Le Mage et ses drôles de dames

Phnom Penh, Riverside, appartement de Sarak.


"Pion en C3. Au fait, le familier que je t'ai fourni te convient-il toujours ?"


Assis dans son cercle de sel, Amy, président des enfers et commandant de trente-six légions infernales donnait, comme à son habitude, du fil à retordre à Sarak. Sans répondre, le démoniste fixait l'échiquier, à la recherche d'une solution.


"Cavalier en B6, annonça-t-il finalement. Et oui, je maintiens que c'est sans doute la meilleure affaire que j'ai pu faire avec toi.

— Dame en E1. C'est étrange, dit il en riant, j'ai la même impression que toi à ce sujet ! Attention sur ton prochain coup."


Leurs parties d'échecs régulières étaient presque devenues une institution. Le démon avait toujours un avantage certain de par ses siècles de pratique, mais ne trouvant pas beaucoup d'amateurs de jeux humains dans son propre plan d'existence, il acceptait volontiers une partie de temps en temps et en demandait même régulièrement à qui voulait bien l'invoquer.


"Cavalier en C4.

— Dame en C3. Tu as perdu. Encore.

— Non, pas encore.

— Et bien cherche, mais je te le dis, mat en trois coups. Maximum."


Le colosse tatoué resta quelques minutes face à l'échiquier, à la recherche d'une solution sous le regard moqueur du démon, avant de finalement accepter l'évidence.


"Mat en trois coup. T'as gagné.

— Je te l'avais bien dit ! Encore une ?

— Je passe mon tour, il est déjà tard et je commence à en avoir marre de perdre.

— Alors abandonne ta défense indienne Sarak, cela ne te réussit pas. Tu es sûr, pas une partie de plus ?

— Certain. C'était cependant un plaisir de jouer contre toi, comme d'habitude.

— Allez, je dois bien pouvoir te convaincre d'en refaire une !

— Ne cherche pas, c'est fini pour ce soir.

— Un prix sur quelque chose peut-être ?

— Laisse tomber.

— Les inscriptions sur ta morte, tu as fini par trouver ce que c'était ? Je peux y jeter un œil…

— C'était il y a six mois, je t'ai pas attendu. Cela m'a coûté cher, mais toujours moins qu'avec toi. On a dû trouver une astuce pour l'insémination, mais ça s'est bien passé. Ça devait faire un truc à la naissance à la base, un transfert de puissance via le sang ou quelque chose comme ça. Pas gênant pour nous.

— D'ailleurs, cela avance, ton projet ?

— Tranquillement. On attend la naissance, il faut le temps que ça pousse. Goppette s'est fait une ou deux frayeurs sur la conservation du corps, mais il gère.

— Ton nécromancien ?

— C'est ça."


Le démoniste finit de ranger les pièces et commença à s'approcher du cercle pour rompre l'invocation, quand le démon reprit.


"J'aurais une dernière question là-dessus, si ça ne te dérange pas.

— Vas-y, je t'en prie.

— Imaginons, c'est une hypothèse, que lors de mes sorties mondaines aux enfers, j'en ai également entendu parler, je veux dire, de toi et ton petit plan ?


Le colosse s'arrêta un instant, attendant la suite.


— Ma source t'intéresse ? Cela vaut bien une partie supplémentaire…

— En effet.

— Ne crois pas que je me sois adouci avec le temps, je sais que mon conseil vaut toujours plus qu'une simple partie….

- Je ne connais pas ta dite information, dans le doute, tu sais que je ne payerais pas bien cher. Quel est ton prix ?"


Le démon réfléchit un instant.


"Sais-tu pourquoi j'aime jouer aux échecs ?

— Ton prix, démon.

— En enfers, les rares jeux que nous avons sont déjà codifiés depuis des millénaires, reprit le démon, indifférent. Impossible d'innover, chaque coup a déjà été étudié mille fois et quel que soit le jeu, toutes les parties se ressemblent, il n'y a plus rien de stimulant. Certains exultent à l'idée de s'approcher de la “partie parfaite”, mais au final, c'est d'un ennui… La plupart se moquent des jeux humains, trop volatiles à leurs goûts, quelques siècles d'existence tout au plus… Tant et si bien qu'il est difficile de trouver des joueurs réguliers là-bas.

— Donc, tu veux plus de parties ? D'autres partenaires ?

— Non ! Quoique je ne cracherai pas dessus. Mais le constat, c'est qu'il est presque impossible, dans mon plan d'existence, de se documenter sur les derniers jeux à la mode chez vous. C'est extrêmement préjudiciable, pour notre intellect comme pour les invocations. Tu connais le “Bridge” ?

— Vaguement, pourquoi ?

— Une fois, en Angleterre, une petite vieille et sa copine m'ont invoquées, désirant mes services. Ne voulant pas payer le prix, elles me proposent de le jouer. Sûr de moi, j'accepte, sans connaître le jeu. Mon intellect, je le pensais, suffirait. Devine ce qu'elles choisissent ?

— Le bridge ?

— Le bridge. Une cuisante défaite, pour moi et Stolas appelé en renfort. Un jeu intéressant, mais impossible à apprendre en quelques minutes, je le crains.

— Et donc ?

— Je suis intéressé. Je veux que tu m'apprennes à jouer au bridge.

— C'est tout ?

— C'est tout. Deux parties d'échecs complètes ce soir, et quatre mois à jouer au bridge tous les soirs.

— Va pour les échecs. Pour le bridge, deux soirs par semaine pendant trois mois.

— Trois soirs, trois mois. Cela fera à peine plus que nos actuelles parties d'échec de toute façon. Et tu trouves les joueurs."


Le démoniste soupira.


"Vendu. J'espère que cela en vaut le prix", marmonna-t-il en concluant le pacte.


Le démon, heureux de sa performance, lui tendit un large sourire.


"Ce soir, tu risques de perdre le gosse."


Le sang du démoniste se glaça, alors que le visage du démon se réchauffait.


"J'ai entendu que Haagenti te cherchait, pour le compte d'un certain Francesco Campamanes. Il t'a trouvé il y a quelques jours. J'apprécie ces parties, mais t'éloigner de ton butin, même pour un soir, c'est risqué…

— Putain de merde ! Bouillonna le colosse, ce connard attendait que je parte !"


Fou de rage, il attrapa sa veste pour courir protéger son dû, quand un mur de flamme jaillit soudain devant la porte.


"…

— Deux parties, disions nous ?"



Sorya n'avait jamais vraiment eu une conduite souple, mais les circonstances n'aidaient en rien. Les mains crispées sur le guidon de sa moto, elle traversait maintenant la ville du plus rapidement qu'elle le pouvait, malgré le trafic perturbé par les travaux sur le pont Chroy Changvar. Le démoniste l'avait appelé en urgence, c'était la première fois qu'elle avait entendu le colosse paniquer. Forcé de reconnaître que c'était contagieux. Elle passa sur le trottoir pour éviter un feu un peu trop long, alors qu'elle se rapprochait petit à petit de son objectif. Et Goppette qui ne répondait toujours pas… Après quelques longues minutes peu respectueuses du code de la route ou même de toutes notions élémentaires de sécurité routière, elle aperçut finalement le bureau du docteur au bout de la rue et pila devant la propriété. Tout était étrangement calme et elle escalada le portail avant de tenter de rappeler Goppette, toujours sans succès.

Elle courut vers la porte principale, malheureusement fermée, sonna sans réponse à l'interphone et se rabattit finalement sur la cour intérieure. Celle-ci, particulièrement fleurie, aurait sans doute été magnifique de jour, mais le temps n'était pas au tourisme. La voiture de Goppette traînait au milieu de celle-ci, entre plusieurs énormes pots de fleur remplis d'eau pour la plupart où de petits poissons dormaient tranquillement, sans avoir conscience des évènements en cours. Elle chercha un moyen d'entrer ou d'avertir le nécromancien de sa présence, sans grand succès, les portes étaient toutes verrouillées à double tour. Elle hésita à crier sous sa fenêtre quand elle remarqua du verre brisé à ses pieds. La chose n'était pas évidente à voir dans l'obscurité de la cour, mais au premier étage, on avait bien brisé une vitre.

C'était mauvais.

Elle attacha ses cheveux en arrière, monta sur le toit de la voiture, prit le peu d'élan qu'elle pouvait et sauta pour agripper le rebord de la fenêtre. Elle se hissa péniblement et confirma ses soupçons : un carreau avait été brisé pour ouvrir la fenêtre de l'intérieur. Elle ouvrit la fenêtre en plus grand, en faisant bien attention à ne pas se couper et passa dans l'encadrure. Un couloir sombre se tenait maintenant devant elle.

Appeler à l'aide sans plus d'information aurait été dangereux, ainsi décida-t-elle d'en savoir plus. Elle hésita à monter dans les chambres pour tenter de prendre des nouvelles du nécromancien, mais l'idée d'aller traîner du côté du laboratoire était bien trop tentante. Elle sortit un petit couteau de sa veste et s'engagea d'un pas svelte dans les escaliers. Elle n'avait pas grande connaissance de la maison, n'étant invitée que dans le laboratoire et le salon des invités lorsqu'on avait besoin d'elle pour étudier les inscriptions sur le corps de la morte, mais son bon sens de l'orientation était ici plus que suffisant. Elle se retrouva rapidement en terrain connu et s'engagea vers le petit passage menant au laboratoire, ou la morte était stockée en attendant le “grand jour”, ne s'arrêtant que très rarement, à l'affût du moindre bruit suspect. La porte du passage était ouverte, chose étrange connaissant le docteur. Un bruit sec se fit entendre à l'autre bout de celle-ci. Elle jeta un coup d'œil rapide dans la coursive et son sang se glaça.

De l'autre côté, essayant désespérément de forcer la porte du laboratoire, se tenait une créature de cauchemar, semblable à un être humain qu'on aurait coupé en deux au niveau de la taille, avec deux énormes ailes de chauves-souris lui sortant directement dans le dos, au niveau des omoplates. La créature avait étendu ses ailes entre le sol et le plafond, de façon à soulever le torse sans jambe au niveau de la poignée, qu'elle tirait maintenant d'une force démoniaque, poussé par l'amplitude des ailes.

Sorya se plaqua contre le mur, le souffle haletant. Elle s'attendait bien à quelque chose, mais pas à… ça, quoi que ça puisse être. Que faire ? Nouveau coup d'oeil rapide. Non, ce n'était définitivement pas un rêve, pas de réveil à espérer. Tenter la cuisine ? Trouver des couteaux, des ingrédients ? Tenter de trouver Goppette ? Un nouveau craquement retentit, signe d'une nouvelle charge de la bête contre la porte.

Que faire ?

Que faire que faire que faire que faire que faire que faire quefairequefairequefaire…

Bordel, prendre une décision !

Elle passa une nouvelle fois la tête dans l'encadrure, comme espérant que la solution arrive d'elle-même.

Raté. À vrai dire, c'était même pire : la créature avait disparu, la porte était ouverte, la serrure fracassée.

Et merde. Plus le temps de réfléchir, agir maintenant ou perdre six mois de travail. Elle avança à pas rapide dans le corridor pour s'approcher de la porte défoncée, tout en empoignant son couteau par la lame.

Elle prit une grande inspiration.

Elle rentra en criant. La créature était allongée sur le corps de Virika Kayanan, la mère morte. Elle se retourna d'un coup sec à l'annonce du cri. Le couteau fusa au travers de la salle, pour venir se planter dans l'œil de la créature, qui hurla de douleur. Sautant par dessus la table centrale, elle se précipita droit sur la créature, pour récupérer son arme avant de lui laisser le temps de réagir. Elle approcha sa main du manche de la lame quand la créature riposta violemment, propulsant la jeune femme en arrière d'un féroce coup dans les côtes, lui coupant le souffle. Avant qu'elle ne put faire grand chose, deux énormes mains lui plaquèrent les épaules au sol alors que la créature se penchait maintenant sur elle, dévoilant une dentition bien trop garnie pour un herbivore, ainsi qu'une langue bien trop longue pour paraitre pacifique. Sans réfléchir, Sorya ferma les yeux et lança sa tête en avant. Son front vint percuter le manche du couteau, toujours planté, arrachant à la créature un nouveau cri et de précieuses secondes d'attention. Un coup de pied dans le torse plus tard, elle était libérée de son étreinte.

Elle clopina vers la porte se prenant un coup d'aile au passage, alors que la créature arrachait le couteau d'un coup sec, avant de déployer ses larges ailes membraneuses pour piquer sur la pauvre ensorceleuse…

Le secret de la réussite, c'est le timing.

Alors que la main de la créature fonçait sur son visage, Sorya referma la porte d'un coup sec. L'impact produisit un son sec alors que l'ensorceleuse perdait l'équilibre. La créature, groggy, n'eut guère le temps de reprendre ses esprits alors qu'une main lui empoignait solidement les cheveux. La tête infâme de la créature fut poussée de quelques mètres et la porte se referma brutalement, jouant le rôle du marteau et l'encadrement de l'enclume. Au premier coup, la créature hurla de douleur, le second, Sorya hurla de rage. Le troisième, on n'entendit que le son sourd d'un crâne qui se brise. Le quatrième, tout comme le cinquième, ne furent pas vraiment nécessaire, mais advinrent quand même. Face au cadavre inerte de la créature, la combattante victorieuse s'effondra, le souffle court. Elle avait réussi. Elle ne savait pas encore ce qu'elle avait tué, mais elle avait réussi.

Elle rit seule, avec le cadavre de la créature comme seul public, elle ria face aux dieux, elle ria pour le monde et pour elle.

Mais il faut croire que le destin n'aime pas que l'on rit à ses dépends. Un bruit se fit entendre dans le couloir. Elle tourna la tête et vit trois créatures similaires foncer vers elle, tel un cauchemar rampant. Elles avaient dû s'introduire dans la maison pendant la bataille. Sorya n'avait alors pas eu l'occasion de se préoccuper du monde extérieur.

Dommage.

La première la plaqua au sol avant qu'elle n'ait pu songer à se relever. La seconde lui passa dessus, sans même faire attention.

Deux mains lui saisissaient maintenant le cou avec une puissance monstrueuse, à tel point qu'elle ne sut pas, l'espace d'un moment, ce qui la tuerait en premier : l'asphyxie ou la poigne.

Elle se sentait de plus en plus faible.

Peu à peu, de petites tâches blanches apparurent dans son champ de vision. Blanches, ou simplement floues. Peu à peu, tout devint blanc. Seul restait la douleur, l'angoisse.

Du coin de sa conscience, elle entendit un bruit. Elle pensa à sa nuque. Tout devient noir.

Elle inspira d'un coup tout l'air qui lui avait manqué plus tôt. Et elle toussa.

Beaucoup.

Elle se pencha sur le côté, alors qu'elle crachait maintenant une sorte de suie noire abondamment mélangée avec des glaires de sang. La créature avait semble t-il disparu, alors que la même suie recouvrait maintenant le sol. Une des deux créatures passa par dessus elle, les ailes plaquées le long du corps pour passer dans le couloir, bientôt suivie de la deuxième. Un bruit sourd se fit entendre. Une silhouette ailée se tortillait maintenant à terre, alors qu'au loin, floue, une silhouette semblait se débattre avec la seconde créature.

Un troisième bruit, cette fois si clairement identifiable par l'ensorceleuse comme une détonation retentit, et la créature s’éloigna rapidement de la silhouette embrumée. Elle ne comprit pas bien ce que la silhouette fit, occupée à manipuler quelque chose dans ses mains, jusqu'à ce qu'un un nouveau coup de feu se fasse entendre. La dernière créature, blessée dans le couloir, s’évapora alors brusquement dans une fumée noire, alors que l’ensorceleuse retrouvait peu à peu l’usage de ses sens. Elle reconnut finalement l’homme qui s’approchait maintenant d’elle, fusil en main. Goppette, en caleçon, présentait un faciès dur, qu'elle n'avait jamais observé sur l’homme jusqu'à présent. La rage se lisait dans ses yeux, et son éternel pas chaloupant avait été remplacé par un pas sûr et violent. Elle n’eut pas le temps de prononcer le moindre mot que le nécromancien était déjà sur elle, deux doigts posés sur sa nuque pour prendre le poul.


"T'es en état ?

— Oui… Je crois… Dit elle en toussotant."


Sans autre avertissement, il lui mit le fusil dans les mains.


"C'est du gros sel. Le livre est en sécurité," indiqua-t-il en cherchant quelques flacons dans son laboratoire dévasté.


Il se penchant sur le non-cadavre de Virika Kayanan. Il reprit la parole quelques instants plus tard, après un examen rapide du corps.


"L'enfant vivra.

— Putain, on l'a sauvé.

— Mais on a toujours un problème. L'une s'est enfuie, visiblement avec du sang.

— C'est problématique ?

— Oui."


Le silence s'abattit sur la pièce.


"Pourquoi ?

— On peut faire beaucoup de choses avec du sang… Notamment de la localisation, au travers des limbes.

— Il va attaquer à nouveau ?

— Non, l'association va tuer ce bâtard pour trahison avant cela.

— Alors où est le problème ?"


Le nécromancien aida la non-morte à se relever, alors que celle-ci obéissait sans un mot.


"Sais-tu-ce qu'il lui manque ? À elle ?

— De l'intelligence ?

— Une âme. Ou plutôt la sienne. En fait, elle a une âme, je lui en ai modelé une. On évite toujours de ramener la véritable âme de quelqu'un en nécromancie, parce que c'est très vite complexe d'une part, et très lourd de conséquence de l'autre. Une âme arrachée au royaume des morts n'y retourne pas facilement et c'est en admettant qu'elle revienne ici dans un état correct. Donc, on ne ramène pas d'âme. Mais on ne peut pas piloter un corps sans.

— Et donc ?

— Et donc, hormis le travail de régénération et de conservation du corps, le travail du nécromancien est de créer une âme artificielle pour ce faire. Une instance thaumaturgique primaire, pour remplacer la première. Mais cette astuce a une autre utilité. Que risque-t-on à laisser une maison à l'abandon ?

— …

— Que quelqu'un y rentre. On n'a pas idée du nombre de choses, parfois d'origine humaine, qui rôdent à l'affût.

— Et alors, tu as bricolé ton truc, non, on risque rien ?

— Pour elle, oui."


Elle pensa immédiatement à l'enfant. Avait-il une âme ? La question, nouvelle à son esprit, avait quelque chose de profondément dérangeante. Pour la première fois, elle ne voyait pas cet être comme une clef, comme un objet, mais bien comme un possible être humain. Faire preuve de cruauté était une chose, s'en apercevoir en était une autre. Goppette reprit, interrompant sa réflexion.


"Pour l'enfant, c'est autre chose. Il y a relativement peu d'étude sur le sujet tu t'en doutes, mais il semble que le prémisse d'âme du nourrisson se développe à partir de l'âme de la mère.

— Donc ici…

— À partir de presque rien. Avant la naissance, l'âme artificielle de la mère devrait le protéger, mais après cela… J'avais pensé utiliser l'enfant pour ouvrir le livre et le tuer ensuite pour éviter le problème, mais ici… on risque d'être pris de court. L'association ne va pas tuer Campamanes pour trahison, elle n'en aura pas le temps. Il va se préparer, se donner la mort lui-même et attendre la naissance, caché dans les limbes avant de resurgir au bon endroit au bon moment, guidé par le sang.

— Vraiment ?

— Il se sait condamné par son action, la guilde ne laissera pas passer ça. Je ne sais pas encore comment Sarak a réussi à avoir son nom, mais ça va forcément précipiter les choses.

— Et donc, on fait quoi ? Il doit bien y avoir un moyen de s'en protéger, non ?

— Non. Pas contre un mage de ce niveau."


Un nouveau silence passa.


"Par contre… réfléchit Goppette, si on ne peut pas lutter contre l'attaque, on peut attaquer avant… Un corps occupé ne pourra être possédé.

— On pourrait le doubler ?

— Pas avant la naissance, mais oui, en théorie… Reste à trouver qui serait assez fou et endetté pour oser parier son existence dans une course contre un praticien de son niveau…

— Personne ne le sera dans l'association…"


Des pas hésitants se firent entendre dans le couloir et l'ensorceleuse leva le fusil vers ce qui s'avéra n'être ni plus n'y moins qu'un bassin de femme, porté par deux jambes couvertes par une jupe longue. La chose s'arrêta devant le corps savaté de la première créature découverte par Sorya , le seul qui ne fut pas réduit en cendres par le sel. Goppette s'approcha doucement du corps, scalpel en main. Faisant signe de garder les deux jambes en ligne de mire, il s'agenouilla et entailla le cadavre au niveau de la nuque. Des piaillements se firent entendre et d'un coup sec, Goppette en extrait un petit oisillon noir, alors que le corps et la paire de jambe tombaient en cendres.


"À quelque chose malheur est bon, cette soirée fut tout de même intéressante”, annonça-t-il en examinant l'oiseau qui piaillait. Quant à notre problème, si l'association n'en compte pas, la solution est simple…

— Il faut embaucher."

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