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Professeur Clarence Nephandi, spécialiste en biologie cellulaire et moléculaire… Eh, pas besoin d'être aussi tendu, je suis dans vos fiches. Regardez une deuxième fois, on s'est même déjà croisés. Si, je vous assure. Une fois en salle de réunion, six fois au détour d'un couloir, dix-huit fois aux sanitaires et quarante-deux fois dans la queue de la cantine. Vous volez toujours une petite cuillère dans la file d'attente quand le cuistot a le dos tourné.
Bien sûr que je suis dans vos fiches, finalement. Je vous l'avais dit. Est-ce que je peux entrer mainten…
…
Oh, je vous en prie, ne vous déplacez pas. Ce n'est rien. Simple malaise passager, la fatigue. J'ai de quoi me soulager. Juste quelques pilules… Oui, je sais que ce sont des amnésiques. Oui, c'est normal. Oui, j'ai une ordonnance. Mémoire particulière, remède particulier, etcetera.
…
Excusez-moi, je… Il faut vraiment que je prenne mon médicament.
– Professeur Clarence Nephandi.
Lorsque le Pr Clarence Nephandi sortit de la pièce où s'était déroulé le massacre, il inspira profondément, soulagé de ne plus avoir à supporter l'odeur du sang et de la chair brûlée.
Les dernières minutes étaient… floues, pour ne pas dire inexistantes, au sein de son esprit. Tout ce qu'il savait, il le tenait du Professeur Lucy, personne sympathique mais très intrigante, avec qui il avait été envoyé en mission. Un agent des forces ennemies les avait traqués et acculés dans une petite pièce de recherche. Fort heureusement pour eux, des entités anormales avaient à leur tour surgi, empêchant l'individu de réaliser ses sombres dessins. S'en était ensuivi un combat particulièrement incompréhensible et confus, toujours aux dires de sa collègue, à l'issue duquel le soldat avait abattu les trois créatures.
Le récit devenait très évasif à partir de ce moment précis : de ce qu'il en avait personnellement compris, la jeune femme avait ensuite réussi à récupérer son taser par surprise, et par accident, l'avait activé, résultant en un décès malheureux et fortuit – la pauvre était effondrée de remords, quand bien même personne n'aurait pu la blâmer étant données les circonstances. Dans ses mouvements paniqués, elle avait également touché et assommé son propre confrère, ce qui expliquait partiellement le sentiment de nausée, et les souvenirs pour ainsi dire lacunaires qui lui restaient de l'expérience.
Le bilan était de quatre cadavres dans une petite pièce, et un trou conséquent dans sa mémoire. Lourd, lourd bilan, pour un aussi petit coup d'étincelle.
D'ordinaire, il aurait poussé un peu plus loin ses recherches en interrogeant en détail le Pr Lucy, mais celle-ci avait eu l'air tellement chamboulée, tellement perdue, qu'il n'avait pas osé davantage la presser. Tuer quelqu'un devait être terriblement marquant.
Surtout, il se souvenait avec une netteté particulière des traits de son visage, criant de véracité et d'une inquiétude authentique, quand elle lui avait dit :
« – Je ne sais pas où est le Dr Théodore. Je ne sais pas s'il est en vie. »
De fait, la salle annexe où ils l'avaient vu pour la dernière fois était déserte et silencieuse.
« – M. Théodore ! lança Clarence au hasard, sans trop savoir par où commencer ses recherches, pendant que sa consœur parcourait le périmètre des yeux, avec une nervosité compréhensible. »
Un cri alarmé le fit sursauter, provenant directement du placard à blouse sur sa gauche. Les portes s'ouvrirent à pleine volée, et le disparu émergea de l'armoire avant de s'étaler au sol par mégarde, lui, sa guitare dans le dos… et une quatrième créature informe, genre de rat minuscule et grossier qui s'élança dans la pièce sitôt à l'air libre, avec un sifflement exécrable.
Le Pr Nephandi vit, avec une froideur et une vivacité rares, Tara écraser la vermine sous sa semelle, et bien enfoncer sa chaussure au sol pour être sûre qu'elle fut bien morte. Cela lui en colla des frissons, sans qu'il sache pourquoi et ne veuille s'attarder sur la raison de son malaise soudain.
« – M. Théodore ! s'exclama-t-il plutôt tout en s'avançant pour aider le malheureux.
– C'est bon, je vais bien, tout va bien ! chantonna l'intéressé tout en se redressant vivement, un sourire sur les lèvres et le nez en sang. Rien de cassé ! »
Un soupir de soulagement parcourut ses collègues. C'était un poids considérable qui venait de s'envoler de leurs épaules.
« – Beau réflexe, apprécia le miraculé sans se départir de son enthousiasme, lorsqu'il vit la bouillie infâme sous le pied de Tara. J'avais pas vu que cette saloperie était entrée avec moi lorsque je me suis caché. Va falloir faire attention, elles doivent traîner partout.
– Tant qu'elles font la taille d'une souris, pas de problème, grimaça son interlocutrice. Ce sont les anomalies de la taille des loups, voire des humains qui me font peur.
– Vous avez vu les trucs qui sont rentrés ici ? Il s'est passé quoi ? lança l'assistant-chercheur en faisant mine de se rendre dans la pièce sinistrée. »
Le Pr Lucy l'arrêta d'une pression du bras.
« – Vous ne voulez pas entrer là dedans. Croyez-moi. »
Pendant toute la durée de cet échange, Clarence était en train de réfléchir. Il se clarifia brusquement la gorge, revenant à la réalité.
« – En fait… Je pense que nous allons devoir y retourner. Notre mission était bien d'évaluer la menace, n'est-il pas ? La menace, nous l'avons effectivement trouvée. Reste à l'analyser. »
Il indiqua de la main droite l'ensemble de la salle d'expérimentation.
« – Nous avons des outils de recherches. Nous avons aussi des échantillons pour mener ces recherches. Mettons-nous au travail, hmm ? »
Les yeux des deux chercheurs s'étaient vaguement illuminés à la mention d'analyses nouvelles et incongrues à réaliser ; le Pr Lucy, pour sa part, faisait preuve d'une impatience tout à fait modérée, et soupira même.
« – Vous allez sans doute transgresser une douzaine de protocoles ce-faisant, mais les conditions font que. Je vais vous trouver un tissu, M. Théodore. Vous allez mettre du sang dans les échantillons. »
Clarence baissa les yeux sur la tache rouge commençant à maculer le pull à col roulé noir du blessé, et estima qu'en effet, le pragmatisme de Tara était fortement appréciable.
« Fascinant, murmura le Pr Nephandi, penché sur le microscope. Tout bonnement fascinant. Vous voyez comme moi ?
– Un cancer anormal généralisé stimulant la mitose des cellules ? Oui, parfaitement. On avait raison de parler de masse biologique, ce truc est une véritable ferme à mutations, bénignes ou non. J'espère que vous n'en avez pas sur vous, le contact avec un autre organisme serait explosif.
– Réaction à court terme, long terme, entre les deux ? voulut savoir leur consœur archiviste, un peu en retrait pour faire le guet, devoir qu'elle accomplissait avec un grand professionnalisme.
– Je n'arrive pas à estimer, avoua l'assistant-chercheur. Professeur Nephandi, une idée ?
– Court terme. En passant, je dirais qu'on a affaire à une excroissance bénigne s'étant formée et séparée d'une entité biologique plus grande, potentiellement plus néfaste aussi. Ça ne peut pas être un hasard si toutes les créatures portent le même marqueur génétique.
– Y compris le marqueur de la chaussure du Professeur Lucy, en ce qui concerne mon petit pote, ahah.
– Tu n'as pas une idée plus précise du temps d'exposition ? demanda cette dernière au Pr Nephandi, sans prendre en compte la boutade.
– Je parierais sur un délai de jours, d'heures, peut-être de dizaines de minutes, si on a pas de chance. »
Derrière lui, Clarence entendit Tara se débarrasser prestement de sa veste et de sa chaussure gauche. Quand il se retourna, elle les avaient remplacées par une blouse de labo ainsi qu'un patin, trouvés dans un des placards d'équipement dont avait surgi le Dr Théodore.
« – Tu te souviens de la combinaison que portait notre assaillant présumé ? Elle lui servait à se protéger de tout contact nocif. Il pourrait être utile de la récupérer. Ah, et de fouiller le cada… »
Il s'interrompit.
« – Milles excuses. Je vais le faire, si tu ne te sens pas de…
– Ce n'est rien, le rassura-t-elle. Je m'en occupe. Continue d'étudier la menace, ce sera plus productif. »
Saluant sa bravoure, le Pr Nephandi retourna à son microscope.
« – Le rythme des mutations est définitivement anormal. Regardez-moi ces télophases, je n'avais jamais vu un enchaînement aussi chaotique ! s'exclama d'un ton enjoué le Dr Théodore.
– On dirait que ces cellules sont fortement sensibles aux modulations de l'environnement extérieur, au niveau moléculaire même.
– Pas à toutes les modulations. Les variables que nous avons introduites en déplaçant les échantillons de façon si peu orthodoxe – changement de milieu, de température… – ne les ont pas affectés.
– Ce n'est pas anodin. Il y a un facteur qui permet leur croissance, et… je pense… que c'est la piste que nous cherchons. »
Clarence cessa un instant de se concentrer pour s'appuyer sur la table d'expérimentation et se tenir le front, sentant un vertige s'installer. Depuis un traumatisme crânien, il s'était vu doté d'une mémoire eidétique, une mémoire quasiment absolue. Avec ce don de la nature était arrivée une malédiction également de son cru : physiquement comme mentalement, le chercheur était sans cesse épuisé. Le seul remède découvert à ce jour était l'auto-administration d'amnésiques, mais cela ne procurait qu'un soulagement temporaire, en plus d'une véritable confusion après coup, selon le contexte.
« – Peut-être que ce truc réagit au son de notre voix ? proposa son confrère, toujours l’œil rivé à son microscope et sans avoir remarqué son malaise. Les fréquences de ces mitoses me font très fortement penser à celle d'une onde sonore. »
Le Dr Théodore ne faisait la plupart du temps pas preuve de sérieux, ce qui était un bien grand mal ; mais il était également doté d'une puissante imagination et d'une sensibilité très juste, d'une intuition disaient certains. Mine de rien, c'était utile quand l'on devait travailler sur des choses inconcevables par la nature et la logique. Le Pr Nephandi fit deux, trois essais, avant de conclure :
« – Pas seulement à nos voix. Le bruit. Cette matière biologique réagit au bruit. Si nous avions plus de temps et de moyens, j'essayerais de déterminer des paliers sonores, mais… »
Son collègue claqua brutalement dans ses mains, le faisant tressaillir.
« – Ah oui, en effet, vous avez raison ! »
Le Pr Lucy choisit ce moment là pour revenir. Elle tenait dans ses bras la tenue de leur attaquant.
« – C'est fait. J'ai trouvé deux-trois papiers qu'il faudra que nous déchiffrions ensembles. Mais surtout, j'ai la combinaison.
– C'est une chance que notre homme n'ait pas été directement touché par les créatures lors du combat, souligna le Pr Nephandi en constatant la propreté presque immaculée de la protection. Autrement elle aurait été considérablement plus difficile à récupérer. »
Tara se clarifia la gorge.
« – C'est une chance en effet.
– L'entité croît grâce au bruit provoqué par son environnement, l'informa le Dr Théodore. À intensité variable selon le type de son et sa puissance.
– Il est probable que la masse biologique originelle, celle dont émergeraient par hypothèse les créatures, soit placée près d'un émetteur… raisonna le Pr Nephandi, après un temps de réflexion. Afin de stimuler le début de croissance. Si cet émetteur fonctionne depuis le début de la brèche de confinement, nous sommes infiniment compromis. Quant à savoir où il se trouve…
– L'attaque a définitivement été coordonnée, fit à son tour part le Pr Lucy, indiquant vaguement la direction du corps inerte de l'assaillant. Je suis sûre et certaine que cet émetteur se trouve au centre de surveillance. C'est le point sensible de cette zone. »
Il y eut un temps de flottement.
« – Qu'est-ce que l'on fait, du coup ? demanda le Dr Théodore, visiblement peu inspiré par les alternatives s'offrant à eux.
– Aucun d'entre nous n'est un combattant attesté, répondit immédiatement Tara d'un ton sans appel. Nous rentrons au QG, et on les laissera aviser.
– Permettez, intervint alors Clarence. Nous avons été investis d'une mission, et je compte la voir accomplie.
– Nous n'avons pas de force armée avec nous, contra son interlocutrice en hochant les sourcils. Ce serait de la folie d'affronter cette… masse biologique mère, seuls et sans plan. »
Le Pr Nephandi leva les yeux au ciel, mi-goguenard mi-exécré.
« – On croirait entendre une agente. La science pure n'a-t-elle donc aucun pouvoir à tes yeux ? »
Peut-être insultée, son opposante se raidit brusquement, sans se départir pourtant de sa mine affable. Il regretta ces paroles légèrement déplacées : il appréciait la jeune femme, toujours enjouée et prête à aider, et n'avait pas voulu la blesser.
« – Ahem… »
Les regards se tournèrent en direction du Dr Théodore, qui profita du blanc pour lancer, un peu timidement :
« – Et si, avant de prendre une décision précipitée, nous prenions le temps d'examiner les papiers que Mademoiselle Lucy a trouvé sur… a trouvé ? »
Clarence observa les feuilles mystérieuses, que l'archiviste broyait quelque peu du poing par nervosité.
Oui, c'était une idée.
Il s'avéra bien vite que les documents étaient en réalité un manuel d'utilisation, visiblement griffonné à la va-vite, mais d'une main élégante, pour un subalterne peu à l'aise avec les technologies anormales. L'équipe avait effectivement affaire à un émetteur sonore stimulant la multiplication des cellules anormales ; curieusement, mais de façon très arrangeante, le système était programmé pour s'arrêter lorsque la masse biologique aurait théoriquement atteint une certaine taille. Mieux encore, des annotations en marge faisaient état d'un second appareil intégré au premier, une mesure préventive à même d'inverser le processus jusqu'à l'ablation totale des capacités de mitose, ce qui empêcherait les cellules de se reproduire ; étant donnée la longévité extrêmement courte qu'ils avaient observée au microscope, les chercheurs estimèrent que la masse biologique ne tarderait pas à mourir après exposition, littéralement.
« – Peut-être qu'ils voulaient garder leur monstre plus facilement sous contrôle, proposa le Dr Théodore en guise d'explication, et nous laisser une chance de survie. »
Si la naïveté de son collègue était touchante, Clarence estima que cela était bien insuffisant, et soupçonnait un plan bien plus large dont ils n'avaient qu'une simple pièce du puzzle, à l'échelle du Site Aleph tout entier.
« – Superbe avancée. Maintenant, on devrait aller faire notre rapport à l'agent Luroy, s'entêta Tara.
– Et perdre davantage de temps, laissant cette chose se répandre et se reproduire ? Hors de question.
– Alors pas besoin que nous risquions tous notre vie. J'y vais, décida-t-elle d'un ton sans appel. Je vais chercher l'émetteur auxiliaire, et on va se débrouiller ensemble pour comprendre comment il fonctionne après coup.
– Vous vous sentez vraiment de retenir un code de 320 caractères ? demanda le Dr Théodore. »
L'archiviste resta un instant silencieuse.
« – Quoi ?
– C'est marqué là, fit son interlocuteur en brandissant l'une des fiches de papiers et en l'agitant sous nez, trop pour que l'on puisse y voir quoi que ce soit. Un clavier numérique. Pour enclencher le processus de destruction, il faut entrer 64 suites, chacune de 5 chiffres. Donc 320. Nos adversaires ne font pas dans la demi-mesure ! »
Clarence attendit poliment que sa collègue reprenne possession de ses moyens, avant de lancer :
« – Et où se trouve ce fameux code ?
– Ah, euh… »
L'assistant-chercheur se mit à fourrager dans le fatras de papier d'une façon frénétique, visiblement perdu. Gentiment, le Pr Lucy se porta à son aide.
« – C'est noté ici, fit-elle en portant à hauteur de ses yeux une feuille qu'elle avait trouvé en quelques minutes à peine – formation d'archiviste oblige. C'est… sous la forme d'une diode couleur et clignotante, sur l'émetteur même. Le principal, hein, pas le portatif, on ne pourra pas la transporter. Il y a une aide pour déchiffrer mais c'est complexe. Trop pour que nous en venions à bout seuls. Rentrons faire notre rapport aux autres.
– Pourquoi cela ? s'étonna le Dr Théodore.
– Eh bien, pour commencer, il faudrait emmener avec soi la clé de décryptage, ou bien la mémoriser complètement. Ensuite…
– C'est mémorisé, lâcha le Pr Nephandi après avoir vaguement regardé par dessus son épaule. Ensuite ? »
Silence.
Après une longue, longue inspiration, le Pr Lucy se retourna dans sa direction. D'une voix très douce, elle lui confia :
« – Je préfère que tu n'y ailles pas, Clarence. Ça pourrait mal, très mal tourner. Nous savons tous les deux que tu as tendance à te mettre inutilement en danger.
– Je suis au service de la Fondation. Tout le reste est secondaire.
– Nous savons également ce que la hiérarchie pense de cette même habitude qui est la tienne.
– Hmm.
– C'est trop dangereux, enfin ! »
Clarence sauta sur l'occasion et prit une intonation faussement étonnée :
« – Trop dangereux pour moi, mais pas pour toi ? »
Son interlocutrice se ferma complètement. Il revint à l'attaque :
« – L'Agent Luroy avait raison, tu sais. L'heure est assez grave pour qu'on se permette des folies. L'heure est trop grave pour que nous ne fassions pas ces folies. J'ai de la mémoire, et je sais m'en servir. Je peux enfiler la combinaison de protection. C'est tout ce dont nous avons besoin. »
Un long silence fut sa seule réponse.
Pour finir, Tara argua, en dernière et désespérée défense :
« – Pas sans un plan. Je ne te laisserai pas partir sans un plan. »
Le Pr Nephandi se permit un sourire.
« – J'ai un plan. »
Il indiqua, d'un mouvement las de la main, la pièce dans laquelle reposaient les cadavres.
« – Ces choses disposent toutes du même marqueur génétique. C'est rare, même dans le monde de la biologie anormale. Assez pour que cela ne soit pas anodin. Elles ne s'attaquent pas entre elles, mais elles ont attaqué leur créateur, ou en tout cas l'un de ses alliés. Pourquoi ? Parce qu'il leur était étranger. Parce qu'il ne disposait pas du même marqueur.
– Qu'est-ce que tu proposes au juste ? »
Dans un murmure, Théodore répondit avant même que le principal intéressé ne puisse le faire :
« – Présenter une surface extérieure génétiquement similaire. Pour jouer sur la capacité des tissus biologiques à ne ressentir que leur environnement proche, avec une perception de l'ordre du moléculaire. En d'autres termes, se recouvrir de chair anormale. Brillant. »
Tara parut horrifiée au contraire.
« – Tu as toi-même dit que si l'on venait à entrer en contact avec… »
Le Pr Nephandi indiqua la combinaison de protection.
« – Je ne serai pas en contact direct si je porte cela. Elle a visiblement été créée spécialement pour empêcher ce cas de figure précis. L'homme qui la portait savait ce dans quoi il s'engageait.
– L'homme qui la portait est mort.
– Sans vouloir me montrer désagréable… Ce ne sont pas les créatures qui l'ont tué. »
L'archiviste se tut. Peut-être réfléchissait-elle, peut-être accusait-t-elle le coup, très bas il est vrai.
« – Tout ce que je veux dire, c'est que si elles l'ont attaqué, comme tu me l'as dit précédemment, c'est qu'il y a une raison… reformula avec plus de tact le professeur dans un vain effort de panser sa conscience blessée. Je pense avoir trouvé la raison en question. Et pouvoir l'utiliser.
– Ça peut ne pas marcher, fit son interlocutrice en abaissant son regard au sol avec gêne, éludant tout contact visuel. Ça risque fortement de ne pas marcher. Il n'y a aucune véritable base pour justifier que… Crois-moi. Ça ne va pas marcher.
– Dans ce cas, fit le Pr Nephandi en ne plaisantant qu'à moitié, je n'aurais qu'à courir. Ces créatures sont lentes, selon tes propres dires. Je suis plus dynamique que j'en donne l'air, c'est promis. »
Une fois encore, l'argument la réduisit au silence. Le professeur avait souvent remarqué que Tara, affable et sympathique archiviste, démontrait une habilité tout à fait particulière pour forcer ses arguments à travers les opinions des autres, une manipulation de la langue qui lui permettait d'asséner des coups clairs et nets à ses adversaires lors des joutes verbales. Un peu à la manière d'une boxer qui n'irait pas par quatre chemin, plus comme une combattante bornée que comme une chercheuse… bornée elle aussi.
Sur le moment présent, pourtant, elle ne semblait plus savoir quoi dire.
« – Tu as intérêt à en revenir en un seul morceau, fit-elle en lui jetant un regard de vaincu après quelques secondes. »
Sentant déjà l'adrénaline parcourir son corps et lui redonner vie, le Pr Nephandi lui adressa un sourire glorieux et heureux.
« – C'est promis. »
Le Dr Théodore, qui observait l'échange depuis tout à l'heure d'un air mal à l'aise et ne cessant de sauter d'une jambe à l'autre, lâcha gauchement :
« – Génial. Content de voir que nous sommes tombés d'accord. Qui s'occupe de découper les cadavres maintenant ? »
Avec dévotion, Tara sembla sur le point de se proposer ; mais voyant de nouveau la lueur d'enthousiasme briller dans les regards des biologistes confirmés, comme deux enfants sur le point de disséquer leur première grenouille, elle leur laissa bien volontiers la place.
Les minutes qui suivirent ressemblèrent fortement à un atelier pâte à modeler mortel qu'un cinglé aurait organisé dans une école maternelle, mais les résultats furent au rendez-vous. Quand Tara et le Dr Théodore s'écartèrent du Pr Nephandi, en secouant leurs gants maintenant ruinés pour en éjecter les amas, le sujet de leur expérience semblait être passé dans un mixer de chair humaine.
« – Vous leur ressemblez comme deux gouttes d'eau, un vrai air de famille ! plaisanta son confrère biologiste en se croyant de bon ton. »
S'il n'avait pas eu la bouche recouverte par le vêtement, Clarence aurait probablement répliqué.
Par mesure de prudence, le Pr Lucy tint à récapituler pour la énième fois, avec cette touche de sérieux implacable mais attentionné dont elle avait le secret, et qui faisait toute sa particularité :
« – Avance vers le centre de surveillance avec prudence. Avant d'y pénétrer, essaye de tester, à une distance convenable, ton camouflage sur des instances mineures. Si cela est probant – et uniquement dans ce cas-là – , tu entres à l'intérieur. Là-bas, évite tout contact avec toute entité, de quelque nature qu'elle soit, et vous attrapez l'émetteur portatif. Tu mémorises la séquence de couleurs et de lumières de la diode, puis tu reviens ici, qu'on traduise tout cela dans le calme et en sûreté. Si le camouflage ne fonctionne pas, reviens en courant. Si tu es découvert pour une raison ou pour un autre, de même. S'il y a un imprévu, que tu te sens mal, que la fatigue te prend, qu'une créature te renifle d'un peu trop près ou que tu t'érafle ne serait-ce que le petit doigt avec une feuille de papier… tu saisis l'idée. C'est compris ? »
Le Pr Nephandi choisit judicieusement de hocher la tête doucement, ce qui eut pour effet de faire tomber un gros bloc de chair depuis son crâne jusqu'aux pieds de son interlocutrice. Cette dernière, dégoûtée, recula d'un vif bond.
« – Et par pitié, ne te fais pas toucher par cette immondice. Je ne veux pas voir le résultat.
– Moi si ! intervint le Dr Théodore d'un ton enjoué. L'expérience serait fascinante. »
Clarence rejeta la tête en arrière et se mit à rire d'une voix rauque et atténuée, amusé par cette blague que seul un autre chercheur ayant dédié sa vie à étudier des anomalies mortelles pouvait comprendre. Tara, elle, sembla trouver la plaisanterie sinistre.
« – Sans rire, insista-t-elle. Je suis le guide ici, je suis donc responsable de vous deux. Prends soin de ta personne, et pas de risque inutile.
– Hon han, approuva l'intéressé. »
Malgré cette promesse étouffée, l'archiviste ne parut pas tranquille au moment de le laisser partir.
Le groupe avait émigré vers une base d'opération improvisée qui disposait de deux autres sorties possibles en cas d'évacuation imprévue et immédiate, sur une suggestion du Pr Lucy, arguant que la salle d'expérimentation était bien trop fermée à son goût – et elle n'avait pas tort. Le nouveau point de rendez-vous se trouvait davantage proche de leur cible, le centre de surveillance souterrain, ce qui tendait à soulager l'éclaireur. L'attirail, en plus de ses ornements peu ragoûtants, s'avérait franchement inconfortable.
Le Pr Nephandi sentait son cœur battre contre ses tempes. On le tenait souvent pour être rationnel et réfléchi, parmi ses collègues ; et il était prisé pour ses prises de jugement rapides et efficaces.
Il savait pourtant n'être ici motivé ni par la logique ni par le bon sens.
Saviez-vous que, lorsque le corps se sent en danger, il émet des signaux capables de restaurer l'organisme à un prime état de fuite optimal ? L'adrénaline permet de remédier à des conditions autrement inaltérables, telles l'ivresse, la déconcentration…
La fatigue.
Cette terrible fatigue, atroce et monumentale, qui accompagnait Clarence dans chacun de ses mouvements désormais, dans chacun de ses souvenirs, en une trame continuelle de lassitude et d'accablement, de troubles et de voiles se posant sur son être comme la mort sur l'aveugle. L'adrénaline, plus encore que les amnésiques, était devenue sa médecine secrète, son poison, sa drogue.
Et de l'adrénaline, le chercheur en ressentit plus que jamais lorsqu'il tomba nez à nez avec deux représentants de l'espèce ennemie.
Ces derniers passèrent à ses côtés, sans sembler le voir, en une démarche lente et saccadée n'allant pas sans évoquer les oscillations de sacs grossiers largués le long d'une pente ; et il put enfin respirer à nouveau. Il nota dans un coin de sa tête que, à l'avenir, il lui faudrait travailler plus régulièrement en compagnie du Dr Théodore et du Pr Lucy. Les résultats semblaient prometteurs pour l'instant.
Il continua sur sa lancée, parcourant les couloirs vides avec prudence, les muscles raidis. Avec le temps, l'ambiance oppressante s'affirmait ; il lui semblait que sa combinaison frémissait, que les murs eux-même se refermaient sur lui.
Des bruits inconnus résonnaient de temps à autre dans le silence, immondes et terrifiants. Il refusa de chercher à savoir ce que c'était.
Enfin, il parvint devant la salle de surveillance.
Les larges portes avaient été forcées visiblement, avec des outils si le professeur en croyait les dégâts infligés aux gonds et à la poignée. L'une pendait mollement dans l'encadrement ; l'autre était presque intact, quoique portant les traces de l'agression.
Il posa la main sur la surface mobile, et poussa, doucement.
La première chose qui le frappa fut l'odeur. Le centre de surveillance n'était plus que puanteur et immondice. Ses yeux ensuite, furent assaillis par la vision qui s'offrit à lui.
La matière-mère était plus petite qu'il avait craint, plus grande qu'il avait espéré. Il était impossible de mettre des mots sur cette chose : elle était, simplement, étendue condensée de mutation, d'anormalité et de répugnante composition. Elle enflait, désenflait, circulait telle une chenille aveugle dans les coins de la large pièce, ses nombreux appendices irréguliers scannant l'endroit avec une rigueur entêtée.
Par miracle, Clarence ne se sentit pas prendre par une envie de rendre. Il était plutôt fasciné par les oscillations de la chair vivante. Fasciné, et terrifié.
Doucement, sur la pointe des pieds, il entra. Peu fut-ce son imagination, mais immédiatement, il eut l'impression que l'organisme se tournait légèrement vers lui, comme attiré par sa présence. Il n'en tint pas compte.
Plutôt, l'homme quêta du regard l'agente disparue. Il ne la trouva pas ; comme si les paroles qu'il avait entendu, qu'ils avaient tous entendus, par la radio, avait été ses dernières.
L’oppression qu'il ressentait se fit de plus en plus forte, comme des choses se mouvant sur ses nerfs.
L'espace d'un instant, il crut que les évolutions sous la membrane blafarde étaient celles d'une résistance, d'un combat d'une vie étrangère, et la lueur d'espoir se ralluma ; mais à la place, une monstruosité émergea de la masse-mère, braillant et glissant sur le sol froid tel un nouveau né sans âme. La créature ne perdit pas de temps, et, sans même se préoccuper de l'intrus, passa juste à côté de lui pour se mettre en quête d'une proie à avaler, à incorporer.
L'estomac de l'infiltré se ravisa sur sa décision première, et la nausée lui monta à la gorge.
Quelque chose dans son cou remua et il sursauta, si fort que la répugnante larve tressaillit de concert. Il porta sa main gantée au creux de son menton, et pressa.
Lorsqu'il réalisa que s'agitait en réponse une masse de chair difforme, il prit alors conscience que, partout sur lui, son camouflage se muait en une prison mouvante, étouffant son corps à travers la combinaison, s'insinuant par les interstices qu'il pouvait y trouver.
Près de la masse-mère, la chair morte reprenait vie.
Depuis combien de temps exactement l'oppression qu'il avait ressenti s'était instaurée en lui ? Depuis quand est-ce que la matière biologique s'était-elle attachée à son être ?
Un.
Il se cambra brusquement de douleur, sentant une brûlure soudaine le transpercer au niveau du cou, là où il avait été contaminé.
Unicité.
Clarence haleta, le regard vague. Les flashs, les pensées fusaient dans sa tête, les siennes – Non non non non non je ne veux pas mourir – comme les leurs…
Un nous sommes et un tu seras. Viens à moi. Viens au tout.
Pris par l'urgence de la situation, le chercheur se redressa brusquement et se tourna dans tous les sens, à la recherche de l'objectif premier de sa venue en ce lieu maudit.
Personne n'a su nous résister. Viens à nous.
Trônant au centre de la pièce, tel le cœur du mal, l'émetteur. Massif et lourdement conçu, solidement fixé au sol par des boulons d'acier, vissés par une force inconnue.
Viens à nous, et renaîs. Viens à nous, et sois l'enfant béni de notre unicité.
Et, dernière lueur d'espoir, la diode, clignotante.
Ton cœur bat vite et fort. Il meurt d'envie de se joindre au tout.
En puisant dans sa volonté à toute épreuve, Clarence commença à s'avancer vers son unique porte de sortie.
Tu es fatigué, fracturé. Nous pouvons y remédier.
Il tâta les arêtes de l'émetteur, à l'aveuglette, cherchant une simple fente capable de lui indiquer l'emplacement exact de l'instrument auxiliaire. Devant lui, la diode clignotait ; et plus la lumière brillait dans ses yeux, plus il sentait venir une fièvre monstrueuse, troublant sa mémoire, sa mémoire, pourtant infaillible auparavant.
Il devait se souvenir.
Plus jamais de fatigue, et plus jamais de souvenir. Nous sommes là. Nous serons ta mémoire.
Il extirpa l'objet de ses convoitises, et le tint fort dans sa paume. L'équilibre lui manquait. Il observa la diode : oui, oui, oui, ce chiffre là, en effet, il s'en souvenait, merci Dieu, il s'en souvenait…
Trois cent vingt petits souvenirs… Fracturés dans ta mémoire… Où sont-ils ? Où sont-ils, les petits souvenirs ?
Clarence fit volte-face, sa vision se troublant de plus en plus. Il aligna un pas, après l'autre.
Il devait se souvenir.
Où sont-ils cachés ? Rien qu'un de moins, et il ne reste rien. Plus de code. Et tu seras à nous.
Il devait se souvenir.
Tes amis, à nous. Ta vie, à nous. Ton cœur à nous.
Au fur et à mesure que la voix dans sa tête énumérait les choses qu'il perdrait, il les sentait devenir de plus en plus lointaine dans sa mémoire.
La Fondation, à nous.
Il devait se souvenir, il devait se souvenir, il devait se souvenir.
Et les Créateurs seront contents. Et peut-être qu'ils voudront devenir à nous, aussi.
En tremblant, il poussa le battant de la porte de sortie. Les forces lui manquèrent.
Et tout l'avenir de ta petite humanité fracturée. À nous beaucoup.
Il rugit faiblement, et sortit de la pièce, hagard.
L'unicité parfaite est… Non… Reviens.
Il s'élança dans le couloir, sur le point de tomber de fatigue et de douleur.
Reviens. Reviens reviens reviens reviensreviensreviensreviensreviensreviensreviens…
Au fur et à mesure qu'il s'éloignait, les voix mourraient dans son esprit ; la chair sur son armure cessait de s'agiter, il sentait son organisme se détacher de cette chose, cette chose monstrueuse, qu'il n'avait fait qu'effleurer et qui pourtant, avait failli le vider de toute substance.
Les souvenirs revenaient, petit à petit.
Et cette fatigue. Merveilleuse fatigue, si régulière, si constante, si épuisante.
Si naturelle.
Tu seras à nous… À nous beaucoup.
La voix mourut tout à fait dans son esprit.
Alors, il s'arrêta brusquement, au milieu de ce couloir désert, et sans un hurlement, sans un cri, arracha, tout d'abord la protection de son corps, puis la chair de sa peau.
Des minutes entières.
Quand il eut fini, gratté l'épiderme jusqu'à enlever toute trace de la souillure, toute marque d'une chose étrangère à lui, lui-même, son identité, incomplète et fracturée, la sienne…
Alors, il cessa de bouger, et inspira profondément, les larmes aux yeux.
Quand enfin, il eut retrouvé son sang froid, il sentit la marque de quelque chose de froid dans sa paume.
L'émetteur alternatif, le seul espoir du Site Aleph, était intact.
Il énuméra, mentalement, le code qu'il avait déduit des clignotements de la diode.
Aucun des chiffres ne manquait.
Il en aurait pleuré de joie.
À la place, le visage fermé, il reprit sa route.
Le Pr Nephandi ne s’embarrassa pas de paroles. Il leur tendit ce qu'il avait été cherché.
Et fut très surpris de les voir à la place lui prendre le bras en guise de soutien.
« – Comment tu te sens ? murmura Tara, pendant que son collègue, sur son ordre, allait fermer la porte derrière le nouveau venu, par prudence. »
Clarence secoua la tête.
« – Je prendrai bien un amnésique, fit-il d'une voix faible. Mais après avoir entré ce fichu code.
– Tu penses pouvoir…
– Je pense pouvoir faire n'importe quoi, si cela peut renvoyer à jamais cette abomination dans l'enfer repoussant dont elle est venue. »
Une lueur de compréhension passa dans les yeux de l'archiviste. On voyait qu'elle avait une intense envie de le prendre dans ses bras, là, tout de suite.
Mais elle dévisageait. Avec un regard. Horrifiée.
Le biologiste ne savait pas ce qu'elle voyait, mais il le pressentait. Son visage avait été marqué. Il portait la marque de cette atrocité. Une brûlure, une plaie, une cicatrice, une boursouflure de chair… Peu lui importait.
Son corps n'était plus entièrement à lui.
Quelques accords de guitare résonnèrent dans le silence des damnés. Il ne prit même pas la peine de se retourner, sachant que le Dr Théodore avait sorti de façon abrupte son instrument et faisait des grimaces tout en jouant de ses cordes. Tara en revanche, fit de grands yeux à l'attention de l'homme faisant le pitre dans son dos. Les accords de guitare s'arrêtèrent brusquement.
« – C'était Clarence le brave, qui voulait pas d'histoire. Il a botté le train, du monstre dans le jardin. C'était pas un jardin, mais j'ai pas de rime en in, murmura tout de même l'intéressé d'une façon pitoyable. »
Un séisme agita les épaules du chercheur, d'une façon tellement désordonnée que Tara, inquiète, prit ses signes vitaux.
Il était en train de s'étrangler de rire.
« – Aaaaaaaaaaaah… expira l'intéressé, des larmes dans les yeux. Ah… J'ai mal. Partout. Je veux mourir. Dormir, pardon. Pas la peine de faire cette tête, Tara. C'était une boutade. »
Il jeta un regard plein de reconnaissance au musicien improvisé, qui s'inclina bien bas, heureux de son petit effet, clairement peu effrayé par le ridicule.
« – Merci, M. Théodore. J'avais besoin de… ça. De votre… originalité. »
L'unicité, ah.
Quelle blague.
« – Alors, ce code… marmonna-t-il. »
Redevenue sérieuse après un bref sourire de soulagement, Tara intervint avec autorité.
« – Pas ici. Ce n'est pas un lieu sûr. On s'éloigne, on rentre le code, on avisera ensuite. »
Pour une fois, Clarence approuva. Il la laissa se diriger vers la porte d'autorité, et, prévenante, la lui ouvrir pour lui.
Il ne réagit pas directement quand il vit que l'espace du couloir principal n'était pas exactement désert.
Tara, elle, hurla.
Juste avant d'être avalée par la masse-mère de chair.
L'unicité.
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Incrustée dans la masse, il lui sembla voir une paire de lunette ressurgir, crevant la membrane telle un appel à l'aide d'un bateau en naufrage, avant de sombrer, définitivement.