Je veux d'abord rappeler que j'entends par "SCP" un objet ou évènement "anormal", c'est-à-dire qu'il est une conséquence dont la cause ne s'explique pas. Ton objection vient du fait que ces hallucinations, en tant que productions du cerveau d'un individu bien mal en point, trouvent dans celui-ci leur explication biologique.
Or, la Fondation, elle, ne trouve pas d'explication. L'état de santé mentale des sujets n'est jamais contesté ni même mentionné dans l'article comme un facteur à risques. En fait, les responsabilités des sujets - respectivement un agent de terrain et un Classe-D promu en classe C - les indiquent au contraire comme des éléments fiables, c'est-à-dire qu'ils ne sont ordinairement pas victimes d'hallucinations.
La tumeur de l'agent Comte pourrait, en effet, les justifier. De même que l'hémorragie de D-42801. Il se produit toutefois une étrange coïncidence dans les deux cas. Ces hallucinations exaucent toujours leur vœu le plus cher de manière sensible.
D'abord, l'agent Comte. Il sait que sa fin est proche et confesse lui-même qu'il ne veut être entouré que de ses deux parents dans ses derniers instants. Et le voilà qui s'imagine être un enfant une seconde fois et qui voit en ses deux collègues son père et sa mère, qu'il peut donc véritablement étreindre, par une heureuse coïncidence.
Ensuite, D-42801. La vie est ingrate avec lui. Mais il aime beaucoup l'une de ses institutrices qui comprenait sa détresse et s'est même battue pour le protéger. L'une de ses déclarations a peut-être attiré ton attention. Il fait allusion à un document écrit que l'être invisible lui remet et qu'il décline parce qu'il n'est pas supposé le recevoir. Et lorsqu'il expire, que retrouve-t-on dans sa poche ? Une fleur et la lettre écrite de la même enseignante qu'il appréciait.
Tu écris qu'il ne faut pas tenir compte de ce détail parce que la description du rapport ne mentionne nulle part que la présence invisible peut être à l'origine de ce cadeau. Or, c'est pourtant le cas. En tant que Classe-D, il est toujours fouillé et ne pourrait se retrouver avec de tels objets en sa possession, surtout que le papier peut être employé comme une arme coupante. Il travaille sur un site où sont enfermés des SCP suffisamment dangereux pour justifier les mesures drastiques qui lui ont coûté la vie, et la confidentialité de l'emplacement des installations écarte toute possibilité de recevoir des visites. Si la lettre est "apparue" dans sa combinaison, c'est que quelqu'un la lui a remise entretemps.
Pourquoi l'article ne mentionne-t-il pas cette propriété comme l'une des caractéristiques du SCP ? C'est tout simplement que le personnel n'en possède aucune preuve. La Fondation ne peut ni voir, ni entendre, ni toucher, ni sentir cette entité que tous les sujets lui désignent pourtant du doigt.
Alors, sachant que l'évènement lui échappe, elle opte pour un compromis et s'en tient prudemment au mot "hallucination", car elle ne constate rien de plus qu'un individu isolé interagissant à chaque fois avec un être qui semble ne pas exister, et qui vient l'apaiser quelques heures ou minutes avant sa mort.
Pour bien comprendre le troisième entretien, il faut se rappeler que, contrairement à l'âge minimum, l'âge maximum des sujets affectés par l'anomalie est inconnu. La censure laisse deviner un nombre à 3 chiffres, mais on ignore lequel.
Dans un second temps, il ne t'a pas échappé que l'homme dont il est question est "âgé", mais cet âge est également inconnu. Et surtout, la Fondation ne cherche même pas à l'évaluer.
Le monologue que tient le vieil homme dans son sommeil fait encore intervenir au moins une entité consciente. Mais cette fois, le sujet cherche à l'attendrir. Il la supplie. Il l'implore de le laisser "partir". Parce que contrairement à l'agent Comte et à D-42801, cet être invisible est un ami intime, un ami d'enfance de cet homme. Il tient vraiment à lui. Alors il refuse de le laisser mourir. Peut-être même depuis… plusieurs siècles. D'où l'impossibilité d'estimer son âge. Le cas du pauvre homme a tout naturellement fasciné l'Ordre qui l'a recueilli pour mieux l'étudier.
Tu as bien raison, Skel', de douter de l'existence de ce SCP. La Fondation se heurte en fait exactement au même doute que toi. Peut-on prétendre que les comportements de ces mourants ne sont que des coïncidences résultant d'une santé mentale soudainement à la dérive ? Sans doute. Peut-on aussi penser qu'ils disent la vérité et que leurs hallucinations n'en sont pas ? Pour moi, oui. Dans l'univers de la Fondation, cela est envisageable. Personne d'autre qu'eux, après tout, ne peut le prouver. Le meilleur moyen d'en être sûr reste encore d'attendre son tour.