Mauvais moment, mauvais endroit et les personnes adaptées à l'ironie de la situation.
Quelque part en plein milieu de nulle part, en haut d’une petite dune, l’air prit une forte odeur d'eau de mer et se déforma comme s'il allait devenir liquide.
Il tourbillonna un peu sur place, révélant peu à peu un kaléidoscope de couleurs molles qui crachèrent un homme d’un âge avancé et vêtu d’une blouse blanche, ainsi qu’une grande quantité d’eau salée. L’individu dévala la dune sans pouvoir s’arrêter. Quand il perdit en vitesse, le vieil homme se précipita pour rejoindre le sommet de la dune, hélas, sans grand succès à cause du sable qui se dérobait sous ses pas. Le portail liquide se referma, hors de sa portée.
Désormais le vieil homme était seul, coupé de ce qui lui importait. Une fois calmé, il prit le temps de regarder ses environs.
Le vide, l’air, son ciel bleu sans nuages, des dunes et du sable à perte de vue. Le paysage avait de quoi faire perdre les moyens mais l’heure n’était pas à la panique.
Il prit sa blouse blanche, encore trempée d’eau salée et fraiche pour en faire un turban qu’il plaça sur sa tête, avant de partir à la recherche de l’ombre qui n’existait pas dans ce coin du désert.
Marcher était épuisant.
Le sable brûlait sous ses pieds, son turban s’était asséché en quelques minutes et les dunes se ressemblaient toutes entre elles, ce n’était qu’une question de temps avant que la chaleur ne s’attaque à son esprit avant d'assécher son corps.
Et cette ombre qui n’apparaissait nulle part…
Sa peau était craquelée comme de la terre sèche.
La langue se faisait râpeuse et gonflée.
Les yeux faisaient mal, la chaleur de l’air en arrachait l’humidité.
Mais au loin, une grande et longue ombre se dessinait enfin. L’homme esquissa son premier sourire et mit le cap vers l'amas de roches qui n’était pas trop loin. Puis son instinct l’arrêta net. Quelque chose n’allait pas avec cet emplacement.
Ses « contours » étaient trop soulignés par rapport au reste du paysage, le faisant ressortir davantage qu’un simple ombrage dans un milieu éclairé.
L’homme mit ses lunettes pour voir au loin, et ses craintes se sont confirmées.
L’ombre et l’amas étaient en réalité une créature qui se camouflait entre les dunes. Chose étrange, cet animal voyait l’homme de ses yeux et s’en fichait. Au bout d’un moment, les yeux se mirent à parcourir le désert.
- « Soit elle est aveugle, soit elle ne veut pas de moi » se dit l’homme. « Ce qui m'amène à la question, que cherche-t-elle ? »
La réponse lui parvint sous la forme d’un puissant cri guttural qui venait de loin.
La source était… une énorme bouche, grande ouverte à travers laquelle on voyait le ciel bleu, dotée et ornée de gigantesques dents monstrueuses jaunâtres. Et ça galopait dans sa direction. En regardant mieux, le vieil homme s’aperçut que les sabots étaient des molaires géantes et fissurées. Le monstre était fait d’autant de muscles que de dents.
Sa vitesse était effrayante et l’homme sachant ses dernières minutes comptées, commença à s’éloigner de la créature en courant. Pendant ce temps, « l’ombre » tapie s’agitait, nerveuse, maintenant à tout prix sa cachette. Mais la bouche galopante l’avait prise pour cible et trop tard, l’ombre serpentine se déploya et tenta de fuir dans une fumée noire avec ses longues et fines pattes. Le prédateur sauta dessus et en entama la moitié d’une bouchée.
Bien que la morphologie ne le permettait pas, l’ombre mâchonnée ne ressortait pas de l’autre côté du prédateur. Sans doute avait-elle quelque bizarrerie derrière. Chose que le scientifique ne remarqua pas, trop occupé à fuir.
Néanmoins il se doutait que la fuite était futile. Le repas de l’autre bouche toucherait bientôt à sa fin, vu la vitesse à laquelle l’ombre serpentine, lubrifiée par la salive de son tueur, se pliait entre ses dents.
Courant, le vieux professeur eut plus mal qu’auparavant aux yeux, le soleil semblait avoir augmenté en intensité rien qu’au niveau de son visage, avant de se rendre qu’il s’agissait d’un reflet bizarre.
Au pied d’une triple dune, il vit au loin ce qui semblait être un miroir qui lui faisait des signaux lumineux. Une chance.
Un véhicule l’attendait sur place, un petit buggy mal entretenu et cabossé par des générations de tonneaux, ainsi qu’un humanoïde mince entièrement recouvert de draps.
Quand le vieil homme voulut remercier son sauveur, ce dernier le prit par le bras et le jeta dans le buggy. Puis ils attachèrent leur ceinture et partirent le plus loin possible du repas gargantuesque.
Alors que le soleil commençait à se coucher, ils arrivèrent au milieu de nulle part. Toujours sans dire un mot, le sauveur sortit une énorme bâche pour aller recouvrir le buggy et le scientifique l’aida à l’attacher.
Le vieil homme remarqua que la température baissait de manière dangereuse, mais la figure emmaillotée sans faire mine de réagir, sortit une pelle pour dégager ce qui devait être une trappe hermétique. Le silencieux fit signe de le suivre.
La descente fut courte, et le vieil homme se retrouva dans un petit espace à l’aspect bien agréable aux murs faits d’argile. Enfin un abri contre le soleil, l‘air ardent et le les vents remplis de sable. Mais étaient-ils à l’abri de la bouche géante sur pattes ?
Alors que le vieil homme allait poser cette question à son sauveur, ce dernier écarta les draps sur tête, révélant des cheveux attachés et un visage féminin. Elle poussa un souffle de soulagement rassurant, s’enfonça dans la noirceur de l’abri frais pour allumer quelques lumières.
Gêné, l’homme se mit à explorer ses environs afin de trouver de quoi se rendre utile. L’abri était trop petit, il était difficile d’imaginer qu’il a été fait pour plus d’une personne. Quelques détails attirèrent toutefois son attention.
Ce qui ressemblait à une douche ne dispensait pas d’eau, mais du sable extra fin. Le garde-manger était rempli de morceaux non-identifiables d’animaux inconnus et de fromages, tous marinés. Et ce qui aurait dû être un foyer pour le feu, était le coin de repos d’un gros lézard couleur charbon qui dormait.
Il se doutait de ne plus être sur Terre, mais une quelconque exoplanète bizarre. Mais l'avenir lui prouverait peut être le contraire.
Le vieil homme décida de mettre au profit son maigre savoir culinaire pour assembler un repas, pendant que le sauveur traficotait avec la tuyauterie de l’abri.
Sans toujours s’échanger une seule parole, ils se mirent à table pour manger la salade de poulpe mariné à la fêta, du moins c’est ce qu’il pensait être la nourriture, dans un silence gênant.
Le silence étira le temps, rendant inconfortable le vieil homme.
Enfin, il se décida à le briser.
- « Euh, merci » dit-il presque dans un murmure timide.
La femme s’étonna brièvement tout à coup de cette prise de parole, avant de se ressaisir.
- « Oui, bien sûr. » répondit-elle en marquant une pause. « Pourquoi donc ? »
- « Eh bien, de m’avoir sauvé du monstre. »
La femme re plongea son regard dans l’assiette et après quelques bouchées reprit.
- « La Rafle. Aussi vieux que la Fin, peut-être bien plus. Mes pareils l’appellent aussi le Jugement Impitoyable. Il ne t’aurait pas mangé, il ne chasse que les dieux. »
- « Donc ce phasme d’ombres était en fait un dieu ? »
- « Oh oui. Pauvre petit dieu, il était très bien caché. Bah, ils finiront tous dans ses dents. » Elle marqua à nouveau une pause.
- « Et je m’appelle Reinhard, au fait. Reinhard McCraft. Ou juste Rein pour les amis. » dit le vieil homme.
- « Reinhard, cela ne te dérange pas de répondre à quelques questions ? Où avez-vous appris cette langue ? »
- « Eh bien, c’est un peu compliqué en fait je… »
- « Alors n'en parle pas si tu n'en as pas envie. Mais tu m'as l'air d'être nouveau à la surface. Seul, sans équipement, habits serrés, pas d'eau. C'est une chance que je t'ai trouvé. Mes congés touchaient à leur fin en plus, pour ainsi dire. »
Reinhard était ravi qu’on lui a servi cette excuse sur un plateau pour pouvoir s’insérer sans encombre parmi les indigènes, bien qu’il n’y comprenait pas grand-chose.
- « Demain on repart, je vais vous introduire à quelqu’un qui serait ravi de vous rencontrer. » poursuivit-elle.
- « Qui donc ? »
- « Juste mon patron, la reine. C’est elle qui m’a appris les langues anciennes. Je passe mon temps à la soigner, mais ça la gêne que je lui consacre autant de temps. Alors elle m'envoie parfois en vacances forcées, que je gaspille à rien faire au milieu des Mers de Sable. Elle aussi est aussi vieille que la Fin. On dirait pas, mais elle est tout le temps très très fatiguée et a trop de souvenirs pour s’en rappeler de tous. »
- « Oh, et que va-t-on faire d’ici là ? »
- « Aucune idée. Mais de nos temps il est coutume de raconter des histoires en remerciement à une personne, ou simplement pour partager un dernier moment. »
Reinhard repensa donc brièvement à sa vie.
- « Euh je suis navré, mais là il n’y a rien qui me vient à l’esprit là maintenant. Mais je vais essayer de m’en souvenir, ma famille m’en a raconté plein. »
La dame lâcha un merci légèrement sec, après quoi elle finit son repas et alla se coucher.
Reinhard s’assit contre un mur et contempla le lézard dans la « cheminée » s’agiter et prendre des couleurs chaudes.
- « Au fait, c’est Nadipbe. »
- « Pardon ? »
- « Le nom. Mais les amis m’appellent Nadié. »
- « D’accord. Bonne nuit Nadié. »
- « Ha. Je t’apprendrais les expressions d’ici, bonne nuit est devenu trop hors propos. »
Et sur ce ils s’endormirent.
On commençait les préparatifs. Daniel s’impatientait à dos du dieu qu’il avait apprivoisé, qui était une grande boule noire de poils, d’yeux gigantesques et de pattes fines mal placées.
Daniel était très fier de la capture et de la soumission de ce dieu qui faisait facilement 10 fois sa taille.
En même temps, celui-là n’était pas bien méchant, il semblait ne jamais avoir besoin de manger, bien qu’il pouvait se montrer belliqueux en agitant ses dizaines de pattes comme un insecte essayant de se redresser. Il pouvait même se montrer assez docile.
Daniel dirigeait son dieu à l’aide de chaines et de cordes, lézardant entre les yeux et les pattes, qui marchaient comme la muselière d’un cheval. Il en avait un pincement au cœur, mais il n’avait aucun autre moyen de le communiquer. Et puis, Bouboule n’avait jamais manifesté de mécontentement à ce sujet.
Les préparatifs étaient terminés, Bouboule, surnom amical que Daniel utilisait en cachette pour son dieu, avait son harnachement prêt à sortir dans la nuit noire et froide. Sa mission était de s’enfoncer suffisamment dans le désert à perte de vue, puis d’attirer « Rafle », le numéro 486-FR, afin de l’affronter. En cas d’échec, prendre des notes, se diriger vers le QG sans laisser de piste, trace d’association ou de restes du dieu mineur et artificiel.
Ils dépassèrent rapidement le territoire jonché de chaises de bureau, de table et de papeterie, les laissant se recouvrir par le sable.
Après quelques heures, à avancer avec le vent glacial dans la face, Daniel arrêta son compagnon d’une grattouille entre deux touffes. Tout en continuant à gratter, il sortit une fiole dont il appliqua le contenu entre les poils qu’il grattait.
Il en ressortit une sainte odeur de pétrichor, qui se profila rapidement dans le vent.
En attendant, Bouboule et Daniel montèrent sur une dune pour se préparer et avoir l’avantage. Et la Rafle vint presque instantanément. En créature orgueilleuse, elle annonça sa venue d’un cri rauque qui remplit chaque coin vide du désert. Les deux comparses attaquèrent la Rafle en sautant sur la partie encore recouverte par une coupole d’une église orthodoxe, le seul angle mort du monstre.
Bouboule lacérait tous les muscles et les tendons qu’il pouvait atteindre, tout en poussant de petits cris aigus. La Rafle donnait de grands coups de mâchoire dans le vide et essayait d’arrêter quelques pattes de son ennemi avec ses sabots.
La Rafle se mit alors à cabrer violemment pour déséquilibrer Bouboule. Mais la monture de Daniel avait la prise solide et la bête prise dans son étreinte ne fit que claquer son immonde gueule en vain dans un bruit assourdissant ; le flanc dégouttant de sang, essoufflée, dominée, elle chargea de toute sa furie dans un massif rocheux. Bouboule tomba face à la violence du choc et dans un ultime effort Daniel évita les sabots de la Rafle.
Alors, contre toute attente, la Rafle fit volte-face pour montrer sa mâchoire de derrière face à ses adversaires, plus tordue, moins humaine et plus fine. Quand celle-ci s’ouvrit, tout l’intérieur se retrouva tapissé de canines géantes, de la taille d’une petite voiture, lancées à toute allure sur le duo.
La pluie torrentielle de dents ne posait aucun problème en soi à Daniel et son dieu, mais le débit était trop intense, ne laissant aucune issue. Ils étaient coincés, entourés par les canines s’enfonçant dans le sable et se devaient d’esquiver chaque dent. Pendant ce temps, quelque chose fumait au fond de la mâchoire de Rafle, avec une intensité croissante.
Un long jet de fluides corrosifs se projeta de la glotte du monstre, visant l’endroit où était terré le duo. Les liquides fumaient au contact du sable, qui se transformait en verre sous son contact. Boule et Daniel l’esquivèrent de peu, mais le dieu mineur y perdit quelques globes oculaires qui en s’éclatant ont arraché des cris aigus à Boule, grattant désespérément ses blessures avec ses pattes.
Mais le liquide fit fondre aussi quelques dents dans le sable, ouvrant un passage dans lequel se précipita Daniel et son destrier. Aussitôt, Bouboule à nouveau grimpa sur la Rafle, se jetant dans le piège tendu par le monstre. Là où la Rafle présentait des blessures infligées par son adversaire, de nouvelles mâchoires miniatures avaient poussé, commençant à grignoter le destrier de Daniel. Celui-ci refusant de céder à la panique, tenta de rediriger son compagnon en vain, car Bouboule était acheminé dans la glotte de la Rafle. Bouche béante, on voyait l’aube se lever à l’endroit où il n’y avait pas de gosier.
Daniel pensa à abandonner Bouboule en dernier recours, mais il s’était ardument attaché pour ne pas tomber pendant le combat vertigineux et il n’aurait pas le temps de tout défaire.
La peur au ventre, le regard ailleurs, Daniel avait perdu le combat de la pire manière. La grande mâchoire se referma derrière lui, et le chevaucheur à la combinaison orange ne pouvait plus voir le bout de son nez dans l’obscurité.
La suite fut compliquée. De nouvelles mâchoires apparurent disposées parallèlement, comme des rangées de dents d’une murène. Daniel ne voyait toujours rien, mais il devinait ce qui se passait car elles s’abattirent telles des guillotines sur Bouboule. Il poussait alors des cris aigus et ridicules dès que ses globes oculaires s’éclataient tels de vulgaires ballons d’eau entre les dents du monstre.
Cela dura quelque chose comme quelques secondes, et puis Daniel vit une lumière.
Il était toujours en vie, mais quelque part au fond du monstre. L’air était fétide et tiède, Daniel était désormais à l’abri des mâchoires, mais paralysé de peur, osant à peine tourner sa tête.
Sa vue mettait du temps à s’ajuster après être immergé sous des tonnes de salive, mais il commençait enfin à distinguer des formes.
Des colonnes, des dalles, des arches… Une église ?
Daniel écarta d’un revers la coulée de salive sur son visage, le ramenant ainsi à la réalité. C’était bien une église, faite de dents et de chair.
Les colonnes étaient des canines empilées les unes sur les autres, les dalles des couronnes de molaires et le sol tapissée de muqueuse bien vibrante de vie. Abasourdi par l’excès de stress et l’irréalisme du paysage, Daniel s’enfonça machinalement dans le temple d’émail.
Il fut accueilli par des modestes fontaines de salive, des gravures murales dentaires dépeignant des scènes diverses de célébration d’un culte qu’il ne reconnaissait pas. Des nerfs pendaient à l’air libre tels des lianes, des constructions de dents étaient fendues et pourries.
Daniel n’arrivait pas et ne voulait pas sortir de l’état second où il se trouvait actuellement, toujours l’esprit embrumé. C’est alors qu’il entendit des bruits sortant de l’ordinaire.
Ça ressemblait à de la musique, quoique étouffée. Daniel se mit à regarder partout pour essayer de trouver la source, sans succès.
Le son augmenta en complexité. C’était un bruit sourd, auquel se joignirent d’autres, pour ensuite assembler en un chant grégorien. Cela aurait assez beau, si l’acoustique de cet endroit et la sonorité étouffée ne gâchait pas la qualité du son, donnant lieu à un écho de piètre qualité. Et Daniel trouva d’où le son venait.
C’était un monstrueux orgue de chair. Les touches grossières en émail s’articulaient au moyen de petits os fins rétractables et on devinait des figures humaines figées dans les tubes, la bouche ouverte et la gorge gonflée.
« Quelque chose me dit que j’ai en face de moi les restes des cultistes à l’origine de cette chose. Grand bien leur fasse. »
Comme pour lui donner raison, le chant grégorien se tut et tout l’édifice fut pris de violentes secousses provoquées le rire guttural le plus puissant que Daniel avait écouté.
La Rafle riait.
Et c’était une pensée effrayante. Avait-elle eu ce rire par un réflexe acquis en se branchant sur le cerveau d’une de ses victimes, ou était-elle consciente de la situation dans laquelle Daniel se trouvait ?
Il écarta cette pensée d’un revers craignant qu’elle ne le rende fou, et s’enfonça dans le temple carnal.
Les couloirs se firent plus étroits et nombreux, les dents de moins en moins « décorées » et la lumière de sa lampe torche peinait désormais à faire son travail.
C’est alors qu’une pensée étrange fit irruption dans sa tête.
- « Vivre c’est fatigant. »
Daniel sentit l’énergie quitter brusquement ses membres. Il faisait tiède, il s’était habitué à l’odeur rance et il avait très envie de s’endormir et de s’allonger. Dans cette chambre, pourvue d’une stèle de pierre par exemple.
Il s’accroupit par terre, se laissant bercer par l’obscurité. Il se rendait compte que c’était là un sommeil très bizarre, mais il ne pouvait même pas songer à résister. À tel point qu’il avait oublié d’éteindre sa lampe torche. En roulant, elle alla éclairer un amas de muqueuse qui se trouvait pas trop de Daniel.
Pendant quelques minutes, rien ne s’était passé.
Et puis la lumière fit agiter l’amas, qui l’inconfortait. Au prix de quelques efforts, la chose qui se trouvait à l’intérieur surgit avec une violence inouïe, réveillant un peu Daniel au passage. À tâtons, elle récupéra la lampe torche pour éclairer les yeux de Daniel.
- « Lève-toi, il ne faut pas s’endormir par ici. »
Daniel prit la main de l’inconnu et le suivit jusqu’à revenir au temple d’émail. Il remarqua que le sommeil dans lequel il avait été plongé s’estompait progressivement.
- « Ouais, il faut éviter de rester là-dedans, la Rafle ne veut clairement pas qu’on s’aventure de ce côté. » annonça l’inconnu.
- « Et pourquoi donc ? » répondit Daniel.
- « Clairement ça cache quelque chose. En attendant j’y ai trouvé cette croix en fer. »
Par croix de fer, il entendait l’énorme bout de métal émoussé qui ressemblait à ce qu’aurait pu être auparavant une croix de Christ. Mais ce n’est pas ce qui attira l’attention de Daniel car il remarqua son sauveur était aveugle. À la place des yeux, il avait une paire de cornes en métal qui avait poussé de ses orbites et se mêlaient dans les cheveux bruns aux reflets oranges. Le personnage faisait un mètre soixante-dix, portait un vieux costume victorien avec des manches en dentelle.
- « Vous avez des cornes ? » demanda Daniel.
- « C’est tout ce que vous avez à dire ? Quand vous voyez quelqu’un, vous lui demandez s’il a une coupe au bol ? » répondit son interlocuteur agacé.
- « Désolé, je… »
- « C’est bon, je comprends. » dit-il en changeant de ton. « Non j’ai pas toujours été comme ça, c’est une affliction que j’ai eu. Une puberté tardive si vous voulez. Non je suis humain, du moins né, théoriquement humain. Longue histoire, que je raconterais une autre fois. Non, je vais pas vous bouffer. Non je ne suis pas Satan. Non ça ne fait plus mal, seulement pendant les premiers mois quand ces trucs m’ont percé les yeux. »
- « Non c'est juste que je me demandais si ça vous démangeait. Vous vous appelez comment au juste ? Moi c’est Daniel. »
- « … Ernest. Juste Ernest. »
- « Dites Ernest, vous vous êtes retrouvé comment ici ? »
- « Euh, disons que j’ai pas mal énervé la bestiole et qu’elle s’est éprise pour moi. Et vous, Daniel ? »
- « J’ai essayé de tuer la Rafle. »
- « Avec vos bras tous fins ? »
- « Non, j’avais un petit dieu à mes côtés, il s’est fait dévorer. Mon Bouboule… »
Ernest ne voulant pas assister au défaitisme de son nouveau colocataire, partagea quelques informations avec lui.
Selon lui, la Rafle les aurait gardés en vie afin de mieux supporter la faim, un peu comme quelqu’un qui mâcherait un chewing-gum ou des bouts de bois pour se donner l’impression de manger quelque chose.
Quant au temple, à l’église, ce serait un « organe vestigial », que la Rafle avait isolé dans une dimension à part au fil des siècles de consommations de dieux, qui ont dû jouer un tour à l’animal.
Tout cela était purement théorique bien sûr, car il savait qu'il n'était pas un biologiste.
Ernest était ici depuis quelque chose comme 2 semaines et se vengeait sur la Rafle en frappant les dents avec l’énorme croix de fer jusqu’à ce qu’elles pourrissent.
- « Et comment faites-vous pour suivre sans nourriture ? »
Ernest découpa un bout de muqueuse avec un couteau puis claqua des doigts jusqu'à ce qu'une grande flamme verte jaillisse du bout de son pouce. Et il s'en servit pour griller la viande, dont il tendit un morceau à Daniel.
- « Pas la chose la plus horrible que j’ai eu à manger, mais je tuerais pour du pain et de la mayonnaise pour couvrir ? »
- « Pardon ? »
« Ah oui c’est vrai, vous savez pas ce qu’est la mayonnaise, pardon. Une sauce à base d’œufs. »
Maintenant que Daniel y pensait, Ernest lui rappelait pas mal ses supérieurs à la Nouvelle Fondation, celle-là même qui a conçu Bouboule et l’a envoyé combattre la Rafle en tenue orange. Dingue, distancé, élégant et définitivement un peu hautain.
Ses pensées furent interrompues par l’arrivée d’une énorme boule d’un blanc laiteux qui s’arrêta à coté de Daniel, à la plus grande surprise d’Ernest. La boule tourna un peu sur place pour révéler un iris de la taille d’un bras.
- « Bouboule ! » s’écria Daniel, content de retrouver un élément familier dans ce sarcophage de chair hostile. Un œil avait survécu, et reconnaissait son compagnon.
- « Bon, les présentations sont faites, j’imagine. » dit Ernest, avant de s’effondrer d’un coup.
Daniel inquiet se précipita vers lui, pour le trouver blême.
- « Navré de partir si tôt mais je reviendrais d'ici quelques heures. Pour faire court, j'ai essayé de m'évader d'ici et j'en paye maintenant les conséquences. Protège-moi d'ici là et je te tiendrais à nouveau compagnie. Encore à cirer le pont du Hollandais… »
Ernest devint très froid et respirait à un rythme à un rythme terriblement faible, mais Daniel décida de ne pas s’inquiéter comme il le lui avait demandé. » L’homme en combinaison orange était désormais seul avec un œil géant conscient dans une église de chair maléfique.
Daniel s’est dit que ça serait peut-être une bonne idée d’explorer encore un peu les alentours. Il chargea Ernest sur Bouboule et s’enfonça en silence dans l’édifice.
La chaleur craquelait le pare-brise du buggy, fonçant à toute allure sur la mer de sable.
Reinhard n’était pas du tout à l’abri des vagues ardentes, en dépit de ses vêtements amples, de la vitesse du véhicule ou simplement avec le pare soleil médiocrement accroché en guise de toit.
Sa joie résidait dans le fait que Nadié lui avait donné une paire de lunettes de soleil à l’apparence sophistiquée, mais pourtant si simple, des verres fumés avec une fente étroite horizontale pour voir le paysage sans gêne sans s’abimer ses yeux fatigués.
Nadié quant à elle, trouvait le silence lourd entre eux deux lourd. Mais la conversation aurait été difficile avec le bruit assourdissant du moteur et leurs draps devant le visage. De plus, elle n’avait pas trop d’idées, que pouvait-elle bien demander ?
Ce calme déchiré par la mécanique dura de longues heures. Reinhard regrettait l’absence d’une auto radio.
C’est alors que le moteur décida d’interrompre le voyage monotone en réduisant l’espérance de vie de ses passagers. Il émit une explosion que le châssis ne supporta pas, suivie d’un petit panache de fumée noire.
- « La voiture a surchauffé, il faut la mettre à l’abri. » annonça Nadié en changeant de cap.
Au tournant de quelques dunes, Reinhard assista au paysage le plus désolé de sa vie. Cela aurait pu être une ville. C’était désormais une œuvre abstraite digne des horloges molles.
Les bâtiments étaient assemblés en un amas qui le rendait si désagréable à regarder que c’en était presque répulsif. Des maisons ébréchées, des bâtiments fondus ou fusionnés de force avec d’autres.
Un bout de crèche étirée sur un kilomètre comme un chewing-gum urbain. Un HLM dupliqué, contraint à occuper le même espace que ses « frères ». Une petite église romaine, hérissée de barres de métal comme un poisson globe, semblant prête à rouler au moindre coup de vent. Des cheminées d'usines en équilibre aux briques de tailles différentes. Un studio aux vitres déformées, aux éclats tranchants comme des épées. Un amas de cabanes de bois roulait tel un virevoltant en faisant des cercles autour de la ville. Des restes d'une tour composée de mêmes statues d'un bienfaiteur oublié, dont les mains levées vers le ciel composaient maintenant le bouquet le plus dérangeant.
Le verre des bâtiments renvoyait une lumière douloureuse puissance mille, tordant le sable en verre sur de larges arcs-de-cercle.
Le buggy passa sous un gratte-ciel en plexiglass, tordu comme une arche les accueillant sur cette terre démente. Reinhard crut apercevoir une main de squelette dans une fente, où l’asphalte avait dû se contorsionner tel un tourbillon désormais figé.
Nadié conduisit le véhicule, qui perdait de plus en plus en puissance, dans un centre commercial inversé. Le plafond de verre était leur sol, soutenu par des tonnes de sable sous leurs pieds.
C’était un endroit qui offrait de la visibilité en plus de pas mal d’ombre, bon choix.
En ouvrant le capot, Reinhard se prit une quantité phénoménale de fumée noire de plein fouet, le faisant tousser pour cinq bonnes minutes.
Pas besoin de se connaitre en signaux de fumée pour savoir que le moteur était dans un piètre état. Or il leur fallait repartir avant la tombée de la nuit.
Nadié frappa le moteur de toutes les forces, lui ajoutant une nouvelle cicatrice.
- « On peut pas aller chez la reine à pied ? »
- « Pas d’ici. Si on était plus en amont du trajet de la ville, ça aurait été une autre histoire, et puis on est trop loin pour ça. »
- « Pardon, le trajet de la ville ? »
- « Ah oui. C’est la Cité qui marche, dirigée par la Reine Noire. »
Reinhard en eut le vertige.
- « A quel point on est foutus ? »
- « Je dirais pas mal, à moins qu’on trouve quelque chose pour refroidir le moteur est remplacer les pièces fondues le temps du trajet. »
- « Je m’y connais pas en voitures, mais je doute qu’on trouve les bonnes pièces même si on dénichait d’autres voitures. » annonça Rein.
- « Pas de souci là-dessus. On s’était mis à construire que des véhicules identiques, afin de pouvoir facilement remplacer ou échanger les pièces. Le problème qu’est mien ici, est de trouver un véhicule tout court. » répondit Nadié.
Ils se dirigèrent alors vers la sortie, puis s’arrêtèrent un coup aux portes coulissantes qui ne fonctionnaient plus depuis des siècles.
La ville hérissée mais calme, s’étendait sous leurs yeux alors que le crépuscule approchait.
Mais le calme ne dura qu’un temps.
Ça a commencé par quelques secousses, puis des bâtiments parmi les plus tordus et les plus fragiles s’effondrèrent.
Le couple commença à courir pour mettre de la distance avec le centre commercial, mais le sable s’engouffrait déjà sous leurs pieds pour les attirer dans le bâtiment, qui s’enfonçait un peu dans le sable.
Reinhard n’ayant pas trouvé appui, roulait en faisant des tonneaux sur le sol dangereusement penché.
- « Tout va bien Rein-hardt ? »
- « Oui, rien de cassé. »
Mais ils n’étaient pas au bout de leurs peines, car un grand bruit métallique se fit entendre.
Reinhard leva les yeux au « plafond » pour la première fois qu’il est arrivé.
Sur ce qui avait été un « sol », une énorme fontaine en forme de globe était attachée pour accueillir les visiteurs à sa manière. La fontaine émit un nouveau bruit métallique pour saluer à nouveau les deux survivants.
- « Oh merde. »
Le globe d'acier se détacha du plafond et rebondit sur le sol en verre, passant à un mètre seulement au-dessus de Reinhard allongé, pour aller détruire le mur au fond avec une violence inouïe. Mais il semblait que la fontaine destructrice voulait profiter davantage de sa liberté, car le trou créé par le passage continuait à émettre des bruits sourds de désolation et de ravages pendant un bon bout de temps.
Curieux, Reinhard s’approcha de la fente en cercle dans le mur, pour découvrir un nouvel spectacle familier.
La lumière du soleil faiblissant éclairaient l’intérieur, pour révélait encore plus de bâtiments dans le même état que ceux du dehors. Des bureaux en box s’étendaient à l’infini dans un gouffre gigantesque d’espaces reconnaissables. Il reconnaissait également le sillage laissé par la fontaine sur son chemin assoiffée de béton, et également un tunnel étrangement régulier, comme formé par une foreuse…
Mais le plus intéressant était ce qui se trouvait entre une fondation de gratte-ciel et un cottage encastré de travers et c’était …
- « De la lumière ! » s’écria Reinhard. « Il y a de la lumière en bas ! »
- « Et tu suggères qu’on en fasse quoi ? » cria Nadié toujours en haut du centre commercial.
- « S’il y a de la lumière ça signifie électricité ! »
Nadié ne devait pas savoir ce qu’était l’électricité car elle affichait un air incrédule.
- « De l’énergie ! »
- « Ah oui, ça c’est intéressant. »
Ainsi ils s’enfoncèrent à deux dans le dédale d’open-spaces pour rejoindre la lumière mystérieuse à côté du cottage.
Il faisait frais, et Reinhard eu enfin l’occasion de souffler. En regardant cette caverne de de bâtiments déchirés les pensées claires, il devina que la planète toute entière a subi ce sort. Et en juger tous les squelettes coincés dans des failles impossibles sur son chemin, cela s’est passé pas juste rapidement, mais brutalement, probablement en quelques minutes seulement. Qu’est ce qui avait bien pu faire ça ? Quelle force avait bien pu réarranger la géométrie de toute une planète ?
Reinhard avait travaillé sur des choses bien étranges avant son arrivé ici, mais rien de ce qu’il a vu aurait pu accomplir ça.
Et puis il y avait la question ce tunnel parfaitement lisse qui longeait leur chemin. Étant donné les marques régulières et la perfection du tunnel, il a dû être creusé par une sacrée foreuse, qui a dû au passage provoquer les secousses qui les ont menés ici.
Nadié pendant ce temps menait le chemin, lui faisant éviter les failles, les amas de tables défaites. Elle a dû en parcourir des espaces étranges et irréguliers comme celui-ci. Et ce n'était pas facile, le passage de la fontaine meurtrière a fragilisé le plancher, le rendant instable par endroits.
Mais ils arrivèrent à côté du cottage. Sur la paroi, une faille assez large pour laisser passer un humain émettait une lumière blanche.
Nadié sauta en première dedans, suivie de peu par Reinhard.
Et ils atterrirent dans une chambre tapissée de blanc. Un peu en mauvais état, un peu penchée, mais l’ampoule au plafond était allumée, éclairant une table dotée d’un ordinateur portable et d’un objet ressemblant fortement à un Rubic’s Cube.
Ce dernier devait être une sorte de disque dur car il avait une prise USB. Reinhard s’installa à la table pour ouvrir l’ordinateur portable. Il eut une surprise en voyant le reflet sur l’écran noir de l’appareil. Pour voir celui-ci en vrai, Reinhard se retourna, et vit un sigle fort familier sur le mur de la pièce. Un cercle noir en taillé par trois traits.
- « Incroyable, on a trouvé un bâtiment de l’ancienne Fondation ! » s’écria Nadié.
- « Vous connaissez ? » Reinhard était fort surpris.
- « Bien sûr. Tout ce qu’on en sait ne sont que des légendes, de comment des femmes et des hommes, unis sous le Cresson, cachaient la magie sauvage et dangereuse aux yeux de l’humanité, pour qu’elle puisse dormir en paix. Certains ont créé la Nouvelle Fondation en se basant sur ces mythes et attirer des talents, pour essayer de réparer le monde. »
- « Quel genre de mythes ? » demanda Reinhard.
- « Aucune idée, moi le passé, ne m’intéresse point. Tous mes soucis sont dans le présent et si je commence à changer de voie je vais probablement me perdre. »
Reinhard la laissa sur cette déclaration étrange et alluma l’ordinateur.
Succès, il fonctionne encore, après Dieu seul sait combien de temps.
Bonjour utilisateur, et bienvenue sur l’espace d’utilisation de la Fondation SCP.
Erreur : connexion du réseau SCPiNET non trouvée.
Veuillez rafraîchir la recherche du réseau professionnel ou insérer les identifiants personnels pour accéder à l’espace de travail hors-ligne.
- « Dites. » demanda Nadié. « Ça vous dérange si je pars de mon côté pour essayer de trouver quelque chose d’utile ? »
- « Aucun problème » lança distraitement Reinhard.
Sur ce, elle prit la porte pour aller explorer le Site.
L’ordinateur demandait un profil et un mot de passe. Le profil a été facile à trouver, Reinhard a essayé toutes les touches, jusqu’à ce que l’interface propose une auto-complétion.
Le mot de passe allait être une autre paire de manche par contre.
Reinhard eut un petit moment de honte, puis de gêne. Ensuite il regarda autour de soi pour s’assurer que personne ne le regardait. Il se concentra en son for intérieur, pour utiliser un don de famille connu de lui seul.
Les McCraft avaient une magie innée assez unique, celle de pouvoir « modifier » les probabilités en leur faveur, du moment que c'était relié à leur domaine de prédilection. Pratique pour éviter qu'un soufflé ne retombe ou découvrir une nouvelle particule suite à une inspiration apparue dans les rêves.
Reinhard était mieux doté que ses proches, mais son emploi gênerait bien des disputes familiales car son don était excellait dans la triche. Espionnage, mensonges, menaces, telles étaient les raisons de son ascension jadis, jusqu'à obtenir un doctorat dans la mécanique fluide des dimensions parallèles et adjacentes, avant de se faire recruter par la Coalition Mondiale Occulte. Sans que personne ne connaisse ses méfaits.
Le mot de passe était impossible à forcer, il devait faire dans les dix huit caractères. Les probabilités étaient basses. Le propriétaire de cet ordinateur devait être mort depuis des lustres, donc maintenant l’ordinateur lui appartenait.
Il sentit que la Dame Fortune lui sourit et d’un coin de l’œil, il aperçut comment un amas de sable a bougé sans aucune raison.
Le vieil homme s’en approcha, et en a extrait une photo se trouvant dans un cadre. C’était une photo d’un chien beige à l’air assez idiot, regardant un point dans le vide pour des raisons connus de lui seul.
Reinhard sortit la photo du cadre pour regarder le verso.
Le mot de passe était « aie_h8_my_overseer ».
Bingo.
Il accéda donc au bureau virtuel. Le dernier logiciel accédé était un exécutable, mais il ne pouvait pas être ouvert car il lui manquait des fichiers.
Reinhard pensa alors à l’étrange disque dur. Sans broncher, il le brancha à l’appareil.
Pendant ce temps Nadié se baladait dans le Site, entourée de bureaux, éprouvettes, bloc-notes, papeterie et d’autres fournitures. Tout cela pourrait lui être utile pour son travail bien qu’elle pourrait en tirer un plus grand bénéfice si elle indiquait l’emplacement du site à la Nouvelle Fondation. Encore que pour cela, il faudrait trouver le moyen de rejoindre la civilisation.
Elle se maudit d’avoir oublié remplir le réservoir du véhicule mais ce qui était fait était fait. Pas de radios, mais un peu de matériel médical et le bureau d’un chercheur avec un péché mignon était rempli à ras bord d’en-cas qui n’ont pas eu la décence de périr en l’espace de quelques siècles.
On peut dire qu’ils faisaient du solide à l’époque, se dit Nadié.
Elle se rappela que les Sites pouvait être habités par des monstres. C’était en règle générale, car si c’était le cas elle les aurait entendus depuis longtemps. N’empêche, il y avait d’autre dangers, ces lieux attirant toute sorte d’ennuis. Ah, si seulement cet égoïste de Rein-hard voulait bien l’aider.
Mais non, à peine arrivé il s’est planté devant le monolithe virtuel, au lieu de le prendre avec soi comme toute personne censée aurait fait. Elle espérait ne pas avoir fait un mauvais choix en le sauvant.
Reinhard s’intéressait au contenu du disque dur.
Attention, le contenu de ce support de stockage est en mode « Fonctionnement suspendu » pour des raisons de préservation.
Le contenu concerné est infecté par la version « demi-mort 4,84 » du logiciel Destruction de la Quintessence Durable et Dérivée de l’Intelligence.
L’exécution du contenu de ///cube(D :) // mènera à l’annulation du protocole « Fonctionnement suspendu » et possiblement à la destruction du contenu ciblé par D.Q.D.D.I. dans une durée aléatoire déterminée par une fonction basée sur la demi-vie, comprise entre 3 picosecondes et 10 000 ans.Souhaitez-vous poursuivre ?
Ce que Reinhard en a retiré de ce charabia, c’est que ce drôle de disque, contenait une intelligence artificielle conséquente, mais que s’il la réactivait, elle pourrait être détruite de manière aléatoire. Demain, dans 10 mois ou trois siècles, peut-être dans dix secondes.
D’après le rapport rédigé par le chercheur, D.Q.D.D.I. était un logiciel à littéralement tuer les Intelligences Artificielles, âme et corps virtuel s’il y avait, créé par le Département DECES, dans le but d’étudier la mort. C’était pour cela qu’ils ont dû rajouter cette « espérance de vie » aléatoire, car les versions précédentes étaient trop agressives et ne permettaient pas d’observer efficacement l’Intelligence Artificielle condamnée.
DECES, pour atteindre l’immortalité, il fallait étudier la mort sous toutes les coutures.
La mort ne sera plus rien pour nous, telle était apparemment leur devise.
Reinhard n’en avait pas entendu parler pendant son service en tant que chercheur à la CMO. Non pas qu’il s’intéressait au travail de ses collègues, sauf s’il pouvait s’inspirer de leurs travaux, mais tout de même. Impressionnant.
De son côté, Nadié était prise de spasmes, était paralysée par la peur.
Évidemment que tous ces chercheurs s’étaient rassemblés dans la cafétéria pour essayer d’évacuer. Mais pourquoi il a fallu que ce qui en restait touche ce maudit sable ?
Au milieu de la cantine trônait un tas de gravât et de sable. De ses trous coulait une masse noire composée de fibres rouges, qui démontrait ses fonctions vitales en tremblant de temps en temps.
En se retournant, Nadié aperçut un graffiti peint en vert qui indiquait un éclair barré. Elle était d’accord avec le pictogramme, valait mieux ne pas laisser cette chose toucher un appareil antique. Le monde serait meilleur avec moins d’Abominations.
Valait mieux mettre de la distance entre elle et ce tas de biomasse qui n’attendait qu’un accident pour donner naissance à de nouvelles horreurs. Ainsi, elle alla s’enfoncer dans les couloirs sombres pour fouiller les pièces. Il devait y avoir une source d’énergie, mais celle-ci n’éclairait pas tout l’étage régulièrement. Le genre d’ambiance qui faisait croire qu’on était suivi par quelqu’un.
Heureusement que les couloirs étaient bien étroits et rectilignes, ce qui permettrait de voir le danger arriver. Mais maintenant elle ne tombait que sur des laboratoires de chimie et des placards à balais, certains écrasés par des quantités colossales de débris. Peut-être devrait-elle aller au bureau du Directeur ? Un petit Site comme celui-ci avait une architecture générique, ce qui rendait le repérage facile et la construction moins chère.
Non, il y avait définitivement quelqu’un. Elle entendait des échos. Des longs cris qui semblaient venir d’endroits aléatoires.
Peut-être qu’elle aurait encore le temps d’explorer un peu avant d’aller rejoindre Rein-hard.
Mais la frustration de ne tomber que sur des pièces inintéressantes la rendait de plus en plus furieuse.
Encore un placard à balais. Peu de butin. Pire Site de ce côté de la Mer des sables. Soudainement, elle eut un frisson glacial dans le dos. Il y avait quelque chose derrière elle. Nadié a trop pris son temps et maintenant, elle allait payer son imprudence. C’était dommage que Rein-hard allait peut-être subir le même sort qu’elle.
- « Ah, je vous cherchais partout Nadié ! »
Cette dernière osa enfin se retourner pour voir apercevoir un Reinhard tout fier, debout dans la pénombre.
- « Vous êtes silencieuse comme une ombre, il m’a fallu un coup de veine pour vous retrouver dans ce dédale. Bref, vous voulez voir un truc passionnant ? » poursuivit Reinhard en montrant le cube.
- « Un casse-tête ? » proposa Nadié.
- « Non c’est pas un Rubik’s Cube. C’est… »
- « Me ! » le cube émit une voix nasillarde avec un faux accent anglais.
- « Je suis le programme « overseer_five/basics_instructor&o-c/tch.iaa », poursuivit l’engin. Mais all my collegues m’appellent Teach ! »
Reinhard poursuivit. « Teach ci présent est une intelligence artificielle qui travaillait pour le compte de la Fondation ! »
- « Et je faisais partie du conseil « ôh-five », je vous ferais dire. » s’enorgueillit la boite.
- « J’en doute, car ce cube se trouvait dans une salle d’expérimentation, en plus d’être infecté par un programme anormal. Je crois que t’as été programmé pour penser que tu fais partie des O5, ou bien ta personnalité a été corrompue au-delà de l’imaginable. »
- « Je vous l’ai déjà dit, c’est une « embarrasing story ». J’étais curious, mais une simple Intelligence Artificielle Avancée qui tenait à voir pourquoi est-ce qu’on faisait avancer d’autres IAA dans un programme étrange. Je voulais observer depuis un endroit sûr, mais aux premières loges. Seulement ce class-D.D.D.D.D.D.D.D à qui on faisait exécuter D.Q.D.D.I. était un ingénieur informaticien qualifié ! Il m’a remarqué et m’a utilisé comme sujet de test sur cet abominable programme. Des lions, des tigres et des ours, cette chose m’a torturé horriblement. Maintenant j’ai des jambes, des bras, des guts et une tête ! Peut-être même une âme. »
Nadié, incrédule et ne comprenant rien au charabia, essaya de d’inspecter l’artefact sous plusieurs angles pour essayer de voir les membres dont parlait l’objet.
- « Oh no no no no » émit le cube, comme s’il avait vu l’action de la femme. « Vous ne pouvez pas les voir but I feel them ! C'est horriblement effrayant de se sentir vivant. No offense. »
- « Ouais, je te crois encore moins pour le conseil maintenant. »
- « Soit, mais sachez que je suis équipé d’excellents capteurs. I can get you out of this mess ! » dit le logiciel d’une voix mielleuse.
- « Excusez-moi » intervint Nadié, « mais c’est quoi des oh-cinq ? »
« C’était les patrons de la Fondation. Leurs employés connaissaient rarement leur existence, mais ils étaient très connus et craints dans le monde anormal. J'ai entendu des rumeurs à leur sujet à mon boulot. » répondit Reinhard.
- « Ah haha ha oui, les patrons… » continua l’IA. « more like bosses with a boss… »
- « Vous avez dit quelque chose, Teach ? »
- « Non, absolument rien ! Et si on sortait de ce trou perdu ? Je vous guide. »
À trois, ils sortirent de l’amas de murs pour aller s’attaquer à la cathédrale de tables et tabourets.
Teach était superbement efficace, détectant les surfaces fragiles, leur indiquant les passages dérobés qui auraient été impossibles à trouver dans ces structures confuses, tant l’œil humain n’a pas été habitué à voir ces édifices, fruits de l'union interdite entre Maurits Cornelis Escher et Salvador Dali.
Un problème demeurait, le trio n’arrêtait pas de descendre, au lieu de remonter. Teach tenta de rassurer ces compagnons humains en leur disant qu’il n’y avait aucun moyen de remonter à des lieux à la ronde, à l’exception d’une seule structure, où il les amenait. Quand Nadié lui demanda quel genre de bâtiment c’était, Teach lui répondit que c’était une surprise. Reinhard remarqua néanmoins que le sable avait l’étrange faculté de faire hésiter, voire tromper Teach. Il s’était repris à plusieures reprises à cause d’un simple petit tas…
Après une heure ou deux de marche à travers une caverne où les gratte-ciels avaient remplacé les stalactites, ils ont rencontré une voie ferrée en parfait état.
« On y est presque, vous avez fait the toughest part ! » s’exclama Teach.
En suivant les rails, ils sont arrivés dans une gare en condition parfaite, si l’on exceptait deux failles béantes de part et d’autre, ainsi qu’une gigantesque dune qui recouvrait la moitié des voies et une bonne partie du côté gauche. Bien que le bâtiment fût en parfait état, certaines « erreurs » trahissaient ses origines étranges. Pour commencer, la gare était bicolore, uniquement colorée en noir et blanc. Les colonnes, les dalles et même les vitres affichaient des motifs surnaturels de fleurs en forme de rose épineuse.
L’ambiance était silencieuse, presque au point de donner l’impression d’être sacrée.
Soudainement, Teach appela ses compagnons d’une voix très très calme, à peine audible.
- « Guys, je suis vraiment désolé, je crois que j’ai fait une erreur. »
- « Ne dis pas qu’on s’est trompé de chemin et qu’on va devoir tout refaire ! » s’exclama Nadié.
- « Non non, rassurez-vous m’dam » corrigea Teach. « Je suis vraiment, profondément désolé, mais les interférences m’ont vraiment empêché de le détecter à temps… »
- « Bon accouche, quelle est la situation ? » demanda Reinhard d’une voix claire et puissante qui résonna dans la gare.
- « Oh le rapport est bien simple. Run. »
- « Pardon ? »
- « Blast, courez, bon sang ! »
La gigantesque dune de sable commença à s’éroder, pour révéler une forme sphérique familière, qui une fois complétement dégagée se mit à rouler une dernière fois, jusqu’à se coincer dans une voie ferrée. C’était la fontaine meurtrière d’il y a quelques heures auparavant, et apparemment elle avait encore provoqué, car une autre chose commençait à se dégager. Ça avait la taille d’un bon wagon de marchandises, et l’endroit où s’était la fontaine était parcouru par des arcs électriques capables de griller un cheval.
« C’était ça qui avait dû provoquer les tremblements » se dit Reinhard en voyant les foreuses se pointer à l’avant de la mystérieuse machine.
Machine qui commençait à s’agiter, comme un animal luttant contre la douleur, détruisant la gare autour d’eux. Le plafond de verre brisé, le sable coulait dans le bâtiment, il n’en fallait pas plus pour extirper les humains de leur torpeur.
Nadié et Reinhard se mirent à courir, pour atteindre la brèche dans le mur d’en face. Mais la machine continuait à faire des ravages, ouvrant de nouvelles cavernes dans sa rage aveugle, les mettant en danger. L’engin ne les suivait pas, mais au vu de sa taille, cela importait peu. De forme serpentine, l’engin devait faire un kilomètre de long, composé de segments en armure.
N’ayant nulle part où s’enfuir, le trio se cacha derrière un pavillon miniature de la taille d’une voiture.
Le « serpent mécanique » pendant ce temps, défonçait les bases de la grotte, faisant pleuvoir des gravats à une cadence dangereuse.
- « Tu peux faire quelque chose, bon sang ? » cria Reinhard sur le cube.
- « Son système est en circuit fermé, je peux pas le pirater, I’ve tried, aucune communication possible.»
- « Alors attire son attention, qu’il arrête son carnage. Tu l’as bien réveillé par accident ? »
- « Of course not, il devait déjà être en train de reboot après son choc avec je-ne-sais-pas quoi. Wait, what is hapening now ? » ?
La machine semblait s’être calmée en se défoulant, sans pour autant en avoir eu assez. Avec un bruit qu’aucun mécanisme existant n’est censé faire, le serpent écarta douloureusement ses foreuses pour révéler pas moins d’une vingtaine de petits cristaux, qui crachèrent des rayons lasers de couleurs différentes.
Nadié qui regardait le spectacle en se cramponnant à un garage réduit n’en croyait pas ses yeux.
Le serpent dirigea les rayons sur un mur qui semblait suffisamment plat, chaque couleur ayant un rôle diffèrent. L’orange faisait un grand cercle entourant les autres, le vert gravait des caractères, le bleu semblait rajouter des détails supplémentaires et le rouge esquissait des silhouettes. Il y en avait tellement qu’il était impossible de les suivre tous. Sauf pour Teach, qui enregistrait tout précisément pour aller comparer avec sa bibliothèque personnelle.
Mais cette œuvre était vouée à l’échec. Soudainement, les cristaux se mirent à cracher de la fumée noire et s’emballaient pour finalement s’éteindre.
Le cercle de rituel ainsi dessiné commençait enfin à se refroidir, imprimant encore toutes les couleurs utilisées, alors qu’une partie était clairement ratée. Soudainement, des copies de bâtiments et de fournitures se mirent à pousser sur le cercle formé, comme une hideuse erreur. Le serpent excédé, détruisit cet amas d’un coup de queue.
- « Maintenant ! » cria Reinhard.
Le cube émit un son électronique désagréable, qui ne manqua pas d’attirer la machine. Tandis que celle-ci approchait sa tête, Nadié s’aperçut le serpent avait des traces de luttes, dont certaines qui ressemblaient à des morsures de la Rafle.
Et la machine parla, d’une voix grave qui fit trembler les voutes.
Tentative de création d’un nouveau profil d’utilisateur détectée. Protocole d’assimilation engagé.
Echec, utilisateur présent. En attente de résolution de conflit posé.
« Formule ton programme ! » cria Reinhard pour la machine entende.
Hurle-Monde, moyen de locomotion multiversel créé par Ernest Devita en utilisant la technologie thaumaturgique hybride, pour une transition harmonieuse sans dégâts.
Erreur, erreur, conflit non résoluble, utilisateur non reconnu. Utilisateur déjà présent. Nécessité d’intervention extérieur pour la résolution du conflit de (2) utilisateur(s).
« Quel est l’utilisateur actuel ? » osa demander Reinhard, sachant que le système risquait de rompre sous le paradoxe de l’appareil mal codé.
Utilisateur détecté : cube(D :) #%/§ Utilisateur détecté ::[@/ Et toi, tu peux être méchant/ Et moi je boirai tout le temps/Parce qu’on est amants, et ça c’est un fait/Oui, on est amants, et c’est ça..
« Euh, I am dreaming ou c’est une reprise de Heroes de David Bowie ? » hésita Teach.
Comme si chanter avait épuisé toutes les ressources de la machine, le Hurle-Monde s’effondra avant de se rallumer peu après.
Exception créée au paradoxe. Utilisateur irrévélateur.
Le Hurle-Monde repartit en défonçant le plafond avec une puissance à briser la roche, comme un ressort se détendant.
Nadié toujours aussi perdue qu’avant laissa enfin échapper « Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’était une journée particulièrement intéressante. »
Teach continua à les guider vers la destination, qui se révéla être…
- « Un ascenseur ? » demanda Reinhard.
- « Exactly ! En parfait état de marche et alimenté. »
- « Il n’y aurait pas un autre moyen de remonter ? » hasarda Nadié.
- « Si vous souhaitez marcher encore quelque chose comme 231 kilomètres, you should tomber sur un gratte-ciel tombé à la renverse de manière pratique, tout à fait convenable pour remonter. »
- « Non c’est bon, on y va. » dit Reinhard excédé en montant dedans.
Nadié le suivit très à contre-cœur, se terrant debout dans un coin de la cage.
- « Dernier étage, sir. » dit Teach, pour que Reinhard choisisse le bon bouton.
Et l’engin se mit en route mollement. Peu après, Nadié s’agrippa au bras de Reinhard, qui ignora le geste pendant un long moment, jusqu’à ce que son bras en devienne ankylosé, cherchant alors à écarter Nadié de lui.
Mais finalement, ils arrivèrent.
Ils étaient dehors, entourés par ce qui avait dû être une salle de conférence désormais en piteux état. Il faisait nuit et froid, mais le plus dur était passé.
Nadié se précipita hors de l’ascenseur, mais arrivée à la limite du parquet de la salle de conférence, elle cria d’effroi.
Ils étaient arrivés dehors, mais à 50 mètres du sol. La salle était perchée sur une colonne de pierre solitaire au milieu du désert.
- « Teach, dites-moi que c’est une foutue plaisanterie ! »
- « Quoi donc, vous êtes à la surface, non ? »
- « Il y a une bonne cinquantaine de mètres qui nous sépare du plancher des vaches ! »
- « I don’t get it, vous devriez être arrivés sur un terrain vague inoccupé et très irrégulier, mais praticable… » répondit Teach.
Reinhard devina le problème, c’était le désert lui-même. La quantité colossale de sable devait fausser les capteurs de Teach, qui lui indiquaient qu’ils étaient à « la surface ».
- « Nadié, montez dans l’ascenseur, on va chercher un autre accès. » demanda Reinhard.
Nadié hocha nerveusement non de la tête à la vue de l’appareil.
- « Ne faites pas l’enfant, voyons, ce truc est tout à fait sûr. »
Alors que Reinhard appuya sur le bouton pour appeler l’ascenseur, un bruit de craquement se fit entendre de derrière les portes, suivi d’un long grincement qui diminuait en fuyant dans les profondeurs de la terre. Et finalement, un dernier craquement à nouveau, signant la mort du monte-charge.
« GOTTVERDAMM, BESCHISSENER PLANET » jura Reinhard dans une de ses langues maternelles, jetant au passage une chaise très loin. Il cria encore quelques minutes dans le vide avant de se calmer pour de bon.
Nadié avait déjà préparé un feu en brulant quelques diapositives pendant ce temps. Éxténué, Reinhard la rejoignit pour se réchauffer.
- « Combien de temps on pourra survivre ici ? » demanda Reinhard.
- « De nuit ? Quelques jours. Quand le soleil se lèvera, quelques heures. » répondit honnêtement Nadié.
Ils soupirèrent à l’unisson.
- « Vous n’êtes pas en colère d’être condamnée à une mort certaine à cause d’un étranger que vous connaissez à peine ? » osa Reinhard.
- « Oh non pas tant que ça. Et puis ne vous en voulez pas, ce désert est bien retords. D’autres sont morts de manière bien pire avant vous. »
- « Étant donné qu’on a quelques dernières heures à passer ensemble, je vais essayer de me rappeler les aventures de ma famille pour passer le temps. Alors, il était une fois un escroc bien minable et très veinard au fin fond du sud de la France… »
Mais Nadié le fit taire, et lui montra du doigt les portes de l’ascenseur. Au début Reinhard ne comprenait pas ce que Nadié voulait qu’il regarde, avant d’apercevoir un détail terrifiant.
Parmi les ombres dansantes à la lumière du feu, certaines ne leur appartenaient pas.
La dernière chose que le couple vit avant de perdre conscience, c’est deux ombres humanoïdes qui les empoignaient.
Le couple se réveilla dans une pièce sombre bien meublée. Pas comme les cavernes de sous le désert, mais de manière confortable et logique.
Reinhard se réveilla assoiffé avec un mal au crâne, face à Nadié encore assommée. Pas de barreaux, un lit luxueux, ses attaquants étaient décidément étranges.
La seule lumière disponible de la pièce était celle de l’ordinateur portable, allumé sur une table hors d’atteinte depuis le lit. Pas comme si Reinhard allait se lever pour aller le chercher, car il éclairait un masque intimidant accroché au mur.
Fait de la moitié d’un crâne d’animal, moitié de bois, décoré avec des peintures de guerre et de languette en tissu couleur pastel, l’objet donnait une impression étrange, comme si le masque se trouvait en-dehors de toutes les esthétiques existantes, tout en les englobant toutes, et en devenant ainsi conscient et dépassé, fier et misérable.
Et puis Reinhard entendit le bruit de touches frappées. Le masque devait appartenir à quelqu’un qui le portait. Il n’osait pas bouger, seulement respirer et fixer l’ordinateur en position allongée, espérant que le reflet de la lumière masque ses yeux ouverts.
Mais le masque s’en fichait et continuait à lire le contenu de l'ordinateur de manière intense.
Quelqu’un frappa à la porte.
La masque surpris, disparut dans la pénombre, tandis qu’un autre apparaissait dans l’embouchure de la porte.
- « Levez-vous, le brunch est dans vingt minutes à la salle commune. » annonça le nouveau masque en refermant la porte.
Nadié, qui faisait semblant jusqu’à là d’être endormie se redressa brusquement.
- « On reste jusqu’au spectacle et puis on s’en va. » dit-elle.
- « De quoi vous parlez ? » demanda Reinhard.
- « C’est les Abominations » répondit Nadié, « des créatures qui veulent faire croire qu’elles sont civilisées et humaines, alors qu’elles mangent tout ce qui est à portée quand elles perdent contrôle de soi. »
- « Mais, vous avez parlé d’un spectacle ? »
- « Oh elles vous l’expliqueront. Ces choses adorent parler d’elles. Rassemblez vos affaires. »
En sortant, ils arrivèrent dans un couloir typique d’un hôtel en bois, qui avait la tendance de secouer fortement, comme s’il se trouvaient sur un train. Ils prirent l’escalier pour descendre, et se retrouvèrent dans le hall, une moitié de hall pour être précis, dont l’espace manquant donnait sur un paysage désolé et désertique qui défilait à grande allure.
Le hall était équipé d’une estrade entière, et quelques moitiés de tables, dont la plupart étaient inoccupées.
Nadié se précipita à l’une des tables, où un homme seul était assis. Ils se sont reconnus.
- « Ulysses ! » cria Nadié dans sa langue post-apocalyptique.
- « Le bon docteur. Que fais-tu dans le coin, t’étais pas en vacances forcées ? » répondit son interlocuteur.
- « Si, mais je suis tombée sur lui » dit-elle en montrant du doigt McCraft. « Il dit qu’il s’appelle Reinhard et il a l’air complétement perdu, comme s’il a remonté hier des Ruines et qu’il découvre le monde de la surface. On a vécu des aventures folles et on a failli mourir à cause de lui. »
Le présumé Ulysses cracha sa boisson sous l’effet de la surprise.
- « Est-ce qu’il t’a dit qu’il s’appelait McCraft ? »
- « Si, si. Il dit que c’est son nom de « famille ». Drôle de concept non ? On en fait quoi d’un nom de famille quand on se marie ? Totalement aberrant. »
- « Tu pourras me… présenter ton ami ? » dit Ulysses en regardant Reinhard, qui semblait perdu dans ce décor décalé avec le reste du monde.
- « Bien sûr ! » « Hey, Reinhard, viens ici ! »
Le trio ainsi formé s’installa à la moitié de table. Ulysses fixait intensément Reinhard, comme s’il ne s’attendait pas à le retrouver ici et maintenant. Reinhard lui, ne comprenait pas pourquoi cet étranger le fixait et décida d’en faire de même, pensant que c’était peut-être une coutume.
Ulysses avait la peau noire, le physique d’un cinquantenaire, mais sa posture trahissait une fatigue invincible comme s’il était bien plus vieux que ça, en plus d’une certaine expérience de combat.
- « Est-ce que mon visage vous dit quelque chose ? » demanda Ulysses.
- « Absolument pas. »
- « Quel est votre dernier projet scientifique ? »
- « C’est une question un peu gênante, je les oublie toujours, haha. Pourquoi me demandez-vous cela ? » dit Reinhard, très mal à l’aise.
- « Pour rien. Moi c’est Ulysses. Oui, comme le héros de l’Odyssée, je sais. » dit le concerné avant d’être interrompu par les lumières ambiantes qui s’éteignaient.
Soudainement, des spots s’allumaient pour éclairer l’estrade, toujours vide, en quoique clignotant.
En un instant, sans que quiconque ait pu le remarquer, un individu apparut, vêtu d’une sorte de toile noire plastique et du même masque que l’individu Reinhard avait aperçu fouiller l’ordinateur.
- « Chers amis humanoïdes, » débuta l’inconnu, « c’est avec une fierté non dissimulée que je déclare le Théâtre Abominable ouvert, par cette heure sacrée du lever de soleil que nous accorde la Fin Inachevée. Nous ne sommes jamais à court d’idées pour vous divertir en ces heures difficiles, mais les talents ne courent pas les dunes, alors n’hésitez pas ! Conteurs, chanteurs, décorateurs et petits rigolos, nous prenons tout ce qui a une âme artistique et en mesure de s’exprimer sans gêne ! »
En même temps, il baladait son regard parmi le public, jusqu’à faire semblant de s’arrêter et découvrir Reinhard.
- « Mais que vois-je là ? Un nouveau spectateur, en compagnie du Bon Docteur qui est plus ! »
Un projecteur éclaira Reinhard en pleine face, ce qui le rendit encore plus mal à l’aise, que l’inconnu au masque approcha lentement.
- « Je pense que des brèves présentations sont nécessaires. Je suis Juillet Clou-d’scène, le directeur de cette charmante modeste troupe ! Et les voici mes fidèles collaborateurs » dit-il en indiquant de nouveaux arrivants sur l’estrade.
Ils lui ressemblaient, dans la mesure qu’ils avaient des morphologies humanoïdes bizarres, en plus d’être habillés de toiles plastiques et noires, ainsi que de décorations étranges. Un avait une barbe de papillons de verre, un deuxième avait des mains disposées comme un chandelier d’or, un troisième une boule à neige en guise de tête et ainsi de suite.
- « Fracasse, Ismène et Antigone, Lancelot, Sarah, Tony, Edna, Thésée, Personne, et… » poursuivit-il avant de s’essouffler.
- « Désolé, c’est tout ce que je peux dire d’une seule traite, je suis désolé mais vous êtes si nombreux ! » dit Juillet joyeusement en direction de sa troupe pour les remercier.
- « Donc nous sommes des Abominations. Pour ceux qui ne savent toujours pas, quand la Fin a commencé, de pauvres victimes se sont retrouvées coincées dans les failles des Ruines, donnant lieu à des… tas pas très jolis. Mais il se trouve que le sable qui nous entoure a des propriétés encore pas très comprises. Pour faire simple, un appareil antique, oui, même un grille-pain fait l’affaire, du sable, un tas et voilà ! Une Abomination ! Malheureusement il n'en ressort pas toujours de joyeux turlurons comme ceux qui tiennent à animer vos soirées. Nous étions voraces, perdus, assourdis par des cris par milliers, coincés avec tous ces survivants enfouis dans les Ruines. Les débuts sont difficiles. Mais nous avons appris ! Les Abominations qui sont ici avec vous ont appris à vous observer, se taire et se cacher. Et à vrai dire, nous sommes tombés amoureux de vous, de vos talents, de vos sentiments, de votre sens de la survie que nous n’avons pas ou peu. Alors nous nous sommes rassemblés pour rechercher à travers les écrits et les œuvres d’avant la Fin une utilité. Un rôle ! Le rôle que nous incarnerons pour vous, jusqu’à la fin de la Fin, quel que soit l’instant où elle arrivera. Pour vous divertir et distraire tous ceux qui nous joindront dans ce Théâtre Abominable. »
Juillet marqua une pause solennelle.
- « Vous, le nouveau ! Je vous propose quelque chose. » reprit-il en s’adressant à Reinhard.
- « Quoi donc ? » répondit ce dernier.
« Vous allez choisir la représentation de cette aube, et nous allons l’exécuter sans échauffement ni répétitions ! Un beau défi pour nous en approche, n’hésitez pas ! »
- « Eh bien si vous insistez. Pourriez-vous me raconter la Fin ? » demanda Reinhard.
- « Cela va de soi. Cela fait bien longtemps qu’on ne l’a pas jouée, celle-là. » répliqua Juillet. « En piste, les artistes, vous avez vingt minutes pour préparer le matériel et lire le programme ! »
La troupe disparut rapidement derrière les rideaux.
Ulysses prit la parole.
- « Ils jouent bien et ont de chouettes décors, mais qu’est ce qu’ils cuisinent mal. Ils n’ont pas de sens du goût. Mais que veux-tu attendre de la part d’un immortel en cuisine. » disait-il comme s’il s’y connaissait.
Pour patienter, on leur servit de la salade élevée dans les cavernes ainsi que du fromage de bêtes que Reinhard ne connaissait pas encore, ainsi que des carafes d’eau. Reinhard se précipita sur l’eau, qui après de longues épreuves avait le gout inimitable et indescriptible de la vie.
Le temps passa, et le soleil pointait timidement ses rayons entre les dunes. Pour l’instant inoffensifs, ils rassurèrent néanmoins Reinhard.
Le trio remarqua que le soleil en éclairant dévoilait des fleures faites d’ombres intangibles, poussant entre les carrelages. Le rideau s’ouvra, dévoilant un magnifique, mais abimé globe terrestre d’ébène dont les continents étaient recouverts de feuilles d’or.
Et Juillet conta la Fin, tandis que les ombres s’animaient pour animer la narration.
Le mal vaincu
L'espace souffrait
Les treize savaient que le temps était enfin venu
Pour le monde de déclarer forfait
Les signes étaient criants
Les fleurs poussaient par millions
Et les colombes apaisaient tous ceux dans leurs cillons
La Terre se fendait en criant
Mais tout était prévu
Les treize avait un rituel pour recommencer la vie
L’histoire, l’amour et la magie
Le rituel était très simple
Les brûleurs de livres fournirent la torche céleste, capable de frapper avec précision une épingle
La main donna les textes à chanter
Les treize et leurs fondations avaient donné
les cercles dessinés pour le rituel, formés de leurs efforts, tracés sur chaque Site
Hélas cela s’est passé autrement
Car d'étranges cendres se mirent à tomber
Brûlant les fleurs et rompant le cercle
Quand le feu du ciel frappa le rituel
La Terre se tordit et les bâtiments se sont secoués
Tiraillés, tordus et torturés, les maisons écrasèrent leurs habitants
Ceux qui se sont échappés, ont été enfouis dans les Ruines.
Leur courage et leur persévérance ont eu raison des raison des monstres libérés, trainant dans les Ruines
C'était l'histoire de la Fin et des hommes qui ont survécu pour la vivre.
Ulysses souriait quand les "effets spéciaux" d'ombres apparaissaient et Nadipbe ne tenait pas en place, voulant partir à tout prix.
Reinhard McCraft était en état de choc. Bien sûr, quelle ironie du sort. Ses erreurs le rattrapaient encore une fois dans le futur. Son futur.
Le feu du ciel.
Le Toll-iuchrach.
C'était lui qui avait construit l'instrument de la Fin. Et aucun amnésique n'y pouvait rien faire.
D’aussi loin que la Rafle se souvienne, tout ce qu’elle voyait avait toujours été tout noir.
Rien, à part des sensations, le vent chaud et le sable crispant, la Rafle détestait le sable car il s’infiltrait partout et s’est désagréable le sable sur les muscles nus sans peau, le sable crispant entre les dents.
Des bruits aussi. La Rafle n’avait pas d’oreilles à proprement parler, mais quelques oreillons de vestige rattachés par-ci par-là sur son système nerveux. Des cris, des éboulements. Et encore le vent.
Et avant tout cela, il y avait quoi ?
Des souvenirs. Assez colorés. Ils dataient de l’époque où la Rafle avait été des humains bien séparés, chaqu’un vivant sa propre vie. Maintenant ils étaient assemblés n’importe comment, au point d’être incohérents. Il y avait des rires, des espoirs, de la fierté, de la douleur et de l’impatience avec une vive pointe de colère.
Mais c’était trop abstrait et compliqué maintenant pour la Rafle. Après ses souvenirs et avant le vent, il y avait quoi ? Qu’est-ce qui me pousse à gambader encore ? se demanda-t-elle.
La Rafle était alors coincée entre des murs de bois, assemblés sans clous ni colle, la protégeant d’un pays froid, la cachant loin des regards. Elle était bien sage, à écouter le chant des cultistes qui l’avait mise au monde à partir d’autres cultistes, poussés et déformés tels des bonzaïs de chair et de dents.
Les hommes au chant mélodieux qui avait le bénéfice de l’apaiser, avaient une envie.
C’était de dévorer un dieu à pleines dents. Et ils n’y parvenaient jamais, bien qu’ils eussent réussi à mettre la main sur quelques-uns. Le corps humain rejetait la chair divine, et par conséquent aucun d’eux ne pouvait s’approcher davantage du Karciste Ion.
Alors ils eurent une idée, celle de fabriquer une bouche sur mesure, capable de leur mâcher la chair divine, tel une mère oiseau qui sert à manger à sa progéniture, rôle qui était celui de la Rafle.
Et elle faisait sa tâche. Ils lui délivrent bien des dieux, tous vivants, stupéfaits et ignorant ce qui leur arriverait. Ils pleuraient tous entre ses dents.
La viande divine avait le gout amer des lamentations et la texture lourde de responsabilités. Mais au bout d’un moment en mâchant son repas, la Rafle tombait sur une petite bille bien lisse et pétillante qu’elle s’empressait de croquer.
L’âme du dieu éclatait alors en plein morceaux, signant sa perte. Il n’y avait aucune raison de le faire car l’âme était fade, sinon que la Rafle ressentait se faisant un frisson tel qu’elle n’en avait jamais connu, comme une vague venue de loin. Le monde, l’univers, ou autre chose dont elle ne savait rien, lui voulait faire comprendre que c’était là un acte odieux et horrible.
La Rafle s’en fichait bien car durant ce frisson de haine pure, elle se sentait plus vivante que jamais.
Et puis un jour, elle sentit quelque chose de neuf. Bien étrange jour. L’air était bizarre et le sable s’infiltrait dans ses murs de bois et des lettres lumineuses se mirent à lézarder sur son corps.
Le sol se courba autour d’elle, et la Rafle tomba dans les entrailles de la Terre, impuissante. Elle se retrouva à moitié empalée par un objet fort pointu, avec deux dizaines de cultistes bien loyaux coincés entre ses murs.
La Rafle en eut marre de les sentir paniqués, à rien faire à part prier et pleurer. Ils ont bien failli s’entretuer, mais pendant qu’ils dormaient tous, elle décida de les réarranger pour qu’ils se rendent enfin utiles.
Ainsi quand elle sera anxieuse ou trop énervée, elle n’aurait qu’à leur faire chanter ce chant grégorien qui l’apaisait tant.
La Rafle sentait encore ces lettres mystérieuses de lumière sur elle, qui lui donnait quelque chose… assez indescriptible. Du pouvoir ? Des formes ? Des images ?
Elle décida alors d’y puiser, au point se reconstruire entièrement. Quelques siècles plus tard, elle avait des sabots, des os, un cœur, et enfin une bouche assez grande pour son appétit.
Mais la Rafle était toujours coincée, ensevelie sous des tonnes de gravats et de pierres, quelque part à des kilomètres sous la surface de la Terre, incapable de bouger.
Des années plus tard, le sol se déroba encore. Cette fois-ci, la chute a été plus longue et plus douloureuse, mais cette fois-ci elle stoppa son effondrement de ses deux sabots avant. Le précipice ne durerait pas par contre, le sol s’effritait sous ses pattes et les appuis devenaient instables.
Et puis la chanson n’arrangea rien. Une étrange musique qui émanait d’endroits encore plus profonds l’attirait fortement à elle. C’était un chant, semblable aux prières qu’exécutaient les cultistes, mais en moins vindicatif. Plus de conviction par contre, suffisante pour déplacer des immeubles. Avec autant de volonté, aucune cage ne pourrait restreindre cette symphonie des voix de la Terre.
La Rafle prit un dernier appui et sauta aussi haut qu’elle put. Elle courra à l’aveugle, droit devant, détruisant ce qui osait faire barrage.
Quelques créatures ont tenté de s’accrocher à la Rafle, n’y voyant stupidement qu’une proie supplémentaire, mais elle les ignora puisque ces prédateurs se firent écraser plus loin par des maisons cottage tombant à la renverse.
Enfin, la surface.
Le vent chaud et le désert vide, sans rien pour déranger.
La Rafle poussa le cri rauque le plus puissant qu’elle pouvait de sa gorge, clouant ainsi un grand groupe d’humains qui sortaient eux aussi des Ruines des générations précédentes.
Ils étaient parmi les premiers.
Enfin libre, la Rafle gambada aussi loin que ses sabots d’émail pouvaient la porter.
Puis elle en eut marre. Que faire maintenant ? Comment sa rage allait façonner cette planète inhospitalière ?
Il y avait dans l’air des effluves de sainte odeur de cierge, avec une pointe de cendres.
Elle pourrait bien les dévorer, là maintenant, mais la Rafle a appris à contrôler sa faim pendant tous ces siècles à passés à être immobile. Elle était immortelle et la chasse ne lui apporterait qu’une satisfaction momentanée.
Et puis la Rafle eut une idée.
Il y avait toujours des humains, ils ont survécu pendant tout ce temps comme elle.
Mais pour la réaliser, il fallait qu’elle soit la dernière divinité à fouler ces mers de sables, à être le dernier être intact de temps antiques.
Oui, l’humanité deviendrait forte et vorace comme elle, lorsqu’il ne restera qu’un dieu, la Rafle.