Qui aurait pu deviner que lui, Guillaume Fermat, un nabot incapable de voir plus loin que son nez sans ses lunettes, après ses huit années passées en fac de médecine à entendre les railleries de ses "amis" et ses six années à étudier méticuleusement les travaux de Darwin, deviendrait un jour le Dr. Fermat, membre de la Fondation SCP. Enfin, membre était un bien grand mot, pour l'instant il avait à peine décroché une période d'essai, mais bon, ça lui suffisait. Il avait préparé ses affaires trois jours à l'avance, était passé à la station service deux fois, avait relu sa convocation une bonne dizaine de fois, et pourtant, comme à son habitude, il était à la bourre. Il faut dire que lui et les horaires, ça a toujours fait deux.
Il était enfin arrivé au Site-Kybian avec au moins 10 bonnes minutes de retard, et pour ne pas arranger les choses, il ne trouvait pas le bureau du Dr. Kavaldi. Il finit enfin par trouver la porte du bureau B-202. Un écriteau au nom de Kavaldi était apposé sur la porte. En petit caractère incrustés était écrit « Ne pas déranger sauf si important ». Guillaume hésita quelques secondes sur l'importance de la raison de sa présence avant de se souvenir de son impressionnant retard. Après une hésitation devenue alors une évidence, il ouvrit la porte:
- Euh… Excusez-moi, il y a quelqu’un ?
- C'est toi Bermat ?
- Fermat, monsieur… Kavaldi je suppose.
- Deux choses : déjà, tu supposes bien. Et ensuite, on se permet pas de reprendre les gens quand on est à la bourre d'au moins deux heures.
- Euh… ça doit être un malentendu, sur la convocation il était écrit 7h30, il est à peine 7h50.
- Rien à faire de la convocation, si je juge que t'es en retard, tu l'es, point. Bon, enfile ta blouse et suis-moi.
- Quelle blouse ?
- T'es pas sérieux j'espère…
Après une brève engueulade et l'enfilage d'une blouse trois tailles trop grande, ils finirent par sortir en direction du laboratoire où travaillait le Dr. Kavaldi. Avant d'intégrer la Fondation, Guillaume s'était imaginé de grands et larges couloirs d'un blanc aveuglant, des groupes de scientifiques en blouses blanches comme de la neige et avec des lunettes surdimensionnées remettant en cause la théorie de l'évolution et émettant des hypothèse plus que farfelues sur l'existence de l'être humain. Il s'imaginait aussi des gardes tous les 10 mètres, armés jusqu'aux dents, le visage fermé comme si aucune émotion ne pouvait les atteindre. Il s'était imaginé tout ça, et tout avait été balayé en même pas 20 secondes. Il ne voyait rien de ce qu'il s'était imaginé, mis à part les gardes qui semblaient n'avoir le droit de sourire qu'une fois par mois. Les murs étaient recouverts d'une peinture verdâtre, il y avait de nombreuses machines à café devant lesquelles attendaient des scientifiques discutant du dernier film sorti au cinéma. Il y avait même des écrans où étaient diffusées des émissions de télé-réalité. Ses yeux volaient d'une scène à une autre, faisant voler en éclat tous les clichés qu'il avait en tête un par un jusqu'à ce qu'une main l'attrape fermement par l'épaule et le fasse entrer dans un bureau. Pas un laboratoire non, un simple bureau. Une chaise, un vieil ordinateur, et un mug rempli à moitié d'un café qui semblait être plus froid encore que l'air ambiant.
- Voici ton poste de travail. Sur le bureau du pc qui est devant toi, tu trouveras des photos des textes de 114-FR. Je veux que tu me mettes tout ça au propre sur ordinateur, je vais revenir d'ici deux heures.
Le jeune docteur Fermat sentit ses rêves êtres brisés en un milliard de morceaux. Il voulait travailler sur des SCP, étudier tout un tas de phénomènes anormaux, et au lieu de ça, on lui refilait le sale boulot. Quatorze années à travailler d'arrache-pied pour en arriver là. Ce qu'il ressentait était pire que de la déception, c'était la perte de tout espoir. Enfin bref, peut-être que s'il faisait ses preuves aujourd'hui, demain serait un jour meilleur. C'est avec cette pensée optimiste qu'il se mit au travail.
Les deux heures étaient largement passées. Guillaume n'en pouvait plus, il étouffait dans cette pièce. Elle n'avait ni fenêtre ni lampe autre que ce néon à la luminosité agressive. Il décida de sortir pour s'aérer les idées en se disant que l'esprit reposé, la qualité de sa rédaction n'en serait que meilleure. Il ouvrit donc la porte et sortit dans le couloir. Il fut extrêmement surpris de s’apercevoir que ce dernier était vide. Les lumières étaient éteintes. Seule une veilleuse rouge permettait de voir où l'on mettait les pieds. Sur l'un des écran l'on pouvait lire le message suivant défiler en boucle : « Alerte ! Brèche de confinement. Veuillez évacuer les lieux au plus vite. Ceci n'est pas un exercice. » Le message était clair, il ne laissait aucunement place au doute. Guillaume sentit la panique monter en lui. « Ce n'est rien, garde ton calme. » se dit-il pour se rassurer, ce qui évidemment ne fonctionna pas. Une voix provenait du fond du couloir. Il s'approcha afin de mieux l'entendre. C'était un talkie-walkie, il le ramassa :
- Allô, est-ce que quelqu'un m'entend ? Nous sommes bloqués, aidez-nous, à l'aide.
- Euh… Oui, allô.
- Qui êtes-vous ?
- Je suis Guillaume Fermat, je suis en période…
- Oui je sais, je vous ai vu avec Kavaldi. Écoutez, moi et d'autres personnes, on est coincés dans la cafétéria. Il y a eu une coupure de courant et les portes ont été verrouillées. Il faudrait rallumer le générateur manuellement. Aucun de nous ne peut le faire depuis la cafétéria, vous êtes notre seul espoir.
- Mais moi je ne sais pas où il se trouve ce générateur.
- C'est pour ça que je suis là, je vais vous guider.
Cela faisait maintenant plusieurs minutes que Guillaume marchait dans les couloirs. Le professeur Carl qui le guidait avait beau connaître le bâtiment sur le bout des doigts, les multiples portes fermées à cause de la panne de courant rendaient la traversée d'étage en étage compliquée. De plus, Guillaume avait commencé à entendre des bruits derrière lui. Parfois des pas, parfois des cris. Au début ils étaient lointains, mais ils étaient de plus en plus rapprochés. Carl l'avait rassuré là-dessus et lui avait dit qu'il devait s'agir des systèmes d'aération, mais Guillaume savait discerner le vrai du faux. Les bruit finirent par devenir trop proches pour que Guillaume les ignore. Il se mit à courir et cria désespéramment dans le micro de son talkie-walkie :
- Où est-ce que j'dois aller maintenant, dites-moi, vite !
- Continuez tout droit, vous y êtes presque. Une fois à la deuxième intersection, vous prendrez à gauche, vous descendrez les escaliers, puis à la dernière intersection vous…
Le haut-parleur grésilla puis le petit voyant bleu s'éteignit.
- Bordel, les piles doivent êtres mortes.
Guillaume pria pour ne rencontrer aucune porte verrouillée et suivit les dernières indications qu'il avait reçues. Il continua tout droit à la première intersection. Pris à gauche à la seconde. Il se hâta de descendre les escaliers et manqua de trébucher, puis il arriva face à un dilemme. Deux choix s'offraient à lui, à gauche ou à droite. La luminosité était trop faible pour lire un quelconque panneau. Il n'avait plus le temps de réfléchir. La créature était proche. Il l'avait entrevu en tournant la tête à quelques occasions. C'était une silhouette noire et mystérieuse. Il pria une ultime fois puis choisit le couloir de droite. Il ne savait pas si ce choix allait payer, mais il s'en moquait. Son seul but était de s'enfermer dans la salle du générateur le plus rapidement possible. C'est alors qu'il la vit, la porte de la cafétéria. Il s'était trompé, il allait mourir bêtement. Il se maudit pour son choix puis frappa de toutes ses forces sur la porte. Ce n'était plus un acte réfléchi, mais uniquement un acte digne d'un condamné à mort. En une journée il était passé de stagiaire à Classe D. D-Fermat, ce nom ne sonnait pas si mal après tout. La créature était proche. Il se retourna pour faire face à sa fin. Il avait du mal à la voir dans le noir, il distinguait uniquement une ombre grossière. Ses yeux étaient plus noirs encore que son corps, et ils le fixaient… C'est alors que la porte qui le soutenait quitta l'arrière de son dos pour finalement le laisser tomber à la renverse. Il s'écrasa alors lourdement sur le sol. La lumière l'aveuglait, « Est-ce le paradis ? » se dit-il. Il lui fallut alors quelques secondes pour reprendre ses esprits et se retourner, puis il les vit tous. Ils étaient là, avec leurs sourire niais. Deux-trois ballons gonflés à l'hélium flottaient derrière eux. Certains gardes utilisaient même leur sourire mensuel. Puis après une seconde qui parut être une éternité, il s'écrièrent tous en cœur : « Bienvenue à la Fondatiooooonnn ! ».