Monstres en Liberté

Kagome kagome
Kago no naka no tori wa
Itsu itsu deyaru
Yoake no ban ni
Tsuru to kame ga subetta.
Ushiro no shoumen daare


Assise dans la pénombre de l’Antre des Monstres, Yume Kurosawa se chantonnait une vieille comptine japonaise à elle-même. À l’extérieur, elle pouvait entendre bavarder la foule grouillante de visiteurs s’aventurant dans les douzaines de stands et d’attractions que le Cirque de L’Inquiétant proposait. Plus loin sur le champ de foire, on pouvait entendre des cris de terreurs parcourir les manèges, et les hurlements occasionnels de triomphe ou de déception venant des stands de jeux. En apparence, Yume garda un sourire stoïque, mais intérieurement, un frisson d’angoisse la parcourut ; même si elle ne pouvait pas le voir, elle pouvait entendre le Cycliste, le chien de garde du Monsieur Loyal, quelques pièces plus loin, ses ignobles roues de métal grinçantes tournant encore et encore alors que les pieds de son Cavalier tâtonnaient inégalement sur les vieilles pédales du vélo.

L’Antre des Monstres se trouvait environ à vingt pieds du domaine du Monsieur Loyal. Contrairement à l’écarlate et à l’or qui ornaient le Grand Chapiteau, l’Antre était une tente teinte d’un sombre violet venimeux et de vert fluorescent. C’était ici que ceux comme elles étaient contemplés avec effroi et ébahissement pour leurs anormalités. Yume avait passé la majorité de ses dix-sept ans au sein du Cirque à cet endroit ; maintenant âgée de vingt-trois ans, c’était la seule vie à laquelle elle était habituée, et cette tente était le seul endroit où elle était entourée par les quelques personnes qu’elle considérait comme ses amis. La vie était difficile pour un monstre ; Manny était gentil avec eux, mais le Monsieur Loyal méprisait tous les résidents de l’Antre, comme s’il les considérait comme ses jouets. Personne n’osait protester cependant ; cela risquait d’être bon pour un ticket aller simple pour les Clowns.

Le long du mur de la tente, Kurosawa observait les posters montrant différentes bizarreries humaines ; toutes avaient un grand sourire sur le visage, toutes avaient l’air en forme et surtout, elles avaient toutes l’air d’être heureuses. Kurosawa plissa les yeux d’amertume et baissa le regard sur ses pieds, puis continua de fredonner sa chanson. Sa période en tant qu’exposition était terminée, et maintenant elle avait dix heures de libres à passer avec sa solitude…


Maman, elle est dégoutante !
On peut y aller maintenant ? Je n’aime pas ces gens…
Bizarre !…
Snif…Snif…
Monstres.
Bêtes de foires.
Cinglés.

Monstres

Monstres


Squeak, Squeak, Squeak

Yume fut sortie de sa sieste de deux heures par le bruit distant d’un haut-le-cœur, suivi de cris d’émerveillement. C’était un son familier auquel elle s’était habituée vers la dix-septième année ; elle et la personne faisant ces bruits avaient été recueillies par le Cirque à quelques semaines d’écart l’une de l’autre.

"C’est au tour de Quincy…" murmura-t-elle. Alors qu’elle disait ces mots, une brise souffla dans sa chambre, et avec elle vinrent trois délicates créatures ailées. Des machaons. Les papillons voltigèrent autour de Yume en synchronisation, guidée par la volonté de leur maitre. C’était un geste de camaraderie auquel ils étaient habitués. Se pinçant les lèvres, Yume eut un sourire triste et leva un doigt ; les papillons volèrent autour, puis s’en allèrent lentement, retournant vers là où ils étaient venus, retournant dans l’Antre. Yume savait qu’il ne valait mieux pas les suivre ; c’était contraire aux règles qu’un Monstre de Foire non prévu au programme entre dans l’Antre lors d’un spectacle. Mais quand même, elle aurait aimé pouvoir admirer le numéro de Quincy ; elle envia presque à son ami les réactions positives que la foule lui accordait. Elle regretta immédiatement d’avoir pensé ça.

"C’est stupide," se dit-elle à elle-même. "Tout est tellement si stupide…"


La pièce principale de l’Antre faisait près de cinquante pieds de long et était peu éclairée, à l’exception d’une douzaine de piédestaux qui longeaient l’intérieur de la tente ; ces piédestaux illuminaient chacun un Monstre de Foire. Il y en avait cinq d’exposés pour le moment. Quatre restaient sur leurs stands ; le cinquième était au centre, illuminé par les spots de lumière.

C’était un homme d’une trentaine d’années, maigre et pâle, habillé d’un costume à froufrou rose vif, rouge et vert ; une tiare en plastique bon marché tenait tant bien que mal ses cheveux, blond au naturel, mais qui étaient actuellement teint en violet. Sa bouche se tordait en d’étranges formes, comme s’il essayait d’avaler une mauvaise pilule. Puis, soudainement, il vomit. Un torrent de rouge vermillon, d’orange et de noir sortit de sa bouche, s’étalant sur le sol. Pendant un moment, la masse qu’il avait éjecté resta inerte. Puis elle commença à s’élever. Elle commença à voler. Le public cria d’enthousiasme une fois de plus. Quincy Allicott, l’Homme Avec Des Papillons Dans Le Ventre, grimaça en se frottant délicatement le ventre, observant le nuage orange au-dessus de lui.

Ce n’était pas du vomi, ce n’était même pas liquide. La masse était un essaim de papillons Monarques.

Quincy haussa les sourcils. Je n’avais pas vu ceux-là depuis un moment, pensa-t-il. Cela devrait me permettre d’être un peu mieux vu, je suppose.

Il quitta la piste centrale et retourna à son piédestal, s’asseyant sur son tabouret en bois.

Un trône à la mesure du roi des papillons. Que quelqu’un me passe une vraie couronne ! Quincy eut un sourire creux à cette pensée sarcastique.

"Des Monarques ? Tu t’améliores Quincy."

Quincy tourna la tête au son mélancolique, léger de la voix.

"Bonjour, Poisson."

L’Homme Poisson du Manasquan observait Quincy depuis l’aquarium/piédestal voisin. Il n’avait pas autant de personnes l’entourant qu’autour de l’artiste le plus populaire de l’Antre ; avoir des branchies et être couvert de nageoires et d’écailles était intéressant, mais pas aussi… excitant que d’avoir la capacité de recracher des papillons.

"Merci," répondit Quincy, posant ses mains sur ses genoux. "Ton numéro se passe bien ?"

"Ça pourrait aller mieux," répondit tristement l’Homme Poisson. "Tu sais qu’ils me demandent de parler aux différentes créatures marines ici non ? Mes poissons n’ont pas vraiment été coopératifs ces derniers temps ; ils détestent être ici et tôt ou tard ils finissent tous sur le ventre. Le saumon vient de mourir au milieu de mon numéro, et—-" La voix de l’Homme Poisson se brisa au milieu de sa phrase.

"Oy ! Poisson ! Qu’est-ce qui se passe ?" demanda rapidement Quincy en baissant la voix.

"Ce— ces foutus Cyclistes, Quincy !" La voix de l’Homme Poisson monta soudainement dans les aigus. "Ils mangent tous mes amis après chaque numéro !"

"Ils —" Quincy ferma rapidement la bouche et regarda derrière l’Homme Poisson ; un Cycliste avait passé sa tête de chiffon par le rabat de la tente, et observait maintenant l’Homme Poisson avec les boutons noirs qui lui servaient d’yeux. Les Cyclistes avaient une ouïe et un odorat incroyable.

Quincy écarquilla les yeux et adressa à l’Homme-Poisson un minuscule signe de tête. L’Homme Poisson n’avait pas besoin d’un deuxième avertissement ; les anchois et les ménés de son aquarium l’avaient déjà prévenu du potentiel danger ; il replongea sans son aquarium cylindrique et se mit rapidement à exécuter un numéro d’acrobaties aquatiques complexes, qui attira un grand nombre d’applaudissements de la part du public. Le Cycliste se retira dans les ombres.


Dans la salle de repos de l’Antre, les cheveux de fleurs de Yume tremblèrent tandis que les roses roses commencèrent à perdre leurs pétales à cause de sa frayeur. Elle avait entendu le Cycliste se diriger vers l’entrée de l’Antre, babillant d’excitation avec son Cavalier ; au vu de la réponse, Yume supposa que le tricycle était conduit par un crapaud. Le coassement était horrible.

Qu’est qui avait mal tourné ? Qu’est qui avait mal tourné ? se demanda-t-elle, prise de panique. Quelque chose avait du mal tourné.

Squeak, rattle, squeak, rattle

Oh mon Dieu, il y en a un autre maintenant.

Squeak, rattle, squeak, rattle

Trois ?!


À quarante pieds de là, caché dans les chevrons en haut du Grand Chapiteau, le grand, fin Monsieur Loyal était assis, les jambes étendues devant lui, son haut-de-forme masquant une partie de son visage, son costume marron-rouge volant légèrement au vent. Il sourit.

"Homme Poisson, mon ami, mon ami," chantonna-t-il tout en observant et écoutant tout ce qui se passait dans l’Antre des Monstres au travers des yeux en boutons d’un Cycliste. "Tu devrais vraiment apprendre à tenir ta langue."

Sous lui, la foule s’exclama alors que les Clowns s’inclinaient devant eux avant de quitter la piste ; les lumières s’assombrirent pour le prochain numéro. Une douzaine d’éléphants émergèrent de derrière le rideau et se regroupèrent pour former une ligne conga. Les animaux géants étaient grimés d’étoiles et de rayures, et trompétaient tandis qu’une Calliope jouait continuellement une mélodie légère, céleste ; avec les spots lumineux tournoyants aux couleurs changeantes, on aurait presque dit que les éléphants se déplaçaient dans l’espace. Le Monsieur Loyal applaudit de ses deux mains.

"Un tel ressentiment envers moi, Monstres ? Vous me blessez…" geignit de manière moqueuse le Monsieur Loyal. "Manny, Manny, Manny ! Assure-toi de la loyauté de tes animaux de compagnie, s'il te plait ? Eh bien, mon vieil ami, j’ai bien peur que je doive prendre l’affaire en main moi-même… Je m’excuse par avance…" Le Monsieur Loyal fit craquer ses poignets.

"Now then, which Freak, which Freak? Which Freak to beat and meet? Where to go? Where to go? Freak Show if I know…"


ET MAINTENANT, L’HOMME POISSON DU MANASQUAN VA RETOURNER DANS SA MAISON SOUS MARINE ! NOUS VOUS REMERCIONS D’ÊTRE VENUS ASSISTER À CE MERVEILLEUX SPECTACLE AU—CIRQUE DE L’INQUIÉTANT D’HERMAN FULLER ! Une voix masculine explosa dans toute l’Antre des Monstres.

Fuller ?! Yume laissa involontairement échapper un cri de surprise. Les dernières fleurs roses poussant sur sa tête se contractèrent et se fanèrent, leurs pétales maintenant desséchés tombants au sol. Yume sentit sa tête faire pousser une nouvelle composition. Elle cueillit une fleur.

Des glaïeuls…

Yume entendit le public pousser une exclamation de surprise, suivi d’un inquiétant bruit d’éclaboussures.

Non…

Dans la salle principale de l‘Antre, Quincy cracha une mite.


Le Monsieur Loyal, assis dans son siège de velours, fredonnait nonchalamment tandis que trois Cyclistes roulaient dans sa direction au centre de son "bureau". C’était plus une tente secondaire qu’autre chose, plus petite que la zone de repos de l’Antre, mais tout de même confortable. En son centre se trouvait un simple bureau en bois ; une lampe à bras pivotant ornée illuminait la pièce. Un portrait d’Herman Fuller observait la pièce depuis un chevalet sur le côté, et une photographie se trouvait face contre terre en dessous.

La cage thoracique du monstre à roulette était déformée par une protubérance de la taille d’un être humain. Une respiration saccadée pouvait être entendue venant de l’intérieur. Fuller sourit et ignora les supplications qui s’en échappaient.

"Encore bonjour, Cyclistes !" Le Monsieur Loyal chanta au-dessus des cris étouffés. "Brady, Bridget." Il fit un signe de tête vers le crapaud cornu géant chevauchant le tricycle rouge ; la poupée de chiffon, comme d’habitude, était montée en lieu et place du guidon. La créature de patchwork à queue de cochon fit également un signe de tête.

"Willard, Warren." Une effraie des clochers fit cliqueter ses griffes pour le saluer.

"Bon, vous savez pourquoi vous êtes là. Vous devriez savoir, c’est moi qui vous ai fait," gloussa Herman Fuller. "Une fois encore, les petits animaux de compagnie de Manny ont osé lever la voix contre moi, et nous savons tous que je ne peux pas laisser passer ça. Appliquez la punition habituelle, s’il vous plait ; mais faites-le en silence. Je ne veux pas d’un nouveau désastre comme celui avec la Femme Grue !" Tout en parlant, le Monsieur Loyal ramassa une planche en bois et frappa la protubérance du Cycliste. "La ferme, Monstre de foire ! Je peux encore t’empaler sur un crochet avec de la tambouille pour Clown dans la bouche ! Je ne suis pas un appât auquel tu peux mordre et t’attendre à t’en tirer, espèce d’immonde bâtard ! Maintenant, zou ! Cycles, faites votre travail !" Le Monsieur Loyal fit signe à ses chiens de garde de décamper.

Les Cyclistes se tournèrent pour quitter le bureau de leur maitre, puis s’arrêtèrent soudainement. Six paires d’yeux se retournèrent vers Herman Fuller.

"Qu’est-ce que tu es en train de faire ?"

Fuller leva les mains au ciel. Il récupéra sa chaise et la fit pivoter à cent quatre-vingts degrés. Il la poussa contre son bureau.

"J’ai dit, qu’est-ce que tu es en train de faire ?"

"Mon travail de meneur, Manny." Un dédain certain s’échappa du Monsieur Loyal alors qu’il grognait vers le sol.

"Est-ce que tu vas bouger ta chaise ? Ou est-ce que je vais devoir le faire pour toi ?" demanda froidement, mais calmement la voix venant de sous le bureau du Monsieur Loyal.

"Oh… retourne flirter avec Emily, veux-tu ? Cette petite fouine ne me respecte pas de toute façon." La chaise de Fuller fut projetée dans les airs sous lui, tournant sur elle-même comme une roue. Il l’esquiva en faisant un saut périlleux et retomba sur ses pieds alors que le siège s’écrasait plus loin au sol.

L’Homme avec le Visage à l’Envers, Chef des Monstres, émergea du placard du bureau et s’avança dans la poussière.

"Je vois que tu as appris de nouveaux tours." Remarqua le Monsieur Loyal en observant l’endroit d’où son ancien associé était sorti.

"Ce n’est pas grand-chose à vrai dire," L’Homme dit calmement. "C’est le même principe que quand tu scies un Clown en deux, ou que tu tires un Amoureux du Rire d’un chapeau. Tout trou peut être une porte. Et maintenant, tu veux bien me dire ce qui se passe ici ?"

Herman Fuller soupira. "Andy et Alice, laissez-le sortir, s’il vous plait," demanda le Monsieur Loyal en fermant les yeux et faisant un signe de la main vers le duo composé de la poupée de chiffon et de la tortue cycliste. La tortue inclina légèrement sa tête, observant avec curiosité le Monsieur Loyal ; la poupée de chiffon fit de même, puis baissa la tête vers le sol. Les coutures autour de sa bouche se défirent, et sorti de sa bouche un Homme Poisson du Manasquan désorienté. Il se remit immédiatement sur ses pieds et regarda autour de lui. Son regard affolé fixa Fuller pendant un moment, puis il commença à battre en retraite, se dirigeant vers la sortie de la tente en courant.

"Manny !" s’exclama l’Homme Poisson en courant. "Je suis désolé, je—"

"Ça suffira pour le moment, Gabriel. Retourne dans l’Antre." Lui répondit d’une manière sèche l’Homme. L’Homme Poisson s’inclina avec gratitude avant de sortir de la tente à toute vitesse. L’Homme se retourna vers Fuller, les deux hommes se fixant avec une haine mutuelle. Puis, sans aucun avertissement, L’Homme avec le Visage à l’Envers s’élança en avant et arracha Alice la Tortue de sa selle. Andy rugit en réponse et ouvrit la bouche ; quatre langues tendineuses et serpentines en jaillirent vers celui qui avait agressé la tortue. L’Homme les attrapa toutes en même temps et les cloua au sol à l’aide d’un piquet de tente qu’il enfonça d’un coup de pied rapide. Le Tricycle bascula en avant, incapable de rester droit sans son cavalier, et tomba grotesquement au sol comme un sac de patates. Les deux autres Cyclistes battirent rapidement en retraite et quittèrent la tente.

"Andy !" Le Monsieur Loyal se précipita en avant, seulement pour se faire arrêter en chemin par l’Homme.

"Tu sais, en sachant que tes petits jouets sont d’anciens Monstres de Foire, je suis surpris que tu tiennes autant à eux." Le Monsieur Loyal sourcilla involontairement tandis que Manny, qui le dépassait de deux bonnes têtes, baissait les yeux sur lui.

"Et maintenant, qu’est-ce que tu allais faire à Poisson ?" s’enquit l’Homme avec le Visage à l’Envers, s’avançant d’un pas vers Fuller.

"C’est mon foutu boulot de m’occuper de la discipline ici !" cracha le Monsieur Loyal.

"C’est ton travail de surveiller ta zone, ce maudit Grand Chapiteau dont tu es si fier !" s’écria Manny. "Nous avions un accord ! Nous agissons séparément, chacun a notre manière !"

"Eh bien," répondit Fuller avec un rire sans joie, "Je n’aime pas ta manière d’agir, et vu que c’est moi le chef par ici, je peux faire tout ce que je putain de veux !"

"Tu me dégoutes !" siffla entre ses dents Manny. "Tu étais déjà ignoble quand nous nous sommes associés pour la première fois, mais tu as d’une manière ou d’une autre réussi à empirer depuis les Clowns !"

"Les Clowns ? Les Clowns sont incroyables !" Fuller rejeta sa tête en arrière et caqueta. Un filet de bave coula sur ses lèvres.

"Tu n’es pas apte à être notre leader," dit calmement l’Homme. "Tu n’es qu’un poseur avare sniffeur de lait !"

"Eh bien, c’est dommage pour toi, Monstre !" exhala Fuller. "Et jusqu’à ma mort, celui qui fait les règles ici, c’est moi ! Et tu seras parti depuis longtemps quand ça arrivera, oh oui depuis longtemps ! Je m’en assurerai en temps voulu.

"'En temps voulu ?' Fuller, Fuller, Fuller, tu sais aussi bien que moi que c’est moi qui garde les Clowns en laisse, pas toi ! Tu te reposes sur moi, Herman ! Tu as le spectacle, tu as le chapiteau, et tu as l’argent, mais tu as encore besoin de moi !"

Le silence se fit dans le bureau du Monsieur Loyal. Le public était toujours en train de s’exclamer ; ils ne pouvaient pas entendre ce qui se tramait alors qu’ils observaient les Lions, les Tigres et les Ours Enflammés.

"Tu finiras fourré dans un Cycliste bien assez tôt." La moustache en guidon du Monsieur Loyal tressaillit alors qu’il montra les dents. "Dehors."

"Tu ne t’approches pas des miens," l’avertit l’Homme avec le Visage à l’Envers. "Ou tu te retrouveras suspendu par les pieds pour servir de jouet à Luana."

"Oh, nous verrons bien qui rira bien le dernier. En temps voulu." Herman Fuller claqua des doigts. Ses meubles en miettes se réparèrent tous seuls, remettant son bureau comme neuf.

L’Homme donna un coup de pied en travers du portrait de Fuller, laissant un trou en forme de botte. Il se pencha vers l’ouverture et sembla s’y dissoudre, jusqu’à ce que tout son corps ait complètement disparu.

Le Monsieur Loyal s’assit, légèrement ébouriffé, son haut-de-forme de travers. Il y mit une main à l’intérieur et en sortit une pomme. Il mordit dedans, puis recracha le morceau.

"Suspendus par les pieds, hein ?" La pomme était pleine de vers.

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