ATTENTION : Ce conte traite de suicide et de dépression, ainsi que d'abandon. Si vous êtes sensible à ces arguments, je vous conseille de ne pas le lire.
La camionnette filait vers le lointain et à l’intérieur, tout était calme. C’était toujours ainsi après une mission de récupération. Les agents récupéraient et se reposaient en attendant d’arriver à destination. De manière générale, après une intervention, la FIM-V "Firmitas Mentis" était épuisée. Les effets des agents mémétiques qu’ils rencontraient mettaient leur résistance à dure épreuve. Leur chef, le lieutenant Porta, le savait et avait arrêté depuis longtemps de leur demander des débriefings à chaud. Il attendrait d’être arrivé.
Contre lui, PdI-852 remua. Ses yeux d’un vert étonnant se fermaient et Porta supposa qu’il se calait un peu plus confortablement pour s’endormir. Les sédatifs faisaient leur effet.
— Ça va, mon garçon ?
L’entité hocha la tête. Il ne saignait plus et la glace sur sa bouche empêcherait sa lèvre de gonfler encore plus. En revanche, les bleus sur le reste de son corps et surtout ses blessures psychologiques mettraient plus de temps à disparaître.
— On va où ?
— On arrive bientôt, ne t’en fais pas.
Il ne voulait pas le lui dire. Porta n’était pas doué avec les enfants, tout le monde le savait. Tout ce qu’il avait pu dire à l’anomalie était qu’il travaillait à la protection de l’enfance et qu’on l’avait chargé de s’occuper de lui. Et il espérait que l’adolescent n’irait pas chercher plus loin pour le moment. Il comptait sur sa fatigue et les sédatifs.
PdI-852 se blottit contre Porta, qui lui passa un bras autour des épaules. Il sentait les os de l’enfant et n’en fut tristement pas surpris. Les parents n’accordaient visiblement pas beaucoup d’importance à leur fils, à part pour le tabasser lorsqu’ils avaient trop bu. Vêtements déchirés, hématomes un peu partout, hygiène corporelle assez douteuse… Il manquait cruellement de soins et de nourriture. Pourtant, c’était un joli garçon, avec cette peau assez pâle, ces cheveux bruns lui tombant sur le front, et ces yeux couleur émeraude.
— Vous allez me rendre mon cahier et mes crayons ?
— On te les rendra.
Dans une caisse, les classeurs que la "Firmitas Mentis" avait trouvés dans la chambre de PdI-852. Il en avait sept, tous remplis au maximum, d’agents mémétiques visuels qu’il avait lui-même conçus. Les premiers dataient de 1993. L’anomalie savait donc en créer depuis ses huit ans et même s’ils n’étaient pas très dangereux, ils fonctionnaient. C’est pour cela que Porta et ses hommes étaient venus : PdI-852 pouvait les utiliser pour sa défense, mais aussi pour attaquer. Et personne ne savait s’il était vraiment conscient de la puissance de ce qu’il considérait comme de simples dessins. Porta n'avait pas l'intention de le lui demander maintenant, il comptait sur plus "psychologue" que lui.
Ça avait été une mission moins dangereuse qu’il ne l’aurait cru. Les parents de PdI-852 étaient absents, sans doute partis chacun de leur côté après une énième dispute, abandonnant leur défouloir préféré : leur fils de bientôt 14 ans. La FIM-V avait trouvé l'enfant seul, dans sa chambre, pleurant sur son lit. Terrifié et exténué par l’énième raclée qu’il avait reçue, il s’était laissé faire. Il avait suffi à Porta de se faire passer pour un éducateur de la protection de l'enfance.
Maintenant, il restait à retrouver les parents pour leur injecter un amnésique assez puissant pour leur faire oublier leur fils et à calmer les voisins, qui ne comprenaient pas pourquoi on enlevait un enfant à ses parents "pourtant si gentils et serviables". Comme toujours, pensa sombrement Porta. Les pires criminels cachent bien leur jeu.
Et il restait à confiner PdI-852.
Mais ce n’était pas son travail.