Zone d'Expérimentation 3, Site Aleph : Le 15 mars 2017.
10 h 39
Pendleton jeta un coup d'œil à sa montre et poussa un soupir de soulagement. Ça faisait deux heures qu'il poireautait dans ce placard à balais pour être là quand Esterhazy arriverait.
L'expérience aurait du commencer à dix heures quarante-cinq, mais elle avait du être repoussée, il n'avait vu personne emprunter la porte de la salle d'expérimentation, qu'il apercevait pourtant très bien par les portes légèrement entrouvertes du placard.
Il décida néanmoins de rester là encore un moment, par acquit de conscience.
Et très exactement dix-sept minutes plus tard, alors qu'il s'apprêtait à partir, il entendit des pas dans le couloir et vit bientôt Esterhazy s’arrêter devant la porte de la salle qui lui faisait face.
Il commençait à comprendre comment on pouvait en arriver à détester le personnage. Cet empaffé en blouse blanche se fichait des horaires comme de sa première chemise.
Il consulta son téléphone, relié par ses soins et avec la bénédiction de Garrett à la caméra de surveillance de la Salle d’Expérimentation Provisoire 241.
Esterhazy s’était installé derrière le bureau réglementaire, contre le mur opposé de la salle, et avait sorti de son attaché-case une bonbonne de liquide non-identifié qu’il avait posée en face de lui.
Pendleton enfila son casque audio et s’installa confortablement.
"Introduction du sujet."
Esterhazy pressa un bouton sur le bureau et une porte coulissante s’ouvrit dans le mur en face de lui, laissant passer un homme maigre à la mine sinistre et un jeune garçon apeuré, âgé d’environ dix ans.
Esterhazy s’adressa à ce dernier, d’une voix caressante qui fit frissonner Pendleton.
"Alors, Colin, tu vas mieux aujourd’hui ?
— Oui, Monsieur.
— Parfait. Tu es d’accord de faire ce que je t’ai demandé la dernière fois ? Je ne peux pas t’injecter ce produit si tu bouges ou que tu ne veux pas.
— Non, Monsieur, je ne bougerai pas. "
Le garçon fit ce qu’on lui avait dit et Pendleton déglutit en voyant les marques rouges imprimées sur sa gorge.
Esterhazy déboucha la bonbonne et y préleva une dose de liquide avec une seringue, puis se pencha vers l’enfant.
"Ne bouge pas. Voilà…"
Il planta l’aiguille dans la gorge du garçon, lui injecta la totalité de son contenu et tira de sa poche une bande de gaze qu’il enroula rapidement autour de son cou pour empêcher le sang de jaillir, puis recula et attendit.
Tout d’abord il ne se passa rien, puis les yeux de sa victime se révulsèrent et il se mit à trembler.
Esterhazy tira un bloc-notes et un plume de sa valise et se mit à écrire.
"Je note que le sujet, contrairement aux sujets féminins utilisés lors des tests précédents, convulse suite à l’injection du produit.
— Je t’avais dit qu’on avait pas besoin de mettre du chloralose, Edmond."
L’autre homme, dont le visage morne était à présent troublé par un mince sourire supérieur, tira une corde de sa poche et attacha le garçon à sa chaise.
"Et moi, je t’avais dit que si on n’en mettait pas, on n’aurait plus le même effet. Pourtant, ça n’a rien fait aux sujets précédents… Peu importe, on n’a pas le temps de changer ça. On laisse comme ça et on ne l’appliquera qu’aux sujets féminins.
— Mais du coup… Comment…"
Esterhazy sourit à son tour.
"Ce dont on a besoin, c’est de mères porteuses, peu importe comment elles sont fécondées. Les agents chargés de la sécurité ont bien droit à une pause de temps en temps. "
L’autre le dévisagea quelques instants, l’air légèrement choqué, puis hocha la tête.
"D’accord. Mais, s’il te plaît, Edmond, évite d’aller trop loin. Le Conseil ne te suivra pas si tu t’enfonces dans des eaux trop boueuses.
— Pas de problème, dit-il en se levant. À la prochaine, Magnus. "
Et, alors qu’il se levait, l’enfant eut un haut-le-cœur et cessa de bouger.
Avec un haussement d’épaules, Esterhazy sortit et s’éloigna en sifflotant.
Département des Archives, Site Aleph : Le 15 mars 2017.
10 h 28
Une diode rouge s’alluma sur le boîtier. Comment ça, occupé ?
Ellroy n’en revenait pas. Était-il possible que qui que ce soit au Département des Archives ait jamais été occupé ?
Il appuya six fois à la suite sur le bouton, juste pour faire comprendre à ces rats de bibliothèque qu’ils ne feraient pas partir ce client-ci en feignant d’être débordés.
Trois minutes plus tard, la porte s’ouvrit sur un vieillard tremblotant de vieillesse, et, semblait-il, d’agacement.
"Oui, vous désirez ?
— À votre avis ? "
L’homme le toisa d’un air méfiant et lui fit signe d’entrer.
Au moins, le vieux faisait bien son boulot. Il l’avait déjà catalogué sous "jeune con", une telle rapidité forçait le respect.
"Que faites-vous ici ? Vous avez une autorisation, au moins ?
— Ne vous foutez pas de ma gueule, je sais très bien qu’il n’y pas besoin d’autorisation pour entrer ici.
- Et puis, pourquoi venez-vous ici ? Vous pouvez aussi bien chercher sur… l’Internet.
— Les livres ont l’avantage de ne pas pouvoir être censurés ou abîmés s’ils sont placés sous une surveillance efficace. Et cessez de me regarder comme si j’étais un idiot sans cervelle venu profiter de votre travail. "J’ai ma propre bibliothèque, n’ai jamais imité personne, et me suis moqué de tout vieillard qui ne s’est pas moqué de soi."
Puis il contourna l’homme et s’engagea dans le dédale des couloirs bordés d’étagères, non sans savourer l’ébahissement qui s’était peint sur le visage du vieil homme.
Toujours avoir deux ou trois citations de Kant dans sa poche. Ça ne coûtait rien et ça vous permettait de fermer leur clapet aux intellos en ayant l’air malin.
Après quelques minutes de marche, il parvint à la section "Personnel". Parcourant du regard le couloir en cul-de-sac, il avisa une silhouette sur sa gauche, fouillant dans une étagère.
En approchant, il constata qu’il s’agissait d’un homme petit accroupi, vêtu de l’habit vert pâle des archivistes. Parfait, celui-ci pourrait peut-être l’aider. Il l’interpella.
"Monsieur !"
L’homme se retourna et le dévisagea d’un air hostile. Mauvaise pioche.
Ils étaient donc tous de mauvaise humeur ici ?
"Oui ?
— Excusez-moi, vous êtes bien archiviste, Monsieur…
— Jones. Oui, comme vous pouvez le voir. Que puis-je pour vous ?
— J’aimerais consulter le dossier personnel du Professeur Edmond Esterhazy.
— Et vous êtes… ?
— Agent James Ellroy.
— Héhé. Comme le…
— No comment. Le dossier, s’il vous plaît.
— J’ai bien peur que vous ne disposiez pas d’un niveau d’accréditation suffisant.
— Mais… Comment pouvez-vous le savoir ? Vous ne me l’avez même pas demandé !
— Deux, n’est-ce pas ?
— Eh bien… Oui, mais…
— Je vous prierai donc de bien vouloir revenir quand vous disposerez d’une autorisation adaptée."
Ellroy réfléchit. Même si beaucoup d’agents avaient un niveau d’accréditation de deux, il lui semblait étrange que l’autre se soit montré si sûr de lui.
Peut-être n’était-ce qu’un test, une façon de voir s’il était capable de se plier aux règles quand il le fallait.
Ils étaient bien capables de faire quelque chose de ce genre, juste pour voir si les choses s’étaient améliorées depuis janvier.
Non, ce n’était pas possible. Ils avaient mieux à faire que de déployer de tels moyens pour un simple agent.
Et puis merde.
Il était hors de question qu’il prenne le risque d’être passé en Classe D pour avoir désobéi. Et puis, si ça se trouve, il serait même récompensé pour avoir obéi.
"Si vous voulez."
Il adressa un sourire rayonnant au petit homme et fit volte-face avant de s’éloigner.
Avenue de la république 7, Montbel : Le 16 mars 2017.
2 h 06
Il s'agissait de ne pas le faire crisser. Là était tout l'art de l'utilisation du diamant.
Crow décrivit un brusque mouvement circulaire avec l'outil, dans le silence le plus total.
Si c’était un art, il venait de peindre… Peut-être pas la Joconde, mais Les joueurs de cartes.
Il imprima ensuite une brève traction à la corde reliée à la ventouse, récupérant le disque de verre avant qu’il ne tombe sur le trottoir douze mètres plus bas et le glissa délicatement dans son sac pour pouvoir s’en débarrasser silencieusement plus tard.
Puis, parfaitement satisfait de sa réussite et heureux de voir qu’il n’avait pas perdu la main, il se glissa dans l’appartement par le trou nouvellement formé.
Il n’aimait pas la technique du petit trou par lequel on actionnait la poignée de l’intérieur, déjà parce que c’était un horrible cliché, et surtout parce que ladite poignée avait souvent la mauvaise idée de grincer ou de causer des problèmes d’une manière ou d’une autre.
Quand la taille de la vitre le permettait, il était bien plus pratique et discret de faire un plus grand trou par lequel on passait en entier.
Avant de travailler à la Fondation, Crow avait été cambrioleur et avait ainsi amassé, plusieurs centaines de milliers d’euros en revendant des tableaux, bijoux et objets rares en tout genre qu’il "collectait" dans des musées ou des maisons de particuliers.
Puis, poussé par son orgueil, il avait décidé de tenter une incursion dans un complexe caché de l’armée, juste pour se prouver qu’il en était capable.
Hélas pour lui, ledit complexe se trouvait être une base de la Fondation SCP et il n’alla pas plus loin que la deuxième ligne de sécurité.
Néanmoins, le fait qu’il soit précisément parvenu à franchir la première ligne retint l’attention de la Fondation, qui – après s’être assurée qu’il n’était pas un espion envoyé par un quelconque Groupe d’Intérêt – lui avait offert de rejoindre ses rangs.
Une telle proposition ne se refusait pas. Au premier sens du terme, son autre option étant l’élimination instantanée.
Le choc passé, il s’était adapté à sa nouvelle condition d’agent, non sans quelques regrets pour son ancienne occupation.
Et voilà qu’il se retrouvait, pour son plus grand bonheur, à cambrioler un appartement avec la bénédiction de son employeur.
Une fois entré, il resta immobile quelques instants pour laisser ses yeux s’habituer à la pénombre.
Comme prévu, il semblait se trouver dans le salon.
Même s’il ne courait aucun risque - comme la majorité du personnel, Esterhazy n’utilisait guère cet appartement que comme adresse officielle -, Crow jugea préférable de faire le plus vite possible, il n’avait aucune raison de s’attarder ici.
Il commença donc à fouiller méthodiquement la pièce, mémorisant l’emplacement de chaque objet ou meuble qu’il déplaçait pour l’y remettre ensuite.
Il ne s’attendait pas à tomber sur quoi que ce soit d’extraordinaire, mais peut-être mettrait-il la main sur deux ou trois photos compromettantes ou un sachet de cocaïne avec des empreintes digitales ; les gens seraient surpris d’apprendre ce qu’on trouve dans les tiroirs de certains millionnaires ou particuliers.
Arrivé à la chambre à coucher (après avoir sondé le réservoir des toilettes et soulevé des lattes de parquet en des endroits stratégiques, en passant par la fouille méthodique des armoires du garde-manger), Crow commença sérieusement à douter de l’utilité de cette incursion.
Puis, alors qu’il décollait précautionneusement le papier peint - plus par désœuvrement que par réelle suspicion - il entraperçut un morceau de papier qu'il saisit et déplia.
Cher Monsieur Crow,
Toutes mes félicitations. Vraiment. Si vous êtes ici, c’est que vous êtes allé chercher plus loin que mon bureau au Site Aleph (vous avez apprécié le chat mort ?) et je vous en félicite.
Hélas pour vous, j’ai bien peur que vous ne trouviez pas votre bonheur ici (comme vous l’aurez constaté) et je ne peux que vous conseiller d’aller chercher ailleurs (sans plus de succès, mais l’espoir fait vivre, n’est-ce pas ?).
En vous souhaitant bonne chance,
Votre dévouéEdmond Esterhazy
Directeur du Site Yol au domicile profané
Et merde.
Site Aleph : Le 16 mars 2017.
17 h 50
Eh ben voilà. Pas besoin de systèmes d’espionnage ultrasophistiqués ; quand on voulait quelque chose, le moyen le plus sûr et le plus efficace était toujours de demander.
Spark jeta un dernier coup d’œil au billet et le jeta dans la poubelle la plus proche.
Chère Mademoiselle Spark,
Je m’excuse de n’avoir pas vu plus tôt votre message et accepte avec joie.
Afin de me faire pardonner, j’ai immédiatement libéré mon emploi du temps de ce soir - de 18h à 22h, période durant laquelle je serai ravi de vous recevoir dans mon bureau, à l’emplacement indiqué sur le plan ci-joint.
Il n’est nul besoin de préciser que, si pour une raison quelconque cet horaire ne vous convenait pas, vous êtes bien entendu invitée à me le signaler afin que notre entrevue soit déplacée à une autre date.
En vous souhaitant que vous ne m’en tiendrez pas rigueur,Edmond Esterhazy
C’était gagné d’avance. Il se montrait bien plus enthousiaste que Spark ne l’avait supposé, elle n’aurait aucun mal à lui soutirer des informations sur son projet.
Cela dit, elle aurait bien voulu en savoir un minimum sur ledit projet, mais Garrett n’avait pas jugé bon de les mettre au parfum.
Tant pis, il devait avoir ses raisons.
Et, après réflexion, elle était d’autant plus surprise par la réaction favorable de ce Professeur Esterhazy qu’elle ne le connaissait ni d’Ève ni d’Adam.
Il était allé jusqu’à adapter son emploi du temps – à moins qu’il ne se soit agi que d’une simple figure de style – pour une entrevue avec une femme qu’il n’avait jamais rencontrée.
Étrange, mais excellent dans le cas présent.
Peut-être était-il simplement habitué à trier des formulaires à longueur de journée et heureux d’être sollicité, à plus forte raison par quelqu’un s’intéressant à son projet.
Tout en réfléchissant, elle était arrivée au Département des Expérimentations Humaines. Un nom qui faisait froid dans le dos, d’ailleurs.
Puis, s’arrêtant devant la porte indiquée sur le plan, elle réalisa qu’elle avait omis un léger détail.
Professeur Edmond Esterhazy
Directeur du Département
Elle resta clouée sur place. C’était toujours agréable de se sentir bien informée.
Cet homme qui faisait preuve d’autant de courtoisie et d’enthousiasme à le rencontrer, elle, une simple agente, était Directeur de Département ?
Elle regarda sa montre ; dix-sept heures cinquante-huit, parfait. Spark leva une main légèrement tremblante et pressa la sonnette.
Cinq secondes plus tard, la porte s’ouvrait sur un homme de taille moyenne aux cheveux blonds pâle et aux yeux gris arborant un sourire engageant.
"Mademoiselle Spark ?
— … Oui, Monsieur.
— Laissez tomber ces politesses, dit-t-il en s’écartant. Appelez-moi Edmond, ou dans le pire des cas Professeur, mais pas de Monsieur, s’il vous plaît. Entrez, je vous en prie."
Un peu sous le choc, elle pénétra dans le bureau.
La pièce était abondamment décorée de divers tableaux étranges et de motifs somptueux, contrastant de façon très étrange avec le reste des locaux et bureaux austères de la Fondation.
Des rideaux avaient été placés devant les néons accrochés aux murs, tamisant agréablement la lumière.
Un splendide tapis persan – apparemment authentique – recouvrait une bonne partie du sol en béton.
Esterhazy referma la porte et alla s’installer derrière son bureau, lui désignant un fauteuil de velours rouge rembourré en face de lui.
"Prenez place, faites comme chez vous."
Spark s’installa dans le fauteuil moelleux ; un vrai délice. Puis Esterhazy reprit la parole.
"Bien. Vous disiez donc désirer me voir, dites-moi tout. Vous prendrez bien un petit verre ? J’ai ici un excellent Château d’Yquem 1908 que je serais ravi de partager. J’avais prévu de l’ouvrir ce soir, il serait égoïste de ma part de le boire seul."
Il lui décocha le grand sourire de celui qui ne se rend pas compte qu’il tient trois mille euros entre ses mains et Spark eut toutes les peines du monde à rester déterminée.
"Croyez bien que je suis très touchée, mais je ne peux pas accepter. Je souhaitais simplement en apprendre un peu plus sur votre projet ; tout le monde en parle ces derniers temps et… Écoutez, je ne savais pas que vous étiez Directeur de Département. Je ne voudrais vraiment pas vous faire perdre votre temps."
Elle riposta d’un sourire ingénu parfaitement calculé et lâcha une boucle rousse qu’elle avait inconsciemment entortillée autour de son doigt.
"Mais si, j’insiste, reprit-il d’une voix caressante en produisant deux verres à vin de cristal étincelant avant de se fouiller dans un tiroir de son bureau pour en tirer une bouteille de vin. Mon projet, disiez-vous ? C’est très simple, rien d’extraordinaire. J’ai simplement crée un produit permettant d’accélérer la croissance humaine, ce qui permettra dans un futur proche de contrebalancer notre manque de membres de personnel de Classe D."
Il déboucha la bouteille, remplit deux verres et en posa délicatement un devant Spark.
"J’ai reçu aujourd’hui même un message m’informant que l’aménagement du Site Yol venait d’être achevé. Ils ont adapté une ancienne base armée de la Fondation et l’ont équipée de matériel scientifique."
Il but une gorgée de vin et son interlocutrice, cédant à la tentation, l’imita. Ça faisait tellement longtemps qu’elle n’avait pas goûté à un vin d’une telle qualité…
"Pourquoi, si la question ne vous semble pas trop indiscrète, avez-vous besoin d’autant de place ?
— Pour stocker les éléments reproducteurs.
— C’est-à-dire ?
— Hélas, les jeunes filles choisies pour aider la science ne sont pas toujours consentantes."
Il souriait toujours ; mais était-ce seulement à cause de ce qu’elle croyait comprendre dans cette réponse, ou ce sourire avait-il maintenant quelque chose de malsain ?
Avant que la partie consciente de son cerveau n’aie saisi ce qu’elle venait d’entendre, elle fut prise d’un accès de terreur irrationnelle.
"Excusez-moi, il faut que j’y aille. Je viens de me rappeler que je devais me rendre dans la Zone 23 pour dix-huit heures.
— Vous n’allez tout de même pas me quitter si tôt ? Nous en arrivions juste au passage le plus intéressant."
Elle voulut se lever mais ses muscles ne lui obéirent pas et elle sentit un voile noir descendre sur ses yeux.
"Ne vous inquiétez pas, personne ne se fera de souci. Selon le Directeur Garrett, vous êtes actuellement en congé payé à Haïti. Voyez le bon côté des choses : à votre réveil, vous ne vous souviendrez plus de rien."
Et elle sentit sa tête basculer en arrière alors que le voile noir finissait de s’abaisser.
Il s’approcha d’elle, souriant toujours.
Ce sourire.
Chain Bridge road, Langley, USA : Le 16 mars 2017.
16 h 02
Knightman marchait au bord de la route, bien décidé à revenir à l’hôtel à pied ; ça lui ferait faire un peu d’exercice.
Il n’en revenait pas. Comment le Conseil O5 avait-il pu accorder de telles responsabilités à un homme comme celui-ci ?
Et comment avait-il pu entrer à la Fondation tout court, d’ailleurs ?
Quoi qu’il en soit, il avait bien fait de venir jusqu’ici. Bénie soit la CIA.
Le Site-19 n’était pas loin, il allait s’y rendre pour avertir Garrett avant de rentrer en France. Il ne lui restait que deux heures du temps imparti par le Directeur.
Il allait être content ; ce gars était assez proche d’Esterhazy pour pouvoir le faire tomber en même temps.
Avisant avec surprise un taxi approchant en sens inverse, il hésita puis lui fit signe. Au diable l’exercice, il avait déjà mal aux jambes.
Le taxi s’arrêta et Knightman lui indiqua l’adresse de l’hôtel avant de sauter à l’intérieur.
Vingt-neuf dollars. Eh bien, il ne serait pas fâché de quitter ce pays de voleurs.
Quand les arbres commencèrent à se raréfier au profit des premières maisons, le chauffeur ralentit, se retourna vers son passager et lui logea deux balles de .45 dans le crâne.
Magnus Quatermass sourit.
Simple, net et sans bavures.
En tout cas pas ailleurs que sur le siège de la voiture.