La mort est une illusion

Chapitre Premier


Audrey était une jeune chercheuse affectée au Site-Beth, dans le Moyen-Orient, en plein sur la frontière Irako-Saoudienne. Les derniers mois étaient très durs pour tout le monde sur le site, ce qui provoqua une distribution massive de vacances pour la majorité du personnel, dont elle. Tout un mois de temps libre où elle pourrait rentrer au pays et oublier pendant un moment qu'elle était engagée par une organisation secrète semi-gouvernementale chargée d'enfermer et d'étudier les pires abominations qui se cachaient dans notre monde.

Le plan était de franchir la frontière en voiture, conduire jusqu'à la grande ville la plus proche et rejoindre l'aéroport du coin et s'envoler directement pour la France. Tout était réservé et payé, elle lui restait quatre bonnes heures pour arriver jusqu'à l’aéroport. Tout allait pour le mieux.

Depuis presque une heure, Audrey conduisait au milieu d'une petite route poussiéreuse complètement exposée au soleil brûlant d'une campagne désertique. Elle n'avait pour seule compagnie qu'une radio diffusant une musique générique oubliable ainsi qu'une interminable muraille de cactus et de pierre jaune claire. Rien qui ne puisse la protéger du soleil. Elle pouvait apercevoir l'air onduler au loin à cause de la chaleur, qui lui donnait l'impression qu'il y avait une étendue d'eau sur la longue route de terre.

Maintenant qu'elle venait de pénétrer dans un goulot d'étranglement, écrasée entre deux flancs de falaise, le véhicule de la chercheuse était complètement bloqué dans le sable de la route, les roues retenues par d'énormes racines noires.
Complètement immobilisée, elle n'avait pour seule solution que d'appeler de l'aide.

Toujours largement en avance, elle avait surement le temps de se défaire de… quoi que ces choses puissent être. Audrey déverrouilla son smartphone et tomba sur la dernière conversation par SMS qu'elle avait eu avec son collègue et proche ami Cédric, juste avant qu'elle ne quitte le site il y a plus d'une heure.

Cédric : 🦆
Audrey : 🦆

Cédric : 🦆 🦆
Audrey : "Arrête de m'envoyer des canards je vais conduire là 😒"

Cédric : "J'aurais le droit d'en envoyer quand tu seras à l'aéroport ? 😊"

Audrey : "Ouais mais pas dans l'avion sinon ton forfait risque de faire le grand saut, et je t'en parle même pas quand je serais rentrée dans le Jura mdr 😄"

Cédric : "dans ce cas je dois compenser pour le mois à venir 😈"

Audrey : "n'y pense-même pas 😠"

Cédric : 🦆 🦆 🦆 🦆🦆 🦆🦆 🦆

Audrey : "😒 Bon allez je te laisse 😄"

Cédric : " amuse-toi bien ! 🦆"

Cette omniprésence des canards était une blague entre eux qui durait depuis des années entre eux. Sur leurs bureau ? Canards. Motifs sur les pulls ? Canards. Choix de plat à la cantine ? Canard. Ce petit jeu lui redonnait souvent du cœur à l'ouvrage. C'était leur petite signature secrète. En laissant échapper un sourire amusé, elle composait le numéro de Cédric pour qu'il vienne la dépanner, ou au moins relayer son appel.

"T'es déjà arrivée ?" Lui demanda Cédric avec naïveté depuis l'autre bout du fil.

La chercheuse avait à peine commencé une tentative d'explication qu'elle s'arrêta net.

"Allô ?" Il ne savait pas si le réseau venait de les lâcher ou si elle était complètement silencieuse. La réponse devint rapidement évidente quand Audrey se fit entendre de nouveau.

"C'était rien. Désolé, ça rend un peu parano de se retrouver toute seule ici. Y'a rien que des rochers et du sable. Je suis coincée entre deux falaises c'est un peu oppressant."

"T'en fais pas, contente-toi de m'envoyer tes co-" Il se fit couper la parole.

"Attends Cédric…" Dit Audrey d'une voix plus basse. Son absence de réponse face aux questions de Cédric laissaient penser qu'elle avait retiré son téléphone de son oreille.

Quelques secondes plus tard, l'ami à l'autre bout du fil n'entendait rien de plus que les sons de quelqu'un qui court sur des roches calcaires ainsi que la respiration bruyante d'une chercheuse qui semblait courir à s'en couper la respiration.

Plusieurs longues secondes d'une Audrey qui semblait avoir arrêté de courir et dont entendait que la respiration bruyante et essoufflée. Cédric entendit enfin une série de chocs et de grésillements, caractéristique du téléphone qui tombe au sol en restant décroché. Il demanda plusieurs fois ce qui se passait, inquiet pour la sécurité de sa meilleure amie, puis réalisa qu'il n'y avait plus aucun son. Le signal était perdu.

Le chercheur restait à fixer son téléphone éteint, désemparé.

Sauf mention contraire, le contenu de cette page est protégé par la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License