La mort d'un rêve

Bonjour. Je suis le Dr Topy… gnac, Topignac. Hugo. Spécialiste en chimie des amnésiques.
Oui, le département où je bosse est pas tout près, mais j'y étais pas. J'étais dans la salle de pause à proximité. Pendant les heures de travail, oui, pourquoi ?
Ouais, vous pourriez le dire à la hiérarchie que ça n'y changerait rien. Ils le savent de toute façon. Je fais acte de présence quand il faut, ça leur suffit. Ou pas. J'en sais rien. Je suis pas sûr.
… Oui, oui, ça va. Un peu… sous le choc. Je viens de voir disparaître un type de la hiérarchie alors qu'il m'enguirlandait. C'était… assez surprenant. Je vais me reprendre, vous inquiétez pas.
… Oh, mais j'ai oublié de me présenter ! Je suis le Dr Topy… Topignac…
Je l'ai déjà dit, c'est ça. Ne dites rien, votre visage est assez expressif comme ça.
Oui, ça m'arrive. Bosser avec des amnésiques, eh bien.. Ça implique de les tester. Bref.
Laissez-moi entrer avant que je n'oublie pourquoi est-ce que je suis venu ici.
Dr Topy


«  Docteur Aloices !
– Mademoiselle Aloices ! On est là !
– Docteur Aloices, bordel ! Revenez !
– … ARIANE ! »

Ce cri du cœur, c'était Hugo qui l'avait laissé échapper. Il était réellement inquiet pour sa collègue, qui avait mystérieusement disparu alors qu'ils avançaient dans la forêt. Pour la deuxième fois.

En la cherchant, les deux chercheurs étaient tombés sur les locaux où étaient stockées les formules des différents amnésiques produits par la Fondation. Le résultat n'était… pas brillant. Les racines et les plantes avaient fêté leur victoire sur la machine, en éventrant un à un les ordinateurs et centres de stockages, avec un acharnement minutieux. Il ne restait rien du numérique ; et tous les formats papiers avaient été victimes de l'humidité et des divers insectes grouillant sous l'écorce et la mousse. Ne leur restait plus qu'à retrouver leur collègue, et ils pourraient rentrer faire leur rapport.

Mais Hugo avait un mauvais pressentiment. Il n'aimait pas la savoir seule dans cet endroit si dangereux. Il n'aimait pas que le groupe ait été séparé. Tout comme lorsque Namyar avait pris un chemin différent lors de la rencontre avec le prédateur, le Dr Topy était maintenant en train de céder, lentement, à la panique.
Il voulait la retrouver, il fallait la retrouver.

« – Ariane ! Ariane !
– Tais-toi un instant, lui fit Namyar avec sa brusquerie habituelle. »

Sans lui en tenir rigueur, le chimiste obéit. Il avait appris à ignorer les reproches des autres, et en dehors d'une certaine tendance à la sociabilisation brute et parcimonieuse, son compagnon ne lui était pas antipathique.

« – Regarde le sol. »

Hugo obtempéra. Ah tiens, un serpent, et de la mousse, des bouts de bois mort, des fougères… Ah tiens, un serpent ! Et de la mousse, des bouts de bois mort, des fougères…
Et des fleurs. Des fleurs, toute une rangée de fleurs, comme arrangées par un paysagiste tenant à mettre une touche d'ordre dans l'horreur structurelle qu'était le reste de cette jungle.

Des fleurs fanées jusqu'à la dernière, dégageant une odeur insupportablement marquée, que l'homme ne sut pas replacer sur le moment.

« – Pensez-vous que le Dr Aloices serait du genre à suivre de manière impulsive disons, au hasard, des oiseaux exotiques, ou encore des fleurs détonnant dans le paysage ? Même si cela semblerait être une mauvaise idée pour n'importe quel individu doté d'un minimum de capacités cérébrales ? »

Le Dr Topy ne prit même pas la peine de répondre.
Il s'engagea sur le chemin fleuri et décadent, sans une hésitation.

Quand les deux hommes arrivèrent à la clairière, ils surent ce qui était arrivé à Ariane.

Hugo vit le corps inanimé de sa collègue, reposant sous un petit arbre curieusement tordu, et faillit se lancer à son secours. Mais Namyar le saisit avant qu'il ne puisse commettre un impair mortel, et le plaqua à terre, dans les fourrés.

« – Mmmph ! protesta-t-il, mangeant au passage une feuille.
– Chut. Elle n'est pas seule. »

L'expert en amnésique leva la tête, pour observer de plus près la scène. Ce qu'il discerna cette fois-ci le glaça.

Ce n'était pas une branche qui caressait doucement les cheveux de la jeune femme.
C'était une main.

La créature était semblable à une plante, un amas d'écorce, de racines et de lianes, à peine agile. Ses membres se perdaient en retranchement étranges et en angles bizarres. Elle semblait absorbée par la chair humaine qu'elle avait sous les yeux, difficilement situables d'ailleurs.

« – Oh putain… »

La dryade s'interrompit un instant. Elle se mit à se mouvoir, se déplaça sur le côté, dirigeant son attention vers un autre amas. Les deux chercheurs virent alors qu'en plus d'Ariane, une petite fille se trouvait allongée dans la clairière. L'arbre vivant se mit à son tour à lui caresser les cheveux.

« – On peut pas les laisser là, murmura Hugo.
– On ne va certainement pas… Eh, non, attend ! »

Trop tard. L'intéressé était sortit des fourrés et s'avançait dans la clairière.
Le Dr Topy fit deux, trois pas hésitants, puis s'éclaircit la gorge.

« – … Bonjour. »

La créature continua de caresser les cheveux de l'enfant. Elle ne semblait pas l'avoir entendu.
Puis, sa tête pivota brutalement en direction de l'homme, le faisant tressaillir.

« – Bonjour. Joli humain. »

L'entité laissa tout à fait de côté la gamine, et commença à s'avancer vers l'intrus, d'un pas chaloupé, lent, méthodique.

« – N'avancez pas plus. »

Hugo sursauta lorsque Namyar surgit à ses côtés. Les mains présentées en avant, le regard rivé sur la créature, il n'en menait pas large.
Mais il était là.

Son apparition eut l'effet escompté. La créature cessa d'avancer.

« – Chuuuuuuuuuut… Vous allez les réveiller.
– C'est le but, souffla Hugo avec prudence. Nous voulons juste récupérer nos semblables. Pas leur faire du mal.
– Elles rêvent. Il ne faut pas réveiller la forêt qui dort, » continua la dryade de sa voix douce et grave.

Les deux chercheurs se concertèrent du regard. Celui de Namyar suppliait son confrère de partir d'ici avant qu'un malheur n'arrive.
Mais ce dernier se devait de tenter quelque chose. Il ne pouvait pas laisser la situation hors de contrôle. Ce n'était pas une bonne idée.

« – Est-ce qu'elles vont bien ?
– Jolies humaines, et jolies rêves. Elles nourrissent la forêt. Me nourrissent moi. Elles…
– C'est un numéro, souffla Namyar aussi bas que possible. Posture de chasse, membres allongés et fins, camouflage offensif. Prédateur anormal. Du genre qui procède par embuscade, qui piège ses victimes. »

Comme si elle avait entendu, l'entité se tut.
Puis :

« – Seulement les moins éclairées. »

Ce gargouillement guttural avait perdu toute douceur, ne gardant qu'une musicalité rauque.
Lentement, la dryade se redressa. Commença à se réarranger. Les replis de ses membres se défaisaient, se réorientaient, pour former de longues pointes élaguées.
L'entité révélait peu à peu l'étendue de son corps, se relevant, comme un humain à quatre pattes qui se serait redressé.

Quand elle eut finit, sa tête atteignait presque le plafond.

Les deux hommes, dans l'ombre de l'Ent géant, frémirent de concert. Hugo ignorait totalement ce qui le figeait sur place, quand toutes les fibres de son corps lui hurlaient de s'éloigner au pas de course.

« – Ne jouons plus, petits humains. Parlons. »

Son long, long, long bras alla caresser la tête d'Ariane, puis son cou, d'une façon qui fit se tordre les intestins du chercheur tant il avait peur de voir l'écorce s'enfoncer brutalement dans le creux fragile de sa gorge.

« – Je ne peux pas me séparer de mes deux rêves. Ils sont trop précieux. Mais peut-être pourrais-je les céder contre… une juste compensation.
– Il est hors de question que nous les remplacions, » répliqua Namyar puisque Hugo, tétanisé, ne répondait rien.

L'être arboricole émit un grondement dégoûté, qui tomba sur leur tête comme le souffle de la cime.

« – Pas toi, humain terne. Tes rêves sont fades et métalliques ; ils puent la ville, l'argent, l'aridité. Non, ce que je veux, ce sont les rêves du joli humain. Leur odeur de caverne silencieuse, de pousse fraîchement éclose et de soupirs de regret. »

Hugo sentit son cœur se serrer. Bien évidemment.

« – Hugo, on s'en va, souffla sans appel Namyar.
– Si je le fais, est-ce que vous les laisserez ? voulut-il pourtant s'assurer.
– Hugo… »

La créature pencha la tête de côté, comme attendrie, ou amusée. Sa main était revenue jouer dans les cheveux blonds de la biologiste.

« – Peut-être une. Peut-être les deux. Peut-être aucune, je ne sais pas. »

Sa prise se raffermit subitement, comme si elle s'apprêtait à tirer la chevelure abondante du Dr Aloices, et la soulever du sol d'un geste pour la lancer plus loin comme une poupée fragile.

« – Mais pose plutôt cette question : qu'est-ce que je leur ferais, si tu ne viens pas aider la forêt ? Petit Hugo, tu as tout le temps qu'il te faut pour décider. »

Namyar prit Hugo par l'épaule.

« – On s'en va. Tu n'es pas en état. On sort de cette jungle. »

Nauséeux, le chercheur se laissa entraîner en arrière, passer de l'autre côté de l'orée des bois. Il n'avait plus de force à opposer.

Au loin, la dernière phrase de la créature le poursuivit, moqueuse :

« – Essayez d'en sortir. Essayez. »


De ce fait, Namyar ne sut jamais trouver la sortie, malgré son agitation frénétique

Le Dr Topy ne reconnaissait absolument pas le paysage ; mais cette fois-ci, il était presque sûr de ne pas pouvoir blâmer sa mémoire. La jungle avait évolué, s'était modifiée. Plus grande, plus touffue, plus sombre, plus menaçante… Plus complexe et cohérente.

« – Je ne comprends rien… Pourquoi est-ce que tout a changé d'un coup ? marmonnait Namyar tout en tirant derrière lui son collègue, visiblement mortifié. »

Hugo sortit alors du mutisme dans lequel il s'était enfermé, et murmura à voix basse :

« – Cette jungle s'est construite selon l'imagination d'une enfant. Que penses-tu qu'elle puisse faire maintenant qu'elle est alimentée par les connaissances d'une biologiste, spécialiste en anormal ? »

Namyar ne répondit pas. Il obliqua brusquement dans une direction différente.

« – Où est-ce que tu m'emmènes ?
– Je me souviens de cette horloge, là, presque enfoncée dans la végétation. On est prêt des stocks.
– … Et alors ?
– Et alors cette créature d'apparence végétale est en réalité animale. Les produits chimiques ont un effet sur elle. »

Brusquement, la lueur dans les yeux de Hugo se raviva, alors qu'il réalisait qu'il aurait dû y penser plus tôt.

« – Tu veux…
– Je ne veux rien du tout, à part sortir d'ici. Si cette créature ne se souvient pas de notre existence, on pourra s'en sortir. Toi, tu penses pouvoir t'en sortir avec des mélanges chimiques ?
– On a l'équipement, mais… Pas sans formule… Je… Tu me connais. Les souvenirs. »

Namyr s'arrêta brusquement. Se retourna. Fourragea un instant dans sa poche. Lui tendit un objet décrépi.

« – Tiens. »

Dans le creux de sa paume se trouvait la boule de papier que le Dr Topy avait sorti plus tôt de sa blouse. L'expert en amnésique la regarda sans comprendre.

« – Mes dessins ? Mais…
– Déplie le papier. »

Hugo obéit, et prit la feuille pour la déplier soigneusement. Ses brouillons distraits prenaient une grande partie de la page, et elle était plutôt large.
Puis, une suite de caractères singuliers attira son attention, et il se figea.

« – Ce sont…
– Des formules, oui. Est-ce que ce sont celles des…
– Amnésiques, oui ! »

Il se frappa le front de la main.

« – C'est… Oui, oui, je m'en souviens ! Je m'étais fait un pense-bête pour ne pas oublier et… j'ai oublié mon pense-bête… Mais pourquoi l'avoir gardé ? Je veux dire, tu… Vous ne pouviez pas comprendre ces formules, si ? »

Namyar ne cilla même pas, et déclara d'une traite :

« – Je pensais que si c'était aussi intéressant que ça en avait l'air, ça pourrait peut-être valoir quelque chose aux yeux d'une grande puissance étrangère et richement fortunée. »

Hugo ne sut pas quoi répondre.


« – … Vous vous souvenez du plan, n'est-ce pas Monsieur Topy ?
– … Oui.
– Répétez-le moi. »

L'intéressé se concentra. Ce n'était pas le moment de se foirer.

« – Je distrais la monstruosité des bois en lui proposant d'accepter son marché. Tu contournes par l'arrière et l'amnésie dès que tu es assez près. »

Rasséréné, Namyar se tut. Les deux hommes progressaient en silence, leurs épaules lourdes sous le poids de l'objectif qu'ils s'étaient fixés.
Ils n'auraient pas de seconde chance.

Finalement, ils se séparèrent, et Hugo dut continuer seul. Il lui fallut mobiliser toute sa volonté pour ne pas repartir en courant.

Quand il parvint jusqu'à la clairière, l'entité l'attendait. Elle était demeurée à son état de géant, dodelinant doucement de la tête. Dès que le Dr Topy sortit des bois cependant, son attention se fixa sur lui, alerte.

« – Petit Hugo… Viens-tu aider ou condamner tes jolies semblables ? »

L'homme avala sa salive. Ses mains tremblaient.

« L-Les aider. Aider la forêt.
– Bien… souffla la créature. »

Lentement, très lentement, elle se pencha vers lui. Les lianes sur son corps commencèrent à s'agiter, devinrent une masse grouillante qui se décolla du reste, à la manière d'un nœud de vipères oscillant en direction de leur prochaine proie.

« – Les fleurs devraient t'endormir assez vite, mais j'ai trop peur que tu ne changes d'avis entre temps… Approche, petit Hugo. Il est temps de rêver. »

L'intéressé eut un mouvement de recul, pour se placer hors de portée de la dryade. Cette dernière arrêta son mouvement en avant, figée.

« – Qu'y a-t-il ? N'aie pas peur. Tes rêves sentent bien trop bon pour que je veuille les abîmer… »

La masse de lianes eut un mouvement fugace dans la direction opposée.

« – … Pas comme l'humain terne. »

Les membres verdâtres et mousseux frappèrent, saisissant Namyar qui s'était approché à mi-chemin. Il eut juste le temps de lâcher un cri avant d'être enveloppé par une étreinte implacable et plaqué au sol.

« – Ssssss… Je suis déçue. Je pensais que le sort de tes compagnons t'importait un petit peu plus, petit Hugo. »

Ce qui restait apparent du visage de son collègue devenait de plus en plus blanc. Le Dr Topy céda à la panique.

« – Stop, stop ! Je vais vous aider. Promis, juré, je vous aiderai. Juste… Ne lui faites pas de mal. »

Les gestes menaçants de la créature restèrent en suspens.

« – Plus de jeux, petit Hugo ?
– P-plus de jeux. Que du vrai. Vous pouvez avoir mes rêves. Mais relâchez-le. Avant. »

Comme si elle pesait le pour et le contre, la chose joua encore un peu avec l'intrus qu'elle avait capturé, puis le relâcha doucement, ses lianes revenant s'agiter en direction de sa cible première.
De plus en plus près.

Le Dr Topy ne recula pas. Il ne pouvait pas se rétracter, pas quand Namyar était encore étendu au sol, reprenant difficilement son souffle, juste à côté des deux corps inanimés des précédents victimes de la dryade – victimes qu'il rejoindrait bientôt. Ses yeux fouillaient partout à la recherche d'une échappatoire.

Son regard se posa sur un point bien précis, près du Dr Aloices, toujours plongée dans son monstrueux sommeil.
Tout autour d'elle, les fleurs bleues fanaient à une vitesse anormale.
Tout comme toutes les autres fleurs de la clairière.

Hugo parvint subitement à replacer l'odeur qui se dégageait des pétales putréfiés, celle qu'il n'avait pas su identifier plus tôt.
Un mélange d'arôme fruité, de feuilles d'automnes et de pluie légère… ?

Est-ce qu'Ariane, du fond de sa prison, essayait de les aider du mieux qu'elle pouvait en orientant ses songes ?

Brusquement, Hugo sut ce qu'il devait faire. Juste avant que les lianes ne se posent sur son corps, il tourna la tête en direction de Namyar, qui lui jetait des regards découragés, et articula une dernière supplique.
Les yeux de son collègue s'ouvrirent grand lorsqu'il réalisa ce qui lui était demandé de faire.

Amnésie-les.

Puis, la masse de tiges souples se referma sur le Dr Topy, fouillèrent sans ménagement en dessous de sa blouse négligée.
En des centaines de points de sa peau, il sentit leur pointe s'insinuer sous son épiderme, jusqu'au vaisseaux sanguins si fins et si fragiles, et les percer à leur tour pour dispenser en eux un fluide qui fit voir trouble à la victime, malgré la douleur immense qui le saisissait.

À travers le voile rouge de la souffrance qui s'était posé sur ses yeux, Hugo vit que son confrère avait récupéré la seringue, et faisait maintenant une injection sommaire à la gamine.

Puis il s'endormit.

Et sentit une volonté étrangère s'insinuer dans ses rêves. Leur donner une direction, avec le maternalisme attendri de la mère veillant attentivement sur sa progéniture. Ce n'était pas la dryade.
C'était la jungle elle-même.

Il sentit que ses rêves l'aidaient à se façonner, à grandir, à créer.
Puis il oublia.
Et la croissance de la jungle revint au point mort.

Dans son étrange état de semi-éveil, de semi-omniscience, Hugo sut que la créature passait de la jubilation à la perplexité mortifiée.

Qu'est-ce que…

La jungle se rétractait peu à peu de l'esprit fragmenté du scientifique, pour se heurter à un mur vide de néant. Sa première solution de rechange avait été nettoyée de toute existence.
Sa seconde aussi.

Piégée dans le cerveau amnésique, la jungle se sentait dépérir, décroître. Tout dégénérait.

Non !

Cette fois-ci, c'était bien le cri rageur de la dryade trompée qui retentissait dans son inconscient : elle n'avait pas su déceler l'imperfection qui marquait maintenant l'avenir de sa mère créatrice.
Mais même elle devait se plier à la loi implacable de l'espace et de l'origine. Elle régressait à l'état de pousse, de larve, de lumière vacillante ; lumière que Namyar s'empressa d'éteindre en l'écrasant du pied, enfonçant sa botte de toutes ses forces sur les dalles de plus en plus apparentes.

L'assistant-chercheur s'arrêta un instant de bouger, sans se douter un instant que tout, dans cette jungle maintenant rase, brisée, tour à tour naissante et agonisante, tout était les restes de son confrère maintenant endormi à jamais. Il ne bougea pas, silencieux.

Ariane et l'enfant dormaient maintenant toutes deux d'un sommeil sans rêve. Hugo, lui, était encore là, vivant quoique affaibli, dernière ressource dont la jungle insatiable devait maintenant se contenter.

Puis, il se pencha pour ramasser quelque chose parmi les fleurs mortes et l'herbe sèche.

C'était un simple Rubik's cube. Presque terminé, auquel il ne manquait plus que quelques cases pour être complété, d'un mouvement savant, fluide et satisfait.

Namyar lâcha un rire incontrôlable, nerveux, puis s'arrêta. Son regard alla de la jungle à Hugo.

Pour finir, il contrôla la quantité de liquide qu'il lui restait dans la seringue. Et, après une dernière hésitation, se dirigea vers le corps inanimé de ce qui avait été son dernier compagnon d'infortune.

Hugo, silencieux et serein, accepta sa décision, et se laissa glisser dans les ténèbres ; en même temps que les amnésiques surdosés pénétraient son organisme, pour la survie du Site Aleph.


Projet Long Sommeil

  • Chercheur Namyar (Surnom ?) : (o) Besoin de motivations précises. Trop attaché aux valeurs communes et relatives ; risque de nostalgie de l'âge préanormal. Non conforme, mais éléments à retenir : ténacité, capacités d'analyses efficientes.
  • Dr Ariane Aloices : (X) Fascination pour l'anormal, mais déplacée : caractères communs appréciés, pas les subtilités transcendant ces derniers caractères. Trop sensible, trop généreuse, trop distraite. Valeurs humaines, mais usuelles et non propice à l'utilisation. Non conforme.
  • Dr Hugo Topy : (X) Capacité à gérer son stress. Oublie. Souvent. Très. Peur de l'anormal, peur de l'inconnu. Don de soi, et capacité de réflexion au moins primaire. Non conforme.

Projet Long Sommeil : 0/3 (1 profilage)

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