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Il y a de ça deux jours, pour la première fois depuis le début du raid, ils avaient vu un adulte. Alors qu’ils s’étaient dispersés pour trouver de la nourriture, Pacôme était retourné au camp en courant, en criant de joie. Au début, Luc l’avait disputé en lui disant de ne pas faire de bruit, qu’il allait attirer les autres. Mais Pacôme n’en démordait pas. Il avait vu une femme en uniforme. Pas en uniforme blanc et noir comme celui des… autres, ni même une silhouette entourée d’ombre. Une policière.

Le chef voulait fuir et démonter le camp, Pacôme voulait établir le contact. Fabrice, lui, avait hésité. Le problème, c’était Nicolas. Ligoté à un arbre, prisonnier, il n’était pas facile à déplacer. Alors que tout le camp discutait de la nouvelle, même Dorian donnait son avis, il y avait eu du mouvement. La femme en uniforme, ou plutôt les femmes, elles étaient deux, avaient suivi Pacôme. La discrétion n’avait jamais été son fort. La situation avait été tendue, c’est le moins qu’on puisse dire.

Dorian n'arrêtait pas de répéter que son oncle était gendarme, et que ce n'était pas les bons uniformes ; Fabrice avait sorti sa hachette, Pacôme criait. De leur côté, les deux femmes avaient tenté d’être aussi rassurantes que possible sans grand succès, avant de remarquer Nicolas, bâillonné et attaché contre un arbre. Alors elles avaient posé des questions. Étrangement, ça avait un peu calmé l’ambiance et le contact s’était fait. C’était pas vraiment des gendarmes, pas vraiment des policières non plus. Elles leurs avaient expliqué qu’elles étaient des sortes d’agents à la X-Files française, mais personne n’avait la référence.

Tout le monde dans la patrouille avait imaginé, rêvé, fantasmé le jour du contact avec les adultes, le retour à la normale, mais personne ne l'avait imaginé comme pas. Pas de chant, pas de danse, pas d’embrassade, mais un échange gêné pour comprendre ce que chacun faisait là. Le souci, c’est qu’au final, personne ne savait comment sortir de là. Ils semblaient plus habitués que les scouts à ce genre de situation, mais ils n’avaient pas de réponse pour autant. Au moins, la prudence initiale et la froideur du premier contact avaient permis d’éviter de se bâtir trop d’espoir, et donc d’éviter la douche froide. Luc était même plutôt heureux de les savoir aussi perdues qu’eux, c’était la preuve que ce n’était pas des autres. Les choses s’était donc rapidement calmées.

Elles avaient quand même insisté pour qu’on détache Nicolas, malgré les supplications de Pacôme. C’était moins dangereux de le laisser en liberté maintenant, avec deux personnes en plus pour surveiller, et c’était une paire de bras supplémentaire. Depuis, il passait ses journées collées aux deux policières. Fabrice était persuadé qu’il avait peur de Pacôme et de Luc depuis sa raclée. C’était pas plus mal.

Ensuite, il y avait l’incident de la sève. Ils avaient tous failli finir pétrifiés, mais de nouveaux arrivants leur avaient sauvé la mise de justesse. Cependant, les presques-policières n’étaient pas contentes avec les sauveurs. Parmi les nouveaux arrivants, il y avait une collègue à elles, mais c’était les trois personnes qui l'accompagnaient le problème. C’est vrai que c’était des gens bizarres. Il y avait un grand chauve couvert de sang, avec pleins d’yeux morts à la ceinture. Il faisait peur. Il y avait aussi une femme avec le bras en écharpe et un petit brun mutique, mal rasé.

Il y avait eu des débats entre les adultes, sur ce qu’il fallait faire d’eux. Apparemment, c’étaient des criminels, des terroristes ou un truc du genre, mais pas agressifs, bloqués aussi. Ils avaient crié fort, mais Luc était intervenu. Leur avait fait remarquer que ça avait déjà été compliqué de gérer Nicolas, et qu’au final on les avait forcés à le libérer parce qu'il était plus utile comme ça. Tout le monde devait aider. Ça avait remis les autres à leur place, et finalement, les trois autres avaient pu rester. C’était sans doute le bon choix. Au final, ils avaient su se montrer utiles. Le petit brun connaissait bien la forêt apparemment, et la femme blessée avait quelques idées à tester.

Pour Luc, Pacôme, Dorian et même Nicolas, il s’agissait d’un rayon d’espoir.

Pas pour Fabrice, qui relisait ses notes. 11 personnes à nourrir, alors qu’ils avaient déjà du mal à 5, sans compter qu’il fallait aussi rester discrets. Les nouveaux n’avaient même pas de tentes. Dans la joie des retrouvailles, personne ne s’en était réellement inquiété. Il n’avait rien dit, pour ne pas affoler les autres. Des gendarmes pas gendarmes, des terroristes… Peut-être aurait-il mieux fallu rester seuls.

Il referma son carnet.

Quoi que les adultes voulaient faire, il allait falloir le faire vite.



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