8 : Dahlia - Merci pour tout - Genesis (Pierre)
Une semaine s'est écoulée depuis les obsèques de Jacinthe.
Claire, sa fille unique, s'est déplacée au bloc de sa mère. Il est situé au bout de la cité principale de Genesis, près du Temple.
Comme tout logement, il ne comprend que le strict nécessaire pour vivre. Aucun mobilier ou objet superflu n'est autorisé.
Il doit être libéré pour un autre habitant. Elle n'a que deux jours pour faire le tri et libérer le bloc.
En rangeant les affaires de sa mère, Claire découvre dans un coffre de souvenirs datant du long voyage des parents de Jacinthe, deux courts poèmes et un étrange album.
Elle ne comprend pas certains termes des textes. Ils évoquent des paysages qui lui sont inconnus.
Le gouvernement de Genesis veut que les habitants n'aient plus de souvenirs de la vie sur la Terre, ni ne connaissent ce passé.
La population de Genesis ne connaît pas la signification des mots tels que : montagne, volcan, mer ou océan.
Entre les cités de Genesis reliées par de longs tunnels, le paysage n'est que plaines grises, collines sombres, et rivières glauques.
Le tout est protégé des rayons cosmiques par un immense dôme.
Sous les pâles rayons de l'étoile Raison, la vie se résume à des touffes d'herbes verdâtres, quelques fleurs, et des petits animaux peu variés provenant de clones d'animaux terrestres. Aucun oiseau ne vole dans cette bulle géante.
Il n'y a ni matin, ni soir. Il n'y a ni nuit, ni saison. La lumière du jour est constamment terne. Le terme journée n'existe pas dans le vocabulaire Genesien.
Le premier poème est illustré d'une aquarelle aux teintes orangées.
Ce matin un enfant s’est amusé avec une perforeuse à papier.
Le jour s’est levé à travers.
De bonheur l’enfant est parti.
Le cyclope s’envole doucement et sourit.
Dans la campagne, l’enfant essaie de l’attraper,
Derrière un bosquet, un pan de toit.
Plus haut dans le ciel le confetti se met à prendre feu,
Il brûle d’une lumière débordante.
Les branches et les feuillages sont éclaboussés de taches orangées.
L’enfant ébloui,
Dans son lit se réveille.
Le second est illustré d'un dessin blanc d'étoiles sur papier noir.
Le silence dort dans les draps noirs de l’oubli.
En attendant les premiers rayons du soleil, avant de s’enfuir, la lune,
suspendue aux étoiles, fait de la balançoire en rêvant.
Une étoile filante surgit de sa pensée, lui traverse l’esprit puis disparaît dans un soupir.
Les moutons en sont allés, quelques grains de sable doré luisent encore.
Le temps se lasse.
Les poèmes sont signés du prénom Pierre, son père prédécédé qu'elle n'a pas connu.
Ils sont groupés avec un album sur lequel est inscrit "Vacances été 1995"
Claire l'ouvre délicatement. A l'intérieur un écran noir s'éclaire. Elle comprend qu'il s'agit d'un lecteur DVD.
Alors un film se déroule sous ses yeux.
Des êtres ressemblants aux Genesiens marchent, courent, ou simplement restent allongés au bord d'une étendue d'eau gigantesque.
L'eau a des teintes nuancées passant du vert au bleu, rejoignant à l'horizon un ciel d'un bleu magnifique parsemé de petites taches blanches.
Les habitants ne semblent pas inquiets, ils discutent et semblent s'occuper calmement.
Claire ne comprend pas si le rivage, par ailleurs très fin aux couleurs dorées, avance ou recule sous l'eau, ou si la masse d'eau est animée de mouvements rampants.
Claire entend des sons étranges, comme une respiration, ou des succions au rythme de ces mouvements.
Elle entend aussi des cris stridents provenant d'animaux volant dans le ciel. Sur le sol des masses sombres leurs ressemblant se déplacent en même temps et à la même vitesse.
C'est à la fois beau, calme et stupéfiant.
Au bout de quelques minutes le film s'arrête.
A la suite, un autre film se déclenche.
Claire est prise d'une peur panique, sous ses yeux elle reconnaît des moutons qui marchent lentement devant un homme s'aidant d'un bâton pour marcher.
La scène se déroule au loin, les moutons suivent un chemin qui serpente et monte vers le sommet d'une colline grandiose et magnifique.
Le paysage est parsemé de bêlements et de tintements de cloches.
Ce qui la stupéfie c'est que dans le ciel brillent en même temps, une étoile éblouissante et en face d'elle une sphère nettement plus petite d'une blancheur éclatante et moins lumineuse.
Claire entend une conversation, mais ne voit pas les personnes.
- Jacques ! Tu as remarqué la lune au loin au-dessus de la montagne, comme elle est ronde et bien nette ?
- Oui. On a la chance d'avoir beau temps, la région est vraiment belle.
Le film s'arrête d'un coup et l'appareil s'éteint tout seul.
Claire referme alors le lecteur. Au dos est inscrit :
Merci pour tout Jacinthe - Pierre