Gagner contre les autres

“En rang deux par deux, hop !”

Heureusement qu’il ne fallait plus se tenir la main, pensaient-ils. Aujourd’hui, ils visitaient un musée. Ils n’avaient retenu ni le nom ni le thème, hormis qu’ils allaient voir des tableaux et des œuvres. Il faudrait en choisir cinq pour expliquer ce qu’ils en pensaient devant la classe, devant tout le monde. C’était cette partie qui inquiétait Camille.

Ses récentes absences avaient détérioré le lien, déjà fragile, qu’elle avait avec les autres élèves. Elle se retrouvait toujours entourée de ses amis, mais fuyait le regard de la classe et de monsieur Bouyran. Peut-être était-ce le contexte et les récents événements, mais elle avait parfois l’impression que ce dernier en savait plus qu’il ne le prétendait. Qu’il était au courant du pacte, par exemple. Ce serait embêtant. Mais pour l’instant, elle avançait aux côtés d'Archibald, parmi les longues allées de l’ancien bâtiment.

Le guide leur proposa de leur expliquer le thème de chaque salle et de les laisser se balader à loisir. Il ajouta que donner une cohérence à une exposition, choisir un angle d’approche, était à la fois un service et une trahison pour les artistes. Mathilde se demandait s’ils seraient d'accord avec ces choix. Elle s’arrêta devant un tableau de Monet, puis un de Gauguin. Elle aimait les couleurs chaudes, mais le rouge était systématiquement sanguin. Elle espérait que ce n’était pas dans les thèmes du tableau. Une autre œuvre attira alors son regard.

C’était une pièce récente, réalisée pour cette salle par un ferrailleur. Des engrenages, des pistons, des tuyaux, des écrous et de nombreux autres objets étaient assemblés pour créer cette étrange forme humanoïde. Elle se tenait simplement droite, debout, comme si elle ne bougeait pas. Les couleurs et les motifs peints trompaient l’œil : quand on détournait le regard, on avait l’impression que la statue se mettait à bouger dans notre champ de vision périphérique. Pensant que l’œuvre pouvait être une créature étrange, Mathilde réunit les Jacobusiers et ils menèrent quelques discrètes expériences afin de vérifier la nature de l’objet. Ils en conclurent que ce n’était qu’une très bonne réalisation. Mais elle remarqua les regards méfiants des autres enfants. Elle retourna à ses pensées. Elle n’aimait vraiment pas se sentir jugée.

Ils restèrent au niveau de la statue un moment. Héloïse avait entrepris de noter chaque aspect qui semblait contribuer à créer l’étrange effet. Elle avait l’air agacée. Cette distraction la concentrait.

Quelques jours avant, une dame de la garderie était venue leur demander s’ils avaient un problème avec les autres élèves. Ils avaient répondu que non, qu’ils étaient juste très bons amis. Mais ils n’avaient pas osé lui dire qu’ils avaient l’impression d’être toujours observés avec un certain dédain, sans forcément savoir quel membre du groupe le suscitait. Récemment, il était clair que Camille était la cible des moqueries. Même si ces regards étaient plus rares en temps normal, chacun se sentait coupable de la situation et l’exprimait à sa façon. Héloïse s’agaçait, comme si le fait qu’on ne l’apprécie pas était une absurdité. Camille regardait le sol, courbait le dos et s’assurait de parler en chuchotant autant que possible. Mathilde tapait du pied, s’émerveillait. Elle savait que les autres essayaient de s’aplatir pour qu’on les regarde moins, alors elle essayait de devenir assez énervante pour qu’ils trouvent quelque chose de plus intéressant à faire. La stratégie finissait parfois par payer. Elle se demandait vraiment pourquoi un groupe d’amis suscitait autant de désapprobation. Peut-être qu’ils n’osaient pas venir jouer avec eux et reportaient leur frustration ? Tant mieux, elle n’avait pas envie de jouer avec eux. Elle sentait qu’ils seraient sûrement plus ennuyeux qu’autre chose.

Ils pénétrèrent dans la cour intérieure du musée.


Ils avaient déjà du mal à s’entendre avec les autres avant, ils s’en souvenaient bien. Mais ça avait empiré.

Camille avait vomi par terre en cours. Sûrement une maladie, ou un autre problème, mais les élèves s’étaient moqués. Eux, non. Ils avaient été délaissés par les autres et maintenant ils restaient ensemble. “Le gang de vomito” était leur nouveau surnom. Héloïse aurait voulu leur crier qu’ils étaient débiles, mais la fois où elle avait commencé, le maître l’avait punie. Elle s’était expliquée et, s’il avait eu l’air inquiet, rien de ce qu’il avait dit à la classe pour calmer la situation n’avait été efficace. Ils étaient déjà en conflit avec de nombreux adultes, gérer les enfants qui auraient être des leurs était déprimant.


On leur donna une heure de répit pour profiter du pique-nique. La cour n’était pas très grande, mais assez pour que chaque petit groupe ait son espace. Archi’, nonchalamment, proposa une contre-attaque. La discussion sur le plan fut reportée quand monsieur Bouyran vint s’installer non loin. Ils devaient chuchoter, mais il s’en rendrait compte. Alors ils s’éloignèrent un peu pour continuer à médire sans limite. Ils étaient conscients de leur mesquinerie, mais ils ne s’en voulaient pas trop. Après tout, les autres le faisaient aussi, et bien moins discrètement.

Le repas se déroula dans le calme relatif que l’on retrouvait dans les réunions nocturnes dans une partie de loup-garou. Et alors qu’ils s’apprêtaient à commencer une partie de cartes, le professeur vint leur parler.

“Tout va bien ?”

À quoi s’attendait-il ? À une réponse honnête tenant compte de toutes les implications et conséquences qu’elle pourrait avoir. Cette question mettait les enfants dans une posture inconfortable : ils étaient rendus responsables par l’adulte de ce qui pourrait aller de travers. Les adultes s’imaginaient que parler permettait de résoudre tous les problèmes. Héloïse était d’accord, mais elle pensait que les adultes oubliaient que, pour que la parole ait un effet, il fallait parler le même langage. Or, des idiots qui répétaient inlassablement “vomito” étaient probablement incapables de saisir toute la méchanceté et la bêtise de leurs actions. Au contraire, de leur point de vue, ils avaient parfaitement raison. Peut-être même qu’ils pensaient que c’était une bonne chose puisque ça renforçait leur unité. Elle trouvait les autres enfants cruels, stupides, mesquins. Puis elle se rappela que les adultes n’étaient pas forcément meilleurs, peut-être juste plus polis. Cette pensée lui glaça le sang. Elle allait vivre dans un monde où ce comportement était considéré comme normal.

Le silence qui répondit au professeur était lourd de toutes ces considérations. Mathilde cherchait ses mots pour bien expliquer la situation mais avait la conviction que ça ne servirait à rien. Dans quelques jours, un événement aurait lieu et tous les enfants seraient à nouveau “copains”, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre se ridiculise et soit moqué. Le fait que les moqueries persistent était probablement une conséquence du soutien. Un individu isolé par le groupe avait été entouré et protégé. Pire, les personnes le soutenant n’avaient pas été se plaindre ou se moquer de lui dans son dos. Ils étaient restés soudés. Quand Archibald avait exprimé cette pensée, ils s’étaient tous sentis fiers. “Certains adultes n’y parviennent pas” lui avait dit sa mère.

“Tout va bien, maître.
— Vous êtes sûrs ?
— Oui.”

Ça ne servait à rien d’épiloguer.

“J’ai l’impression que vous ne vous entendez pas très bien avec la classe en ce moment, vous sauriez me dire pourquoi ?”

La réponse leur paraissait tellement évidente qu’ils en furent abasourdis. La voix de Mathilde s’éleva :

“On n’a pas de problème avec eux, ils en ont avec nous. On va pas se forcer à être copains avec des gens qui ne nous aiment pas.”

Les autres acquiescèrent.

“Ils ne vous connaissent pas assez, vous êtes toujours fourrés ensemble et votre petite bande est si parfaite que ça doit être intimidant de venir vous parler.
— S'ils se mettent à se moquer quand ils sont intimidés, je ne veux pas être leur copine, déclara Mathilde.”

Le professeur se gratta la tête nerveusement.

“Vous avez une bonne dynamique de groupe, c’est très rare à votre âge. Enfin, c’est rare en général, en fait.”

Héloïse secoua la tête, Camille eut un air pensif et Mathilde répondit doucement :

“S’ils ne veulent pas nous parler, ce n’est pas à nous de les intégrer dans notre groupe. Justement, si ça fonctionne bien, on veut en profiter. J’ai pas envie de m’occuper de la vie soc-… soss quoi ?
— Sociale ?
— Merci Hélo’, j’ai pas envie de m’occuper de leur vie sociale. On est pas responsables d’eux s’ils savent pas comment avoir leur groupe cool.
— C’est plutôt votre rôle, ça, monsieur, ajouta Archibald.”

Il visait juste. Il n’aimait pas du tout les conflits en général, encore plus avec les adultes. Les enfants ne comprenaient pas pourquoi ils avaient tort et les adultes ne voulaient pas comprendre pourquoi ils avaient tort. Ils le faisaient toujours se sentir bête, même quand ils ne lui montraient rien qui indique qu’il n’avait pas raison. Cet air suffisant, ce sourire indulgent du grand qui n’a pas à se donner la peine de réfléchir face au petit. Il espérait que monsieur Bouyran était différent. Il ne s’était pas trompé. Il avait vraiment l’air de réfléchir.

“Vous avez raison. Cependant, même s’ils ne sont pas capables de venir vers vous, vous pouvez aller vers eux. Ce n’est pas un devoir, juste une possibilité. Vous êtes assez matures pour savoir la chance que vous avez, pour vous soutenir et savoir ce qui pose problème. Vous l’êtes aussi sûrement assez pour agir dans l’intérêt des autres.”

C’était sensé, et ces paroles les remplirent d’orgueil. Ils pouvaient vraiment avoir un si grand impact sur leurs camarades ?

Mathilde secoua la tête et reprit.

“C’est trop. Nous sommes des enfants. Notre rôle n’est pas de prendre soin des autres, surtout quand ils nous embêtent. Ils sont fatigants, on pourra s’occuper d’eux quand ils le seront moins et que ça ne nous demandera pas trop d’effort.
— C’est-à-dire jamais, ce sont des idiots, cracha Héloïse.”

Le maître sourit tristement.

“Excusez-moi, je vous comprends. J’oublie souvent ce que c’est d’avoir votre âge. Je pensais juste que j’aurais aimé que des gens comme vous me tendent la main, quand j’étais à leur place.”

Archibald se retenait de dire qu’être sympathique avec des idiots était une perte de temps, mais il savait que ce n’était pas quelque chose de gentil à dire. Il ne devait pas être méprisant.

Le maître s’éloigna tandis qu’ils commençaient, enfin, à jouer aux cartes. Ils avaient le cœur plus léger, ne craignant plus de se faire gronder pour leur comportement. Le guide les appela peu après et la visite reprit dans l’autre partie du musée.

En avançant, Mathilde se demanda s’il était normal que des enfants de leur âge aient à se préoccuper de ces aspects de la vie sociale. Elle en avait déjà parlé avec d’autres enfants du centre aéré et personne n’avait eu l’air de se poser ce genre de question. Sauf Sacha. Mais Sacha ne venait pas tout le temps. Il faudrait qu’elles en discutent. En retournant dans la masse d’enfants, elle se mit à de nouveau espérer que la tension redescende vite. Elle n’aimait vraiment pas être au centre de l’attention dans ces circonstances. Même si ça lui donnait une bonne excuse pour ne pas leur parler.


“Venez voir !
— Quoi ?
— Chut ! Faut pas qu’on nous remarque. Mission des Jacobusiers.”

Sans un mot de plus, ils suivirent Archibald. Il les mena dans un coin de la salle, près d’une poubelle. Après avoir vérifié que personne ne les regardait, le petit garçon murmura :

“C’est bon, tu peux parler.
— Ah, merci.”

La voix venait de la poubelle. Pas depuis le sac ou le couvercle, elle émanait littéralement de la poubelle. Elle ressemblait à celle d’une adolescente. Mais elle venait d’une poubelle.

Une poubelle qui parle. Une. Poubelle. Qui. Parle. Un objet reconnu comme inanimé par la quasi-totalité de l’humanité parlait. Il existait des milliards de poubelles dans le monde et celle-ci parlait. ELLE PARLAIT. Héloïse bloqua. Elle avait la bouche entrouverte et le fait qu’elle soit sèche l’empêchait de baver avec un air stupide.

“Tu… c’est vraiment une poubelle qui parle ? demanda Mathilde.
— Oui, répondit ladite poubelle.
— Mais…
— C’est pas possible, dit Héloïse en reprenant ses esprits, et pourquoi nous parler à nous, et qui nous dit que ce n’est pas une radio cachée dedans, et où est votre cerveau, et comment vous fonctionnez, où est votre organe respiratoire, si on vous découpe est-ce que vous saignez ? Et…
— Doucement, doucement. Normalement je ne devrais pas parler tout court, mais j’ai beaucoup trop faim. Ça fait des semaines que j’ai rien d’autre à manger que des mouchoirs, et ça nourrit pas. Et surtout, c’est pas bon !
— On dit pas que c’est pas bon, on dit qu’on n’aime pas.”

Camille se sentit bête.

“Bah bouffe les tes mouchoirs plein de morve, vas-y, je te regarde.
— Vous avez des yeux ?”

Il y eut un silence. On aurait dit que la poubelle essayait de se calmer.

“Techniquement, non. Mais je sens que vous êtes là, et je sens plein de choses en fait. Votre taille, votre voix, etc. Sinon, vous avez pas un petit quelque chose à graille ? Un bonbon ?”

Une poubelle qui parle, qui a faim, qui dispose probablement d’un système digestif, qui peut se vexer. C’était absurde. Dans l’hypothèse où la seconde espèce sentiente de la planète serait une poubelle, il était totalement improbable que 1) elle ait développé un langage strictement identique à celui des humains et 2) elle dispose d’un prisme de perception et de capacités émotionnelles similaires. La réponse était que ce n’était pas une poubelle mais un humain transformé en poubelle. Héloïse ne pouvait pas passer à côté de ce spécimen.

“D’abord, on voudrait que tu répondes à quelques questions, dit-elle d’un ton autoritaire.”

Ils sortirent le carnet, placèrent les rubriques afin de savoir quelles informations demander et, d’un même élan, se retournèrent vers la poubelle.


“Comment tu t’appelles ?
— Tu as quel âge ?
— Est-ce que tu es vraiment une poubelle de naissance ou un humain transformé en poubelle ? Est-ce que ton âme a été arrachée à ton corps et transférée dans une poubelle ? Est-ce que tu te souviens d’une vie avant d’être une poubelle ?
— Pourquoi tu ne devais pas parler ?
— Tu aimes quoi comme bonbon ?
— Si tu es vraiment une poubelle, est-ce que tu es une entité vivant dans le corps d’une poubelle ou une poubelle ?
— Est-ce que tu as des organes vitaux ? Comment tu respires ? Où va ce que tu manges ? Comment marche la nutrition chez les poubelles ?
— Est-ce qu’il y a des poubelles diabétiques ?”

Les questions s’enchaînèrent par ordre croissant de complexité. Finalement, ils remplirent la fiche.

Poubelle qui parle

Effet : C’est une poubelle qui parle, intelligente, et qui mange ce qu’on met dans la poubelle.

Mange : Tout mais c’est pas toujours bon.

Interrogatoire :
Âge : Elle sait pas
Origine : Née poubelle.
Doit pas parler parce que : Veut pas nous dire.
Aime : Les oursons, les bonbons coca-cola, les crèpes, les chocolat, mais surtout les bonbons coca-cola.
Organes : Veut pas nous dire.
Poubelle diabétique : On n’a pas le droit de l’écrire.


“Je peux avoir un truc à manger maintenant ? demanda la poubelle d’un ton suppliant.”

La question, bien qu’elle n’ait pas reçu de réponse les cinq dernières fois, n’avait pas été ignorée. Seulement, les enfants n’étaient pas sûr de vouloir donner des haribos à une poubelle. Ce fut Camille qui sacrifia sa tablette de chocolat. Si la poubelle avait eu des yeux, ils l’auraient vue pleurer de joie.

Pendant que leur nouvelle amie savourait son repas, Mathilde eut une idée.

“Si elle n’a pas le droit de parler, ça veut dire qu’elle mourra de faim jusqu’à ce qu’elle transgresse les règles une autre fois, donc on pourrait l’aider un peu.
— Comment on pourrait faire ça ?
— On peut lui faire une pancarte ! répondit Camille, jamais à court de bonnes idées.
— Qui demanderait de laisser des bonbons ?
— Oui, comme ça, peut-être que des gens trouveront ça drôle et le feront.
— Bonne idée ! Je vais demander au monsieur du musée si on a le droit.”

Héloïse marcha d’un pas vif, traversant les salles à toute vitesse. Elle expliqua leur projet au guide, en omettant la partie où ils avaient parlé à une poubelle. Il trouva l’idée amusante et les laissa faire. À ses yeux, c’était une enfant innocente et mignonne. Monsieur Bouyran aurait sûrement compris qu’il y avait autre chose que de la simple imagination à l’œuvre.

Elle s’en retourna auprès de ses amis, mais elle ne put éviter les regards.


“Vous avez une poubelle comme copine maintenant, les bébés ?”

Pourquoi avait-il fallu qu'ils trouvent le courage de venir en face ? Les esquiver était plus complexe. Il ne fallait pas les blesser. Le maître était trop loin pour venir régler la situation. Mathilde était occupée à préparer la pancarte avec Camille. Archibald et Héloïse se regardèrent.

Ils ne devaient pas être méchants, mais ça ne voulait pas dire laisser des idiots s’en sortir vainqueurs. Il fallait répondre d’une façon qui les ferait se sentir bêtes. Et il ne fallait pas non plus rester silencieux. Ou alors sourire, se moquer d’eux. Archibald gloussa, elle l’imita. Camille les regarda en souriant. Les autres enfants affichaient un air décontenancé. Héloïse prit la parole, d’une voix nasillarde :

“Nora, tu veux qu’on te rappelle que tu étais madame Pissolit ?”

Archibald ouvrit grand les yeux. Ce n’était pas la répartie cinglante comparant leur comportement à celui d’organismes monocellulaires qu’il avait imaginé. Mais le visage rouge de l’autre petite fille le rassura.

C’était en CP ! Moi au moins j’ai pas vomi cette année !
— On peut vomir parce qu’on est malade, mais faire pipi en plein cours à six ans…”

Peut-être que sa tête allait exploser si elle continuait à rougir, ça réglerait le problème. Avant qu’ils ne puissent confirmer cette théorie, d’autres les appelèrent et les importuns s’en furent, non sans lancer quelques regards se voulant effrayants.

“C’était pas une réponse intelligente, Héloïse, fit remarquer Archibald.
— Elle n’aurait pas compris si j’avais dit quelque chose d’intelligent, c’est pour ça qu’elle est bête, répondit-elle en haussant les épaules.”

Ils laissèrent la pancarte, remercièrent le guide et retournèrent vers les autres.


Sur le trajet du retour, ils discutèrent de l’exposition, partageant leurs quelques notes pour bien remplir les devoirs. Mathilde écrivit une question qu’il ne fallait pas que les autres entendent. Elle la fit passer dans le groupe, leur demandant de répondre.

Vous n’avez pas peur qu’on finisse seuls ?

Chacun ajouta son idée. Elle les lut et leur sourit. Elle essaierait d’y croire.


Dans le musée, sur la poubelle du coin Nord de la septième salle, on pouvait voir une pancarte sur laquelle était écrit :

“Laissez-moi un petit bonbon ! PS : Je préfère les haribos coca.”


La nuit tomba dans le musée. Et, dans le silence, des poubelles statuaient du sort de leur congénère. Parler aux humains était interdit. Les conséquences pouvaient être terribles pour la communauté. Il fallait un châtiment. Mais il était difficile de ne pas la comprendre. Elle avait l’un des pires emplacements. Les autres poubelles mal placées étaient pourtant les premières à l’accabler, disant qu’elles savaient se maîtriser et que sa gourmandise mettait en péril le groupe. Il est vrai que le musée n’était pas l’endroit idéal. Mais il valait mieux être groupées, au cas où.

Une poubelle plus large, plus abîmée aussi peut-être, se fit entendre.

“J’espère que tu as eu la prudence de ne rien dire sur nous et notre nature.”

Si les poubelles pouvaient déglutir, ça aurait fait ce bruit là :

“Glong.”

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