“Sous le monde réel, il existe un monde idéal, qui se montre resplendissant à l’œil de ceux que des méditations graves ont accoutumés à voir dans les choses plus que les choses.”
Nous sommes en juin, saison où pendant que la civilisation s'effondre, les canons éclosent. Aussi aimerai-je formaliser ici une idée de canon qui a l'air d'enthousiasmer quelques uns de nos valeureux auteurs : Sous le Monde.
Sous le Monde, qu'est-ce que c'est ?
C'est une idée de canon pour le coup vraiment libre, à l'américaine : pas d'actes ou d'histoires précises, seulement un nouveau décor. Ce décor, c'est une France fantasmée où toutes les fictions se recoupent, à la Ligue des Gentlemen Extraordinaires.
La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, c'est un échec cinématographique considérable, mais c'est aussi et surtout une série de comics écrits par Alan Moore. Leur principe est aussi simple que poussé à fond : il suit les aventures de la "Ligue des Gentlemen Extraordinaires", une ligue composée de héros victoriens (Mina Harker (de Dracula), Dr Jekyll, Alan Quatermain, l'Homme Invisible et le Capitaine Némo) au service de la Reine à travers différentes époques d'une Angleterre où strictement toutes les fictions humaines coexistent de manière cohérente dans un monde qui reste fidèle au nôtre, voire relativement sombre.
Dans ce monde, l'invasion martienne d'H.G. Wells est contrée de justesse, le régime nazi est mené par Adenoïd Hynkel, le régime de Big Brother émerge brièvement en 1948, James Bond est un imposteur dont divers acteurs prennent l'identité et Harry Potter se trouve être le résultat décevant d'une vaste machination — bref, toutes les aventures que relate la fiction ne sont que des aperçus d'un même univers. La tâche peut sembler ardue, mais l'auteur y arrive avec brio, et chaque case du comics peut abriter jusqu'à des dizaines de références, allant du grand classique à l'extrêmement obscur, mais toujours justifiées.
Bien sûr, personne ne peut être exhaustif, et la Ligue des Gentlemen se limite en grande partie à la Grande-Bretagne et à sa fiction — aussi me semblerait-il sympathique de profiter de la Fondation pour en faire un équivalent franco-français, d'autant que notre fonctionnement communautaire est idéal pour mettre en commun des références utiles pour construire son univers.
Certes mais bon c'est très concentré sur l'histoire, à une seule époque, et franchement assez faiblard côté références (comparé à l'exhaustivité de la Ligue). En alliant notre force communautaire et un peu de background fondationnesque, on peut faire beaucoup mieux.
Les contes crossover se contentent généralement de croiser l'univers de la Fondation et celui d'un autre univers, en appuyant les règles de cet autre univers pour le fanservice. Il s'agit ici de présenter une version alternative de notre monde où plus ou moins tout est remplacé par son homologue fictif (et bien sûr dans la mesure du possible de nouvelles choses) qui sert surtout de toile de fond où dérouler une vraie histoire originale.
Pour ceux qui veulent, il y aura quelques thématiques, fils rouges, et je n'en doute pas plein d'autres choses redondantes pour faire vraiment une chronique de ce monde. Ça se discute, mais voilà quelques éléments que j'aimerais vous proposer :
- Sous le Monde : Sorte de McGuffin qui traverse les années. Sous le Monde c'est, dans les comics Providence d'Alan Moore (voyez comme tout se rejoint) le prédécesseur imaginaire de la pièce de théâtre Le Roi en Jaune (ou, dans l'univers Fonda, la tragédie du Roi Pendu), un roman français au contenu abominable dont les exemplaires ont été chassés et brûlés en 1868… Mais celui-ci tendrait à réapparaître d'on-ne-sait-où au fil des décennies, toujours entre de mauvaises mains prêtes à l'adapter et à le diffuser : sous forme d'une mystérieuse pièce de théâtre bien sûr, mais aussi à la radio, sur grand écran, voire en jeu vidéo…
- La Ligue des Servants de la Nation : une équipe de spécialistes de l'anormal, mis au service du gouvernement français entre 1899 et 1939 — vous trouverez quelques détails les concernant sur le centre de la Gendastrerie. Une autre ligue menée par un certain Hubert Bonisseur de la Bath aurait été fondée après la Seconde Guerre Mondiale, mais toutes les données la concernant ont été supprimées… Et, qui sait ? Peut-être d'autres Ligues lui ont-elles succédées ?
- Le journal "L'Epoque" : plus anecdotique, l'un des plus importants journaux français de cet univers pourra servir aux introductions (j'y planche) de certains événements. Mais il a aussi accueilli nombre de grands reporters, toujours le nez fourrés là où ils ne devraient pas…
Côté thématiques, la question reste à explorer ensemble mais il y aurait surement fort à faire autour de la pataphysique (donc le méta de la vraie Fondation) et des plieurs de réalité. Une connexion entre l'univers "réel" de la Fondation et celui de Sous le Monde apparaîtra surement à un moment, mais reste à imaginer comment.
Pour changer un peu, Sous le Monde serait une sorte de spin-off de la Fondation à la manière des histoires de Troisième Loi, à savoir que dans ce monde la Fondation n'est pas le personnage principal. Idéalement il serait bien qu'elle soit au contraire une présence menaçante mais insaisissable, l'équivalent d'énormément des "grandes organisations diaboliques" de toutes les œuvres de fiction. Je vous encouragerais plutôt à explorer ce monde du point de vue de la Gendastrerie (qu'il s'agisse de la Ligue des Servants ou des Gendastres en général), de reporters de L'Epoque, ou de n'importe quel français aventureux, qu'il soit tiré d'une fiction ou imaginé pour l'occasion.
Avant de vous laisser partager vos projets et vos idées, aucune règle mais quelques recommandations sur comment garder ce canon fonctionnel :
1. Pas de mélanges avec des univers ayant leurs propres règles (sauf si vous trouvez une justification béton). Ce monde doit rester relativement homogène et réaliste pour fonctionner, aussi des univers comme Pokémon, Star Wars ou la plupart des mondes de fantasy ne peuvent pas fusionner avec de manière trop frontale. Privilégiez le fantastique à la fantasy. Mais si vous trouver un moyen de justifier l'intervention d'un élément venu de ces univers ou de contourner le problème, vous pouvez toujours tenter.
2. De la même manière, ne forcez aucun élément qui prenne trop de place. Je pense aux fictions qui comprennent une fin du monde ou un changement drastique de l'univers : si vous tenez à caser tel ou tel changement majeur, il va falloir mettre beaucoup d'eau dans votre vin pour le rendre éphémère ou de plus petite envergure que dans l'oeuvre d'où il est tiré. Mais n'allez pas couper l'herbe sous le pied des autres auteurs.
3. Privilégiez des références aux œuvres du pays et de l'époque où vous racontez vos histoires. Si vous racontez une histoire dans la France de 1900, personne ne vous en voudra si vous casez Adèle Blanc-Sec ou Archimède Kébab, mais réécrire le monde uniquement avec des références actuelles serait dommage : le but est de montrer que la France a une culture pop très riche justement ! Donc n'hésitez pas à explorer. Si un reporter part aux USA par contre, aucun problème s'il s'aventure à Twin Peaks ou à Castle Rock, bien au contraire !
4. Tout est relatif : les fictions peuvent être prises comme des observations partiales et déformées des personnages et des aventures qu'elles racontent. Autrement dit, libre à vous de tricher : certains événements peuvent être d'une ampleur bien plus réduite que ce que raconte l'oeuvre originale, untel personnage peut avoir un comportement différent de ce qui a été raconté, voire être un mythomane, des personnages qui n'ont rien à voir mais qui partagent le même nom de famille peuvent être parents, etc, etc. N'hésitez pas — je sais que vous en mourrez d'envie — à gâcher l'enfance de tout le monde en révélant des facettes bien plus sombres de certains héros classiques.
5. Pour finir, dans la même lignée, n'hésitez pas à faire des amalgames avec l'univers de la Fondation. MC&D, par exemple, serait ravi d'obtenir ou de vendre certains des objets maudits qui apparaissent dans les nouvelles de Maupassant, de même que la Fondation et la CMO de ce monde peuvent revêtir de nombreux autres noms et tirer de nombreuses ficelles… Le thread "Tiens, on dirait la Fondation" pourrait être très sérieusement mis à profit pour l'occasion.
Voilà pour ce soir — je reviendrai très vite avec quelques idées et références à vous conseiller (on avait aussi parlé d'un Discord à part, il viendra en son temps). En attendant, n'hésitez pas à critiquer tel ou tel point, à proposer de nouvelles choses et surtout, pour les intéressés, vos premières idées de contes !