"J'ai été affecté à SCP-058 autrefois," dit Karlyle. "À l'époque, il se déchaînait toute la journée, et les murs de la cage de confinement se pliaient jusqu'à se déformer et se briser, avant que de nouveaux murs ne soient érigés. Il a été question d'une possible brèche, qu'ils ne pourraient pas contenir la bête indéfiniment. Il a été question de l’éliminer. On m'a demandé d'intervenir en raison du travail que j'avais effectué ailleurs. En l'occurrence, j'ai adopté une approche directe de la créature ; quel est le meilleur moyen de la calmer, elle qui n'a pour fonction que d'éviscérer tout ce qu'elle peut percevoir ?"
"J'ai donc visité le site où elle était détenue, et j'ai suggéré qu'on lui offre une vache. Le rapport décrit ce comportement comme du "nourrissage", mais ce n'est pas exact. Non, la créature ne désire que la mutilation. Nous offrons à la créature une vache, quelque chose qu'elle est capable de mutiler sans effet néfaste pour notre personnel."
"Au fil du temps, nous avons affiné ce mécanisme. Au début, c'était une vache tous les jours. Cela s'est avéré être trop fréquent, la soif de sang de la créature la faisait basculer dans la frénésie. Une vache supplémentaire n’aurait fait que rendre la créature plus destructrice. Donc, nous faisons attendre la créature. Nous la conditionnons à attendre une vache tous les deux jours, puis tous les trois jours. Bientôt, la créature passe son temps à attendre, sachant que le moment viendra. Nous avons trouvé un équilibre avec la créature, un échange a été fait. La créature est maintenant contrôlée."
Shirley Gillespie acquiesça lentement. "La créature pourrait être entraînée."
Karlyle sourit. "La créature pourrait être utilisée."
"C'est fait, alors. Nous sommes sur la bonne voie."
Karlyle étudiait le message qu'il avait reçu le matin même. Les résultats des votes du Conseil étaient secrets, connus seulement des personnes les plus directement concernées. Il avait été surpris lorsqu'il avait reçu ce message, avant de réaliser que cela aurait été étrange s'il ne l'avait pas reçu.
"En effet," dit Joshua. Il se tenait dans l'ombre du bureau de Karlyle au Site-19, silencieux à l'exception de quelques mots. "Le vote s'est terminé hier soir."
"Tu y étais ?"
"Non. Cela ne faisait pas partie de ma mission."
Karlyle leva les yeux. "Très bien. Je suppose que cela signifie que nous avons une nouvelle mission, alors ?"
Joshua acquiesça.
"Tu ne sembles pas très emballé par la décision du Conseil." Joshua était une page blanche, mais Karlyle avait appris à lire là où les lignes se trouvaient autrefois. "Y a-t-il quelque chose qui te dérange, Joshua ?"
Le regard de Joshua traversa la pièce comme un sabre. "Non. Les actions du Conseil sont mes actions. Seul compte l’objectif."
"Et pourtant, j'ai reçu ce message tôt ce matin. Tu n’es arrivé que dans l'après-midi, et je ne t’ai jamais connu en retard. Tu n’étais pas avec le Conseil lors du vote, n'est-ce pas ? Tu ne m'as pas informé d'autres affectations, et je crois que je suis la seule, alors où aurais-tu pu être ?"
Karlyle pouvait sentir la chaleur émanant de lui, même de l'autre côté de la pièce. "Je suis uniquement chargé d’assurer ta sécurité et de m'assurer que tu accomplisses ta mission," dit Joshua.
"Même après toutes ces années, ne crois pas que je ne puisse pas te lire, mon frère," dit Karlyle, son échine se hérissant lorsqu'il vit les yeux de Joshua se crisper. "Je te connais depuis trop longtemps."
Joshua s’attarda un moment de plus, puis il s’en alla. Karlyle examina le papier dans sa main un moment de plus, puis commença à rassembler ses affaires.
"Je n'aime pas ça, Karlyle," dit Shirley Gillespie, à des milliers de kilomètres de là. Sa voix grésillait dans le téléphone. "Il est très mal compris."
"Tous les SCP sont mal compris, madame la directrice," dit Karlyle en se frottant les tempes et en essayant d'ignorer la douleur qui secouait son dos chaque fois que le véhicule dans lequel il se trouvait heurtait un trou, "c'est pourquoi ce sont des SCP."
"Malgré tout, il y a un danger potentiel auquel vous n'êtes peut-être pas prêt. Que se passera-t-il quand ce ne sera pas ce que à quoi vous vous attendiez ?"
"J'aurai Joshua."
Shirley fit un bruit guttural. "Exact. Confier la sécurité d'un des meilleurs experts de la Fondation à un mercenaire que le Conseil a déniché. Merveilleux."
Karlyle sourit malgré lui. "Je ne suis pas inquiet, Shirley. Tu ne devrais pas l'être non plus. Tu te souviens de la fois où nous avons parlé de SCP-058 ?"
"Je m'en souviens."
"Alors tu te souviendras de ce que j'ai dit. Même les animaux peuvent être compris et contrôlés. Mais Pan Hun n'est pas un animal. En fait, c'est un être humain, et les êtres humains sont capables de raison et d'intelligence."
"Karlyle, il a rasé une petite ville."
"Oui, c'est ce qu'on nous a raconté. Mais peut-être n'est-il pas différent de toute autre entité humanoïde, puissant au-delà de son propre contrôle et effrayé, susceptible de s'en prendre à ce qu'il ne comprend pas. Qui sait de quoi il est capable ? Vois-tu le potentiel que ça représente pour Alpha-9 ?"
"Bien. Je te transmettrai toutes les informations que j'ai sur l'entité, mais c'est toute l'aide que je t'apporterai aujourd'hui. J'ai intérêt à ne pas entendre parler de ta mort, Aktus, ou je serai en colère contre toi."
Karlyle rit. "Je te le rappellerai."
Un avion emmena Karlyle au Site-23 près de la baie d'Hudson, puis un bateau l'emmena jusqu'à SCP-1864. Joshua était déjà sur les quais quand il arriva et escorta Karlyle jusqu'à un campement de la Fondation à l'extérieur de l'entrée de l'anomalie proprement dite.
"Monsieur le Directeur, bienvenue à SCP-1864." L'homme qui les accueillit avait la cinquantaine, des cheveux grisonnants et une barbichette soignée. Sa veste l'identifiait comme Tom Bradford, docteur.
"Dr Bradford," dit Karlyle en tendant sa main. "Merci de me rencontrer. Nous avons beaucoup à discuter."
Les deux hommes entrèrent dans une tente qui offrait un maigre répit à la tempête qui déferlait sur la baie. Sur le mur, il y avait divers relevés et images imprimés. Karlyle s'arrêta pour en examiner un, une relevé de profondeur de quelque chose dans l'anomalie. Le résultat du test n'était pas concluant.
"Je ne sais pas ce que vous faites ici, Monsieur le Directeur," dit Bradford en se versant une tasse de café. "Je ne savais pas qu'ils envoyaient des Directeurs de Site pour vérifier les entités isolées et dangereuses maintenant."
Karlyle sourit. "Ce n'est pas un contrôle classique, j'en ai peur. Il y a eu un incident, récemment, qui a accéléré le besoin de telles visites, et il se trouve que je passais par là." Il prit le café que Bradford lui tendit. "J'espère que je ne vous dérange pas."
"Pas du tout. Que cherchez-vous à faire exactement pendant que vous êtes ici ?"
Karlyle lui tendit une enveloppe. "Le comité de classification est régulièrement chargé d'examiner les entités de Classe Sûr et Euclide, afin de déterminer si leur classification doit être réévaluée."
Bradford plissa les yeux sur les papiers qu'il avait maintenant entre les mains. "N'y a-t-il pas quelqu'un que vous auriez pu envoyer à votre place ? Cela semble vous causer beaucoup d'ennuis."
"L'examen a été accéléré," répéta Karlyle, le visage inébranlable. "Il n'y avait vraiment pas de temps à perdre."
L'autre docteur feuilleta rapidement les pages, puis haussa les épaules. "Très bien. Mes gars vont vous faire entrer pour le voir, et ils vont vous faire sortir. Pas sûr que ce soit le meilleur moment, cependant. Le Dr Boff est un peu agité ces derniers temps."
Karlyle hocha la tête. "Je n'ai aucun doute sur le fait que ce ne sera rien de plus que la routine, docteur."
Une équipe de sécurité transporta Karlyle dans les profondeurs du labyrinthe de SCP-1864 à l'arrière d'un véhicule de transport. Joshua n'était pas avec eux lorsqu'ils partirent, mais de temps en temps, Karlyle l'apercevait, à peine visible dans l'obscurité, les suivant de près. Au détour d'un dernier virage, le véhicule s'arrêta, et Karlyle descendit.
"Nous allons nous replier au point à cent mètres," dit l'un des agents de sécurité. "Nos ordres sont de rester là jusqu'à ce que nous ayons de vos nouvelles. Si quoi que ce soit arrive, commencez à courir."
Karlyle les remercia et fit la dernière partie du voyage lui-même, ce qui l'amena dans une grande chambre en pierre sculptée. Au centre se trouvait un bassin d'eau sombre, et en face de lui se trouvait ce qui avait été un être humain, mais qui était maintenant SCP-1864-1.
"Guten Tag, Doktor Boff," dit Karlyle, son accent se glissant dans la nouvelle langue comme dans un gant. "Je suis le Dr Aktus, je fais partie de la Fondation."
Le visage de l'imposant demi-humain enraciné se tordit en ce qui pourrait être décrit comme un sourire. Il traversa lentement la pièce pour se diriger vers lui, son bras singulier, long et enroulé, s'étendant pour le saluer.
"C'est bon de revoir un collègue scientifique," dit le Dr Boff, ses mots étant éternellement étouffés derrière sa mâchoire entravée. "Si souvent, je ne vois que des agents avec leurs armes. Je ne vois plus que rarement des chercheurs."
"Malheureux, en effet," Karlyle prit note de son environnement, ses yeux surprenant Joshua dissimulé dans une ombre à sa gauche. "Peut-être allons-nous compenser cette absence aujourd'hui, docteur."
Boff acquiesça de sa tête grisonnante. "Espérons-le. Qu'est-ce qui vous amène à moi aujourd'hui, Herr Aktus ?"
Karlyle désigna le bassin d'eau. "J'espérais parler à SCP-1864-2, Dr Boff."
L'expression de Boff s'affûta, ses yeux s'abaissèrent et ses poils se hérissèrent. "Pan Hun," cracha-t-il.
"Oui, Pan Hun." Karlyle garda un œil sur le bras du Dr Boff, qui se balançait nonchalamment et dangereusement au-dessus de sa tête. "Il y a eu un changement, docteur. Le monde devient chaque jour plus dangereux, et nos dirigeants cherchent à défier ce danger en…"
"Le défier ?" Le docteur Boff rit timidement. "Je ne comprends pas. J'ai l'impression que ce qu'il y a ici n'a que peu d'intérêt pour une telle entreprise."
"Une force d'intervention, Dr Boff," dit Karlyle. "Depuis quelque temps maintenant, nos administrateurs ont rassemblé des entités anormales que nous pourrions mettre en œuvre contre les dangers qui menacent notre monde. Je suis un membre du groupe qui tente d'identifier les entités qui conviendraient le mieux…"
"Oh, non non non, docteur," dit Boff ; son sourire vacilla, et ses yeux se crispèrent. "Je comprends maintenant, oui, mais je dois insister, il n'y a rien qui puisse vous aider ici."
Karlyle soupira. "Nos administrateurs pensent que SCP-1864 est intelligent, raisonnable et peut-être incompris. Nous avons rencontré un certain nombre d'entités anormales apparemment hostiles qui n'étaient simplement pas capables de se contrôler et qui ne voulaient pas nuire aux autres."
"Nous pensons qu'une chance de parler avec Pan Hun pourrait révéler ses véritables intentions, et si elles sont acceptables, peut-être serait-il enthousiaste à l'idée de quitter sa prison afin de garder le monde en sécurité et…"
Le docteur Boff se retourna et s'éloigna de Karlyle, son bras se heurtant aux parois de la chambre. "Vous pensez que c'est un malentendu ? Vous souhaitez sécuriser le monde en libérant Pan Hun ?"
"Pas nécessairement, non," dit Karlyle en ajustant ses lunettes. "Nous sommes devenus très fort pour confiner les entités dangereuses, docteur. Si nous découvrons que Pan Hun est vraiment hostile, alors nous aurons les moyens de s'en occuper. Notre objectif est d'utiliser les caractéristiques anormales de SCP-1864-2, si possible, afin de mieux nous préparer à quelque chose de pire."
"Quelque chose de pire ? Vous pensez qu'il y a quelque chose de pire ?" Le docteur Boff rugit, son corps s'agitant et se tordant contre la chambre. Karlyle recula d'un pas pour se stabiliser, cherchant soigneusement une occasion de placer un mot contre le torrent d'insultes en allemand qui coulait maintenant librement de Boff. Avant qu'il ne puisse faire valoir ses arguments, Joshua apparut à côté de lui.
"Joshua," dit Boff, dont le corps se tendit immédiatement et sensiblement. Karlyle regarda dans les yeux sauvages de Boff et y vit de la reconnaissance. Comment le Dr Boff saurait qui est Joshua ?
"Vous devez permettre au Dr Aktus de voir Pan Hun, Dr Boff." La voix de Joshua était froide et contrôlée. "C'est la volonté des Superviseurs."
Boff hésita, dévisageant prudemment Joshua de son regard déformé. Des perles de sueur commençaient à se former sur son front, et ses yeux se déplaçaient frénétiquement entre Karlyle et Joshua. Finalement, Boff soupira.
"Je ne pourrai pas assurer votre sécurité à tous les deux," dit Boff.
"Vous n'aurez pas à le faire," répondit Joshua.
Boff acquiesça et, d'un seul mouvement, son long bras recourbé commença à descendre rapidement dans la mare d'eau devant eux. Il continua à descendre longtemps après que Karlyle eut pensé que la piscine ou le bras de Boff s'arrêterait, et encore plus longtemps après. Finalement, il s'arrêta et commença à sortir de la piscine.
Avec lui apparut une tête de cheveux noirs, puis un corps. Pan Hun avait l'air, à tous points de vue, d'un enfant humain normal. Origine asiatique, peau claire, pas plus de huit ou neuf ans. Karlyle étudia le corps pendant que Boff le déposait sur le sol en pierre, et nota que ce dernier ne retirait pas sa main du cou de Pan Hun.
Il y eut un moment de silence, puis Pan Hun ouvrit les yeux.
Ils étaient sombres, et Karlyle prit soin de détourner légèrement son regard derrière ses propres lunettes noires. Un large sourire apparut sur le visage de Pan Hun, et quand il parla, il le fit avec la voix de Karlyle.
"Bonjour, Directeur Aktus. Mon nom est Pan Hun."
Ces mots provoquèrent des frissons dans le corps de Karlyle. "Bonjour, SCP-1864-2," dit Karlyle. "Vous me connaissez ?"
"Je connais beaucoup de choses, directeur."
Karlyle acquiesça lentement. "Alors vous êtes conscient de la nature de votre confinement ?"
Les yeux de Pan Hun se retournèrent dans sa tête, et son cou se tordit en arrière jusqu'à ce qu'il fixe le Dr Boff. "Oh oui, la fosse. Très astucieux. Le Dr Boff a fait un travail formidable. Il est, après tout, au sommet de son art." Au son de son propre nom, l'emprise de Boff sur Pan Hun se resserra légèrement.
"Bien", dit Karlyle. "Je suis ici aujourd'hui parce que…"
La tête de Pan Hun pivota brusquement pour faire face à Karlyle, son sourire ne s'étant pas atténué. "Je sais pourquoi vous êtes ici, Directeur Jean Karlyle Aktus, Site-81, Fondation SCP, fils d'Anna et Gregori, frère de Jeremiah et…" Ses yeux se tournèrent vers l'extérieur, et il s'arrêta. "Le puits est sombre, mais toutes sortes de mots y résonnent. C'est un de ces endroits dans le monde qui se trouve entre et… sous les choses."
"Très bien, alors," dit Karlyle, dont les poils de sa nuque se dressaient. "Accepteriez-vous de participer à un examen préliminaire pour déterminer l'étendue de vos capacités ?"
Les yeux de Pan Hun se tournèrent à nouveau vers Karlyle, mais roulèrent ensuite sur le côté pour regarder Joshua. "Celui-là aurait dû vous le dire, je pense," siffla la voix, "vous parler des choses sombres du monde et de ce qui se passe quand on les gratte comme une croûte."
Karlyle jeta un regard de côté à Joshua qui, bien qu'apparemment impassible, avait à un moment donné déplacé sa main pour la poser sur son arme. Pan Hun continua.
"Vous êtes tellement certain que parce que vous avez été capable de mener l'Assyrien dans la lumière et de le faire danser pendant un court instant, vous pouvez faire de même avec tous les jouets de vos boîtes." Son large sourire s'élargit, et Karlyle put voir les coins de sa bouche commencer à se déchirer. "Je pense que vous allez découvrir que nombre de ces jouets ne sont pas aussi beaux qu'Able, docteur."
Karlyle grimaça. "J'en déduis que vous ne voulez pas coopérer, alors ?"
Les yeux de Pan Hun s'agrippèrent à Karlyle. "Vous savez, nous ne sommes pas si différents, Karlyle. Nous sommes tous les deux liés à des systèmes dans lesquels nous n'avons pas choisi d'être, mais dans lesquels nous avons quand même fini à cause de nos propres actions. Nous avons tous les deux vécu plus longtemps que ce à quoi nous aurions pu nous attendre, étant donné les circonstances. Je me demande comment vous vous sentiriez si quelqu'un se pointait et demandait si vous vouliez jouer les marionnettes pour vos Superviseurs."
"Dr Boff," dit Joshua, la voix sifflante, "je crois que nous en avons terminé."
Le visage de Pan Hun se figea, son sourire disparut. "Oh non. Vous avez demandé une démonstration, et vous l'aurez."
Le malaise grandissant dans l'estomac de Karlyle se transforma soudainement en agonie.
Karlyle s'effondra sur le sol en hurlant. Sans un mot, Joshua sortit son arme, mais constata que ses mains avaient grandi sur la gâchette et étaient inutiles. Il appela Boff en allemand, et le docteur rugit de fureur.
Pan Hun semblait devenir plus grand, se développant par le biais de dizaines de longs appendices humides qui apparaissaient sur tout son corps. Boff serra le cou de la créature qui s'agitait sur lui et, dans un craquement, il envoya Pan Hun au plafond d'un mouvement de son bras massif. Le bruit de l'enfant frappant le plafond résonna comme un coup de feu et fut suivi par le bruit d'une chose ignoble rampant hors de l'estomac de Karlyle.
C'était humanoïde, mais trop charnu et sans traits de visage. Karlyle ouvrit les yeux et la bouche suffisamment longtemps pour la voir et crier, avant de s'effondrer entièrement dans une mare de son propre sang. La créature en lui s'extirpa entièrement du docteur et se tourna vers Joshua.
Alors que Boff balançait sauvagement Pan Hun contre les murs de la caverne et que la créature se rapprochait rapidement, Joshua se baissa et commença à arracher avec ses dents la chair supplémentaire sur ses mains. Il recula lentement, gardant un œil sur la bête de chair et un autre sur ses propres viscères. Il cracha les morceaux de ses mains sur le sol et continua à creuser jusqu'à ce qu'il sente la sensation de l'acier sur sa langue.
Joshua approcha l'arme de son visage et stabilisa sa visée. La créature leva les bras juste au moment où Joshua distendit sa bouche assez largement pour s'adapter à la gâchette accessible de l'arme. Il hésita une seconde, puis deux, jusqu'à ce qu'il puisse sentir la chaleur du corps de la créature contre le sien, puis il mordit.
Un trou s'ouvrit à l'endroit où se trouvait la tête du monstre, et Joshua entendit le gargouillis satisfaisant du sang et de l'air qui se mélangent. Un homme normal aurait eu les dents brisées et la mâchoire mutilée par le recul, mais Joshua n'était pas un homme normal.
Il mordit à nouveau, puis encore une fois, et la créature tomba au sol. Joshua leva son pied et l'enfonça dans le torse de l'humanoïde avec un bruit semblable à l'éclatement d'un ballon rempli de peinture.
Il se tourna ensuite vers le docteur Boff, qui perdait son combat avec l'enfant qu'il tenait dans ses bras. Des lacérations couvraient sa forme déjà tordue, et Pan Hun continuait de frapper et de trancher la chair du docteur, qui gémissait de douleur.
Joshua fit deux pas en avant, ramena son arme contre son visage et mordit sur la gâchette ouverte.
Pan Hun hurla lorsque son torse explosa et que ses jambes tombèrent mollement. Joshua fit un autre pas en avant et tira à nouveau, cette fois-ci en divisant le visage de l'enfant en deux.
Pan Hun tourna un seul œil fonctionnel vers Joshua et lui lança un appendice noir et charnu. Joshua l'attrapa avec sa bouche et s'élança en arrière, l'arrachant et faisant murmurer Pan Hun à l'agonie.
Joshua cracha pour nettoyer sa bouche du sang et cria à Boff de rapprocher Pan Hun. Le docteur s'exécuta, et bientôt le corps déchiré du Menteur Solitaire pendit devant Joshua comme une marionnette. Il étudia la créature qui se tordait pendant un moment, puis se pencha pour lui faire face directement.
"Il y a un trou dans ce monde bien plus sombre que celui dans lequel tu as pourri," dit-il, du sang coulant de sa bouche ouverte, "et ne pense pas que je ne suis pas prêt à t'enterrer dedans." Il vit la panique s'insinuer dans les yeux de Pan Hun. "Tu sais lequel. Le sanctuaire des cœurs brisés. Il n'y aura rien à que tu pourras tordre là-bas, dans l'obscurité."
Les yeux de Boff devinrent vitreux, et il commença à parler avec la voix de Pan Hun. "Qu'est-ce que tu désires ?"
Joshua fit un signe de tête à Karlyle et à Boff. "Défais tes torsions, ou je vais te mettre une autre cartouche et te laisser saigner jusqu'à la Porte. Quand tu auras fini, retourne dans ta fosse et restes-y jusqu'à ce que les étoiles s'éteignent."
L'œil unique de Pan Hun se déchaîna avec une violence silencieuse, mais plus faible. Les lacérations sur le corps de Boff se refermèrent et se scellèrent, et Joshua commença à entendre Karlyle respirer à nouveau derrière lui. Il fit un signe de tête à Boff, qui commença à redescendre l'enfant dans la fosse d'eau. Alors qu'il s'enfonçait, Joshua regarda Pan Hun et sourit froidement.
"Tu avais raison de dire qu'il y a des monstres moins gentils qu'Able dans le monde, Menteur," dit Joshua, la méchanceté s'insinuant dans sa voix. "C'est dommage que tu en aies rencontré un si tôt."
Pan Hun le regarda fixement en glissant sous la surface immobile de la piscine et l'observa jusqu'à ce qu'il disparaisse dans l'obscurité des profondeurs.
Quelques heures plus tard, l'équipe de sécurité apparut, et Karlyle fut rapidement transporté à l'infirmerie. Ses yeux, devenus vitreux, s'ouvrirent un instant pour voir Joshua en train de le regarder fixement. Le corps de Karlyle trembla alors qu'il essayait de parler, mais il perdait et reprenait conscience, incapable de terminer.
Alors que son vieux corps commençait à lâcher et que le personnel médical se ruait sur lui, Karlyle regarda Joshua disparaître derrière un rabat de la tente. Il entendit de loin le son d'un numéro de téléphone en train d'être composé et la voix basse de Joshua à nouveau, et Karlyle essaya de l'appeler.
Un masque fut placé sur son visage, et le monde devint noir.