal par le feu alors j'exige des réponses précises et rapides.

Qui : Ezra, garde comme toi. Je bosse ici depuis un moment.
Comment : les feuilles c'est plus facile pour communiquer. J'aurais pu utiliser le tableau blanc de la salle de briefing, mais la dernière fois ça a créé un bordel monstre.
But : parler avec un collègue, tout simplement.
La solitude c'est difficile à vivre parfois.


Il n'y a aucun "Ezra" sur tout le site, j'ai vérifié.
Qu'est-ce que tu es ?
Satan qui veut mon âme ou un truc comme ça ?

Hahaha t'es marrant !
C'est la première fois qu'on me prend pour un machin biblique.
T'inquiète pas je suis 100 % athée, et 100% du genre humain. Même si j'ai perdu quelques bouts entre temps.
Si je devais expliquer ce qui je suis… une âme errante ? Un voisin pas vivant mais pas super mort non plus ?

Ouaip, à mi-chemin entre le poltergeist et le revenant de base. Un esprit pas frappeur, en somme.
Je garde un œil sur le site depuis qu'il a été reconstruit. Du coup en quelque sorte je fais le même boulot que toi.

Le sel et l'eau bénite ça marche pas sur les victimes de glissements de réalité, hein
Tu dégueulasses ton carnet pour rien là.

Glissement de réalité ?

Tu vois un glissement de terrain ? Eh ben c'est pareil avec la réalité.
Pour les explications complètes demande aux blousards : j'ai jamais rien bité aux Humes.
En plus en presque un demi-siècle, la théorie a dû changer…

Par contre je peux te donner un aperçu de ce qu'un mouvement de réalité fait, par l'exemple.

Je ne fais pas confiance à un truc anormal que je ne peux pas voir. Encore plus s'il hante mon journal intime.
Je vais signaler ta présence au docteur Malleo dès que je sors de garde d'ailleurs. Si tu tentes quoi que ce soit…

Rhoo, allez !
Je voulais juste te montrer un coin du parc, juste derrière le mémorial. C'est sympa, y'a un petit bosquet avec des piafs et une rivière.

C'est bien d'appliquer les procédures de sécurité, mais y'a une différence entre être prudent et être coincé !


> Mail from : Cynthia Malleo
> To : Service Administratif
Demande urgente de mise en place de la procédure "Page Blanche" sur la personne de l'agent Blériot.
Motif : entrée en contact avec l'entité ████-B via son journal intime.
Rappel de la marche à suivre : toute information sensible à propos du membre du personnel doit être conservée sur support informatique uniquement. Sa réaffectation à des tâches nécessitant la connaissance d'un minimum d'informations est indispensable, dans le délai le plus court possible. L'utilisation d'un dossier-leurre au format papier peut être pertinente.
L'agent a été informé de la procédure et a été incité à continuer sa conversation avec l'entité. Si cette nouvelle approche fonctionne, il serait possible d'en apprendre plus à son sujet, dans la perspective d'établir un rapport et des mesures de confinement.


Derrière le monument aux morts, à côté du hangar 2, c'est ça ?

Ah, finalement tu vas voir ?

C'est joli, cette rivière. Mais pourquoi ça ressemble à un jeu qui glitche ?

Un jeu qui quoi ?

Un poste de télé avec des interférences (?)

Aaah, ça !
C'est un effet périphérique de l'effondrement, la seule chose du coin qui reste d'avant le 13 janvier 1975.
Ils ont arasé toutes les ruines pour reconstruire des bâtiments, mais ont laissé ça, en souvenir du premier site.

Ah tiens, sur le mémorial :
"Ezra Seyph, mort(e) en service", c'est toi ?

Ouais.

Étoile de la Fondation, respect…

Bof, dans le doute ils ont donné une distinction à tout le monde. Y'a pas vraiment de mérite à finir en sandwich entre deux plans, même pendant un raid de groupe d'intérêt…

Je savais pas qu'il s'était passé quelque chose comme ça.
Tu peux me raconter ?

Pourquoi je le ferais ? Je croyais que tu ne faisais pas confiance aux trucs que tu ne voyais pas.

C'est bon, mea culpa. T'es un gentil fantôme, je peux faire confiance à quelqu'un qui a l'Étoile de la Fondation. S'il te plaît raconte, maintenant j'ai envie de savoir toute l'histoire !

Alors…

Ah.
Je viens de penser que c'était peut-être un peu un manque de tact de demander comment les gens sont morts…
Désolé j'espère que c'est pas vexant ou blessant.

Ça va. Ça fait un poil bizarre, c'est tout. Après tout ça fait longtemps, j'ai eu un moment pour faire le deuil de l'agent Seyph.

C'était un matin avec de la neige. Je ne sais plus si j'étais de garde…. mes souvenirs sont flous et emmêlés, à vrai dire. Mais je sais qu'il neigeait.
Une alarme a sonné, et un groupe paramilitaire a attaqué… Non, l'alarme est arrivée après. C'était une attaque surprise. Oui, j'ai tiré l'alarme parce qu'un commando avait lancé une attaque surprise…
Ça fait longtemps, ma mémoire me trahit sur les détails.
Il y a eu des flashs, des cris, et quelque chose a dérapé… Un objet anormal a amorcé une réaction en chaîne. Le site a été complètement annihilé en dix secondes.

Aucun survivant.
Ils ont continué à retrouver des bouts de membres en putréfaction pendant des mois, et personne n'a jamais réussi à savoir s'il s'agissait de cadavres du personnel de la Fondation ou du groupe d'intérêt ayant mené l'assaut.
Après, ils ont laissé le coin en friche et ont délimité une zone d'exclusion de trois kilomètres autour. Et quelques années plus tard ils ont tout décontaminé pour reconstruire.

Mec, je me sens trop mal. J'aurais pas dû demander un truc aussi glauque.

Mec ?
Oh, certes.

Tu aurais pas un briefing les jeudis après-midi au fait ?


Je me suis fait engueuler par le chef à cause du retard.
Ça aurait été sympa si tu m'avais prévenu avant.

Oups.
Le temps c'est compliqué à appréhender de mon point de vue.

J'imagine.
On se reparle pendant la ronde de demain ? Je devrais pouvoir trouver du temps pour écrire.

J'attendrai.


C'est bizarre, à chaque fois mes anecdotes de la journée ont l'air de te surprendre.
Tu ne vois pas ce que les gens du site font, comme un vrai fantôme ?

J'aimerais bien.
Dommage, j'ai pas assez de présence sur ce plan.

C'est à dire ?

C'est difficile à expliquer…
Tu vois, toi t'es une sphère, et moi un disque. Ou une crêpe toute fine qui a été roulée, plutôt. Y'a à la fois du volume parce que c'est roulé et pourtant c'est plein de vide. Si tu te prends une boule de pétanque tu as un bleu, si c'est une crêpe tu auras juste une tache de gras. Du coup la crêpe a moins de réalité que la sphère.
Tu vois ce que je veux dire ?

J'ai rien capté.


Dis, tu as entendu parler d'un truc appelé "Page Blanche" ?

Pas du tout, c'est quoi ?

Rien.


Journal de recherche du Dr Malleo, 18/08
Il semblerait que l'entité ait découvert un post-it mentionnant le nom de la procédure. Heureusement, le contenu dudit post-it était vague et ne permettait aucune déduction.
Cependant, l'élargissement de Page Blanche à l'ensemble du site et sa complétion par un programme élaboré de désinformation ciblée me semble être une mesure nécessaire. En effet nous devons nous prémunir de la menace que constitue une anomalie sentiente non confinée sur la sûreté du site, même si son influence sur l'espace est très limitée.


Salut, quoi de neuf ?

Boaf. Pas grand-chose. Les rapports d'aujourd'hui sont fades, et le dernier compte-rendu du Dr Nasr n'a même pas été écrit par son assistant à sa place.
Tout a été falsifié, les phrases sonnent faux et les résultats d'analyses sont ennuyeux.
C'est déprimant.

Ah, tu as remarqué.
C'est parce qu'il y a un espion infiltré.

Sur un site aussi anodin ?

C'est ce qui se dit.


Salut.
Tu es là ?

"Là" est un bien grand mot.

Ouf. J'ai toujours un peu peur que tu ne répondes pas.

Pourquoi ?

Laisse tomber. Je suis installé au poste n°2, on peut discuter tranquille.

Super !
Tu me racontes ta journée ?

D'accord, mais ne comptes pas sur moi pour te révéler quoique ce soit, comme d'habitude. De toute façon tu es sûrement plus au courant que moi.

Certes, mais tu es plutôt à cheval sur les procédures…

C'est important les procédures.

Oui, C'est important.
Allez, dis ce que t'as fait depuis hier.

Par où commencer ? Il y avait une pénurie de beurre au petit déjeuner, et je crois que ça a été l'événement le plus tragique de la journée.
Ensuite je suis allé accompagner le docteur Nasr et son assistant qui avaient besoin de prélever des échantillons sur leur figuier de barbarie sonique.
Et maintenant je surveille les étagères poussiéreuses de ce bon vieux hangar des objets anormaux.
Mais sinon, je me suis posé une question hier soir : tu sais dessiner ?

Drôle de question… Je pense que oui.

Super ! Tu peux te dessiner ? Je ferai un dessin de moi aussi, comme ça tu sauras à quoi je ressemble.

J'ai…je vais essayer. Il faut juste que je me rappelle.
Je devais ressembler à une personne normale, et puisque tout le monde est une personne normale, je devais avoir une tête de tout le monde…

Un peu comme ça ? Je crois que c'est moi :
Dessin%201

Tu ne te souviens pas, n'est-ce pas ?
C'est pas grave, c'était pas une idée très pertinente à la réflexion.
Mais chose promise, chose due, voici un portrait de moi.
Dessin%202

Ça ressemble pas à la photo de ton dossier. Et puis tu n'as sûrement pas des points noirs à la place des yeux, et tu as oublié plein d'os et d'articulations.

Oui bon, je suis nul avec un crayon, d'accord. Mais c'est l'esprit qui compte, l'impression générale ! C'est un portrait de comment je me sens : rond, souriant et un peu naïf.

Ça me dépasse un peu…


J'ai réfléchi à ton histoire de portrait de comment tu te sens.
Et j'ai essayé
Dessin

Et j'ai peur.
Ça ne ressemble pas à un humain.
Et pourtant je le suis, hein ?

C'est intéressant comme portrait.

Réponds. J'ai besoin de la vérité, pour une fois.
C'est important pour moi.

Oui, tu l'es complètement et sans aucun doute ! Comment tu pourrais être autre chose qu'un humain ?

Tu mens. Tu écris toujours un peu différemment quand tu mens.

Et tu mens souvent dans ce journal.

Quoi ? Non pas du tout !
Écoute je ne sais pas ce que tu veux dire par "écrire différemment", mais ça n'a aucun sens.

Excuse-toi.

Quoi ? Mais

Excuse-toi.

Je ne t'ai jamais menti, promis juré !

Enfoiré.

Il faut me faire confiance, on est amis, non ?


Hého !


Ezra, tu es là ?


Désolé si je t'ai vexé ou quoi que ce soit.


Salut ?


S'il te plaît arrête de bouder.


Ez !


Je peux faire quoi pour que tu me reparles ?


Journal de recherche du Dr Malleo, 9/10
L'entité ████-B a cessé toute communication depuis deux semaines.
De plus, durant ces deux semaines, des coulées abondantes d'une substance visqueuse ont été signalées sous les fenêtres du bâtiment résidentiel. Il semblerait qu'il s'agisse d'encre, bien que sa composition soit altérée par endroits. Les deux événements sont très probablement liés.
Une évolution des capacités de ████-B est à craindre, il faut absolument regagner sa confiance ou nous aurions probablement à gérer des manifestations de type poltergeist.


Ezra, nos conversations me manquent beaucoup. Faisons comme si rien ne s'était passé, d'accord ?


Journal de recherche du Dr Malleo, 12/10
Suite à la dernière tentative de prise de contact, les pages du carnet de l'agent Blériot se sont subitement saturées d'encre, effaçant tout son contenu.
Mise à jour : l'événement anormal s'étend à tous les supports papier du site1 .
De plus, une inscription est apparue au plafond de la cafétéria : "LES MENTEURS N'ONT PAS DROIT DE PAROLE"
L'entité doit être désormais considérée comme hostile et des mesures seront prises en conséquence.


Demande de déclenchement d'une procédure d'évacuation préventive
Accordé par O5-█


> Mail from : Directeur Henry Lauriel
> To : Suleyman Nasr, Cynthia Malleo, Lucie Beaulieu
J'ai ordonné le déclenchement de la procédure ██-Colibri, suivez les instructions.
Le déplacement des SCP est sous votre responsabilité, les objets anormaux seront pris en charge par du personnel qualifié envoyé par le Site-Aleph.
Tous les détails sont en pièce jointe.

> Mail from : Directeur Henry Lauriel
> To : John Hunt
J'ai ordonné le déclenchement de la procédure ██-Colibri, suivez les instructions.
Une vigilance accrue sera nécessaire lors du transfert. Mettez l'accent dessus lors du briefing, et gardez vos hommes prêts : les objets transportés peuvent attiser les convoitises et nous avons tout sauf besoin d'un vol.
Tous les détails sont en pièce jointe.

> Mail from : Directeur Henry Lauriel
> To : Thomas Blériot
J'ai ordonné le déclenchement de la procédure ██-Colibri.
Vous êtes celui qui en connaît le plus sur ████-B, vous évacuerez en priorité.


Rapport d'incident, 15/10/2019 :
Membres du personnel impliqués : Dr Malleo.
Lieux : Bâtiments du Site-██, bureau du Dr Malleo
Description de l'incident : À 15h45, un court-circuit général se produit, coupant l'alimentation principale du Site-██. Le générateur secondaire se met brièvement en marche, puis cale rapidement à cause d'un étouffement du moteur.
Le docteur Malleo, alors en train de rassembler ses affaires, est retrouvée à la fin de l'incident dans un bureau noirci jusqu'aux deux-tiers de sa hauteur. Elle est en état de choc et est rapidement prise en charge par l'hôpital le plus proche. Une radiographie révèle la présence d'un liquide dense dans ses poumons, ce qui laisse penser qu'elle a subi une tentative de noyade.


"Secouez-vous les gars, nouvelle mission pour Mu-13 ! Si j'en vois un qui baille pendant le briefing, je lui fais faire dix tours du bâtiment.
C'est bon, j'ai l'attention de tout le monde ?
On a été appelés en renfort sur un site mineur. La cible est un EPC vert, avec une influence modérée sur son environnement. C'est un cas très particulier, nous utiliserons un équipement différent de d'habitude, mais je vous l'expliquerai à la fin.
Le but de l'opération est de confiner l'entité en limitant son champ d'action à une seule pièce (le point alpha sur le plan qui vous a été distribué). Nous devrons donc atteindre le point alpha pour installer le dispositif, puis attirer la conscience de la cible à cet endroit. La dernière étape sera la plus délicate puisqu'il faudra désaccorder le taux de réalité de la pièce de manière assez nette pour couper toute possibilité à la cible de s'enfuir. Les ancres à réalité de Scranton sont encore un matériel expérimental, elles ne sont pas assez puissantes pour fonctionner plus de quelques secondes. On ne pourra donc élever le taux de réalité de la zone que de quelques milihumes et cela fera osciller violemment la réalité dans un rayon de deux mètres, mais cela nous permettra de sectionner net les ramifications de conscience permettant à la cible d'avoir une influence sur une zone large.
Pour ceux qui n'ont rien suivi (agent Kerr, dix tours), l'important c'est la synchro des ancres. Il va falloir les transporter sur place et les monter correctement. Pour le reste de l'équipement, vous aurez chacun une bouteille d'air et un kit de désincarcération en cas d'enfermement, un talkie pour communiquer avec la base, et une ardoise et des feutres si besoin de distraire la cible. On aura un gars qui connaît sa personnalité, à la base, il pourra vous aider si il y a une prise de contact.
Sinon, bon, vous vous rappelez des règles les plus importantes…"
-"Première leçon, ne jamais se déplacer seul sauf s'il n'y a aucune autre solution. Seconde leçon, ne sortir que pendant la journée sauf s'il n'y a aucune autre solution."
- Exact Mari, ça a beau venir d'un film, je compte sur vous pour le respecter à la lettre. Restez ensemble et revenez dans les temps.
- OUI CHEF !"


"Test radio, ici Base. Équipe 1 vous me recevez ?
- 3/5, on dirait que la zone produit des interférences, y'a des chances que ça coupe si on se rapproche.
- Faudra faire avec, tant pis. En cas de dégradation du signal, continuez la mission seuls. Dans ce cas, oubliez pas de décrire la situation, sinon on va se faire engueuler par les scientifiques de salon qui vont récupérer le dossier. En cas de situation dangereuse que vous ne pouvez pas gérer, sortez.
- Compris."


"Première mission de terrain, le nouveau ?
- Ouais. C'est pas comme si un doctorat de parapsychologie nécessitait des opérations commandos.
- HAHAHA C'EST POUR ÇA QUE J'ADORE BOSSER AVEC LES BLEUS ! T'inquiète, Leïla, Matt et moi on s'assurera qu'il t'arrive rien, et Will a beau être un blouseux il est moins empoté qu'il n'y paraît. Pas vrai monsieur le spécialiste des ARS ?
- Ta gueule ! Je vérifie qu'il manque rien, j'ai besoin de concentration là !


Transcription d'un document audio
Intervenants : Commandant Leonov, agent Blériot, Équipe 1.
Lieu : Poste de commandement temporaire, bordure sud du Site-██.
<Début de l'enregistrement>
Équipe 1 : Base, ic[…] Équipe 1, on entre dans le […]timent.
Commandant Leonov : Bien reçu. Description de l'endroit ?
Équipe 1 : On pa[…]ge […]ans un truc noir visqueux. Aucu[…] autre altération n'est […]atable pour l'[…]stant.
[2 min 47 de silence]
Équipe 1 : […]é […] re[…] […]
Commandant Leonov : Zut. Équipe 1 si vous m'entendez, vous devrez désormais vous passer du support de la base, on ne vous reçoit plus assez bien… si vous ne m'entendez pas, je suppose que ça ne changera pas grand-chose.
Agent Blériot : Ils vont s'en sortir, seuls ?
Commandant Leonov : Ils ont l'habitude. Les perturbations électriques c'est courant chez les EPC.
Agent Blériot : EPC ?
Commandant Leonov : Entités Parapsychiques Conscientes. C'est du jargon.
Agent Blériot : Ah, d'accord.
[1 min 09 de silence.]
Équipe 1 : [incompréhensible]
[2 minutes 20 de silence.]
Commandant Leonov : Au fait gamin, c'est quoi ta relation avec ce revenant ?
Agent Blériot : On tenait une sorte de correspondance et j'étais chargé de…
Commandant Leonov : Je parlais de vraie relation, pas d'un résumé de ton dossier.
Agent Blériot : [Pause prolongée] Je suppose que c'était… une sorte d'ami imaginaire. J'avais l'impression d'être un gamin qui se faisait réconforter par un compagnon qu'il était le seul à voir.
Commandant Leonov : Était ? Ça ne l'est plus ?
Agent Blériot : Maintenant… J'ai peur. C'est difficile à décrire mais, petit à petit des détails se sont accumulés. Des petites phrases. Et quand la question s'est posée, je n'ai pas pu penser à lui comme quelque chose d'humain.
Commandant Leonov : Les revenants ne sont pas humains.
[36 secondes de silence.]
[Une forte secousse se fait ressentir.]
Équipe 1 : [incompréhensible] [cri]
Commandant Leonov : Base à Équipe 1, si vous m'entendez répondez. Qu'est-ce qui se passe ?
Équipe 1 :[grésillement] …PUTAIN DE MER… [gargouillement]
Commandant Leonov : Daniels, rapport de la situation !
Équipe 1 : [incompréhensible]
Commandant Leonov : Putain !
[15 secondes de silence. Le chef Leonov tapote nerveusement la table avec son stylo.]
Voix inconnue : [grésillement] Maintenant que tu as cinq morts sur la conscience, on peut faire comme si rien ne s'était passé ? On est amis après tout…


Transcription d'un document audio :
Intervenants : Agent Daniels, Agent Kerr, Agent Mari, Docteur Bohn, Docteur Venkman, Base.
Lieu : ex-zone de confinement du Site-██.
<Début de l'enregistrement>
Dr Bohn : Vérification terminée, on peut y aller.
Agent Daniels : Parfait. Base, ici Équipe 1, on entre dans le bâtiment.
Base : Bien […]çu. Desc[…]tion de l'endroit ?
Agent Daniels : On patauge dans un truc noir visqueux. Aucune autre altération n'est constatable pour l'instant.
Agent Mari : Ça colle et c'est glissant. Faites gaffe à pas vous vautrer, le matos est fragile.
Dr Bohn : Le premier qui abîme mes bébés apprendra à craindre la colère des physiciens !
Agent Kerr : Ouuuh, j'ai peur.
Agent Daniels : [soupir amusé] Arrêtez de vous chamailler et restez focus.
Agent Mari : Attendez ! [Le son des bottes s'arrêtent] On est cinq, pourquoi on voit les traces de six personnes ?
[Un seul son de bottes reprend, puis s'éloigne du micro.]
Docteur Venkman : Ah !
Docteur Bohn : Bonjour, petit poltergeist.
Agent Daniels : Base, ici Équipe 1. L'EPC nous a repéré. Intentions inconnues.
Base : […]e. […]ipe […] v[…]…[…]ort si […] […].
Agent Kerr : Ah shit, va falloir faire sans le backup du gars qui s'y connaît.
Agent Daniels : Description pour l'enregistrement : des traces de pas suivent les nôtres depuis un temps indéterminé. Elles viennent de nous dépasser et se sont arrêtées quelques mètres devant nous. On dirait que l'EPC a conscience de nos déplacements et elle semble vouloir nous indiquer un chemin. Nous continuons l'avancée vers le point Alpha.
Docteur Venkman : Ok là ça devient flippant.
Agent Mari : Eh le bleu, tu sais pourquoi il y a, "ne sortir que pendant la journée" dans la devise du chef ? Pourquoi on n'intervient pas la nuit si on le peut ?
Docteur : Parce que les spectres sont plus puissants ?
Agent Mari : Faux. C'est parce que les hommes paniquent beaucoup plus vite. Maintenant concentre-toi, on a besoin de tes capacités.
Agent Daniels : Tu fais partie des Ghostbusters gamin, c'est les fantômes qui devraient avoir peur de toi.
[La marche reprend et devient plus bruyante. Les sons d'éclaboussures se font fréquents et les pas moins rapides.]
Agent Daniels : Description pour l'enregistrement : notre avancée est devenue extrêmement laborieuse à cause d'une hauteur croissante de liquide noir. On dirait vraiment de l'encre de stylo bic et ça dégouline de partout. Il n'y a encore que dix centimètres mais en cas de submersion ça risque d'être très compliqué ne serait-ce que de se mouvoir sans sentiment d'enfermement ou épuisement rapide. Leïla j'espère que t'as de quoi faire péter une fenêtre sous la main, si ça monte trop.
Agent Kerr : Toujours prête !
Docteur Bohn : Heureusement que hfff… on est quasi-arrivés… hufff hfff…
Docteur Venkman : Ah ! J'ai vu une main !
Agent Kerr : Putain c'est pas le moment d'avoir des visions.
Agent Mari : Je l'ai vue aussi : une trace sur le mur. Ça continue à nous suivre.
Base : Krr, krr, krrr…
Agent Daniels : Base, vous avez tenté de nous contacter ?
[Silence.]
Docteur Venkman : La trace de main fait un coucou…
Agent Daniels : On continue.
Agent Daniels : Description pour l'enregistrement : on est arrivés au point alpha, j'ai de l'encre jusqu'à la taille et tout le monde fatigue sérieusement. On installe les ARS et on finit tout ça vite fait. Will, si tu me dis que tes gadgets sont en panne, je te les fais bouffer.
Docteur Bohn : Tout est étanche. Il faut juste les disposer et les relier.
Agent Mari : William je veux bien relier tes trucs mais pour les mettre en position ça va être chaud. T'es sûr qu'on peut pas juste les tenir à la main au bon endroit ?
Docteur Bohn : Pas question ! J'ai pas envie de voir des lésions de type 5 et vous non plus. On va devoir plonger pour les installer. Je mets celle du milieu, Leïla tu prends la droite, Matthieu la gauche et moi le milieu.
Docteur Venkman : Grouillez-vous, ça monte de plus en plus vite !
Docteur Bohn : Go !
[On entend les trois plonger, puis l'enregistreur ne capte plus rien pendant une minute environ.]
Agent Daniels : […]erde ! Le micro était sous la surface.
Agent Kerr : Will est toujours pas remonté ? Qu'est-ce qu'il fout bordel ?
Agent Mari : Je reçois le signal d'enclenchement de l'Ancre, il faut qu'il nous rejoigne dans les dix secondes !
Agent Daniels : Will bouge-toi le cul…
[Un bourdonnement sourd apparaît et sature rapidement l'enregistrement. Il s’interrompt soudainement, dans un fracas semblable à un roulement de tonnerre.]
Agent Mari : L'encre redescend à toute vitesse ! On a réussi !
Agent Kerr : Oh merde…
Agent Daniels : [voix tremblante] Description pour l'enregistrement : l'utilisation de l'Ancre à Réalité de Scranton est un succès, mais… mon ami… j'atteste le décès du Docteur William Bohn, mort en héros d'un cisaillement local de réalité.
Docteur Venkman :…Je suppose qu'on n'a pas le droit de vomir sur un terrain d'opérations… ?
[Silence.]
[La radio grésille]
Voix inconnue : Comme c'est triste…
Agent Kerr : Fuck !
Voix inconnue : Malheureusement pour vous, j'ai déjà vécu bien pire, question glissement de réalité. Oh, bien sûr ça fait mal. Horriblement mal. Mais pas assez pour m'amputer.
Docteur Venkman : C'est un phénomène de rebond amplifié ! C'est mauvais, il faut se barrer !
[Bruit de porte qui claque.]
Voix inconnue : Merci pour le coup de pouce.
Agent Daniels : PUTAIN DE ME[mmfff]
[Sons de lutte]
<Fin de l'enregistrement (matériel endommagé)>


Inscription retrouvée dans le centre de commandement temporaire, à côté du corps du Commandant Leonov :

VIENS. OU JE CONTINUE.


<Suite de l'enregistrement>
Fichier corrompu.

[Bruits de pas]
[Bruit de pas]
[Bruit de pas]
[Les pas s'arrêtent, la respiration de l'agent est forte.]
[Froissement]
[Bruit de feutre qu'on débouche.]

"Tu es un monstre". C'est ça que j'aurais dû dire ?


Tu aurais dû dire la vérité.


Tu mens. Moi aussi je sais reconnaître ça.


… Tu m'as menti pendant des mois, pourquoi je serais honnête ?


Alors tu le savais.


C'est pas la première fois qu'ils essaient d'obtenir des infos. Ils brassent de l'air, ça passe le temps. Des fois j'obtiens des pièces du puzzle.
Ça fait presque cinquante ans que le manège dure, comme si j'allais me faire avoir par un gosse tout juste sorti de Samech.


Mais alors, pourquoi m'avoir raconté tout ça ?


Pour éviter l'oubli.

[La radio grésille. Cela ressemble à un rire]

On se convainc facilement de se souvenir de quelque chose. Et pourtant quand on vérifie tout a changé. Il fallait que ce soit marqué quelque part, pour savoir une bonne fois pour toutes. Pour que ça arrête de se déformer en permanence.


Et c'est pour ça qu'il y a six cadavres et que Cynthia est à l'hôpital ? Pour qu'on se souvienne de toi ? Quel degré de psychopathie c'est !?



[La respiration de l'agent se fait plus courte : il pleure.]

C'est de l'acceptation, petit Thomas. Après tout c'est comme ça que tu me vois.

C'est comme ça que tout le monde me voit. Peut-être que j'ai essayé de changer ça pendant des années et que j'en ai marre.
Ou peut-être que c'est toi qui m'as déçu.
J'avais besoin de toi, à ce moment-là. Je croyais que tu entendrais mon cri de détresse… Mais tu as préféré suivre les instructions de cette femme, et me laisser face au néant.
C'est ma vengeance. Aveugle, inique et monstrueuse. Et toi, le misérable humain coincé dans son petit corps fragile, tu ne peux que la contempler.


Je ne comprends pas ! Pourquoi ?… Je croyais que tu

[Froissement.]

Je sais

[La respiration cesse d'être audible. Des bruits de lutte se font entendre, puis cessent.]


Comment quelqu'un pourrait comprendre ?
Il faudrait avoir passé une éternité dans le noir, à souffrir le martyre dans son âme en miettes, sans yeux pour pleurer et sans poumons pour hurler. Se battre contre la disparition, encore et encore. Refuser de se diluer dans le néant. Continuer d'exister à n'importe quel prix.
À vouloir comprendre pourquoi, et ne trouver que des textes lacunaires et des rapports d'autopsie.
À se reconstruire, à reforger des souvenirs.
À chercher des preuves de son identité. À se raccrocher désespérément à un nom gravé dans la pierre.
À repousser cette peur sourde de s'être trompé. De ne pas être cette personne. De n'être qu'un écho errant.

Il faudrait être désespéré et terriblement seul.

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