Un camion fatigué serpentait à travers un difficile chemin de montagne. Les suspensions du véhicule visiblement à l’agonie survivaient tant bien que mal et malgré quelque sauts d’un moteur lui aussi poussé à ses retranchements les plus extrêmes, le vieux combi Volkswagen coloré continua sa route vers le lac d’Oeschinen sous les regards surpris des quelques randonneurs qu’il croisait. À cette période de l’année, la montagne n’attirait pas grand monde, et à cette heure de la journée les quelques courageux s’étant lancés dans une promenade étaient déjà rentrés chez eux ou en passe de le faire. C’est donc dans un calme relatif et sous une douce lumière dorée de début de soirée que le véhicule s'arrêta sur les bords du lac.
Une jeune femme en descendit et entama, au mépris de toute les lois cantonales régulant le camping sauvage, d’installer son bivouac en bonne vue de la cascade de Bärgfall. L’intéréssée était une grande femme blonde à la coupe compliquée tenue par un pic à cheveux ornée d’une tête de mort et vêtue de tout l’attirail d’une marchande de pierres magiques que l’on peut imaginer croiser sur les bords d’un marché de campagne. Elle avait, semble-t-il, l’habitude d’installer rapidement son camp et ne fut pas surprise quand un des gardes alpins locaux, installé en amont au refuge d’Unterbärgli, descendit la réprimander. Les intentions du bonhomme changèrent cependant du tout au tout quand la campeuse alluma la flamme bleue et tremblotante d’une lampe tempête marquée de runes wunjō.
La soirée s’éternisa, les ombres des montagnes s'allongèrent avant de disparaître dans la nuit et le garde alpin salua la campeuse avec qui il avait partagé une petite bière. Enfin, et au terme d’une rapide vaisselle dans les eaux pures du lac, la jeune femme entama les préparatifs de ce qui l’avait amenée en ses lieux.
Amy se saisit d’une valise remplie d’un bric-à-brac difficilement descriptible (d’aucun dirait ineffable) puis descendit vers la cascade. Là, elle agença des pierres du bord du lac en un vague cercle à l’endroit où la chute s’écrasait sur les rochers et grava au dremel des runes subtiles sur de petites pierres qu’elle disposa complexifiant ainsi l’ installation. Elle sortit ensuite de sa fameuse valise quantité d’objets (crânes sculptés, bougies curieusement marquées et autres colifichets) qu'elle plaça à des points qu’un lourd pendule d’améthyste semblait lui désigner.
Sa valise vidée, elle revint à son camion pour y sortir un lourd paquet froid et dégoulinant qu’elle plaça sous la cascade au centre du cercle.
Et c’est avec la satisfaction caractéristique du travail bien fait que la jeune femme s’installa un peut à l’écart de son installation, sous un plaid et à la lumiére de sa lampe tempête, pour se rouler un petit j.
Gabriel était fatigué, la semaine n’en pouvait plus d’être longue. Les baisses de budget avaient depuis longtemps détruit les financements de l’UMR NTM1 et c’est dans des locaux réduits à un sous-sol humide que le chercheur tentait de mettre fin aux projets en cours. Des projets mis en place pour et par des une équipe cent quarante trois fois supérieurs aux effectifs actuels2, des projets nécessitant une mise en œuvre autant pratique que réflective que ses neurones ne pouvaient plus contenir. Alors Gabriel était fatigué, il quitta son labo lugubre pour s’effondrer sur son bureau.
Celui-ci était un cimetière à articles jamais publiés et à protocoles jamais réalisés. Cette pile, conséquente, était certes décourageante mais avait l'immense avantage d’offrir un oreiller des plus confortables. Le chercheur en profita une bonne demi-heure avant de tendre ses mains recouvertes de tatouages cabalistiques, nécromantiques et protecteurs vers sa tasse de café froid qu’il serra comme un grimpeur une prise difficile. Gabriel était fatigué, ses cheveux poivre-sel tristement retenu par une pince en forme de crâne lui recouvrait une gueule minée par le stress et le café. Sa blouse de laboratoire anti déchirure retenait difficilement un pistolet d’eutanasie, équipement pouvant s’avérer utile dans sa spécialité, et couvrait un sweat rose à l’allure fatigué et un vieux jean pimpé3, le tout n’était pas de première fraîcheur, le chercheur n’ayant pas pris beaucoups de temps pour lui depuis quelques mois.
Sa tasse froide terminée, il tenta de s’en servir une chaude avant de se rendre compte que l’alimentation en eau de la machine à café avait rendu l’âme. Putain, les doctorants du Deer college était mieux équipés que des chercheurs de la Fondation, et son labo avait fermé 2 ans aprés son oral de thése. Le chercheur prit un bon litre d’eau bénite (le système anti incendie du laboratoire en était équipé et des robinets parsemaient les paillasses) et la versa dans le réservoir de la machine avant de la lancer. Sa tasse remplie, il s’installa et se plongea dans la lecture de l’enfer rougeoyant que représentait sa boite mail. Un enfer rougeoyant car remplis de mail tagué de balise vive “urgentes” et “en retard”, des mails qu’il ne pouvait de toute façon pas traiter de par leur quantité et l’ampleur des travaux demandés.
La plupart des mails “urgents” étaient les mêmes, on lui demandait de mettre fin à des expériences afin de procéder à ce qui était appelé dans leur jargon technique une “rationalisation” des coûts. Mais il y a des limites aux rations minimum que l’on peut donner à un homme pour qu’il survive, il en était de même avec un laboratoire. Ses décisions n’avait pas, au début, particulièrement inquiété le jeune chercheur, la nécrobiologie et toute ses dérivés (nécromancie, thanotomathurgie etc) avait toujours était une science à minima décriée et les investissements affectés à cette spécialités sont traditionnellement mis en contradictions avec les débats éthiques, moraux ou religieux de leur époques. Ainsi, l’existence même de l’UMR NTM formait une petite anomalie dans une organisation connue pour la rigueur de son comité d’éthique. Des baisses de budgets ne pouvaient qu’advenir et les voilà arrivés.
Alors Gabriel optempérait espérant ainsi limiter la quantité de travail à sa charge. Et il coupait des incubateurs, sacrifiait des lignées de rats et de bactéries, noyait des boîtes de pétris dans des bains d’éthanol ou d’eau bénite. Ferma au fil des semaines des cartons remplis de matériels et de machines “qui serviront ailleurs”. Organisa, au fils des mois et des réaffectations, les pots de départs de ses collègues et amis. Pot ne se résumant rapidement qu'à de tristes pauses café ou était ressasser les souvenirs d’une gloire passée. La fameuse UMR NTM était finalement réduite au sous-sol du bâtiment qui l’avait vu naître. Il savait vivre les derniers instants de l’unité de recherche qu’il avait participé à fonder, et voyait venir sa réaffectation au si déplaisant Site-Daleth comme une évidence de plus en plus tangible.
C’était ses pensées très franchements mortifères que lui renvoyait sa boite mail rougeoyante et c’est las que le chercheur se mit à la tâche. Un message non-urgent cependant attira son attention, et c’est par celui-ci qu’il décida de commencer.
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Objet : Séquençage
Salut Gab,
Je pense t’as reçu la nouvelle, c’est triste mais il faut l'accepter. Si les O5 l’on décidé ainsi c’est que c’est la meilleur chose à faire.
Cela étant dit, on a quand même du taff à boucler. Je t’envoi en pièce jointe le résultat du séquençage du petit fragment ADN que tu m’as envoyé. Les résultats ne sont pas encourageants mais intéresse-toi-y vite comme ça ça sera fait.
Force pour la suite. ˆˆ
@+
Flo
primer613.dna
“Si les O5 l'ont décidé il faut l'accepter”, de quoi elle voulait parler. Flo était une bonne amie de Gabriel. Ils avaient ensemble vu les tout début de l’UMR NTM mais sa réaffectation à l’unité de Biologie Moléculaire Généraliste du Site-Aleph avait mis fin au gros de leur collaboration professionel. Par habitude, le chercheur lui confié ses échantillons quand il avait besoin de ses lumières. Il suivit donc son conseil et ouvrit le séquençage fourni.
ccggcgcgcagcattaccgaagcgctggaaccgcatgtgattaccgaaagctgcccgttt
aacgatgcgaccattagcaccccgagcattaccgaagcgctggaaccgcatccggcgcgc
agcagcattaccgaagcgctggaaccgcatgtgattaccgaagtgattaccgaagtgatt
accgaaccggcgcgcagcgtgattaccgaa
Tiens, première anomalie, il ne se rappelait pas que le fragment qu’il avait demandé à séquencer était aussi court. Peut être s’était il trompé lors de l’envoi, ce genre d'erreur n’est pas impossible, les petits tubes contenant de l’ADN sont avant tout des petit tubes contenant de l’eau et rien ne ressemble plus à un tube d’eau qu’un autre tube d’eau. Une seule façon de le savoir, décoder cette séquence. Le chercheur entreprit donc la traduction…
CCGGCGCGCAGCAUUACCGAAGCGCUGGAACCGCAUGUGAUUACCGAAAGCUGCCCGUUUAACGAUGCGACCAUUAGCACCCCGAGCAUUACCGAAGCGCUGGAACCGCAUCCGGCGCGCAGCAGCAUUACCGAAGCGCUGGAACCGCAUGUGAUUACCGAAGUGAUUACCGAAGUGAUUACCGAACCGGCGCGCAGCGUGAUUACCGAA
en ARN messager puis la transcription…

PARSITEALEPHVITESCPFNDATIN-stop-SITEALEPHPARSSITEALEPHVITEVITEVITEPARSVITE
en la protéine correspondan-
C’est quoi ce bordel.
C’est d’abord le codon stop au milieu de la séquence qui avait ralenti le train de sa pensée mais c’est ensuite l'agencement des lettres symbolisant les acides aminés composant la protéine qui avait achevé de faire tomber un arbre sur le rail du-dit train. Il la relut plusieurs fois, se frotta les yeux pour la relire une dernière fois, le manque de sommeil chronique de ces derniers mois ne le faisait pas halluciner, on lui avait fait passer un message. C’est une connerie à Flo, elle ne peut pas… Fin de quoi elle veut… C’est forcément une connerie. Le chercheur souris et souffla du nez. Elle l’avait bien eu. Mais bref, passons à la suite, il ouvrit un second mail et cette fois fit une tachycardie.
Le mail en question décrivait comment la Fondation allait mettre un -stop- aux activités du Site-Aleph, comment les projets en cours allait être transmis aux autres Sites et comment le personnel allait être amnésié, le souvenir de leur carrière au sein de l’organisation effacé et toute leur histoire reprogrammé. Ce n’était pas une blague, un sceau marquait le sérieux de la menace, la signature de l’O5-01 trônant majestueusement en conclusion du fameux mail comme le certificat d’authenticité de l'œuvre d’un grand maître. Un maître cruel. Il fut pris de vertige, le jeune chercheur fit rapidement le lien entre les deux mails, et il comprit. La Fondation ne pouvait pas l’amnésier, il devait fuir.
Sa mémoire, on ne pouvait rien lui laisser. Gabriel faisait partie des membres de la Fondation n’ayant jamais vécu du “bon” côté du Voile. Issu d’une ancienne famille de thanatomathurges, le chercheur avait grandi dans un monde rempli de fantômes, de crânes, de bougies dégoulinantes, d’épais tomes poussiéreux et de cryptes humides mais aménagées avec goût. Une enfance normale dans un milieu qu’il avait toujours considéré comme tel, la normalité étant une question de point de vue, qui peut juger. La Fondation, elle, peut juger. Certains diraient que c’était son devoir le plus strict. La Fondation ne pouvait pas le laisser dans la nature même en lui effaçant toute sa carrière en son sein, elle ne pouvait pas se permettre de lui laisser ses souvenirs d’enfance. Ils ne pouvaient pas se permettre de laisser partir dans la nature un nécromant. Le chercheur savait que l’organisation n’avait qu’à choisir entre l’effacer ou le supprimer, que cette porte de sortie, si on pouvait considérer la suppression d’un pans entier de sa vie comme telle, ne pouvait être qu’un piège. Peut-être allait ton l’euthanasier au moment de la piqûre. Peut-être n'allait-on pas se donner cette peine.
Les vertiges s’intensifiaient, la peur s’était mélangée à la fatigue dans une solution explosive. D’autres devaient avoir reçu le mail, putain que vont t’ils faire des membres anormaux du Site- un coups de feux. Des coups de feux avaient retenti comme une réponse cinglante. Des FiM doivent chercher à les capturer. Quoi faire, que faire…
Et le Dr Shneider Von Wartensee ne fit rien.
Il passa la nuit à trembler seul face à son bureau, maudissant les choix qui l’avaient menés ici. Il maudissait le jeune parvenu qu’il avait été, celui qui avait sacrifié sa liberté d’aller et venir, de voir sa famille et ses amis de l’autre côté, de résister pour le confort d’avoir ses projets financés et une place en sécurité. Il maudissait ce jeune inconscient qui avait cru que son savoir lui garantissait une protection solide. Il se maudissait d’avoir cru être un prisonnier trop précieux pour que ses geôliers ne souhaitent se débarrasser de lui, il se maudissait enfin de sa lacheté, de son incapacité à agir alors qu’il savait ses amis et collègues dans une détresse similaire. Il était resté ainsi figé jusqu’au matin, jusqu’à son heure d’embauche ou il reçut nouveau mail.
Celui-ci était plus… direct. Il lui était adressait et lui donnait ses dernières missions ainsi que la date de ce qu’il savait être sa fin. On allait venir le chercher dans quelques heures et lui refusait d’agir en conséquence, il se laissait cueillir. Ses tergiversations de la nuit l’avait fait arriver à toutes sortes de conclusions. L’une d’elle s’épanouissait, avait cessé de n’être qu’un bourgeon de peur pour faire florès, prendre de l’ampleur à mesure que ses réflexions névrotiques s'étalaient et prospéraient dans son cerveau saturé. Cette fleur, cette jacinthe de culpabilité, enserrait ses racines dans les profondeurs de son crâne et lui faisait tirer cette conclusion, il méritait le destin que la Fondation lui préparait. Il n’allait pas lutter, les autres se débrouilleront. Flo avait eu tort de le prévenir.
Environ 2 heures plus tard, un gars de la branche allemande flanqué de deux collègues de la sécurité ne “faisant que suivre les ordres” vinrent frapper à sa porte.
— Docteur ? J’espère que vous avez eu le temps de préparer vos affaires, il est temps d’y aller.
Il ne répondit pas. Pas dans l’espoir de se cacher ou d’être oublié, non. Gabriel savait qu’il était impossible de se cacher de la Fondation et encore moins dans ses propres locaux, la petite led rouge de la caméra de surveillance fixée au mur de son bureau était là pour lui rappeler. Simplement, il n’y arrivait pas.
— Docteur ?
— …
— Ya quelqu’un ?
— C’est bon j’arrive, excusez-moi.
Le docteur traversa son laboratoire à la manière d’un fantôme, s'arrêta devant la porte et, d’un geste du poignet accompagné d’un clac sonore, s’enferma dans son bureau.
— docteur qu’est-ce que vous foutez ?
Le docteur, toujours avec son allure de spectre, avança vers son bordélique bureau tenant dans sa main une pipette à alcool normalement utilisée pour nettoyer les paillasses. D’un geste accompagné d’un bruissement de feuilles, il en vida la surface et aspergea la pile au sol d’alcool.
— Docteur, ne faites pas l'imbécile, ouvrez cette porte.
Le docteur sortit de sa poche un briquet et un vieux paquet de clopes usés. Il le secoua en quête d’une survivante qu’il eut la chance de trouver. “Toi non plus tu t’échapperas pas” pensa-t-il, amusé, en l’allumant à l’aide d’un bec Bunsen. Il prit une grande bouffée avant de mettre en contact la braise de sa cigarette avec le papier imbibé d’alcool qui s’embrasa dans une vive flamme bleutée qui donnait à la scène une allure fantomatique. Le jeune docteur fixait les flammes qui grandissaient sur ce qui avait été quelques heures plus tôt, le pans le plus précieux de sa vie, comme hypnotisé par leur rapide progression.
— Docteur, RÉPONDEZ HEER DOCTOR. NOUS SAVONS QUE VOUS ÊTES LA.
Les gars de derrière la porte commencèrent à violemment la frapper. Gabriel la savait résistante, le bâtiment était vétuste mais encore aux anciennes normes anti-brèche, le temps que les gars la dégonde, il pourrait terminer sa besogne. Il se chargea ensuite de placer ses disques durs dans son foyer improvisé puis iiiiiiiIIIIIIIIIIIIIÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏIIIIIIIIiiiiii une alarme se lança accompagné de la puissante pluie des systèmes anti-incendies tuant ses flammes. Bordel, il avait totalement oublié son existence, même sa rébellion il n’était pas capable de la penser jusqu’au bout, au moins l’eau allait quand même détruire ses documents. La méthode manquait de panache mais le résultat restait le même, derrière la porte s’agitait les teutons, et Gabriel comprenait, de par ses restes de suisses-allemand, qu’ils n’allaient pas tarder à trouver un moyen de rentrer. S' il avait rejoint la Fondation SCP c’était pour la sécurité de l’emploi et le service de sécurité de son employeur s'apprêtait à accélérer son licenciement en défonçant sa porte. Il n’arrivait de toute façon pas à s’en rendre compte, il était sonné, totalement perdu, l’eau l'aspergeait et il n’en avait que faire noyé qu’il était dans l’incompréhension de son propre geste
iiiiiiiIIIIIIIIIIIIIÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏIIIIIIIIiiiiii
— POUR LA DERNIÈRE FOIS, OUVREZ CETTE PORTE.
iiiiiiiIIIIIIIIIIIIIÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏIIIIIIIIiiiiii
— …
iiiiiiiIIIIIIIIIIIIIÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏÏIIIIIIIIiiiiii
— JUNGS, LOS GEHT’S !
Le biologiste chargea son révolver, le pointa vers la porte… puis se ravisa.
crack
Et c’est au moment où la porte céda sous le coups net du garde que le chercheur mis fin à ses jours.
Un flash suivit d’un bang sonore, il faut croire que dans les conditions d’un suicide, on arrive à différencier la temporalité de ses deux évènements. Un troisième intervient, une douleur atroce lui vrillant l'arrière de la bouche, puis l’os, puis les différentes couches de son cerveau avant d’exploser l’autre côté de son crâne. Et la douleur fit place à….
De l’eau froide, des pains de glaces gelés collés à sa peau nue. Il étouffait, se noyait, enfermait dans un cocons de couverture de survie et de tissus imbibé d’eau, incapable de trouver de l’air. Tout lui faisait mal, son corps lui répondait mal, sa tête hurlait de la douleur fantôme d’une balle lui ayant traversé le crâne. Il voulait hurler mais ne sortait de sa bouche que des litres d’une eau froide lui brûlant les poumons tout de suite remplacée par les flots d’une eau lourde s'abattant du ciel, était il bien sûr que c’était le ciel ? Il ne pouvait pas le savoir, dans son sac de couchage scellé, trempé et gelé seul comptait les coups de marteau de l’eau lui tabassant le corps et une pensée toute contradictoire avec celle qu’il avait dû se forger pour sortir du Site-Aleph lui vrilla le crâne.
Il faut que je vive.
Ainsi commencèrent les ruades, les coups et les contrecoups d’un corps lui répondant mal et semblant le découvrir. Son temps était limité, ses poumons ne pouvaient pas le faire tenir longtemps, il n’avait aucun stock d’air pour alimenter ses gestes mais Gabriel n’avait pas la tête à ses pensées, seule comptait sa survie.
Son corps roula et rua. Dans un crack sonore il parvint à créer une petite déchirure dans laquelle il engouffra ses mains arrachant du même coup la toile du sac le contenant et la liberté à sa prison de glace et de tissus. Là, il vit. Il vit la pleine lune, son reflet sur le lac et sa lumière sur les montagnes. Et il hurla, expulsant de ses poumons l’eau froide des sources et y faisant rentrer l’air pures des monts. Deux mains vinrent le saisir et le traînèrent hors du torrent. Se laissant faire, Gabriel mit du temps à reconnaître celle qui l’avait sortie des eaux.
— Mer-merci soeurette.
— Ya pas de quoi frérot, tu veux pas te lever ? Ce corps pèse son poids. Je t’aide, t'inquiètes pas.