En fin de compte, c'était Rex le gardien de ses secrets, et non moi. J'ai compilé ces volumes à partir de ce que d'autres ont pu me dire et de conversations dont je me souvenais. Des centaines d'années d'anecdotes, d'enregistrements, de rumeurs. Mais Rex, lui, savait tout…
-Extrait, Ruslav Diaghilev : Une Vie Remarquable, Volume 1, Arturo Genuomo, 2031
Ruslav Diaghilev était assis dans la quiétude relative de son bureau, marinant dans les fantômes de son passé. Le liquide ambré dans son verre tournoya un moment avant qu'il ne l'amène à ses lèvres. Le liquide qui s'y trouvait était vieux, même pour lui. Ce genre de chose était réservé pour des moments comme celui-là. Pour le genre de pertes que l'on ne peut pas surmonter. Sa voix résonna comme un grognement dans le bureau vide, "Tu étais un homme meilleur que moi. Une meilleure âme, même si tu ne sais pas à quel point c'est vrai." Les mots sortaient brutalement et morcelés entre ses pensées.
Ruslav avait maintenu un silence relatif depuis leur retour du laboratoire Ledenoff. Le Capitaine Donnarson avait essayé d'amadouer le Directeur pour avoir un débriefing, mais il avait invoqué son autorité pour ne pas en parler pour le moment. Il n'était pas prêt. Il n'arrivait pas à faire face à ce qui s'était passé, à l'échec de sa tentative de vouloir protéger les individus autour de lui des individus de son passé.
Un coup léger sur la porte arrêta sa descente hébétée dans sa propre dépression. Il fit un geste absent et utilisa l'Æther Ferrique pour tourner la poignée. Ruslav porta le verre à ses lèvres à nouveau et laissa le liquide brûlant couler dans sa gorge.
Le Capitaine Donnarson haussa un sourcil lorsque la porte s'ouvrit vers l'intérieur, et il entra dans la pénombre. Le bureau était plus sombre que dans ses souvenirs, et seules les lumières au-dessus du bureau du Directeur Diaghilev étaient allumées. Des papiers et des restes s'étaient accumulés sur son bureau, et la boîte de réception habituellement vide qu'il gardait auprès de la porte débordait de courrier et de rapports. Les bureaux d'Adebeyo et d'Arturo étaient vides et couverts d'une fine couche de poussière.
Rex fit un pas dans le bureau et choisit ses mots avec précaution, "Directeur, je suis désolé de vous déranger, mais-"
Ruslav leva les yeux et le fixa durement, "Je vous ai dit que je ne recevrais personne jusqu'à nouvel ordre." Sa voix avait l'air fatiguée désormais, résignée à cet endroit.
"Je suis désolé, monsieur. Votre Niveau d'accréditation peut garder la plupart des gens à distance, mais celui-ci vient d'au-dessus. Niveau six," dit Rex. Sa posture resta raide, pendant qu'il se préparait à se disputer avec le Directeur jusqu'à ce qu'il doive invoquer l'ordre d'accréditation qu'il avait reçu.
À la grande surprise de Rex, Ruslav se leva sans discussion et posa le verre sur le bureau en chêne. Il tendit sa main gauche pour attraper sa crosse puis regarda Rex dans les yeux. "Je vois. Il veut me voir, donc ?"
Rex hocha la tête et tendit une enveloppe blanche toute simple à Ruslav. Il y figurait juste "Ruslav", en lettres magnifiques tracées à la main. Ruslav retourna la lettre et brisa le sceau avec un doigt pour en faire sortir le contenu. Je crois qu'il est temps que nous discutions, vieil ami. La lettre était signée d'un "M" aussi simple que le reste.
Ruslav mit la lettre sur le petit plateau en métal sur son bureau et invoqua momentanément l'Æther Igné pour consumer la lettre en un bref éclair de feu. "On ferait mieux d'y aller, alors, Capitaine."
…L'Administrateur n'est probablement même pas réel. C'est juste un croquemitaine qu'on utilise pour faire peur aux recrues et leur faire croire qu'il y a une sorte de personnage qui contrôle tout depuis les coulisses, qui serait encore plus haut placé que les O5. Bien que ce soit une belle histoire, le fait est que nous sommes dirigés par un conseil démocratique, par des votes démocratiques. En plus, l'Administrateur serait genre… absurdement vieux maintenant…
Journal humoristique interne de la Fondation "La Brèche de confinement" numéro 731
Auteur inconnu
Ruslav et le Capitaine Donnarson sortirent de l'hélicoptère qui leur avait permis de faire la dernière étape de leur voyage. La plateforme pétrolière était plutôt bien déguisée, mais avec toute l'administration en place, il n'y avait jamais eu beaucoup de questions sur les raisons qu'avait une petite entreprise d'acheter une vieille plateforme pétrolière au milieu d'une mer peu profonde et pauvre en pétrole. Les nuages au loin annonçaient une tempête, et l'Æther Fulmineux tourbillonnait pratiquement autour de la structure.
Plusieurs agents les escortèrent en direction d'un ascenseur qui descendait dans les profondeurs de la structure d'acier et de béton. Ils maintenaient une distance respectueuse envers les deux membres du personnel de la Fondation, sans jamais tout à fait les quitter des yeux.
Les étages passèrent au cours de leur descente sous l'eau, au plus profond du cœur de l'installation. Ruslav avait toujours aimé cet endroit. Rien que la taille de l'endroit était amusante. Dix-sept niveaux sous le plancher océanique, creusés profondément dans la roche mère, où la Fondation cachait ses secrets les mieux gardés, ses installations les plus sécurisées. À l'origine, cet endroit abritait de vrais objets SCP, mais avec les politiques de mondialisation, il n'y avait guère plus que des étages d'activités administratives. Très peu de gens avaient pu voir cet endroit, et Ruslav lui-même n'y avait pas été depuis plusieurs décennies.
L'ascenseur sonna alors que la lumière du Niveau -14 s'allumait. Le Capitaine Donnarson et Ruslav furent escortés à travers des couloirs de béton nu semblables à ceux qu'on trouvait dans tout site de la Fondation. Des éclairages stériles, du béton lisse mais sans peinture, mises à part les couleurs départementales sur les murs et le sol qui indiquaient la direction de diverses zones. Les quatre agents les escortèrent jusqu'à une petite salle dans un des tunnels annexes, qui contenait plusieurs tables et quelques bacs en plastique.
L'agent que Ruslav pensait être le responsable fit un geste vague vers les bacs. "Directeur, si vous voulez bien déposer tout objet métallique ou dangereux avant d'entrer dans l'aile sécurisée. Capitaine, j'ai bien peur que vous ne soyez obligé de rester ici avec nous, vous n'avez pas l'accréditation suffisante pour entrer."
Rex regarda Ruslav un moment tandis que ce dernier ne faisait aucun signe ou geste, "Je suis le garde du corps personnel du Directeur Diaghilev. Où qu'il aille, j'irai. Je déposerai mes armes sans aucun problème, mais je ne le quitterai pas."
L'agent, il faut le lui reconnaître, dit quelques mots à voix basse dans un microphone avant de se retourner vers eux. "Directeur, on m'a donné l'ordre de vous laisser décider s'il peut assister à cette réunion ou non," dit l'agent.
Ruslav regarda Rex quelques instants pendant qu'une série complexe d'émotions le parcourait. Il parvint à une décision en son for intérieur et hocha la tête en direction de l'Agent.
Quelques échanges murmurés dans le même microphone plus tard, l'Agent lui dit, "Vous avez été temporairement accrédité pour accompagner le Directeur. J'espère ne pas avoir besoin de vous faire le speech habituel sur la sécurité et ce qu'il faut savoir ?"
Donnarson secoua la tête, se dirigea vers l'un des bacs et y déposa son arme de poing et son arme secondaire. Sa ceinture et des chargeurs de rechange les suivirent, ainsi que du bric-à-brac de ses poches. Il vérifia qu'il n'avait rien oublié en tâtant ses poches puis hocha la tête vers l'Agent.
Ruslav se dirigea également vers les bacs et y déposa sa crosse et plusieurs petits objets venant de ses poches. "Vous n'aviez pas besoin de vous proposer. Vous n'avez aucune obligation de-"
"Directeur, vous avez sauvé ma vie, et les vies de mes hommes, plus de fois que je ne saurais compter. Je ne vous quitterai pas." dit Rex avec une assurance absolue. Quelque chose éveilla des sentiments contraires en Ruslav ; de la culpabilité, mais aussi de la fierté.
Plusieurs minutes de marche amenèrent les deux hommes à une salle de conférence avec six sièges disposés autour d'une petite table ronde. Les agents fermèrent la porte derrière eux, les laissant dans un silence relatif. Le sol de la salle de conférence était couvert de moquette, et l'autre porte était aussi fermée. Dans un des coins se trouvaient un service à café et quelques bouteilles d'eau.
Rex se dirigea vers la machine et attrapa une des bouteilles d'eau avant de se retourner vers Ruslav. "Directeur, je vous sers quelque chose ?"
Ruslav acquiesça, "Un café. Avec un peu de lait, s'il y en a." Quelques minutes passèrent, alors que Rex et Ruslav s'asseyaient à la table et sirotaient leurs breuvages respectifs.
Rex baissa les yeux sur ses mains qui serraient faiblement la bouteille, "Alors, de quoi pensez-vous qu'il s'agisse ? L'installation de Ledenoff ?" Plusieurs secondes s'écoulèrent en silence, "Allons-nous être exécutés ?"
Ruslav secoua la tête, "J'en doute fortement. Je sais qui nous sommes venus voir. Je pense qu'il veut juste discuter."
Presque comme une coïncidence, l'autre porte s'ouvrit sur un couloir assombri. L'obscurité laissa place à un vieil homme aux cheveux gris argentés. Ses traits étaient anguleux et avaient un air européen, mais Rex n'arrivait pas à mettre le doigt sur la provenance de cet homme. Il portait un costume noir simple, et était plutôt petit. Quelque chose dans son apparence donnait une impression de pouvoir, mais là encore, il n'arrivait pas à trouver quoi.
Ruslav fit un petit grognement amusé à côté du capitaine et se leva lentement, "Je vois que tu t'es finalement décidé à te mettre aux vêtements actuels, vieil ami." Un sourire fatigué mais sincère se dessina sur le visage de Ruslav.
La voix de l'homme était plus aiguë que ce à quoi Rex s'attendait, et on y entendait un léger accent. Pas tout à fait britannique, mais quelque chose qui s'en approchait, "Et je vois que tu choisis toujours de porter ouvertement les robes de ta profession, Ruslav."
Le Capitaine Donnarson remua, mal à l'aise, et se racla la gorge, "Excusez-moi, monsieur. Je m'appelle Capitaine Rex Donnarson, commandant de-"
Le vieil homme leva la main et le coupa avec un regard d'autorité absolue. "Je sais qui vous êtes, capitaine. C'est moi qui vous ai laissé venir ici. Mon nom est sans importance, mais vous pouvez m'appeler L'Administrateur."
Le Capitaine Donnarson referma subitement sa bouche et déglutit avec difficulté, "Je-je vois. Désolé, monsieur, je ne savais pas."
L'Administrateur acquiesça, "Comment auriez-vous pu le savoir ? Aucun souci." Il se tourna vers le Directeur du Département d'Alchimie, "Ruslav, nous avons un problème."
Ruslav hocha la tête en fermant les yeux, "En effet. Nous avons perdu le contrôle. Je pensais qu'Adebeyo et moi arriverions à gérer ça. Je n'avais nullement l'intention de t'impliquer là-dedans à nouveau." Son corps se tendit et les flux d'Æther autour de lui commencèrent à redevenir chaotiques alors qu'il se remémorait Adebeyo, attaché à une des machines de Karl qui lui aspirait jusqu'à son essence même.
L'Administrateur fit le tour de la table et posa sa main sur l'épaule de Ruslav pour le secouer légèrement, "Je comprends pourquoi, mais ça a toujours été notre responsabilité, tu le sais bien." Les yeux ambre-gris de l'Administrateur se rivèrent dans les iris marron foncé de Ruslav. "Tu pouvais m'appeler dès que tu savais qu'il était de retour. C'est un fardeau qu'il a placé sur nos épaules à tous les deux."
Le Capitaine Donnarson tenta de lever la main. Les deux vieux hommes le regardèrent un instant avant de glousser doucement tous les deux. L'Administrateur hocha la tête, "Vous n'avez pas besoin de lever la main, vous n'êtes pas dans une salle de classe."
Rex sourit honteusement et dit, "Oui, évidemment. Je suis un peu confus. Je suis l'étranger dans cette conversation. Je comprends que je n'aie pas l'autorisation de savoir de quoi vous parlez tous les deux, mais si c'est le cas, je peux m'en aller."
L'Administrateur s'assit dans la chaise voisine de Ruslav et haussa les épaules, "Maintenant qu'Adebeyo n'est plus là, tu vas avoir besoin de quelqu'un qui sache la vérité. Tu l'as amené ici, en sachant de quoi nous allions parler, Ruslav. Ou bien allons-nous arrêter les plaisanteries et nous mettre au travail pour de bon ? Pas de noms de code, pas de noms implicites.
Rien que la vérité."
Ruslav hésita un moment lourd de sens en regardant L'Administrateur avant de se tourner vers le Capitaine Donnarson. "Rex, ce que je vais vous dire risque de changer votre perception de la Fondation pour toujours. Avant cela, je vous donne une chance de partir. Rester Niveau 3, rester le capitaine des Gardiens des Promesses, rien ne change. Sinon, vous serez promu au Niveau 4, effectif dès à présent, et tenu au secret sur tout ce qui implique le Département d'Alchimie ou l'histoire de la Fondation."
Rex se radossa légèrement à sa chaise en clignant des yeux, "On dirait que c'est quelque chose qu'Arturo serait plus à même d'apprendre, il va devenir votre prochain commandant en second, n'est-ce pas ?" Il déglutit avec difficulté à nouveau ; sa bouche devenait sèche.
Ruslav secoua la tête, "Non. Il n'est pas prêt, et ne le sera peut-être jamais. Vous êtes mon prochain commandant en second si vous souhaitez l'être. Acceptez-vous ce fardeau ?"
Rex baissa les yeux sur ses mains pendant une bonne minute, puis releva la tête et acquiesça, "Oui monsieur. Dites-moi tout."
Ruslav prit une profonde inspiration et se redressa. "Mon nom, enfin en tous cas le nom de la personne devant vous est Ruslav Diaghilev. Cependant, ce n'est pas le nom de l'entité qui habite ce corps. Tout comme l'entité qui est dans le corps de cette personne ne s'appelle pas L'Administrateur."
Ruslav fit glisser la bouteille d'eau de Rex vers lui. Rex but mécaniquement à la bouteille tandis que son rythme cardiaque s'accélérait. Ruslav continua, "Mon nom "correct", j'imagine, est Nimue-Lar." Il montra L'Administrateur, "Tandis que le sien est Merlin-Aer. Je sais que ça va sembler confus… mais je devrais commencer par le début. Il y a très longtemps, longtemps après une guerre dans laquelle l'humanité n'a joué aucun rôle, il y avait un homme dont le nom n'était pas important, jusqu'à ce qu'il soit habité par une entité connue comme Arthur-Sar. Je suppose qu'en fin de compte c'est là toute son histoire."
…J'aurais aimé que ce soit Arturo. Il aurait été … mieux préparé pour faire face à ce savoir s'il avait été éduqué au Collège. Mais je savais que la seule personne à qui je pouvais faire confiance dans mon équipe à cette époque, c'était Rex. Nul ne peut remplacer Adebeyo, mais j'avais besoin de quelqu'un. Ce n'était pas bien, ni juste, mais j'avais besoin de lui. …
-Extrait : Journal personnel de Ruslav Diaghilev
507 après J.-C., Britania, 1 an après le Grand Massacre de Luna
…J'ai toujours trouvé ça plutôt drôle. Toute la technologie, l'alchimie, tout ça. Tout était réel. Mais pour une raison que j'ignore, je n'arrivais pas à m'empêcher de rire en pensant qu'il y avait un super alien alchimiste qui s'appelait "Arthur". …
-Extrait : Journal personnel du Cpt. Rex Donnarson
Arthur baissa les yeux sur son pied botté. Il inspira l'atmosphère plus lourde de la Terre en regardant les plaines vallonnées de la contrée où ils s'étaient retrouvés après l'évacuation de Luna. "Penses-tu qu'il soit mort, Merlin ?" dit-il de sa douce voix de baryton.
Voûté sous les robes qui couvraient la carrure lunarienne bien plus large qu'il possédait, Merlin-Aer grogna son mécontentement pendant qu'il manipulait continuellement les flux d'Æther pour atténuer l'air qui s'écoulait dans ses poumons. "Bien sûr que non. Si c'était le cas, les courants d'Æther se seraient apaisés à présent."
Arthur baissa à nouveau les yeux sur la terre sous ses pieds pour voir les douces herbes verdoyantes onduler dans la brise, "On peut toujours espérer, Merlin. J'imagine que nous allons devoir espérer que le plan de Nimue-Lar fonctionne alors, n'est-ce pas ?"
Merlin se pencha et renifla l'herbe ; son nez se plissa en sentant l'odeur de toute cette vie qui y croissait. "Je ne comprends pas pourquoi nous ne retournons tout simplement pas à l'une des autres villes," grogna-t-il dans sa barbe. Merlin était manifestement mal à l'aise sous l'effet de la gravité plus forte de cette planète. Arthur l'avait encouragé à prendre un des humains comme hôte pour son être interne, mais il avait résisté jusque-là.
"Nous avons le devoir de protéger cet endroit de Mordred. Nous avons échoué à protéger Luna. Nous ne faillirons pas cette fois," dit Arthur, en se dirigeant vers le plan d'eau sous lequel Nimue-Lar avait installé son laboratoire d'Alchimie.
Merlin expira un souffle d'air et partit à la suite de l'humain habité plus petit que lui. Peu importe ce qu'il en pensait, Arthur était toujours son Sar. Nimue avait installé ce laboratoire peu de temps après l'atterrissage, et Merlin était toujours mal à l'aise à l'idée de visiter le laboratoire de l'alchimiste plus jeune.
"Tu lui fais vraiment confiance, Arthur-Sar ? Elle ne nous a rejoint que lorsque Mordred a menacé son travail," dit Merlin. Les arbres autour d'eux bruissaient et se balançaient dans le vent tandis que les deux amis marchaient. Deux sentinelles étaient à peine visibles au loin, mais autrement, ils étaient seuls autour du lac.
Arthur sourit énigmatiquement à Merlin et manipula un flux mineur d'Æther Airé autour d'eux deux pour cacher leur conversation d'une oreille ou d'une Œuvre indiscrète. Il s'arrêta et se tourna vers son compagnon massif. "Oui. Je lui fais confiance. C'est l'une des trois d'entre nous qui restent. Nous n'avons pas vraiment d'autre choix que de lui faire confiance. En plus, nous savons tous les deux qu'elle et toi êtes le seul espoir que nous ayons pour nous opposer à lui. Je suis un soldat, pas un scientifique."
Merlin fixa durement le petit humain puis hocha la tête de façon bourrue. "Je sais. Je n'aime toujours pas ça."
Arthur fit un geste de la main pour dissiper l'Œuvre autour d'eux et continua à descendre le chemin du lac près de Camelot. Il vérifia qu'aucun humain n'était à proximité et regarda Merlin avec impatience.
Merlin leva les yeux au ciel et manipula les Æthers Aqueux, séparant l'eau en un court tunnel qui menait à une bulle d'eau brillante sous l'eau. Après quelques secondes, le tunnel était devenu parfaitement lisse sur tous les côtés. Merlin s'avança pesamment dans le lac, Arthur sur ses talons. Alors qu'ils s'approchaient de la bulle d'air, une douce musique les enveloppa et leur rappela leur foyer.
À l'intérieur de la bulle, de petits sceaux et Œuvres fournissaient l'éclairage nécessaire, et une seule silhouette voletait entre divers plans de travail et tables en agitant la main de temps à autre afin de changer légèrement l'une des Œuvres. Alors que les deux autres s'approchaient, Nimue se tourna vers l'entrée de son laboratoire.
Elle était plus grande que l'hôte d'Arthur, une humaine aux cheveux couleur de paille. Sur un plan de travail non loin reposait une crosse de fer froid, abîmée par le temps et l'usage. Elle pencha la tête sur le côté et les regarda d'un air perplexe. "Je ne m'attendais pas à vous voir, Merlin."
Merlin se tourna en direction de l'une des tables en ressentant les flux d'Æther qui l'entouraient. "Pas mon idée," dit-il, en parcourant oisivement les échantillons d'Ætheracier auprès de lui.
Nimue lui fit un autre de ses sourires énigmatiques et se tourna vers Arthur, "Alors c'était vous, Arthur ? Ou devrais-je dire "votre majesté" ?"
Arthur secoua légèrement la tête, "Ce n'était pas mon idée, mais c'est devenu ma responsabilité. Je suis venu ici pour faire une requête." Arthur s'avança jusqu'à elle et riva les yeux bleu marine de son hôte dans les siens. "Avant que nous ne quittions Luna, tu as dit travailler sur quelque chose qui pourrait le combattre, le tuer pour de bon. Travailles-tu toujours sur cela ?"
Nimue hocha la tête et se tourna vers le plan de travail en désignant un ensemble de diagrammes techniques, "Oui. Mais je ne pense pas qu'un de nos plans puisse fonctionner. Il va falloir que ce soit quelque chose de plus… solide, pour qu'il résiste aux flux d'Æther en lui."
Merlin souffla et se tourna vers les deux hôtes humains, "Pensez-vous que notre technologie n'est pas assez solide, Nimue-Lar ?"
Nimue haussa les épaules, "Jetez donc un coup d’œil aux diagrammes, Merlin-Aer. De ce que j'ai compris et déduit, il nous faut quelque chose qui puisse supporter au moins dix bons kilo-sae de flux à travers sa structure. En plus de ça, je pense que nous avons besoin… d'autre chose. Une autre connexion ou quelque chose de ce genre. J'ai étudié les humains, et je pense qu'il y a quelque chose d'unique dans leur physiologie. Une arme, oui, mais une arme humaine."
Merlin s'approcha et passa rapidement en revue les documents et les dessins sur l'établi en se tenant négligemment le menton et en tirant sur un bout familier de peau rugueuse qui l'embêtait. Il grogna plusieurs fois, "Je vois. Vous pensez qu'une arme humaine, dans les mains d'un humain habité, serait la solution ? Êtes-vous sûre de cette connexion ? Qu'un humain est la "pièce maîtresse" de tout ce… pari ?"
Nimue secoua la tête et se dirigea vers une machine qui bourdonnait doucement, une fusion de technologie et d'alchimie. "Je n'en suis pas sûre. Mais je… j'imagine que c'est mon instinct qui me le dit. Les humains sont spéciaux, mais je n'arrive pas encore à comprendre pourquoi." Elle souleva plusieurs loquets et la machine s'ouvrit, révélant un creuset bouillonnant doucement, rempli d'un métal brillant et iridescent. "De l'Ætheracier. Probablement le dernier que nous créerons jamais."
Arthur s'approcha et regarda profondément dans le bain de métal bouillonnant. "Alors ce sera une épée. Celle qui détruira Mordred pour de bon et nous libérera de sa corruption," dit-il. Il se pencha et déboucla la ceinture autour de sa taille, ainsi que l'épée qui l'avait mené à son couronnement.
Nimue accepta l'épée et la plaça à côté de l'établi pendant qu'un affichage transparent analysait les dimensions de l'arme. "Et comment allons-nous appeler cette arme ? Ce sera une épée très spéciale."
Merlin dit d'une voix bourrue, "Nommer les armes est un travail de soldat. Je suis un Lunarien de science."
Arthur ne détourna pas les yeux du bain d'Ætheracier, "Nous allons l'appeler comme le point de départ de tout cette pagaille."
Nimue sourit faiblement, "Je ne pense pas que son nom se traduira très bien dans la langue humaine." Elle posa l'épée délicatement à côté du creuset.
Arthur serra les poings dans ses gants, "Je n'en ai cure. Mordred tombera par l'instrument de la vengeance de Caliburn-Sar."
Merlin s'approcha des deux autres et acquiesça, "Très bien. Un soldat, un forgæther, et un scupltæther avec un bout de métal pointu contre le plus puissant Alchimiste qui ait jamais existé et son bras droit, qui ont annihilé toute notre armée à eux deux."
Un moment de silence s'installa, seulement ponctué par les remous de l'eau du lac au-dessus d'eux et les ronronnements des instruments.
Merlin finit par se retourner en direction de la sortie et commença à remonter lourdement vers la surface, "J'aimerais juste que vous reconnaissiez tous les deux que nous allons tous mourir horriblement."
Tout a changé quand je l'ai habité. Je pensais que ce serait juste pour le côté pratique, un transfert comme n'importe lequel des dizaines d'autres que j'avais pu faire au cours des siècles. Je ne m'attendais pas à ressentir une telle… dévotion. Un tel amour pour ce lieu. Je savais que nous étions chez nous. Nous en ferions notre maison, et la protégerions de toutes les menaces à venir. Maintenant, et dans le futur…
Citation supposément attribuée à "Arthur-Sar", relayée par Ruslav Diaghilev