Cela fait déjà six mois qu’ils l’ont emmenée. Enlevée, plutôt. Ils l’ont prise sans ménagement et la gardent dans un endroit tenu secret, que nous essayons de découvrir, pour le moment sans succès.
Nos efforts ne sont pourtant pas moindres pour retrouver notre Héraute. Plusieurs de nos membres ont tenté de contacter les rivaux de cette Fondation. Hier, ils ont dit qu’ils allaient enquêter sur une société athée qui ne croit en aucune divinité. Je dois avouer que je ne sais pas pourquoi eux en particulier car pour ma part, je suis persuadé qu’il existe un dieu quelque part. Est-ce que ça ne risque pas de créer un conflit quelque part ? L’Héraute n’a jamais évoqué cette société.
Emmanuel et Olivier sont partis pour leurs prétendues « auditions ». Toujours ensemble, ces deux là, et en plus, ils connaissent tous les rouages de la justice, ils sont magistrats. Ils peuvent jouer de toute menace juridique contre la Fondation. Mais est-ce que la justice des hommes a du pouvoir contre ces personnes ?
Je ne sais pas. La justice est un domaine que je ne connais pas, ça m’est totalement étranger. Je les entends parler de procédures, de mandat d’arrêt, d’ordonnances de renvoi, de mandat de perquisition… Ils sont satisfaits, disent qu’ils ont ouvert une enquête pour enlèvement avec séquestration. Ils veulent attaquer la Fondation en justice pour libérer l’Héraute. J’espère qu’ils vont y parvenir, cela fait déjà deux semaines qu’ils sont partis.
— Bonsoir…
Après un bon mois sans nouvelles, ils sont revenus. En mauvais état. Emmanuel a le visage couvert de bleus et Olivier a un bras en écharpe et un bandage au front. Ils disent qu’ils ont localisée le site où est enfermée l’Héraute, mais qu’ils se sont fait arrêter et tabasser par des policiers lorsqu’ils ont voulu en savoir plus. Ils n’avaient pas de mandat de perquisition. C’est un site localisé au Moyen-Orient. La libération de l’Héraute sera d’autant plus compliquée que la zone est en guerre. Je ne sais pas si Emmanuel et Olivier y sont allés, mais si c’est le cas, je ne sais pas comment ils ont fait pour y parvenir sans se faire canarder.
— Avez-vous pu voir dans quel état elle se trouvait ?
— Non, mais on a su ses conditions de détention, qui sont atroces. Elle est en permanence enchaînée sur une chaise, bâillonnée et personne n’a le droit de lui parler. Ils la réveillent plusieurs fois par nuit en lui assénant des décharges électriques. Ils la nourrissent par intraveineuse.
Nous sommes secoués d’un frisson. C’est de la torture physique et psychologique, ces gens sont des monstres.
— Est-ce que vous avez pu contacter des membres de-
— Oui, répond Olivier sans le laisser finir. J’ai eu dans mon bureau un homme qui a été arrêté alors qu’il était en train de poser une bombe dans une église. J’ai ouvert une enquête, chargé Emmanuel de l’instruction et nous avons découvert que cet homme était membre de cette société athée pour la halte des idéologies religieuses. Nous avons un peu, beaucoup, investigué et sommes entrés en contacts avec des membres plus hauts placés.
— Et nous avons découvert qu’ils sont eux aussi poursuivis par la Fondation. Leur mode d’action est très violent, basé sur les attentats, à la bombe, par exemple. Ils commettent des attentats terroristes, visant n’importe qui, qui et quoi que ce soit ayant attrait à la religion : groupes religieux, institutions religieuses, sectes diverses, et ces attentats font à chaque fois énormément de victimes parmi les populations civiles. Ils sont présents en Europe mais aussi au Maghreb et il est logique de penser qu’ils peuvent aussi se trouver au Moyen-Orient.
— Donc faire sauter un site de la Fondation ne leur poserait pas de problèmes ?
— Il semble que non, répond Emmanuel. Nous avons passé un genre d’accord avec eux : ils nous aident et nous classons l’affaire de la bombe, inventant, Olivier et moi, n’importe quel prétexte, on verra. Ils n’ont pas hésité longtemps.
— Ils attendent que vous les contactiez.
Notre leader pose une main sur l’épaule d’Emmanuel.
— Bravo, monsieur le juge, bravo monsieur le procureur.
Nous applaudissons nos deux braves nouveaux héros, qui ne se départissent pas de larges sourires tout en restant un minimum humbles, comme ils l’ont toujours fait.
Nous pourrons libérer l’Héraute.
Nous pourrons retrouver ce don perdu.