L'illusion de la planification

Le samedi était en passe de devenir un jour de fête pour Camille. Quelques jours auparavant, Archibald lui avait prêté un livre, une super histoire. Elle n’avait pas tout compris, mais elle avait voulu lire la suite. Archibald ne les ayant pas chez lui, ses parents l'avaient emmenée à la bibliothèque. Ils étaient ravis de voir leur enfant s'émerveiller ainsi. C’était d’ailleurs une des premières fois depuis plusieurs mois.

La première excursion, Camille était repartie avec une dizaine de livres. Et la semaine suivante, elle avait tout rapporté. La bibliothécaire lui avait gentiment souri, la regardant grimper les marches deux à deux vers l’étage des bandes dessinées.

Cette fois-ci, Camille hésitait entre deux de ses séries préférées, quand quelque chose attira son regard. Elle avait l’impression d’avoir aperçu un mur noir. Ce qui était improbable si on tenait compte de la blancheur immaculée de la bibliothèque. Elle était retournée sur ses pas pour trouver, derrière un bac à livres, dans un coin poussiéreux, un rectangle noir insondable. L’obscurité l’envoûta alors qu’elle constatait toutes les particularités de ce rectangle insolite, mais elle se ressaisit. Il fallait aller prévenir les autres.


Ils attendirent jusqu’au samedi suivant. Et là, ils étaient serrés dans la voiture, conduite par la mère de Camille. Parce que c’était ce jour qu’avait choisi Alice, la deuxième grande sœur de la jeune fille, pour les accompagner. Elle aimait bien les amis de Camille. Mais les trois enfants se sentaient un peu mal à l’aise avec elle. Archibald devait fréquemment répéter à Héloïse de ne pas jouer avec ses cheveux, et celle-ci se sentait nerveuse, sans parvenir à savoir exactement pourquoi, ce qui l’irritait au plus haut point. Lorsque la mère de Camille serra le frein à main, tous eurent un soupir de soulagement intérieur et quittèrent prestement le véhicule familial. Ils avaient quitté Gilles à contrecœur, le bâtiment étant interdit aux animaux.

"On passera vous chercher vers six heures, d’accord ?
— D’accord ! répondirent-ils en chœur tout en entrant dans la bibliothèque."

Camille leur avait dit qu’elle voulait juste lire avec ses amis, et ils n’avaient rien objecté. Alice n’avait pas reçu comme tâche de les surveiller mais elle n’allait certainement pas se priver de le faire si elle en avait l’occasion. Il fallait d’abord lui échapper. Heureusement, ce ne fut pas difficile : la jeune fille se dirigea vers les rayons contenant les livres de fantasy. Eux, discrètement, déposèrent les livres à rendre puis montèrent à l’étage.

La bibliothèque, assez ancienne, était en train de déménager vers un bâtiment plus moderne, situé de l’autre côté de la ville. Il n’y avait donc pas grand monde et les bacs se vidaient progressivement. Les livres que l’on ramenait n’étaient plus rangés mais mis dans des cartons. Cela avait un côté triste, mais les enfants n’y virent que du positif. Ils pouvaient regarder le rectangle sans avoir à faire attention au reste.

"C’est pas de la peinture ? demanda Archibald.
— C’est trop net. Et trop noir, répondit Mathilde.
— Attends, je vais toucher."

Et sa main fut engloutie par le rectangle avant qu’il ne saute en arrière en glapissant. Ses amies avaient les yeux écarquillés. Ils regardèrent autour d’eux mais personne ne semblait monter pour les rejoindre. Ils purent se calmer et s’approcher de nouveau. Héloïse s’échauffa, le visage rouge :

"Mais enfin, t’es bête !"

Archibald se retourna, confus.

"On avait dit qu’on ferait attention maintenant, qu’on aurait des protocoles !
— Mais…
— Pas de mais, c’est pour pas faire n’importe quoi, pour pas…"

Elle ne put finir sa phrase. Le garçon, légèrement honteux, recula contre une autre étagère, évitant le regard des autres. Après un bref silence, Mathilde reprit la parole, comme si rien ne s’était passé :

"On peut jeter quelque chose dedans pour estimer s’il y a un fond ? Archi’, ça avait quelle texture ?
— Euh, hésita le garçon, encore chamboulé par la scène, ça avait pas de texture, c’était juste comme ici mais en plus frais, je crois.
— J’ai un crayon pour le test, dit Camille.
— Et j’ai ramené une corde, ajouta Mathilde. On pourrait la nouer et aller dedans. J’ai aussi pris des lampes torches."

La prévoyance de l’exploratrice avait un effet à la fois rassurant et angoissant pour Héloïse. Ses inconscients amis pensaient déjà à se rendre dans ce rectangle. Archibald avait l’air plus craintif, et ça la soulageait : son léger dérapage avait eu l’effet escompté, et il se tenait dorénavant à distance. Mais savoir qu’une blessure grave avec hémorragie n’avait pas freiné la folie de Mathilde lui paraissait alarmant. La perte de sang avait peut-être endommagé son cerveau, pensa-t-elle, peut-être qu’il fallait aussi une fracture pour que ça marche. Elle considéra cette option tandis qu’Archibald s’approcha de ses amis.

"De l’autre côté, je n’ai rien ressenti de bizarre. On peut réessayer avec un objet ?"

Il se tourna vers Héloïse, l’air peu assuré.

"Pour être sûrs ?"

Elle lui tira gentiment la langue, avant de se saisir d’un livre au hasard et de le placer à plat, sur la limite. Ils attendirent cinq bonnes minutes avant de retirer l’ouvrage, sans qu’un côté eut l’air plus abîmé que l’autre.

Mathilde, surexcitée par ce qu’elle voyait, proposa de passer à l’étape supérieure :

"Maintenant, l’un de nous passe sa tête avec une lampe torche de l’autre côté pour voir, pendant que les autres le retiennent ?"

L’idée était bonne. Peut-être un peu dangereuse s’il y avait un démon mangeur de têtes qui les attendait, mais le risque était mesuré. Ils s’attachèrent avec la corde et il fut convenu que Camille serait leur observatrice, puisqu’elle était la plus légère. Elle alluma la petite lampe torche et passa sa tête de l'autre côté.

Environ dix secondes plus tard, elle en ressortit sa tête, indemne, et se retourna vers eux.

"Vous m’entendez pas ?
— Pas vraiment, mais c’est comment ?
— On dirait une grande bibliothèque, mais avec beaucoup de bois. Et on est assez haut, mais pas trop, comme le muret près du toboggan de la cour des petits. En plus, il y a des poufs par terre.
— Trop bien ! s’exclamèrent Mathilde et Archibald."

"Non, pas bien du tout" pensa Héloïse, qui voyait déjà tous les problèmes que poseraient une potentielle exploration.

Et pendant que ses pensées filaient vers la conception d’une rencontre entre ses amis et un terrain favorable au décès prématuré, Mathilde avait commencé à expliquer comment bien se réceptionner sur un sol dur au cas où ils rateraient les poufs.

"Héloïse, tu m’écoutes ?
— Euh, euh, vous voulez vraiment aller là-dedans ?
— Oui !"

Sentant l’inquiétude de son amie, la petite fille passa sa main sur son épaule.

"T’inquiète pas Héloïse, on est préparés maintenant. Et s’il y a un danger, on pourra remonter avec la corde. On va l’attacher au meuble là pour que ça tienne bien. Si tu préfères, toi, tu peux faire le guet ici pour nous tenir au courant de ce qu’il se passe et nous prévenir si on doit sortir vite.
— Mais c’est quand même risqué ! objecta-t-elle."

Elle réfléchit quelques instants, une expression peinée sur son visage.

"Oui, mais il y a des livres. Des livres cachés ! Avec peut-être des secrets, des informations, et plein de choses écrites dedans !"

Héloïse était certes un peu soulagée de constater que son amie n’était pas folle au point d’ignorer la réalité d’un danger potentiel, mais elle s’inquiétait maintenant de voir la curiosité poindre en elle. Comme si les mystères de cette étrange bibliothèque l’appelaient. Elle finit par accepter de faire le guet et aida à mettre en place l’installation qui leur permettrait de descendre sans risquer de se casser les jambes. Elle leur recommanda de remonter un par un, pour éviter que la lourde étagère qui leur servait de point d’ancrage ne s’écroule. Et ils écoutèrent sagement ses recommandations. Elle leur souhaita finalement bonne chance, partagée entre la fierté d’assister à l’exploration d’un espace inconnu et la crainte de ne jamais les voir revenir. Ils descendirent dans le rectangle et disparurent corps et voix.

Elle se retourna quelques instants, essuyant son front où perlait la sueur de l’anxiété. Et quand elle vérifia la corde, elle constata d’abord qu’elle était tranchée. Puis, que le rectangle avait disparu.


Ils avaient eu le temps de tirer un peu sur la corde avant que leur issue ne disparaisse. Mais ils n’avaient pas pu constater cette disparition, trop occupés qu’ils étaient à courir sur le parquet de ce nouvel espace, au travers des multiples rayonnages, sans oser toucher aux livres. Il y en avait partout et ils étaient tous parfaitement rangés. Archibald commença à planifier un itinéraire de lecture. Il fallait commencer par lire tous les titres et les classer, puis les ouvrir une première fois pour répertorier les sujets abordés pour enfin pouvoir établir un ordre de priorité en fonction de leur importance.

Ce fut Camille qui lança les expériences, en sortant un ouvrage dont la couverture était gravée d’étranges symboles. Archibald criait en son for intérieur qu’il aurait d’abord fallu bien examiner l’objet avant de pouvoir le manipuler. Mais avant que ces récriminations ne se frayent un chemin jusqu’à sa bouche, le livre était ouvert. Et un tabouret en émergea progressivement. Il lâcha un cri de surprise tandis que Mathilde et Camille s’extasiaient. Archi’ commença à respirer plus vite et plus fort. Il parvenait à peu près à envisager ce que ce genre de chose impliquait. Aussi, il resta complètement paralysé tandis que les deux petites filles s’amusaient à ouvrir des livres, laissant alors apparaître toutes sortes de meubles et d’objets. Archibald parvint à se reprendre, essayant d’envisager le fonctionnement de cet étrange endroit. Il ne voyait pas de danger excessif, à moins que quelqu’un ne jette un livre. Puis Camille en ouvrit un autre. Cette fois, pas de forme apparaissant doucement. Les étranges lanières jaunes qui sortaient des pages pour former les objets étaient bien plus grandes et creusèrent l’espace en face de la jeune fille. Et, tout à coup, un nouveau rayonnage se forma. Pendant que Mathilde était figée par la stupéfaction, Archibald s’approcha en titubant et, d’une main fébrile, referma le livre.

Le récent couloir disparut.

Il éclata de rire.

Ça allait être très amusant !


Héloïse se faisait toute petite. Il fallait qu’elle passe inaperçue aux yeux des autres gens mais surtout de ceux d’Alice. Ils avaient assez de temps pour tenter de sortir de cet étrange espace mais si elle s’en rendait compte, ce serait la catastrophe ! Et Héloïse n’avait pas la moindre idée d’où elle pourrait trouver une nouvelle entrée. Elle se demanda pourquoi elle cherchait une "entrée" et pas un "accès" ou un "passage", et elle devint blême. Son subconscient lui envoyait des messages comme si elle voulait se rendre à l’intérieur. Et en plus, ça serait trop risqué. Elle, elle n’avait pas de corde pour éviter la chute. Et s’ils étaient tous à l’intérieur, ça pourrait rendre la situation encore plus complexe. Non, c’était important qu’elle reste dehors, qu’elle fasse attention à ce qui pourrait entraver leur retour. En plus, cette fois, ils s’étaient bien préparés. Ils avaient pris du vrai matériel, ils avaient déterminé une méthodologie d’approche… qu’ils avaient respectée en prenant beaucoup de liberté, mais au moins ils avaient fait un peu attention. Rien de trop grave ne devrait arriver, normalement…

Normalement ?

Un instant plus tard, le souvenir de l’imprudence de ses amis lui revint. Tout n’allait pas bien du tout. Il fallait qu’elle trouve un accès pour les faire sortir. Mais il fallait aussi qu’elle sache ce qui se trouvait dans cette bibliothèque. Elle se sentit déchirée.

Mais l’univers choisit souvent à la place des indécis. Tandis qu’elle arpentait l’étage, elle se sentit tomber.


Ils étaient parvenus à jeter les coussins à temps pour éviter une chute trop dure à leur amie et ils avaient rapidement refermé le livre. Ils étaient maintenant tout autour d’elle. Elle grognait de douleur et sa voix était rauque.

"Il, il faut qu’on sorte, c’était une trappe ça ? Aïe…
— Euh, oui, mais elle s’est ouverte au plafond et…
— Ouille, pas grave, vous avez une échelle ? On peut grimper sur les étagères ?
— Regarde."

Elle reprit peu à peu ses esprits. La chute avait été terrifiante. Elle n’arrivait pas à penser clairement. Elle était entière et avait très mal aux épaules. Elle les tâta doucement. Rien de cassé. Puis elle regarda au-dessus. Une lumière éclairait ce qui semblait être un plafond. C’était très, très haut. Il faudrait au moins deux grosses échelles pour ça. Elle commençait à se demander si elle était vraiment en vie. Elle se releva et prit appui sur Archibald.

"Tu veux bien m’expliquer comment j’ai atterri avec vous ?
— On était en train d’essayer les différents livres et Camille a ouvert celui-là, dit-il en pointant un ouvrage à la reliure dorée.
— On a cru que ça n’avait rien fait, on a juste vu les trucs jaunes monter, ajouta Camille.
— Puis tu es tombée, on a essayé d’amortir ta chute et on a tout de suite refermé le livre pour que personne d’autre ne tombe."

Ils n’étaient pas complètement inconscients, bien. Elle secoua la tête et un détail lui revint en mémoire.

"Ah, euh, au fait, la sortie a disparu."

Ils intégrèrent l’information sans qu’elle ne les inquiète trop. Ils haussèrent les épaules.

"Pas grave.
Quoi ?
— On pourra en trouver une autre, si on essaie le bon livre."

Héloïse était sidérée. Ils prirent le temps de lui expliquer la raison de leur optimisme : les livres semblaient tout pouvoir faire ici, il n’était donc pas exclu qu’ils puissent leur montrer la sortie. Elle les prenait toujours pour des fous aux cerveaux grillés, mais elle finit par accepter la possibilité qu’ils ne soient pas condamnés à vivre dans cette bibliothèque.

Leur plan était donc de continuer à essayer les livres en notant bien leurs effets et, surtout, en les refermant ensuite s’ils n’étaient pas utiles dans l’immédiat. Héloïse parcourait les pages du carnet en écarquillant les yeux jusqu’à ce qu’ils semblent complètement dissociés de sa tête. Elle ne comprenait pas comment c’était possible. Elle prit alors son carnet et entreprit d’examiner l’apparence des livres plus en détails. Il y avait certainement un lien entre la couverture et l’effet.


Tous les meubles possibles étaient apparus au moins une fois. Ils s’étaient même fait un coin avec leurs lits. Et malgré l’apparition d’une cage d’escalier, cela ne leur avait pas permis d’arriver assez haut pour s’échapper. Peut-être qu’il en faudrait une deuxième ?

Quelque chose vint briser l’inquiétante monotonie de leurs examens : un livre s’était envolé. Mathilde lui courut après pour essayer de le refermer, mais rien n’y fit : le livre s’était émancipé de ceux qui l’avaient ouvert et voletait maintenant au-dessus d’eux. L’existence de livres-animaux fut ajoutée au carnet mais ils espéraient que ça ne deviendrait pas une catégorie aussi prolifique que les autres. Puis ils se rendirent compte, trop tard, qu’ils en avaient ouvert d’autres : un livre-félin, deux autres livres-oiseaux, et il n’était pas possible de les refermer. Héloïse tenta tant bien que mal de déterminer les caractéristiques de leurs couvertures, afin d’essayer d’identifier les autres ouvrages potentiellement bestiaux. Mais la tâche était ardue. Et si au départ ces animaux avaient pu sembler mignons, les bruissements incessants des pages mêlés aux cris de ces créatures étaient devenus insupportables. Elles ne voulaient plus entendre ça, elles voulaient sortir. Et l’air fasciné d’Archibald ne les aidait pas du tout.

Héloïse essayait de ne pas trop tourner les yeux vers les autres. Si elle était inquiète quant à leur possible séjour prolongé en ces lieux, ça ne semblait pas être leur cas. Et c’était agaçant. Ils continuaient à jouer, à se lancer des livres sans la moindre précaution, à essayer d’attraper ceux qui essayaient de s’enfuir. Archibald et Camille avait même commencé, sur la proposition de cette dernière, à essayer de jouer aux “pokélivres”. Ils essayaient, tant bien que mal, de se faire comprendre des ouvrages afin de les diriger. Ils avaient parfois eu l’impression d’obtenir des résultats, notamment quand une sorte de livre canidé s’était mis à suivre le groupe avant de disparaître dans les rayonnages.

"Oiseau-page, je te choisis ! clamait Archibald.
— Fonce, ratata de bibliothèque ! renchérissait Camille."

Et ils s’esclaffaient, sous le regard amusé de Mathilde et l’air éberlué d’Héloïse, laquelle essayait de trouver une unité de mesure de l’insensibilité à la tension suffisante pour qualifier leur comportement. Ils n’en avaient vraiment rien à faire. Ils l’avaient envoyée paître en lui disant qu’ils trouveraient peut-être un dragon-bouquin qui pourrait les emmener jusqu’au plafond, mais elle voyait bien que ce n’était pas leur priorité. Ils n’en avaient vraiment rien à faire.

Mais leurs créatures commençaient à être trop nombreuses et ils n’arrivaient pas toujours à les rattraper. Même si beaucoup allaient se perdre au loin, dans des rayonnages obscurs, elles produisaient toujours des petits bruits, et rendaient cette bibliothèque plus vivante, mais aussi plus inquiétante. Le vide avait maintenant quelque chose de rassurant.


À mesure que les tests se poursuivaient, un malaise grandissait, et il devenait de plus en plus dur de faire comme si tout allait bien. Et l’atmosphère du lieu n’arrangeait rien : il y avait des néons au plafond mais la plupart n’étaient pas en bon état. Tout grésillait, crépitait. Ils avaient aussi eu l’impression d’en entendre un exploser au loin. Et ils étaient tellement loin de ces sources de lumière qu’ils étaient plongés dans une sorte de crépuscule permanent. Et ce qui scella l’angoisse des enfants, ce fut quand Camille demanda une pile pour sa lampe torche. Le temps se déroulait toujours et s’ils avaient été confiants quant à leurs chances de s’en sortir au départ, l’idée que cela soit impossible à le faire dans les temps commençait à prendre une place plus importante. Quand il regarda sa montre, Archibald fut pris d’un haut-le-cœur : il leur restait un peu moins de trois heures. Et même si les parents étaient encore loin, la grande-sœur représentait toujours un risque imminent. C’est dans un silence résigné et lourd de sens qu’ils poursuivirent leurs expériences.


Ils ne parlaient presque plus, se contentant de chercher machinalement, de signaler aux autres ce qui pourrait être utile, de comparer leurs idées. Mais ce fut finalement Héloïse qui les appela. Sous leurs yeux, elle ouvrit fièrement une trappe qui donnait sur une nouvelle paroi noire. Elle était bien accessible et ressemblait à ce qui les avait menés ici. Alors, sans tarder, pressés par l’angoisse, ils sautèrent dedans en emportant quelques livres utiles.


Lorsqu’ils touchèrent le sol, ce n’était pas la moquette douce de la bibliothèque, mais le dur parquet de celle qu’ils avaient essayé de quitter. Il n’y avait plus leurs piles de livres et les bruissements des pages-ailes s’étaient estompés.

Il leur restait deux heures et douze minutes.

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