La dernière aventure colorée de D-5056.

Dans un monde merveilleux de douceur et d'innocence.

3 août 2014.

16h35.

Cela faisait désormais un an que D-5056 était enfermée dans ce monde. Une longue, très longue année qu’elle servait la Fondation… pour ne pas servir de repas à autre chose.

SCP-098-FR était une émission télévisée, du moins… en apparence. Sa véritable nature se situait dans le fait que le personnage principal prenant la forme d’une petite fille mexicaine était le sujet. Et celui-ci était “le même” depuis quinze ans. Elle avait appris à s’adapter à ce monde depuis le temps. Et elle avait surtout appris à s’adapter aux règles le régissant.

-Bonjour tout le monde ! Hello everyone !

C’était une habitude maintenant. Parler anglais et français dans la même phrase était devenu une habitude qui convenait aux êtres de ce monde.

-Bonjour Dora !

Putain de merde, encore lui.

-Hello Babouche !

SCP-098-02-FR était un singe bleu possédant des chaussures et parlant le français. Du moins, c’est ce que toutes les instances de SCP-098-07-FR voyaient. En réalité, si l’on peut appeler ça comme ça, “Babouche” était un lézard de cinq mètres de longueur possédant un sourire carnassier et…

-Où allons nous ?

Babouche regarda son “amie” en souriant. Un sourire enfantin pour les spectateurs, mais un sourire de pure colère en réalité.

D-5056 était la treizième personne à pénétrer dans ce monde coloré. Un monde superficiel où tout n'était qu'une affaire de langage et de public. Car une émission n’est pas créée sans penser à son public, ici les 4-10 ans.

“Dora” était le nom donné à SCP-098-01-FR soit une petite fille bilingue apparemment riche et mal aimée vu qu’elle courait des dangers chaque jour que le scénariste fait, et que son unique ami était un singe. Au total, douze personnes étaient mortes en tentant de devenir des “exploratrices”.

Et ce monde était bien plus complexe qu’il ne paraissait être aux instances de SCP-098-07-FR. Au lieu des mondes colorés et des personnages hauts en couleur, ce monde était comme le monde que côtoyait chaque jour les téléspectateurs : réaliste et dur.

Dora était D-5056 et elle ne semblait pas avoir de nom. Alors D-5056 choisit de lui en donner un : “Dora l’exploratrice”. Elle serait sûrement la seule à l’utiliser donc mieux valait ne pas chercher bien loin.

Chaque jour dans ce monde était régi par les mêmes règles, les mêmes moments clés. Mais après être restée un an dans ce monde, D-5056 en avait plus qu’assez, elle allait le briser, au risque de se briser elle-même. Mais d’abord, elle devait trouver le bon moment et effectuer ses tâches quotidiennes avant que le…

-SAC À DOS ! SAC À DOS !

Mais ferme-là bordel ! Bon… SCP-098-03-FR était un sac à dos parlant. Malheureusement, on ne pouvait pas fermer la fermeture éclair et…

-SAC À DOS ! SAC À DOS !

-TA GUEULE !

Merde. Les scénaristes vont couper ça au montage mais je n’ai que trois chances par épisode. Cinq Dora sont mortes pour s’être un peu emballées durant le tournage. Notamment la dixième pour avoir fait avaler à SCP-098-06-FR, cet immonde pervers, le “Sac à dos”. Maintenant, je n’ai plus que deux chances… et Sac à dos et Babouche me regardent bizarrement. Merde, je dois me rattraper avant de tenter quoi que ce soit.

-Bag ! How are you today ? Comment vas-tu aujourd’hui ?

Pas la peine d’avoir un niveau de traduction excellent pour comprendre mes paroles. Et honnêtement, Dora n’est jouée que par des actrices féminines ayant un niveau d’anglais basique. C’est dire la difficulté. La Fondation me regarde elle aussi et elle doit être préparée à me remplacer à tout moment. Car cette émission peut prendre n’importe qui comme actrice. Cela peut prendre en compte des personnalités et donc, mieux valait lui donner de misérables Classe-D que la crème de la crème du grand gâteau de l’Humanité. C’était injuste comme vision des choses, mais réaliste.

-Je vais très bien Dora ! Et où allons-nous aujourd’hui ?

“Dans ton cul.”, c’est ce que j’ai toujours rêvé de lui répondre mais je ne peux me le permettre. Surtout pour mon dernier jour ici.

-Wait a second, attends une seconde ! Je sors la carte, the map !

Une carte changeant à chaque épisode, une carte adoptant toujours les mêmes phrases comme un magnétophone. Une carte affichant toujours le même sourire stupide à longueur de temps. Une carte qui était nommée sous le doux nom de SCP-098-04-FR. La Fondation n’avait pas une once d’imagination.

La carte affichait un décor désertique pour cet épisode et je devrais sûrement m’habiller en quelques minutes d’un voile et me faire téléporter en plein désert du Sahara sans aucune putain de raison. Il était temps de me barrer, peu importe ce que Babouche dira…. ou fera.

Sur ce monologue intérieur, D-5056 se dirigea en courant vers la forêt, en direction de la sortie. Les téléspectateurs, ou instances de SCP-098-07-FR, devraient l’aider, sinon elle ne survivrait pas. C’est ce qui était arrivé à la quatrième. Chipeur…

Les feuilles et les branches ne lui permettaient pas de fuir rapidement et Babouche commença à la poursuivre sur ses quatre pattes couvertes d’écailles rugueuses et froides. Elle avait besoin des téléspectateurs, elle devait parler comme une attardé mentale en espérant qu’ils s’exécutent docilement.

-J’ai besoin de vous les amis ! Need your help god damn retarded children ! Il faut souffler vers la forêt pour écarter les feuilles ! You need to say “pffffuuuuu” like idiots on your TV !

Quelques secondes, elle n’en avait plus que quelques unes avant de se faire dévorer.

-Please…

Et les feuilles s’écartèrent sur son chemin comme si une tempête les avaient soufflés. Impressionnant… Ils avaient vraiment soufflé sur leur télévision.

Tout en se demandant ce qu’elle aurait fait à leur âge, D-5056 courut à perdre haleine vers la forêt devenant de plus en plus sombre et inquiétante. Et Babouche était proche, trop proche. Et il la rattrapait maintenant. C’était la fin.

-PUPUPUPUPU PUUUUUUUU !!

-…

C’était les escargots. Comment j’ai pu les oublier ? Toujours là pour te signifier que les téléspectateurs sont des abrutis finis qui ont besoin d’un orchestre à chaque fois qu’ils prononcent un mot correctement. Enfin, ce n’était pas Babouche, juste SCP-098-05-FR.

Tout en lui donnant un coup de pied poussant l’orchestre de gastéropodes dans la rivière où il nourrirait les poissons, Dora continua son chemin avant de rencontrer SCP-098-06-FR. Et il était caché derrière des fougères, elle devait s’occuper de lui avant, sinon elle l’aurait aussi sur le dos durant sa fuite. Et personne ne veut côtoyer Chipeur le renard.

Commençant à lui dire trois fois de ne pas “chiper” comme s’il n’avait pas compris dès la première, il s’”excusa” avant de repartir vers là où il était venu.

-Oh mince !

Car Chipeur n’était pas innocent. Alors que les instances de SCP-098-07-FR verront des objets du quotidien comme une pomme, des cahiers, le dentier de sa grand-mère ou une vache entre ses pattes (car un épisode montrait bien Chipeur tentant de voler une vache) ; il tentait en réalité de voler des soutiens-gorge et autres lingeries féminines. Et lorsque le téléspectateur croyait voir un renard voleur, Dora voyait en réalité un homme d’âge mûr portant pour seul et unique vêtement, un slip sale blanc sur son crâne chauve et luisant.

Autant dire que ce fut avec soulagement que Dora vit l’homme nu rentrer dans la forêt.

-OÙ ALLONS NOUS ?!

-Merdemerdemerde !

Reprenant sa course pour échapper à Babouche qui commençait à reprendre du terrain, D-5056 se demanda comment elle allait être accueillie par la Fondation à son retour… si jamais elle parvenait à s’en sortir indemne.

Après plusieurs dizaines de minutes à courir et à demander de l’aide aux téléspectateurs, Dora arriva enfin devant la porte… mais elle ne pouvait l’ouvrir et il se trouvait que l’émission n’avait plus autant de popularité qu’avant. Le résultat ? Moins de téléspectateurs et donc moins d’aide parvenait à Dora. Il y avait bien quelques adultes à la Fondation qui regardaient en direct l’émission, mais leur aide était moins efficace que celle des enfants. Alors Dora attendit devant cette porte immense, quémandant une aide incertaine :

-Heya les amis ! Aidez moi à ouvrir la porte d’accord ? Open the fucking door because if you don’t do that, i’ll come in your world and kick your ass ! Aidez-moi les amis ! HELP ME RETARDED CHILDREN !

-OÙ ALLONS NOUS ?!

Babouche se rapprochait de plus en plus, penchant sa tête d’un côté, puis de l’autre, en se pourléchant les babines au rythme de sa respiration saccadée et impatiente de croquer une enfant mexicaine.

-VA TE FAIRE FOUTRE LE SINGE !

-OÙ ALLONS-NOUS ?! HAHAHAHAHAHA.

Et alors qu’elle ferma les yeux s’attendant à une mort certaine, la porte explosa sous la puissance combinée de deux tonnes de TNT et des fusils d'assaut de l’équipe des brèches du Site-Aleph.


Dans un monde coloré et enfantin sous le bruit des explosions.

3 août 2014.

17h45.

-Putain, BRÈCHE DE CONFINEMENT DE BABOUCHE ! JE RÉPÈTE, BABOUCHE ATTAQUE LE SITE ALEPH ! CHIPEUR ET LES ESCARGOTS ONT ÉTÉ NEUTRALISÉS ! DEMANDE DE RENFORTS DANS LE BÂTIMENT 56-G !

Dire qu’il y a moins de dix minutes, l’agent Dimoskov ne pensait prononcer ces mots sans aucun sens, les temps avaient changé. Il avait été appelé avec douze autres membres de son équipe, une équipe hétéroclite qui se chargeait de divers skips durant leur brèche de confinement. Autant dire qu’ils en avaient connu des situations à problèmes, mais agir dans un monde coloré avec un singe pouvant démembrer un des membres de son escouade sans bouger, c’était plus complexe à gérer.

Bien qu’une porte géante venait d’apparaître dans la cantine du Site-Aleph, l’équipe de Dimoskov put intervenir et, grâce au personnel réquisitionné pour regarder chacun des épisodes de Dora l’exploratrice, limiter les pertes dans la cantine avant une brèche de confinement potentielle.

Cela faisait de très nombreuses années que la Fondation voulait en finir avec ce skip inutilement dangereux sous son apparence enfantine. Aucune utilité future pour la Fondation et une perte de Classe-D ainsi que du personnel qualifié, et cela, chaque année. Alors lorsque la porte géante correspondant à l’épisode quotidien numéro 1497 apparut, l’équipe se précipita sur place pour en finir avec SCP-098-FR prenant une place inutile dans le grand tableau des SCPs. Enfin, si l’on peut le nommer ainsi.

Alors que la porte explosa dans un grand fracas dû aux multiples charges de TNT réquisitionnées pour l’occasion, Babouche abandonna sa cible première, Dora, pour se diriger vers l’équipe de Dimoskov se dispersant en un cercle stratégique. Mais Babouche n’était pas un singe et lorsque les agents le visèrent et tirèrent sur sa tête, les écailles de celui-ci le protégèrent et une des balles rebondit sur l'un des tireurs, s’écroulant sur le sol, inerte.

Alors que Biokovitch venait de s’effondrer, SCP-098-06-FR, alias Chipeur, vint rejoindre son collègue Babouche, une paire de pommes dans les mains. Il fut abattu sans sommation. Un enfoiré de moins qui s’écroula en murmurant :

-Oh mince !

Des escargots saluèrent ce coup bien porté par une mélodie simpliste au tambour, et ils reçurent en retour un coup de crosse du tireur bien déterminé à venger la mort de son frère.

Poutine avait éliminé deux de ces enfoirés. Il ne restait plus qu’à éliminer Babouche et à mettre en lieu sûr la Classe-D, sa sœur après tout. Faisant signe à Raspoutine d’escorter Dora pendant que lui et le reste de son équipe s’occupait du macaque, Dimoskov tira une autre balle en visant intentionnellement la fougère à côté de Babouche.

Le coup fut efficace et permit à Dimoskov de verser le premier sang du primate reptilien. Celui-ci cessa de s’amuser à tourner la tête de droite à gauche et devint plus agile, chargeant l’agent Staline de tout son poids, l’envoyant bouler vers la cantine du Site Aleph où il fut enseveli sous cinq tables soufflées par l’impact.

-Putain, BRÈCHE DE CONFINEMENT DE BABOUCHE ! JE RÉPÈTE, BABOUCHE ATTAQUE LE SITE ALEPH ! CHIPEUR ET LES ESCARGOTS ONT ÉTÉ NEUTRALISÉS ! DEMANDE DE RENFORTS DANS LE BÂTIMENT 56-G !

Et Dimoskov ordonna à deux autres agents de s’occuper de Babouche pendant qu’il garderait la porte contre les fleurs souriantes et les arbres qui marchent. Et ils affluaient déjà vers le Site, le temps pressait.

Alors qu’il se dirigeait vers la cantine, l'agent Michel fit signe à l’agent Lénine d’entourer Babouche de sorte à ce qu’il ne puisse s'enfuir. Un peu bête d’encercler en étant deux, mais les ordres étaient ce qu’ils étaient.

Alors que celle-ci, la bête, tenta de sauter de tables en tables pour les démembrer comme elle l’avait fait pour Biokovitch, Lénine lui décocha une balle en pleine tête qui eut raison d’elle. Alors qu’elle agonisait en murmurant ses dernières paroles :

-Agh… Où… allons… nous ?

L’agent Michel lui répondit froidement :

-Moi je sais pas, mais toi en Enfer, fils de pute.

Alors que l’agent Michel termina sa tirade d’une dernière balle en pleine tête, D-5056 trembla de tout son corps en voyant le cadavre de celui-ci, son “visage” défiguré par une balle d’un pistolet trente millimètres.

-Il… est… mort ?

-Oui… désolé.

-Vous rigolez ? Depuis le temps que j’attendais que quelqu’un fasse la peau à Babouche !

Pendant que les yeux de la Classe-D étincelèrent de joie, la “Porte des étoiles qui sourient” fut rebouchée et Dimoskov, tenant dans sa main son pistolet déchargé ainsi qu’une tulipe aux grandes dents, leur dit :

-Première fois que je bute une fleur et un baobab, j'ai pas signé pour ces conneries bordel !


Cellule B-596 du Site Aleph, quartier Nord des Classe-D en attente de réaffectation.

4 août 2014.

10h45.

Une cellule froide aux murs auréolés de plaques de moisissures et au personnel peu sympathique pouvant conserver la bouche close pendant plusieurs heures. En deux mots : le bonheur.

Aucun putain de singe qui parle, aucune carte criant comme une demeurée, et aucune obligation de parler un anglais foireux à chaque phrase. Pour Christia, c’était la définition du bonheur. Le bonheur qui vous paraît horrible, mais tellement préférable lorsque l’on connaît pire. Un bonheur qui faisait pleurer de joie pendant que le ciel pleurait ses dernières larmes sur le sol. Comment on appelle ça déjà ? Ah oui. La pluie. Ça faisait combien de mois qu’elle ne l’avait plus contemplé ? Ça faisait combien de mois qu’elle n’avait plus juré ? Elle ne saurait le dire. Mais elle devait travailler maintenant. Un travail que seul un Classe-D pouvait faire.

-D-5056, vous êtes affectée au nouveau SCP-098-FR.

-Le… nouveau ?

-Oui. Son numéro lui a été attribué aujourd’hui : SCP-098-FR créé le 4 août 2014.

-Attribué vous voulez dire ?

-Euh oui, pardonnez-moi. Il existe depuis bien plus longtemps qu’aujourd’hui haha.

-Et… c’est un quoi ?

-… Un Sûr.

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