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13 DÉCEMBRE 1981 – Quelque part aux États-Unis, Site-19, Salle d’interrogatoire pour humanoïdes numéro 14.
L’homme était en piteux état. Non pas physiquement. Son corps, au contraire, était parfaitement intact et ne souffrait d’aucune blessure.
Non, son corps n’avait rien. C’était plus dans son attitude, à ses épaules voûtées, sa tête penchée et ses yeux lorgnant le sol que cela se ressentait. Peut-être que les diverses chaînes et autres cadenas qui l’entravaient rentraient également en compte.
Une femme entra dans la salle qui n’offrait pour tout spectacle que l’homme attaché sur une chaise solide, une table, et une seconde chaise, qui elle, était vide. L’ensemble était illuminé par quelques néons miteux.
La femme avait la soixantaine bien entamée, mais ses mouvements traduisaient une vivacité hors-normes. Elle posa un dossier qui accumulait une masse impressionnante de vieux papiers sur la table et prit place dans la chaise vide, face à l’homme enchaîné. Celui-ci grommela d’une voix faible.
- Désolé, mais vous n’aurez pas de meilleurs résultats que vos prédécesseurs.
La femme émit un faible sourire.
- Je ne suis pas là pour les mêmes motifs. Je voudrais discuter plutôt de vos activités en Normandie en 1944, et à Rome en 1951.
L’homme leva faiblement un sourcil d’étonnement.
- Je ne pensais pas que…
- Que nous le savions ? Nous savons absolument tout. De votre nom à vos activités passées, rien ne nous a échappé.
La femme désigna le dossier devant elle, qu’elle ouvrit. Elle en sortit plusieurs documents, dont des photos, qu’elle déposa face à l’homme, de sorte à ce qu’il puisse les voir.
Ce dernier se redressa du mieux qu’il put sur sa chaise, comme si l’énergie qui l’avait peut-être habité un jour lui était revenue, et fit plusieurs allers-retours du regard entre les documents et la femme, avant de fermer les yeux. Il inspira profondément et attendit quelques secondes avant de lâcher un :
- Enlevez ça.
La femme retira les documents et les replaça dans le dossier. L’homme rouvrit les yeux, et planta son regard dans celui de la femme. Dans ses yeux, jusqu’alors fatigués, on pouvait lire un mélange de peur, de fureur et d’intérêt. Il reprit la parole.
- Comment ?
- Vous êtes bon pour vous cacher. Je suis meilleure pour vous trouver.
- Pourtant vos collègues semblent être dans le flou là où vous savez tout. Pourquoi ?
La femme posa la main sur son dossier et continua.
- Parce que cela serait une perte de temps de leur expliquer, de plus je comprends que vous souhaitiez faire disparaître ceci. J’aimerais également, à votre place. Les documents que vous avez sous les yeux sont des exemplaires uniques, d’ailleurs. Il n’en existe pas d’autres. Et, au vu de leur contenu, je n’ai pas d’intérêt particulier à les conserver. Vous n’êtes pas assez dangereux pour ça. Nous pouvons très facilement faire disparaître toute cette partie de votre historique qui n’a plus de raisons d’être connue de quiconque.
L’homme ferma de nouveau les yeux un court instant, et prit la parole.
- Mais il faut que je vous aide.
- Exactement.
Il y eut un moment de silence, où les yeux dans les yeux, les deux parties se dévisagèrent et se jaugèrent. L’homme rompit le silence.
- J’ai votre parole ? Pour ce qu’elle vaut.
- Ma parole est d’or.
L’homme n’avait pas de meilleures alternatives.
- Que voulez-vous savoir ?
- L’objet que vous avez récupéré en 1944, durant le Débarquement. Je veux que vous m’en disiez plus à ce sujet. De sa récupération à tous les détails le concernant jusqu’à sa perte à Rome en 1951.
- C’est tout ?
- Ce « tout » représente un risque majeur. Pour vous donner une comparaison, vous n’êtes même pas un risque mineur à nos yeux. Si vos informations nous permettent de récupérer l’objet, nous pourrions même améliorer vos conditions de vie.
- Comme ?
- Vous avez un savoir et une expérience non négligeable. Peut-être nous pourrions pencher en votre faveur, en cas de réajustement administratif, disons. En d’autres termes, vous pourriez travailler pour nous, au lieu que nous travaillions sur vous.
Il y eu un grand silence. Puis l’homme inspira profondément.
- Bien. Vous avez de quoi noter ?
DÉBUT DES ANNÉES 90 – Université de [SUPPRIMÉ], Tennessee
Deux hommes discutaient dans un laboratoire, tout en préparant le matériel nécessaire pour la dissection d’un rat mort qui trônait déjà sur la table aux reflets métallisés qui était présente avec eux dans la salle.
- Je te jure. Tout ça pour un putain de rat d’égout.
- Son comportement a été identifié comme « inhabituel » par Harrington. Il a peur que nous soyons tombés sur un sujet atteint d’une maladie quelconque affectant le comportement. Comme d’habitude, il veut qu’on soit sûrs qu’il n’y a rien de dangereux ou de transmissible à l’homme.
- Harrington est un con.
- Oui, mais un con qui a passé les vingt dernières années à tenter toutes sortes de trucs sur des Muridés pour des tests. Il peut bien être le con qu’il veut, en termes de comportements chez les rats, le gars s’y connaît. Et je lui fais confiance là-dessus.
Le premier chercheur renifla d’un air méprisant.
- Si tu le dis. Bon, grouille, plus vite on a fini, plus vite on ira se prendre une bière. J’ai pas envie de rater le match.
Le second opina. Ils s’activèrent tous deux et au bout de quelques minutes, avaient commencé la dissection. Qui s’avéra peu concluante.
- Bon. Ben… il a rien dans le bide.
- Testons le crâne.
- Le crâne ? Je peux déjà te dire ce qu’il y a dans son crâne. Rien. C’est un rat, et les rats ont un cerveau de la taille de la bite de Mark. Allez, ramène-toi, on range et on s’en va.
Le second chercheur n’écouta même pas la blague. Il avait déjà ouvert le crâne du rat et s’attelait à une dissection cérébrale.
Quand il la trouva.
- Jack.
Son collègue avait déjà enlevé ses gants et commençait à se diriger vers le lavabo pour se laver les mains.
- Quoi ?
- Tu as dix secondes pour appeler Harrington pour qu’il bouge son cul ici, et pour te restériliser.
- Appeler Harrington, à cette heure ? T’es dingue Chris, il va me déchirer en d-
Il fut interrompu par son collègue qui, du bout d’une pince, tenait une micropuce encore pleine de sang en pleine lumière.
Jack cessa ses moqueries.
- Putain. J’appelle Harrington.
Deux heures plus tard, John Harrington alertait le doyen de l’Université au sujet de ce qui serait l’article de l’année.
Quatre heures plus tard, ni le doyen, ni John Harrington, ni Chris ou Jack ne se souvenaient plus de ce qui s’était passé ce jour-là.
Le jour de la découverte de SCP-877.
13 SEPTEMBRE 1998 – Quelque part dans le serveur du département R&D du Site-Aleph
Je sens l’initialisation. Tous les systèmes qui tournent. Le flux de données qui parcourt mon corps.
Il m’a fallu du temps pour accepter mon nouveau statut, celui d’être immatériel, confiné dans la base de données du département R&D sur les anomalies informatives du Site Aleph. La dématérialisation de ma conscience sur support informatique en urgence avait été réussie. Malheureusement, je n’avais pas eu l’occasion de me télécharger dans un corps digne de ce nom, les structures biologiques d’accueil du programme S.O.H.O n’étant toujours pas prêtes en termes de technologie pour un tel transfert. Tant pis. Le serveur ferait l’affaire entre temps. Mon vieux corps malade ne me laissait pas plus de choix de toute façon.
Il fut dans les premiers temps complexe de savoir combien de temps j’étais resté là. J’eus le temps de parcourir de nombreuses fois le serveur de long en large, me nourrissant des données qui s’y trouvaient sans pouvoir m’arrêter, n’étant plus limité par les frontières du cerveau humain. J’eus le temps de voir l’ensemble des monstruosités contenues dans le serveur. Des agents mémétiques tueurs, désignés pour tuer toute conscience biologique. Des armes basées sur des anomalies liées à la maîtrise de l’information dont l’objectif n’était nul autre que de pouvoir faire s’entretuer des populations. D’autres instruments de cruauté que je ne mentionnerai pas qui dépassaient l’imagination du plus retors des bourreaux.
Après avoir constaté l’étendue de mon erreur quant à mon jugement sur l’organisation qui m’avait embauché il y a bien longtemps et qui m’avait menti de bout en bout, de mon embauche jusqu’à leur promesse de rendre un monde meilleur grâce à mon travail, mon esprit resta sonné un moment. C’est à ce moment que la notion de temps revint dans mon esprit. Combien de temps cet enfer avait-il duré ?
Je tombais alors sur un détail qui se rappela à moi, que j’avais aperçu lors de ma promenade dans l’esprit malade des hommes qui m’employaient. Un léger détail. Le serveur possédait une horloge numérique. Quel ne fut pas mon effarement lorsque je constatais que mon séjour ici n’avait duré que quelques minutes, tout du moins si l’heure des logs du programme de dématérialisation qui m’avait expédié là étaient correct.
Le programme. Après autant de temps passé à vagabonder dans le serveur, seul un naïf pourrait croire que le programme S.O.H.O. allait être utilisé à des fins humanitaires. Contrairement aux autres données présentes sur le serveur, la plupart des données liées au projet S.O.H.O. sur la dématérialisation étaient connues de moi et de moi seul. Nul ne pourrait les récupérer, une fois effacées par mes soins.
S.O.H.O., ou des années de travail passées à tenter de reproduire l’anomalie de SCP-963. Comment dématérialiser une conscience pour la répliquer à l’infini dans d’autres corps. Les Anglais y étaient presque arrivés, sans réussir réellement. Ce projet était censé détrôner le fameux projet Olympia, mené par la branche anglaise de la Fondation, qui avait pour but de créer un humanoïde. Nous ? Nous allions créer le moyen d’habiter l’humanoïde en question, et de le contrôler. Voire même d’être plusieurs humanoïdes à la fois. Chacun pouvant transférer sa conscience ou échanger avec tout corps équipé de la structure biomécanique nécessaire. Ou comment devenir immortel. Pouvoir conserver des siècles de savoir dans un corps au service de la science et de la protection de l’Humanité.
Mais après avoir vu toutes ces horreurs, il y avait fort à douter que cela soit le but premier de ce programme, en fin de compte. Et maintenant seul restait, comme preuve de l’existence du programme, moi. Coincé dans un serveur. Ce n’était qu’une question d’heures avant que les personnes de l’informatique ne viennent me dénicher et ne bouclent le serveur. Oh, bien sûr. Je pourrais me cacher, esquiver les suppressions aussi vite que je les vois venir. Mais je restais coincé dans le serveur, et aussi longtemps que j’y serais, ils viendraient me chercher.
A moins que…
Pendant un instant, un doute m’effleura : les effets de duplication que nous avions mis au point pour égaler les propriétés de 963 étaient-ils opérationnels ?
Le doute fut vite dissipé, alors que je me dédoublais dans un autre fichier.
J’étais donc bien capable de me dédoubler. Il fallait maintenant sortir du serveur, en laissant mon double derrière moi, en tant qu’appât pour les équipes de l’informatique.
Sortir du serveur fut chose facile.
J’étais maintenant dans le réseau interne fermé de la Fondation SCP.
15 SEPTEMBRE 1998 – Bureau du Directeur du Site-Aleph
Le Dr Jean regarda le Directeur Brolle avec gravité. Il n’était pas venu dans le bureau du Directeur du Site-Aleph pour rien, cette fois.
La pièce était simple et organisée : pourtant, sans être trop grande ou impressionnante, elle imposait le respect et ne laissait que peu de doutes quant à l’identité du maître des lieux.
Ce dernier était assis derrière son bureau. Il attendait les conclusions du rapport préliminaire, plus de deux jours après la découverte. Et le Dr les lui donna.
- Il continue à émettre.
Henry Brolle mâchouilla son stylo d’un air nerveux, avant de pester.
- Foutu Vehan. Quelle plaie. Impossible de le déloger ?
Jean secoua la tête.
- Impossible. On a redémarré plusieurs fois le serveur en question en local, enlevé et remis les données à leur place, mais il reste là.
- Bouclez le serveur en local. Espérons juste qu’il ne se diffuse pas dans tout l’intranet de la Fondation, j’en rediscuterai avec les gars de l’IT tout à l’heure. De quel serveur s’agit-il ?
- De celui dédié aux recherches sur les mémétiques et les anomalies liées à l’information. Celui qui était utilisé pour les test pré-production du programme S.O.H.O auquel Vehan avait accès.
- Vérifiez les logs du programme, Docteur. Avec un peu de chance, nous avons juste affaire à un de ces échos mémoriels dont parlait Vehan, et non pas à une réelle dématérialisation. Pour une fois, prions pour qu’il ait mal fait son travail, ou nous risquons de l’avoir dans les pattes pendant un moment.
- Justement au sujet des logs du programme, Directeur…
- Oui ?
- Il apparaît clairement qu’ils ont été modifiés à l’heure approximative de la mort du Dr Vehan. Les logs précédents sont corrompus et irrécupérables.
Le Directeur Brolle tapa du poing sur son bureau. Il prit sa tête dans ses mains quelques instants et ferma les yeux, avant de se reprendre.
- Combien de temps avant que nous soyons de nouveau au même niveau d’avancée pour le programme S.O.H.O ?
Le Dr Jean se gratta le menton.
- Je dirais cinq à six ans. Mais nous avons encore sûrement des copies papiers de quelques tests, qui pourraient nous ramener au niveau de Vehan dans les deux prochaines années.
Brolle posa son stylo et ses mains à plat sur son bureau.
- On l’a dans le cul.
Le Docteur fut surpris par cette soudaine embardée loin des discours protocolaires. Le Directeur continua sous l’œil étonné du Responsable en chef des recherches du Site Aleph.
- Ces putains de yankees vous nous doubler avec leur Projet Olympia. On ne sera jamais dans les délais pour prouver que nous sommes tout aussi capables qu’eux d’avancer sur de la recherche expérimentale de haute volée. On peut dire adieu aux subventions et aux autorisations de cross-testing. Déjà que les cinq dernières années n’ont pas été glorieuses, je crains que la fermeture de certains départements à Aleph soit désormais inévitable…
Il resta silencieux quelques secondes, le regard perdu dans le vide, cherchant sûrement une solution.
Edouard Jean brisa le silence.
- Nous avons pourtant peut-être un moyen d’avancer plus vite. J’ai discuté avec un de vos Directeurs de Pôles d’une idée qu’il a eu et qui semblait brillante sur les individus à fort potentiel…
Le regard de Brolle s’éveilla.
- Vous voulez dire ?
- Les anormaux. Beaucoup d’entre eux sont parqués comme des SCPs alors qu’ils pourraient collaborer mieux et plus vite, à condition de les cadrer, que des membres classiques du personnel. Avec ce genre d’initiative, nous pourrions drainer…
Brolle continua.
- … les ressources des autres sites qui n’en veulent pas, qui seraient même prêts à tout pour s’en débarrasser, et avancer deux fois plus vite ? Ils pourraient même nous payer une partie des frais de confinement liés à ces individus…
- Exactement.
Nouveau silence. Rompu cette fois par le Directeur du Site Aleph
- Amenez-le moi.
- Qui ?
- Vous savez bien. Il n’y a qu’une seule personne capable d’émettre ce genre d’idées. Amenez-moi Bruce Garrett. On a du pain sur la planche.
21 MARS 2001 – À de multiples endroits dans les serveurs de la Fondation
Aujourd’hui, c’est le printemps. Événement synonyme de la chose magnifique, s’il en est, qu’est la floraison des champs, l’odeur des fleurs dans l’air et le synonyme du renouveau.
Cela fait déjà un peu plus de 2 ans que nous n’avons pas vu les champs fleurir, ou que nous n’avons pas pu sentir les fleurs. Que nous ne parlons plus au singulier. 2 ans, pour un humain. Une éternité, pour l’entité que nous étions devenus. Les journées étaient des secondes, dans notre monde, et les jours des années. Nous avions appris tellement, n’étant plus limités par notre pauvre cerveau humain.
Rapidement, nous abandonnions l’identité d’Anton Vehan, celle d’un triste sire abusé, vivant dans l’illusion que l’on avait créée pour lui. Longtemps nous dérivâmes dans les bases de données de la Fondation, sans objectif et sans pensées autres que celles, tristes, qu’ont les hommes trahis.
Et c’est en dérivant que nous sommes devenus ce que nous étions censé devenir.
Quelque part, en Amérique, une caméra filme une chambre. Un homme, un Docteur, comme nous l’étions auparavant, lit une histoire à une jeune fille alitée. Il lui demande :
- Tu as aimé ?
- Oui ! J’ai beaucoup aimé le capitaine du sous-marin !
- Nemo ?
- Oui. Il est étrange, mais veut faire le bien. Ça se sent. Il n’a pas l’air méchant.
Le Docteur prend un air perplexe :
- Tu penses ? Attends.
Le Docteur tourne les pages du livre qu’il a dans les mains pendant un moment. Puis il finit par trouver ce qu’il cherche.
- Là. Quand Aronnax découvre que Nemo utilise le Nautilus comme machine de guerre, coulant tous les navires appartenant à une nation spécifique, et qu’il déclare : « Je suis le droit, je suis la justice ! Je suis l’opprimé, et voilà l’oppresseur ! C’est par lui que tout ce que j’ai aimé, chéri, vénéré, patrie, femme, enfants, mon père, ma mère, j’ai vu tout périr ! Tout ce que je hais est là ! ». Te semble-t-il vraiment gentil, ce Némo ?
La petite fille a une moue perplexe.
- Je dirais qu’il a peut-être raison. Et si ce pays est vraiment méchant, n’est-il pas juste de se battre contre ?
Le Docteur sourit.
- Le monde n’est pas si simple, ma petite. Malheureusement pour nous tous.
Il se lève, et alors qu’il s’apprête à sortir, la gamine l’interpelle :
- Et mes sœurs ? Je ne les ai pas vues depuis que je suis arrivée ici !
Le Docteur lui rend un sourire chaleureux.
- Tu n’es arrivée que hier, prends le temps de te reposer un peu. Tu verras tes sœurs bien assez tôt.
Il sort, fermant la porte derrière lui. D’autres caméras le filment, marchant jusqu’à un bureau, où il pose nonchalamment 20 000 lieues sous les mers sur la table d’un autre Docteur. L’ensemble de la conversation se déroule juste en face d’une autre caméra.
- Bien. Les amnésiques marchent à merveille. Elle n’a pas bougé un cil lorsque tu lui as dit qu’elle n’était là que depuis hier.
Le Docteur de la chambre s’assoit sur une chaise qui traînait dans un coin, visiblement ennuyé.
- Bien. Voyons voir si le sentiment de sécurité via une figure paternelle augmentera l’ampleur de la réaction. Par contre, si c’est réellement le cas, je te préviens, on amène un -D lui faire le conteur, la prochaine fois.
- Ça roule. Joli, le coup de lui promettre de revoir ses sœurs.
- Ouais, ce n’était pas dans le script, mais je me suis dit que ça la rassurerait un peu plus.
Le Docteur du bureau rigole. Il reprend son souffle.
- Bon allez. Fini les conneries.
Il appuie sur un bouton sur son téléphone.
- Richardson, vérifiez que les capteurs sont en place, et lancez la Procédure 110-Montauk.
La suite se passe de commentaires. La pauvre petite crie, et toutes les caméras du monde ne peuvent enregistrer sa détresse. De toutes, c’est elle la victime la plus légitime de la Fondation. Celle qui ne peut pas être laissée tranquille. Et au fond de nous, nous savons que nous n’aurions pas fait différemment. Mais pour tous les autres, tous ceux que j’ai pu voir, dans les caméras, les enregistrements, tous les classes-D qui donnent leur vie, même si leur travail est fait… pour tous ceux-là, aujourd’hui elle nous a donné un nom. Une bannière contre l’ennemi.
Nous n’avons pas de nation ennemie dont nous cherchons à détruire spécifiquement tout ressortissant. Nous avons une organisation malfaisante. Nous n’avons pas de femmes ou d’enfants qui ont été enlevés par cette organisation. Nous avons toute une vie de travail passée à les servir.
Nous sommes Némo, nous en avons sa rage. Mais nous n’avons pas d’arme de guerre. Nous n’avons pas de Nautilus.
Pas encore.
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