La mia unica famiglia

« Un petit job tranquille dans un coin chaud, ça serait une belle façon de finir l’été. Qu’est-ce que vous en pensez ? »

Jacques Guillemin, leader éponyme de la petite bande de mercenaires connue sous le doux nom de « Brochette de Cinglés de Papy Jacques », parcourait d’un œil attentif les propositions de missions mises à disposition par Primordial, cherchant la perle rare. Assise à ses côtés, son associée Chelsea « Bullet » Murray s’acharnait sur un Rubik’s Cube avec un agacement manifeste sans lui prêter la moindre attention. Plus investi, Amaury « Colocs » Cahen, qui partageait son esprit avec la défunte Amanda Amatore, fit remarquer :

« Ça serait sympa, c’est sûr, mais c’est le calme plat en ce moment, Papy. Pour trouver du boulot ces temps-ci, il faut zoner en Europe de l’Est ou en Afrique, et c’est pas franchement hyper tentant.

- Je suis sûr qu’on peut trouver un truc sympa en Espagne, en Italie ou sur la Côte d’Azur, affirma le quarantenaire en scrollant avec l’entrain d’un retraité préparant un voyage aux Maldives.

- Tu commences à devenir sérieusement gâteux, à vouloir tes petites vacances de pépère, intervint Chelsea sans abandonner son casse-tête ni son air concentré. À deux doigts de l’EPHAD. »

Jacques l’ignora superbement mais, après quelques minutes de recherches supplémentaires, son enthousiasme presque enfantin se mua soudainement en étonnement, ce qui n’échappa pas à ses compagnons. Sans prononcer un mot, il tourna l’écran de son ordinateur portable vers Amaury.
Celui-ci put y découvrir un mail envoyé par Grégoire Autier, vieil ami de Guillemin et, accessoirement, leur principal contact au sein de Primordial. Celui-ci s’était fendu d’une unique ligne de texte : « Le commanditaire s’appelle Luciano Amatore. Un lien avec ta coéquipière ? ».
Était jointe une offre de contrat pour une banale mission de gardiennage dans le cadre d'une exposition d’objets anormaux de faible valeur, quelque part sur la côte toscane.
Il y eut un long moment de silence, tandis que Jacques et Chelsea fixaient leurs compagnons en attendant une réaction quelconque. Amaury leva finalement les yeux et annonça :

« C’est mon père. »

C’était Amanda qui venait de parler à travers leur corps partagé, fait rarissime : elle ne prenait le contrôle que sous l’impulsion d’émotions particulièrement intenses. Elle n’ajouta rien, se contentant de fixer l’écran en silence.

« Hé… Qu’est-ce que tu en penses ? hasarda le doyen.

- Ce que… j’en pense ? Comment ça ?

- Tu veux qu’on prenne le job ? »

Elle parut hésiter, puis détourna le regard.

« Je suis morte et enterrée depuis des années, pour lui. Ça ne sert à rien de remuer les fantômes du passé. Et la vie continue, ajouta-t-elle amèrement. La preuve, il ne se prive pas d’organiser ses petits évènements mondains.

- Justement, c’est peut-être le moment de remettre les points sur les i, tu crois pas ?

- Dans cet état-là ? ironisa-t-elle en écartant les bras pour leur permettre de mieux jauger son corps d’emprunt. Tu me vois vraiment me présenter à lui comme une fleur en expliquant que je suis là, quelque part dans l’homme qui m’a tuée ? Désolée, c’est au-dessus de mes forces.

- T’es pas obligée de lui dire, ça, intervint Chelsea, tirant la langue en essayant de reconstituer la face bleue. C’est pas comme si ça sautait aux yeux que vous faites chambre commune, si tu vois c’que j’veux dire.

- Mais alors, à quoi bon ?

- Au moins tu verras ce qu’il devient, répliqua la rouquine avec un haussement d’épaules. T’évalues comment il va, comment ta mort l’a impacté, et t’avises en fonction. »

Voyant que sa collègue hésitait encore, elle ajouta d’un ton grinçant :

« Toi au moins tu sais où il est, ton daron. Et il s’est pas tiré à la première occase comme le mien, si ? »

L’argument fit mouche. Amanda laissa échapper un profond soupir, ferma les yeux et baissa légèrement la tête, s’avouant vaincue.

« Vous avez raison, bien sûr. J’accepte. Mais, s’il vous plaît, laissez-moi gérer une fois qu’on y sera, d’accord ?

- Tu as notre parole, affirma solennellement Jacques.

- Aucune envie de me mêler de ton merdier, t’inquiète, renchérit Chelsea avec un rictus.

- Dans ce cas… Prochain arrêt l’Italie », lâcha Amanda dans un souffle.


Lorsqu’elle découvrit le théâtre de sa nouvelle mission, la Brochette songea tout d’abord que c’était en effet l’endroit parfait pour organiser une réception un peu classieuse. Ceci étant dit, leurs estimations les plus optimistes leur indiquaient qu’une année entière de jobs particulièrement rentables aurait à peine suffit à leur payer vingt mètres carrés des lieux. Un placard à balai, peut-être. Et à condition de se nourrir exclusivement de macaronis et de dormir sous des cartons tout le long de ladite année, cela allait de soi.
La villa (quoique le terme « palais » ait peut-être été plus approprié) se composait d’un vaste corps central encadré de deux ailes bordées de colonnes en marbre blanc de style romain. Le tout était ceinturé d’un jardin parfaitement entretenu, ponctué de deux fontaines ouvragées et où une multitude de plantes multicolores s’épanouissaient en bosquets parfaitement ordonnés.
Et, tant qu’à faire, la mer n’était qu’à deux cent mètres à vol d’oiseau.
Histoire de marquer le coup, Chelsea émit un sifflement sonore avant de lancer :

« Et du coup, ça se passe comment ? On doit marcher avec des patins, ou bien… ?

- Contente-toi de faire bonne impression, lui intima Jacques. N’oublie pas qu’on est là pour Amanda.

- Ça roule Papy. N’empêche, Amanda, t’aurais pu nous dire que t’avais une crèche pareille qui t’attendait au pays. Ça nous aurait peut-être évité quelques nuits dans des hôtels pourris. »

Ignorant le regard noir que lança l’aîné de la bande à la rouquine, l’intéressée répondit par l’intermédiaire d’Amaury :

« Mon père a juste dû louer pour l’exposition. Mais la maison n’est pas mal dans son genre non plus, j’imagine…

- Alors j’espère d’autant plus que vous allez recoller les morceaux. Allez, on y va. »

Luciano Amatore avait fait venir la dizaine de mercenaires qu’il avait recrutés pour l’occasion en avance, et ils se réunirent naturellement devant la bâtisse. La plupart n’était que des porte-flingues à la petite semaine, attirée par le job facile et le salaire très convenable, mais quelques figures sortaient du lot et la Brochette en faisait indéniablement partie.
Leur employeur apparut peut après sur la terrasse, les bras théâtralement grands ouverts.
Luciano était une belle incarnation de l’élégance à l’italienne : visage rasé de frais marqué d’élégantes rides, cheveux de jais plaqués sur le côté, teint légèrement hâlé et inévitable costume anthracite de grand couturier.

« Bienvenue à tous, lança-t-il d’une voix chaude, dans un anglais impeccable. Permettez-moi avant toute autre chose de vous remercier pour votre présence aujourd’hui. Comme vous le savez, les objets exposés ce soir n’auront qu’une valeur marchande négligeable, et je ne m’attends pas à ce que nous soyons confrontés à un danger plus grave qu’une pénurie de petits fours.
Ceci étant dit, vous tiendrez un rôle primordial – c’est le cas de le dire – dans la bonne tenue de cet évènement. Je compte donc sur vous pour faire preuve du plus grand professionnalisme, croyez bien que vous en serez récompensés.
Les grandes lignes étant tracées, nous allons si vous le permettez nous atteler à l’élaboration de notre dispositif pour ce soir. »

La demi-heure suivante fut ainsi dédiée au placement des combattants en divers points stratégiques du bâtiment. L’organisation évoquait celle d’une équipe de gardiens de musée plutôt qu’une défense en règles, et l’Italien leur assura qu’il s’agirait surtout d’empêcher les visiteurs trop envieux de se servir parmi les pièces exposées. La présence de gros bras armés contribuait également au standing de ce genre de sauterie, cela allait sans dire.
Papy Jacques garda un œil sur le corps partagé d’Amaury et Amanda tout au long du briefing. Bien que leur visage restât de marbre, ils ne lâchèrent pas le dandy des yeux une seule seconde.
Le vétéran ne voulait pas brusquer les choses, mais il tenait à apporter tout le soutien possible à ses deux protégés. Quand Luciano eut terminé son exposé et que leurs confrères commencèrent à se disperser, le Français s’approcha de lui et lui glissa :

« Monsieur Amatore, verriez-vous un inconvénient à ce que moi et mon collègue vous tenions lieu de garde rapprochée ce soir ? Vous n’avez pas du tout abordé le sujet de votre protection. »

L’intéressé eut un sourire chaleureux. Posant sa main sur l’épaule de Jacques, il lui assura dans un français aussi convaincant que son anglais :

« Je ne cours aucun risque, rassurez-vous mon ami. Je ne vois pas qui pourrait vouloir le moindre mal à une vieille baderne comme moi.

- On n’est jamais trop prudent, vous savez… Et surtout, ça fait toujours bien auprès des invités, pas vrai ?

- Après tout pourquoi pas, si vous y tenez. Je vous demanderai juste de vous faire discret lorsque je m’entretiendrai avec les visiteurs. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, je dois superviser les derniers préparatifs. Retrouvons-nous tout à l’heure. »

Sur ces mots, le père d’Amanda s’éloigna d’un pas énergique.

« Je ne sais pas si c’est une bonne idée, Papy, souffla Amaury. En fait, je pense pas qu’on aurait dû venir ici pour commencer.

- Je sais que la situation ne doit pas être évidente pour vous deux, mais mieux vaut ça que laisser les regrets vous bouffer après coup, vous pensez pas ?

- J’imagine, ouais…

- Dites, les coupa subitement Bullet. Je veux pas péter votre trip, mais je fais quoi moi, pendant ce temps ? Les séquences de retrouvailles façon larmes et gros câlins, c’est vraiment pas ma came.

- Tu peux toujours te poster quelque part et faire le job pour lequel on est payés, répondit Jacques. C’est l’histoire d’une soirée, tu penses que ça ira ?

- Ouais, ouais, je ferai l’effort pour vos beaux yeux, va. Allez, à plus. »

La rouquine s’éloigna sur ces mots avec un léger signe de la main. Elle avait en réalité depuis leur arrivée une idée très précise de la façon dont elle allait occuper sa soirée.
Elle se dirigea aussitôt vers l’aile sud du bâtiment, slalomant entre diverses vitrines regorgeant de babioles dont l’intérêt était bien plus souvent historique ou ethnographique que surnaturel : les gros poissons du monde de l’anormal ne laissaient guère de place aux indépendants dans la quête des anomalies les plus intéressantes.
De toute façon, ça n’étaient pas les anomalies qui avaient attiré son attention ce jour-là, mais une personne. Une consœur, en fait. Et elle se tenait justement à quelques mètres de là, adossée à un mur, balayant la pièce d’un regard acéré.
L’inconnue était une trentenaire typée méditerranéenne, plutôt jolie d’ailleurs. Mais ce qui avait vraiment retenu l’œil de Chelsea, ç’avait été sa tenue, pour commencer : une veste en cuir noire ouverte sur un t-shirt des Dead Kennedys, le tout complimenté par un foulard écarlate noué autour de son cou.
Elle n’avait remarqué qu’ensuite le tatouage qui couvrait son bras du poignet gauche jusqu’au cou, composé d’un enchevêtrement complexe de rubans rouges et noirs entrelacés. Le tableau était complété par un holster et une poignée d’exotiques couteaux de lancer pendus à sa ceinture.

La Galloise s’approcha et vint se planter à côté d’elle, l’air de rien. Pendant quelques minutes, elle fit mine de repérer les environs, tout en jetant discrètement des coups d’œil fréquents à sa voisine. Trop fréquents sans doute car celle-ci, n’y tenant plus, se retourna soudainement vers elle :

« Écoute, chica, tu es mignonne comme un cœur, vraiment, mais j’ai déjà quelqu’un. »

Prise au dépourvue, ce qui était suffisamment rare pour être noté, Chelsea rougit comme une pivoine et commença à bafouiller :

« Quoi ? Je… Non, c’est pas ce que je voulais… C’est juste que… »

L’autre la jaugeait intensément, levant un sourcil inquisiteur.

« C’est juste que je te trouve plutôt… cool ? Et comme j’ai l’impression que je vais pas mal m’emmerder, je me disais qu’on pourrait discuter un peu… Enfin, je veux pas déranger non plus… »

L’inconnue la fixa quelques secondes, incrédule, puis un sourire étira ses lèvres. Reportant son attention sur son environnement, elle lui répondit :

« On m’avait plus sorti que j’étais cool depuis, quoi… La fac ?

- Ouais, je sais, c’est bizarre. Je m’en suis rendue compte en le disant.

- Je vous ai remarqués aussi, toi et tes deux copains. Vous étiez les seuls à avoir l’air un minimum compétents dans le lot. »

Chelsea dût réprimer un soupir de soulagement. Pendant un instant, elle s’était attendue à une méchante humiliation, du genre qui reviennent vous hanter les nuits où vous ne parvenez pas à trouver le sommeil.

« La soirée risque d’être longue, c'est vrai. Alors autant causer un peu, poursuivit son interlocutrice. Tu avais un sujet de discussion précis en tête au moment d’aborder la « femme cool » ?

- Ben… hésita la benjamine, ce qui constituait en soi une réponse assez éloquente. Tu… tu t’appelles comment, du coup ? »

Inutile de préciser que si Chelsea Murray n’avait pas son pareil pour faire parler les flingues, elle avait des compétences plus que discutables pour tenir une véritable discussion.

« Tu peux m’appeler Lucia. Et toi alors, y’a un nom qui va avec cette jolie frimousse ?

- Chelsea… Mais tout le monde m’appelle Bullet.

- Bullet, hein ? Intéressant…

- Et… T’es espagnole du coup ? »

« Lucia » eut un petit rire.

« De cœur seulement, j’en ai peur. Née et élevée en France, mais mes arrière-grands-parents venaient de là-bas. Et toi, si je ne dis pas n’importe quoi, tu es Galloise ? L’accent est assez parlant. »

Les deux jeunes femmes firent ainsi connaissance en attendant l’arrivée des premiers invités. La benjamine de la Brochette était ravie : elle n’avait somme toute pas souvent l’occasion de faire amie-amie avec qui que ce soit, et échanger avec cette nouvelle connaissance était particulièrement agréable : elle paraissait solide, fiable et avait la tête sur les épaules, mais ne manquait pas d’humour. Ce qui lui rappelait Jacques, d’une certaine façon.
Elle se surprit à se demander quel genre de recrue elle ferait pour la Brochette. Les autres n’y verraient sans doute pas d’inconvénient, pas vrai ? Et il lui semblait beaucoup plus facile de lui parler à elle qu’aux garçons ou à Amanda, avec laquelle elle passait son temps à se chamailler.
Peut-être qu’elle pourrait lui proposer de les rejoindre, après en avoir touché deux mots aux autres ?
Après tout, la soirée ne faisait que commencer.


Du côté de Jacques et des Colocs, les choses ne se profilaient pas aussi bien. Ils n’avaient pas lâché Luciano d’une semelle, mais Amanda n’avait pas pu ou voulu placer un mot. Elle se contentait de fixer son père en silence, l’air amer.
Papy croyait la connaître assez pour savoir à peu près ce qu’elle pensait. Tout le monde s’était sans doute déjà demandé comment son entourage réagirait s’il venait à disparaître, et Amanda avait à cet instant l’opportunité unique de l'expérimenter par elle-même.
Or, son paternel avait accueilli ses visiteurs avec un air affable, s’était fendu d’un petit discours introductif qui lui avait valu une bordée d’applaudissements, et avait ensuite navigué avec aisance d’un groupe à l’autre pour échanger quelques mots avec chacun de ses invités. Il recevait du beau monde ce soir-là : le genre de pékins qui devait volontiers écumer les salles de vente de Marshall, Carter & Dark, de toute évidence plus intéressé par l’évènement mondain lui-même que par les pièces exposées.

Toujours était-il que rien dans le comportement de leur employeur ne trahissait le deuil d’une fille disparue. Le mercenaire ne lui jetait la pierre : l’incident remontait à plusieurs années, le temps avait dû cicatriser un peu les blessures, et c’était de toute façon précisément en ce genre d’occasions qu’on s’efforçait de faire bonne figure.
Cependant, sa protégée en souffrait de toute évidence, et il ne voyait pas quoi faire pour l’aider. Il ne lui appartenait pas de dévoiler son identité, et il n’était même pas persuadé que cela lui rendrait service.
D’autant plus qu’Amaury n’avait quant à lui probablement aucune envie de lui annoncer qu’il avait descendu sa fille.

Il ruminait ces sombres pensées quand quelque chose attira son œil aiguisé par de longues années d’expérience : deux de leurs collègues isolés dans un coin de l’entrée, plongés dans une discussion animée. S’y attardant, il remarqua que l’un d’eux pointait discrètement quelque chose dehors, tandis que l’autre balayait la pièce d’un regard anxieux.
Jacques entreprit de s’avancer dans leur direction, l’air de rien.
À peine eut-il fait quelques pas que la porte de l’atrium s’ouvrit, dévoilant un énergique cinquantenaire vêtu d’une veste de costume grise passée par-dessus un pull noir et d’un pantalon en toile de la même couleur. En bref, le public-type de la petite sauterie organisée par Amatore.
À ceci près qu’aucun des autres convives ne s’était présenté escorté d’une demi-douzaine de lascars armés jusqu’aux dents.

Une pareille entrée ne manqua pas d’attirer l’attention des convives. Leur curiosité se mua rapidement en inquiétude, puis en panique. Plusieurs cris retentirent, et tout ce beau monde commença à battre en retraite à qui mieux mieux. Tous eurent quitté le bâtiment en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire.
Jacques prit le temps d’analyser la situation, et elle n’était pas brillante. Les six gorilles que le nouveau venu avait amenés avec lui avaient été rejoints par presque tous les mercenaires engagés pour assurer la sécurité : leur coup avait été bien préparé.
Il remarqua aussi du coin de l’œil que les Colocs s’étaient discrètement avancés à leur rencontre, ce qui ne lui disait rien qui vaille.

L’hôte de la soirée, quant à lui, ne se démonta pas. Faisant face à la menace, il lança au nouveau venu, aussi affable qu’on pouvait l’être face à un comité pareil :

« Lord Evington, je ne m’attendais pas à avoir le plaisir de votre visite.

- Je pense bien, Luciano, répliqua l’autre d’un ton acide. On ne tient généralement pas à ce qu’un homme qu’on a escroqué se présente en ce genre d’occasion. »

Les bras de l’Italien retombèrent le long de son corps et sa physionomie se fit plus grave.

« Écoutez, Edward, je vous assure que je n’avais aucune idée de la valeur réelle de cet objet au moment de vous l’acheter.

- Et je suppose que je dois te croire sur parole, bien évidemment.

- Si c’est une question d’argent, je suis tout à fait prêt à vous verser le prix réévalué. Comme je vous l’ai dit, il n’a jamais été dans mes intentions de vous duper.

- Oh, mais j’y compte bien, cher ami. Seulement voilà, je ne peux pas me contenter de ça. Il me faut faire un exemple, vois-tu. Nous ne voudrions pas que d’autres rats dans ton genre s’imaginent qu’ils peuvent m’enculer sans avoir à en subir les conséquences… »

Le fameux « lord » au langage si fleuri se tourna alors vers Amaury, qui se tenait maintenant juste à côté de lui :

« Quant à vous, les gars, je vous conseille de ne pas vous en mêler. Croyez-moi, le salaire n’en vaut pas la pein… »

Avant qu’il ait pu finir sa phrase, le poing du mercenaire vint s’écraser dans sa face dans une gerbe de sang. La puissance de l’impact fut telle que l’Anglais fut projeté en arrière avant de s’écraser sur le sol carrelé avec un bruit sourd.
Tout se passa ensuite très vite. Les séides du malheureux, restés en retrait et complètement pris de court, commencèrent à lever leurs armes. Amaury, ou plutôt Amanda, se retourna vers Luciano et s’exclama « Papa ! » d’une voix terrifiée. Malgré le caractère apocalyptique de la situation, celui-ci répondit d’une voix incrédule « Amanda ? ».
La seule chose qui empêcha ces retrouvailles de se terminer au cimetière, ce fut le bond impressionnant de Jacques qui bouscula sans ménagement père et fille dans un bureau adjacent. Une nuée de balles vint faire exploser marbre et plâtre à l’endroit où ils se trouvaient un battement de cœur auparavant.
Le quarantenaire se redressa tant bien que mal, ignorant ses muscles endoloris et dégainant son arme de poing. À ses côtés, ses deux compagnons reprenaient tant bien que mal leurs esprits.

« Qu’est-ce qu’on fait maintenant, Papy ? s’enquit Amaury, tirant son propre flingue, à peine audible au milieu du déluge de coups de feu.

- On espère que Bullet va bien et qu’elle a une idée de génie pour nous tirer de là parce que sinon, sans vouloir vous alarmer, je crois bien qu’on est baisés. »


Chelsea remarqua que quelque chose clochait assez rapidement : l’aile sud ne communiquait avec le corps principal que par une porte vitrée à double-battant qui donnait droit sur l’atrium, et elle put donc vaguement apercevoir les silhouettes des assaillants lorsqu’ils débarquèrent en force.
Elle s’approcha alors, cherchant à comprendre ce qui pouvait bien se passer. Une sorte de performance, une nouvelle vague d'invités, ou quelque chose de beaucoup plus inquiétant ?
Se faisant, elle tournait complètement le dos à sa nouvelle connaissance.

Elle ne se rendit donc pas compte que celle-ci portait lentement une main à la garde d’un de ses couteaux de lancer.

C’est un sifflement, suivi d’un son mat accompagné d’un cri de douleur, qui alerta la rouquine.
Elle se retourna précipitamment et eut juste le temps d’entrapercevoir un confrère posté un peu plus loin qui s’effondrait à genoux, les deux mains serrées autour du schlass fiché dans sa gorge.
Avant qu’elle ait pu additionner deux et deux, Lucia fondit sur elle, la saisit par le col et la plaqua au fond d’une alcôve avec une force surprenante. Puis ce fut la sensation glacée d’une lame collée contre sa gorge.

« T’es avec eux ? aboya la femme au tatouage.

- Que… Quoi… ?

- Cet enfoiré était sur le point de m’abattre dans le dos, et il y en a un paquet d’autres qui viennent de débarquer. T’es avec eux, oui ou merde ? »

Chelsea était complètement submergée. Elle ne parvint qu’à balbutier :

« Qu’est-ce… Qu’est-ce qui se passe, bordel ? Papy, les Colocs… Je dois… Putain, s’ils leur arrive quelque chose… »

Cela dût être assez convaincant pour sa consœur : elle relâcha aussitôt la pression avec un soupir et s’écarta d’un pas, scannant les alentours.
C’est à peu près à cet instant que les coups de feu retentirent.

Le sang la jeune femme ne fit qu’un tour. Dégainant son Beretta, elle se précipita vers la fusillade, bousculant l’hispanique au passage, surgit dans l’encadrement de la porte donnant sur l’entrée et commença à vider son chargeur en hurlant :

« JE VAIS VOUS DÉFONCER, PUTAIN D’ENCULÉS DE MES DEUX ! »

Elle parvint à abattre deux assaillants avant que les autres se retournent vers elle. Lucia l’attrapa par le col et la ramena sans ménagement à couvert juste à temps pour lui éviter de se faire cribler de balles.

« Cabrona ! Ils sont beaucoup trop nombreux, tu veux te faire descendre ?

- Il faut qu’on aide les autres, répliqua Chelsea, des larmes de colère et de panique dans les yeux. S’ils meurent… Putain, hors de question qu’ils meurent, t’entends ? Lâche-moi ! »

Lucia paraissait… Hésiter ? Bordel, comment osait-elle hésiter dans un moment pareil ?
Chelsea tenta de se dégager en s’ébrouant comme un animal pris au piège, sans succès. Alors qu’elle commençait sérieusement à envisager la possibilité de frapper la tatouée en plein visage pour se libérer, cette dernière la lâcha d’elle-même, fit demi-tour et commença à s’éloigner.

« T’es vraiment en train de te tirer, là ?!? » s’exclama la rouquine au désespoir.

L’autre ne lui répondit même pas. Elle s’approcha plutôt d’un des présentoirs d’un pas décidé avant d’en pulvériser la vitrine d’un coup de crosse. Elle plongea alors la main à l’intérieur et en tira un petit objet que la membre de la Brochette ne put distinguer, avant de revenir vers elle.
Elle constata alors qu'elle tenait une sorte de petit sifflet, du genre de ceux qu’on devait fabriquer au début du siècle précédent. Il avait une apparence tout à fait anodine, si on omettait les gravures alambiquées qui le recouvraient.
Lucia le porta à son visage et murmura :

« Camaradas, nuestra lucha no ha terminado. »

Une lueur irréelle commença alors à irradier des lignes imprimées dans le métal. Avant que Bullet ait pu lui demander à quoi elle jouait, elle fondit vers la porte menant à l’atrium, glissa derrière un meuble en bois massif et, le regard fixé au milieu de l’escouade de tueurs, siffla de toutes ses forces dans l’instrument.
Quelques secondes s’égrainèrent, interminables, et pendant un instant il sembla que rien n’allait suivre. Puis, se matérialisant de nulle part, un antique tank apparut à un bon mètre au-dessus du sol en plein milieu de la grappe d’ennemis, avant de s’écraser dans un fracas de tonnerre, pulvérisant au passage l’inestimable carrelage arabescato altissimo.
Il y eut un moment de flottement pendant lequel tout le monde fixa l’engin comme s’il était tombé du ciel, ce qui était d’ailleurs plus ou moins le cas. Puis la tourelle commença à pivoter avec un grincement métallique, et ce fut la débandade : tous les sbires commencèrent à galoper vers la sortie comme si leur vie en dépendait, ce qui était sans doute là aussi le cas. Un clignement de paupière plus tard, tout ce beau monde avait vidé les lieux, à l’exception notable du Lord Evington qui vociférait douloureusement, saignant abondamment du nez :

« Revenez, foutus lâches ! Je vous ai payés, et grassement, j’ordonne que vous reveniez immédiatement ! »

Ses imprécations suivantes moururent dans gorge, à peu près à l’instant où la tourelle finit de se pointer droit sur lui. Comme il ne semblait pas encore décidé à bouger pour autant, la mitrailleuse coaxiale lâcha une vilaine rafale qui pulvérisa la colonne derrière lui, ce qui le convainquit de suivre la voie tracée par ses subordonnés à toutes jambes, hurlant de terreur.

La voie dégagée, Chelsea déboula dans la pièce, espérant de toute son âme que ses trois amis étaient sains et saufs. Quand elle vit Papy surgir d’un couloir avec un petit signe de la main, suivi de près par les Colocs qui soutenaient un Luciano Amatore encore sonné murmurant en boucle « mia figlia, mia figlia », elle laissa échapper un long soupir de soulagement. Elle fondit sur eux et serra ses compagnons dans ses bras, les insultant de tous les noms et manquant de peu d’envoyer bouler leur employeur au passage.

« C’était du très beau travail, Chelsea, la félicita son mentor avec fierté. Tu nous as sauvé la peau.

- J’ai pas fait grand-chose, Papy. En fait, c’est Lucia qui a fait tout le boulot. »

L’intéressée était justement de nouveau en train de murmurer quelque chose à son sifflet. Elle le porta ensuite à ses lèvres et souffla, et le char disparut aussi subitement qu’il était apparu.
Se redressant un peu sans quitter l’épaule d’Amaury, Luciano lui lança :

« Mademoiselle, je crois que nous vous devons tous une fière chandelle. Cet engin s'est matérialisé quand vous avez sifflé dans l’instrument, c’est bien ça ?

- C’était un BT-5, précisa la mercenaire. Et vous êtes perspicace.

- J’ai acquis cet objet il y a quelques mois auprès d’un collectionneur espagnol de ma connaissance, mais j’ignorais tout de cette… capacité. Comment diable étiez-vous au courant ?

- Ça, ça me concerne, mon gars. Et puisqu’on en parle, je pense que vous devriez me le laisser. J’avais prévu de vous le voler ce soir, mais ça me paraît en définitive être une récompense appropriée pour vous avoir sauvé la peau.

- Que… Me le voler, vous dites ? balbutia le dandy. Hé bien, je… Enfin, si vous y tenez, je ne vois pas de raison de…

- Parfait, ‘plaisir de faire affaire avec vous. »

Luciano resta interdit quelques secondes, avant de reprendre contenance et de se retourner subitement vers Amaury, qu’il saisit par les épaules.

« Mia figlia… Tu es bien là quelque part, n’est-ce pas ? »

Le mercenaire hocha doucement la tête, incapable d’émettre le moindre son.

« Giorno benedetto ! Si tu savais comme j’ai espéré ce moment ! s’exclama le vieil homme, les larmes aux yeux, l’attirant contre lui. J’ai recruté des mercenaires en nombre pour toutes les occasions imaginables, espérant simplement que tu te présenterais un jour !

- Pardonnez-moi, intervint alors Jacques, mais vous étiez au courant de ce qui était arrivé à Amanda ? »

Le vieil Italien s’écarta à contrecœur d’Amaury et son regard se fit vague quand il entama ses explications :

« Lorsque Primordial m’a informé de… de ce qui était arrivé à ma fille, j’ai sauté dans le premier avion en partance pour les États-Unis. Il me fallait rapatrier le corps, bien entendu… »

Il ramena à cet instant une chaise près de lui et s’y affala plus qu’il ne s’y assit. De toute évidence, évoquer ces souvenirs restait une épreuve, même après toutes ces années.

« Primordial m’a fourni tous les détails concernant le dernier emploi d’Amanda. Elle avait été engagée par une communauté de natifs américains, des Navajos pour être précis, pour préserver une de leurs reliques millénaires des appétits d’un collectionneur sans scrupules… »

Jacques jeta un coup d’œil en coin à Chelsea. Celle-ci faisait des efforts visibles pour ne pas tracer de parallèle désagréable avec leur employeur, sans doute parce qu’il était le père de leur amie.
Leur mystérieuse sauveuse n’avait pas ce problème :

« Venant d’un type comme vous, c’est plutôt savoureux, vous avouerez.

- Je vois ce que vous voulez dire, mais sachez que nous ne jouons pas tous selon les mêmes règles dans ce milieu. Certains sont garants d’une certaine… déontologie, et je pense faire partie de ceux-là. Mais passons. »

Lucia haussa les épaules avant de reporter son attention sur la porte, craignant peut-être que leurs assaillants soient tentés par une contre-offensive.

« Lorsque je suis arrivé sur place, les locaux m’ont expliqué comment les choses s’étaient déroulées : le collectionneur avait recruté une bande de mercenaires pour leur arracher la relique de force. Ils ont réussi à tenir la plupart à distance, mais l’un d’eux est parvenu à s’infiltrer…

- Je pensais qu’il n’y aurait personne, que tout le monde était là-bas, précisa Amaury, amer, les yeux fixés sur ses chaussures.

- Mais Amanda montait la garde.

- On s’est pas mal surpris l’un l’autre, et on a commencé à tirer sans réfléchir. Je voulais pas la tuer, je vous jure, mais sur le coup… C’était elle ou moi, dans ma tête, vous voyez ? »

Luciano émit un long soupir, triturant ses mains devenues tremblantes.

« L’entendre de votre bouche… Mon garçon, vous êtes sans aucun doute l’homme que j’ai le plus haï au monde. Et pourtant, quand les Navajos m’ont expliqué que leur shaman avait attaché la seconde âme de ma fille, car selon eux chaque être a deux âmes, voyez-vous… Attaché sa deuxième âme à la vôtre, donc… Pour vous punir, disaient-il… Je n’ai eu de cesse de vous rechercher. Non par pour assouvir une basse pulsion vengeresse, mais dans l’espoir qu’il subsisterait en vous quelque chose de ma Amanda… C’est… C’est bien le cas, n’est-ce pas ?

- Amanda et moi partageons nos pensées, je peux vous assurer qu’elle est bien vivante. D’une certaine façon. Elle est capable de parler à travers moi, aussi. Elle ne peut juste pas encore… Elle a du mal à encaisser, vous comprenez ?

- Je comprends, je comprends… Qu’elle prenne tout le temps qu’il lui faudra… Je me rends compte en tout cas que je ne vous en veux plus tant que ça maintenant que je vous ai face à moi. »

Il pointa du menton le corps d’un des mercenaires que Chelsea avait abattus.

« Ces malheureux aussi avaient été engagés par un collectionneur sans scrupule, eux aussi avaient sans doute un père qui les attendait quelque part… C’est un bien triste métier que vous faites là, mes amis. Jamais, au grand jamais je n’aurais dû autoriser Amanda à en être.

- Tu n’aurais pas pu m’en empêcher, papa. »

Quelque chose avait changé dans les traits d’Amaury. Ils semblaient s’être… adoucis.
Jacques et Chelsea savaient que ça signifiait qu’Amanda avait pris le contrôle. Luciano le comprit lui aussi, et les larmes l’assaillirent de nouveau.

« J’avais besoin de voir le monde, de sortir de ton ombre. C’était dur, c’était laid, mais j’ai plus appris pendant les quelques années où j’ai été mercenaire que pendant tout le reste de ma vie. Je ne regrette pas.

- Mia cara figlia… Je t’étouffais, je le sais bien… Puis-je tout de même espérer que tu me reviendras, maintenant que je t’ai perdue une fois ? »

Les Colocs jetèrent un regard bienveillant à leurs deux compagnons, et ceux-ci retinrent leur souffle en attendant la réponse.

« Je pense que ça ne me fera pas de mal de passer un peu de temps avec toi, papa. On a tellement à rattraper. Et puis, avec cet enragé qui vient d’essayer de te tuer, tu auras sûrement besoin de te mettre au vert et de protection quelques temps… »

Alors ça y était ? La quasi-légendaire Brochette de Cinglés de Papy Jacques allait finalement se trouver amputée de la moitié de ses membres ? Son fondateur fut pris d’un désagréable vertige : la sensation trop familière d’être sur le point de perdre une partie de sa famille.

« … Mais Jacques et Chelsea ici présents ont été là pour moi… pour nous quand on était au plus bas. Quand on n’aurait pas osé se présenter à toi dans l’état où on était. Quand on commençait à penser à en finir. Ils nous ont permis de redonner un sens à notre vie, même si ça n’a pas été facile tous les jours… Surtout à cause du caractère de Chelsea, en fait. »

Un énorme sourire commença à naître sur le visage de l’intéressée, qui se lança dans la contemplation du plafond dans une tentative de dissimulation peu convaincante.

« Je ne peux pas les laisser tomber. C’est aussi eux ma vie, maintenant. J’espère que tu comprends.

- Je mentirai si je disais que je suis étonné, mais si tu peux trouver un peu de temps pour ton vieux père, et si tu lui promets de te montrer plus prudente à l’avenir… Je ne peux rien t’imposer. »

Père et fille se lancèrent alors dans une discussion beaucoup plus terre-à-terre, cherchant à savoir ce qui était arrivé à l’autre au cours des années écoulées, et ce qu’ils feraient ensuite maintenant qu’ils s‘étaient retrouvés.
La dénommée Lucia décida qu’elle en avait suffisamment entendu, ce que l’on pouvait comprendre étant donné qu’elle n’avait strictement rien à voir avec l’affaire. Elle s’éloigna alors vers la porte d’entrée, talonnée par Papy et Bullet qui sentaient bien qu’Amanda et son paternel avaient besoin d’un peu de temps seuls.

« Merci encore pour le coup du tank, intervint l’aîné au moment de la séparation. On serait sûrement tous morts à l’heure qu’il est sans votre intervention.

- Remerciez Tête-en-feu, elle a su se montrer convaincante.

- J’ai pas fait grand-chose, grommela la fameuse rouquine.

- L’air de chien battu était très réussi, pourtant. À charge de revanche. »

Chelsea l’attrapa par la manche alors qu’elle se détournait, ce qui lui fit de nouveau lever un sourcil.

« Heu… On va peut-être avoir deux membres de moins pendant quelques temps, et je suis sûre que Papy serait d’accord… Enfin, comment dire… Ça te dirait de nous rejoindre ? On a une super réputation et on ramasse des contrats hyper juteux ! Enfin, assez souvent… Et comme t’as l’air de te débrouiller, on peut te faire une place, quoi… »

Lucia la fixa pendant de longues secondes en silence… Puis explosa littéralement de rire.

« T’es vraiment adorable, hermana. C’est gentil comme tout, mais j’ai déjà d’autres obligations, si on peut dire. Ceci étant dit, vous avez l’air de savoir vous débrouiller aussi à votre façon, alors si on peut rebosser ensemble un de ces quatre, avec plaisir. Alors à plus ! »

Et elle s’éloigna enfin pour de bon. Avant de passer la porte du hall, elle leur adressa un dernier sourire chaleureux, puis disparut dehors.
Il y eut un petit moment de silence, puis Chelsea lança à Guillemin :

« Dis, Papy…

- Pas de tatouage comme ça avant d’y avoir mûrement réfléchi », la coupa-t-il aussitôt en lui posant une main sur l’épaule.

Devant l’expression outrée de sa protégée, il éclata à son tour d’un rire tonitruant.

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