La Simple Peur

Les deux docteurs se tenaient côte à côte dans la petite pièce, devant la porte verrouillée face à celle par laquelle ils venaient d’entrer. Le plus vieux des deux feuilletait tranquillement les pages d’un carnet à la reliure de cuir, pendant que le plus jeune corrigeait sans cesse sa position, manifestement incapable de verrouiller ses genoux. La lumière ici semblait plus vive, lui semblait-il, et l’air épais avait quelque chose de mauvais augure qui empêchait son esprit de passer en revue les millions de scénarios qui pouvait bien l’attendre de l’autre côté de la porte. Il avait essayé d’engager la conversation avec son aîné un peu plus tôt, mais sa nervosité avait pris le dessus et sa voix s’était brisée. L’autre s’était alors contenté de lever un sourcil et avait replongé dans ses notes.

Une éternité sembla passer avant qu’ils n’entendent finalement une voix crachoter à travers les haut-parleurs de la pièce. Le Dr Vandivier – le plus vieux – haussa de nouveau un sourcil, tandis que le Dr Montgomery – le plus jeune – sursautait au bruit.

"Veuillez décliner votre identité telle qu’apparaissant dans le registre du personnel de la Fondation, ainsi que votre numéro d’identification de Niveau 4 et votre mot-de-passe." La voix s’exprimait clairement, son ton indiquait une éternité de répétition.

Le Dr Vandivier toussota et parla. "Dr Gregory Arnold Vandivier. Numéro d’identification, 4511-12894-19-055. Mot-de-passe, 18840-12884-19078-00004."

Il y eut une légère hésitation avant que la voix ne retentisse à nouveau pour interroger Montgomery. Le plus vieux le regarda et pendant un moment un rien de sympathie sembla se refléter dans ses yeux. "Détendez-vous," dit-il doucement. "Contentez-vous de réciter les numéros."

Montgomery ravala sa salive, prit une profonde inspiration et récita ses propres accréditations. "Dr Anderson Dean Montgomery. Numéro d’identification, 9280-27112-17-054. Mot-de-passe-" Un bref instant de doute le frappa, mais s’évanouit lorsqu’il vit le hochement de tête rassurant du Dr Vandivier. "16738-17489-13782-00004."

Les deux hommes attendirent en silence, les derniers mots de Montgomery encore suspendu dans l’air. Une autre pause, une autre éternité, puis la porte en face d’eux se mit à cliqueter.

"Dr Vandivier, Dr Montgomery. Veuillez entrer"

Le panneau de la porte coulissa sans bruit dans le mur et une lourde vague d’air recyclé sentant le renfermé les submergea. Montgomery se souvint de l’époque où il exerçait en prison, de la manière dont la moindre bouffée expirée par les détenus en isolation semblait flotter autour d’eux comme un suaire. Le souvenir le fit légèrement vaciller, tandis que le Dr Vandivier passait la porte.

"Venez," dit-il par-dessus son épaule. "Nous y sommes presque."

Tous deux avancèrent en silence dans le long corridor blanc. Il y avait des caméras tous les quinze mètres, ou quelque chose comme ça, avait entendu dire Montgomery. Le sol était carrelé et chaque pas qu’ils faisaient résonnait sur les murs alentours, annonçant leur venue comme une armée de petits tambours. La température se rafraichit légèrement, mais Montgomery sentit malgré tout des perles de sueur se former sur sa nuque et y persister.

Devant eux se trouvait à présent une double-porte. Juste à côté il y avait une plaque d’information en laiton, identique aux douzaines d’autres présentes à travers le Site. À mesure qu’ils s’approchaient, l’inscription sur la plaque devint visible et Montgomery sentit sa gorge se serrer.

Objet # : SCP-231-7
Classe : Keter

Vandivier poussa la porte sans hésitation. Montgomery s’accorda un moment de pause pour inspirer un grand coup puis la franchit à son tour. L’ambiance était plutôt calme de l’autre côté. Plusieurs docteurs se trouvaient là, réunis autour de divers appareils et examinant les informations et les données calculées par les machines derrière eux. Tous affichaient un air solennel et la gravité ambiante frappa Montgomery comme une tonne de brique. Une horloge numérique sur le mur indiquait 19:45 en chiffre rouge vif et une autre juste à côté avait un compteur à rebours qui défilait jusqu’à zéro.

Un grand homme en veston blanc les aperçut tous les deux et s’approcha à grandes enjambées pour venir les saluer. Il serra d’abord la main de Vandivier et échangea quelques mots à voix basse avec lui avant de se tourner vers Montgomery pour le saluer à son tour.

"Bonsoir, Dr Montgomery," dit-il, une expression déterminée derrière sa moustache grise broussailleuse. "Oliver Targus, un plaisir de vous rencontrer."

Montgomery lui rendit sa poignée de main. "De même."

Le Dr Targus le guida jusqu’à une série de consoles affichant des informations médicales et des statistiques vitales. "Dr Montgomery, voici votre poste de travail. Je vais vous laisser vous familiariser un peu avec les capteurs et voir si vous souhaitez faire quelques ajustements." Il montra du doigt un écran latéral avec l’image vidéo d’une pièce blanche et vide. "C’est la caméra de surveillance de la chambre de procédure. Nous ne gardons aucun membre du personnel à l’intérieur pendant son déroulement, donc vous serez nos yeux et nos oreilles sur place. Ça vous convient ?"

Montgomery acquiesça. Il jeta un œil aux écrans, examina les informations sur la fréquence cardiaque et les relevés électroencéphalographiques et pendant un moment se sentit un peu plus à son aise. Il était dans son élément, c’était quelque chose qu’il maîtrisait.

Mais ensuite ses yeux se posèrent sur un écran affichant en direct les fréquences ultra-sonores et son cœur s’accéléra. Il se détourna rapidement pour ne pas trahir son agitation. "Ça m’a l’air parfait. Qu’est-ce que je suis censé faire d’autre ?"

Le Dr Targus sourit légèrement et l’emmena jusqu’à une large baie d’observation vitrée. Celle-ci surplombait une pièce blanche, la même que sur la vidéo supposa-t-il. Il y avait une unique porte sur le côté, à sa droite. Il regarda en face de lui et vit d’autres chercheurs et docteurs de l’autre côté de la salle de contrôle, observant eux aussi à travers leur propre baie d’observation. Montgomery se demanda quel pouvait bien être leur rôle à tous ici. Il décida que cela ne valait sans doute pas la peine d’y penser.

"Ici même, dans quelques minutes, nous allons démarrer la procédure. Une fois qu’elle aura débutée tout se passera plutôt vite, donc vous allez devoir garder votre esprit focalisé sur ces écrans. Si vous remarquez quoique ce soit qui sorte de l’ordinaire signalez-le au Dr Brunell, juste ici."

Il désigna de l’autre côté de la salle une chercheuse blonde dont les cheveux descendaient jusqu’aux épaules et qui examinait une pile de notes avec un docteur de petite taille. "Elle est responsable de la stabilité médicale et se tiendra juste à l’extérieur de la salle d’observation au cours de la procédure. Vous pouvez l’appeler depuis votre poste, elle sera votre contact prioritaire pour toutes les autres tâches de votre affectation." Montgomery leva les yeux après un moment et vit que le Dr Targus le dévisageait.

"Je comprends votre anxiété, Dean." Il sourit de nouveau. "Nous sommes tous passés par là. Mais tâchez de bien comprendre l’importance de votre rôle et contentez-vous de faire votre job avec l’excellence qui vous a conduit jusqu’ici aujourd’hui. Tout va bien se passer."

Montgomery acquiesça et ravala sa salive. "Merci docteur. C’est juste le stress de la réaffectation, vous savez." Il tenta faiblement d’esquisser un pâle sourire, mais ses lèvres le trahirent.

À cet instant précis, une sonnerie retentit à travers la salle de contrôle suivie de la même voix calme du hall d’entrée. "Attention : la Procédure 110-Montauk commencera dans cinq minutes. À tout le personnel, veuillez gagner votre poste."

Targus donna une tape dans le dos de Montgomery. "Détendez-vous docteur. Je crois que vous finirez par trouver que cette affectation n’est pas si terrible." Là-dessus, le vieux docteur au teint basané traversa la salle de contrôle jusqu’à son poste. Montgomery prit un moment pour regarder en contrebas vers la salle d’observation et y vit un groupe d’infirmières en blouses blanches stériles qui faisaient rouler un petit lit par la porte à présent grande ouverte.

Après quelques secondes, il retourna rapidement à son poste. Il s’installa dans son siège et ses yeux se posèrent immédiatement sur l’écran vidéo où il vit les infirmières achever la préparation de la pièce. Un tapis avait été installé, et on avait apporté une petite table et une lampe de chevet auprès du lit, ainsi que quelques draps. Montgomery sentit son estomac se nouer légèrement et regarda de nouveau l’horloge au-dessus de la baie d’observation. Elle indiquait 19:59, celle d’à côté 00:24. Il était presque l’heure.

Les écrans devant lui bourdonnèrent doucement et les informations qu’ils contenaient se mirent à défiler sans relâche. Il prit quelques notes et ouvrit un manuel d’instruction qu’il avait apporté avec lui lorsqu’il entendit soudain retentirent la dernière sonnerie.

"À tout le personnel : la Procédure 110-Montauk vient de commencer."

Il se tourna de nouveau vers l’horloge et remarqua que de larges panneaux d’acier avaient glissé devant la baie d’observation et bloquaient la vue de la chambre. De retour à son écran vidéo, il vit que les lumières de la chambre avaient été tamisées et que la seule source de lumière provenait à présent de la lampe sur la table. La porte du mur coulissa de nouveau et deux infirmières entrèrent. Une petite fille se tenaient entre elles.

Elle ne devait pas avoir plus de huit ans estima Montgomery et elle ne ressemblait pas exactement à ce qu’il s’était imaginé. Ses cheveux avaient été coupés très courts, presque une ombre sur sa peau olivâtre. Il remarqua qu’elle se déplaçait bizarrement et c’est alors qu’il vit son ventre. Celui-ci formait un renflement sous la blouse chirurgicale qu’elle portait et gênait sa démarche, la rendant gauche et hésitante. Les infirmières la guidèrent vers le lit et l’aidèrent à s’y installer. L’une d’entre elle s’occupa de réajuster son oreiller pendant que l’autre bordait ses couvertures. Une fois qu’elles eurent fini, l’une d’elle se pencha vers la petite fille pour lui murmurer quelque chose avant de rejoindre sa collègue pour sortir de la chambre. Montgomery trouva cela bizarre et se demanda si quelqu’un d’autre l’avait remarqué.

Une autre voix s’éleva à travers l’interphone et lui fit lever les yeux. Il reconnut celle du Dr Targus et vit que celui-ci se dressait au milieu de la salle, regardant une série d’écrans en face de lui. "SCP-231-7 est en place. Est-ce que le personnel de Classe-D est prêt ?" Il y eut un silence, puis, "Ok. Ouvrez la porte, relâchez le sujet."

De retour à son écran, Montgomery vit un homme à la peau sombre qui portait une combinaison grise standard de la Fondation franchirent lentement l’encadrement de la porte. Tandis que celle-ci se refermait en glissant derrière lui, l’homme pivota légèrement et Montgomery vit qu’il tenait quelque chose à la main. Il plissa les yeux pour tâcher de voir ce que c’était, mais l’homme lui bloqua la vue en se tournant vers la petite fille dans le lit. À chaque pas qu’il faisait vers le centre de la chambre, Montgomery sentait ses cheveux se dresser un peu plus sur sa nuque et son sang battre plus fort dans ses veines.

"D-55318," entendit-il le Dr Targus ordonner au loin. "Vous pouvez commencer."

Montgomery ne parvenait pas à détourner le regard. Ses yeux ne le lui permettaient pas, bien que son esprit tentât désespérément de se raccrocher à quelque chose d’autre. Le Classe-D s’approcha du chevet du lit. La petite fille au ventre gonflé leva les yeux vers lui, ignorante du sort qui l’attendait et sourit. Montgomery ravala un sanglot, mais s’arrêta soudain lorsqu’il vit le Classe-D tirer à lui un tabouret dissimulé derrière la petite table. L’homme s’assit dessus et il l’entendit parler et à travers les micros.

"Bonjour Katherine," dit-il d’une voix douce. "Je t’en ai apporté un nouveau ce soir, ça s’appelle Bonsoir la Lune. Ça te va ?"

La petite fille acquiesça vigoureusement et serra un lapin en peluche contre elle. Le Classe-D ouvrit le livre qu’il avait apporté et commença à lire.

Montgomery ne pouvait plus bouger. Il ne pouvait plus respirer. Ses yeux parcoururent avidement la pièce à la recherche d’une autre personne aussi incrédule que lui. Il n’en découvrit aucune, personne n’avait levé les yeux de son écran. Tous les occupants de la salle de contrôle s’occupaient normalement de leurs affaires, prenant des notes et parlant doucement dans le micro de leur casque. Le Dr Targus lui-même n’avait pas bronché et si on lui avait demandé son avis, Montgomery aurait répondu qu’il avait même l’air de s’ennuyer.

Il revint à ses écrans et essaya de prendre des notes sur les variations de son pouls, de sa pression sanguine, de sa température corporelle, mais il ne parvenait pas à détourner ses yeux de la vidéo. Le Classe-D continuait de lire son livre, n’élevant la voix que pour donner une légère emphase à certains passages.
Cela dura une dizaine de minutes, bien qu’aux yeux de Montgomery cela sembla durer une éternité. Il écouta chaque mot de l’histoire et son esprit s’emballa. Ce n’était pas ce qui était censé se produire. Qu’est-ce qui se passait ? Qu’est-ce que c’était que ça ? Il se souvint de la première fois où on lui avait annoncé qu’il allait être affecté à SCP-231. Il se souvint de la manière dont ses collègues du Site-81 lui avaient parlé et avaient essayé de le consoler, de comment ils lui avaient dit que ça ne serait pas si terrible après le traitement amnésique de post-affectation. Il avait entendu parler des choses qu’on racontait à propos de 231, des délinquants sexuels qu’on utilisait pour les protocoles de confinement et de ce qu’ils faisaient subir à la petite fille…

Mais ce n’est pas ce qui se passait. L’homme avait l’air d’une brute, certes, et Montgomery voulait bien croire qu’il s’agissait d’un criminel, mais il parlait bien et ne toucha pas une seule fois à 231-7. Il continua simplement de lire, levant les yeux de temps à autre pour regarder la petite fille. Elle paraissait sur le point de s’endormir et avant que le Classe-D n’ait fini son livre, elle s’était complètement assoupie. L’homme reposa le livre, se leva, caressa doucement la tête de l’enfant et sortit de la chambre. La lampe de chevet s’éteignit tout à fait et les lumières de la salle de contrôle revinrent. Il y eut un bourdonnement d’approbation autour de lui et lorsque Montgomery put enfin lever les yeux de son écran il vit les autres membres du personnel achever leurs rapports de procédure, signer les documents d’usage, éteindre leurs ordinateurs et surtout ne pas paniquer. Montgomery se retourna vivement en entendant quelqu’un s’approcher dans son dos et soupira en voyant que c’était juste le Dr Targus.

Le vieil homme sourit de nouveau. "Comment ça s’est passé, docteur ? Vous avez remarqué quelque chose d’anormal chez le sujet ?"

Montgomery attrapa son calepin et commença à le feuilleter. "Euh, je- non. Rien d’anormal, rien excepté, euh… excepté-" Il perdit le fil de son discours.

"…Excepté que la Procédure 110-Montauk n’est pas exactement ce que vous aviez prévu qu’elle serait."

Le jeune docteur acquiesça. Targus attrapa une chaise et s’assit à côté de lui. "Eh bien en général nous faisons un entretien pour chaque nouvelle affectation et si votre arrivée ne s’était faite avec un préavis aussi court, c’est certainement ce que nous aurions fait. Mais la confidentialité est capitale pour ce projet, donc je suppose que ce n’est pas plus mal." Il toussa. "Je suis sûr que vous devez avoir quelques questions."

Montgomery hésita et répondit en balbutiant. "C’est que, euh, pourquoi est-ce que- J’avais entendu dire que c’était, vous savez, qu’ils devaient-"

"La violer ?" Demanda Targus le visage impassible. "Oui, c’est en effet ce qu’est supposé sous-entendre le rapport tel que nous l’avons conçu. Ça devait être aussi horrible que c’en avait l’air n’est-ce pas ? Un crime sexuel brutal contre une enfant ?" Montgomery ne bougea pas. "Oui, fallait que ça soit quelque chose de terrible. Abject au-delà de tout pardon. Mais ce n’est pas ça la Procédure 110-Montauk, docteur."

Il se rejeta en arrière. "Au tout début du confinement des sujets 231, nous avons fait subir de terribles choses à ces pauvres filles. Pas aussi terribles que ça, mais nous n’avions pour nous conseiller qu’une poignée d’occultistes que nous étions parvenus à capturer pour leur soutirer des informations. C’était ce qu’ils avaient fait pour confiner le démon, alors nous en avons fait autant. Je ne faisais pas partie du projet à l’époque et naturellement un certain nombre de ces docteurs – la plupart d’entre eux en fait – ne sont plus des nôtres aujourd’hui, tout comme 231-1 à 6. C’est à cause de nos échecs qu’ils ont péri et c’est à cause de leur mort que nous avons réalisé qu’il fallait que nous fassions les choses différemment."

"Les dieux sont rarement soumis aux lois de la physique, vous savez. Les plieurs de réalité peuvent modeler l’univers autour de nous à leur guise et se jouer de l’existence, mais tout à des règles, Dr Montgomery." Il se pencha vers lui. "Même les dieux ont des règles. De vieilles lois, certes, archaïques mais efficaces. Nous avons alors commencé à nous pencher d’un peu plus près sur les informations que nous avions récoltées sur le Roi Écarlate, concernant l’entité en elle-même. Et parmi tous ces documents et tous les éléments collectés que nous avions à notre disposition, nous avons découvert quelque chose."

Il se rejeta de nouveau en arrière. "Le démon n’a pas besoin d’être confiné par des actes horribles ou abjects, Montgomery. Le démon n’a besoin que de croire que de tels actes sont commis en son nom. Le rapport que nous avons créé, les terribles rumeurs concernant la Procédure 110-Montauk, le suicide de certains docteurs travaillant sur le projet, toutes ces choses. Ce n’est qu’une mascarade. Tout ne sert qu’à convaincre le démon que nous faisons subir les pires sévices à cette gamine. Ces procédures, cette campagne de peur, nous ont permis de semer la terreur dans le cœur du personnel de la Fondation et cette terreur rassasie le monstre."

"Aussi longtemps qu’il y aura des gens pour croire que nous faisons d’aussi terribles choses, le monstre continuera d’y croire lui aussi. Il y a du pouvoir dans les symboles, docteur. Les vieux dieux le savent et ils y sont soumis. Le Roi Écarlate n’a pas d’yeux pour voir la violence, d’oreilles pour entendre les hurlements ou de nez pour sentir le sang. Mais le Roi Écarlate peut sentir la peur, alors nous lui en avons donné. La simple peur, c’est tout ce dont il a jamais eu besoin."

Le vieux docteur se tût et ferma ses yeux. Les deux hommes restèrent assis en silence, pendant que des chercheurs défilaient devant eux pour sortir de la salle de contrôle par le corridor. Une fois que la plupart d’entre eux furent sortis, Montgomery demanda.

"Et la lecture ? Les histoires du soir ?"

Targus hocha la tête. "Katherine ne peut pas dormir sans qu’on lui raconte une histoire. La manière dont elle se débrouille pour arriver à dormir la nuit me dépasse, mais il faut un acte quelconque pour convaincre le démon. Aux yeux du Roi Écarlate, Dr Montgomery," dit-il, "lui raconter ces histoires est la pire chose que nous puissions lui faire subir."

Montgomery hocha la tête, la compréhension commençait à l’envahir petit à petit. Il jeta un regard vers les volets d’acier de la chambre d’observation. "Et ces plaques blindées dans tout ça ? Le fait de tenir les membres du personnel à l’écart de la chambre ?"

Targus ouvrit les yeux. "Le danger est toujours bien réel, docteur. Un échec du confinement de SCP-231-7 engendrerait très certainement un XK. Nous avons mis en place des précautions, installées tout autour de la salle d’opération de la Procédure 110-Montauk. Ne croyez pas que la manière par laquelle nous confinons le démon le rende moins dangereux. En effet, il s’agit sûrement de l’une des entités les plus dangereuses dont nous ayons jamais eu à gérer le confinement, mais… il y a des choses que nous ne ferons jamais, Montgomery. Il y a des choses trop ignobles dont le simple sous-entendu me rend malade. Mais si sous-entendre est tout ce que nous ayons à faire, alors je peux dormir tranquille."

Un autre docteur vint trouver Targus et après de brefs aurevoirs celui-ci se dirigea vers un autre coin de la salle de contrôle. Montgomery resta tranquillement assis pendant quelques instants, repensant à tout ce qui venait de se passer. Il regarda à nouveau l’écran vidéo et vit la petite fille qui dormait paisiblement dans son lit, son lapin en peluche blottit entre ses bras. Le jeune docteur en ressentit une profonde angoisse, mais il y avait quelque chose qui transparaissait au travers. La terreur s’était évanouie, mais la peur demeurait, silencieuse et menaçante.

Il éteignit les écrans, rassembla ses notes et quitta la pièce.

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