Entre en jeu le Bureau

7 Janvier 2014
Localisation Inconnue

La lourde porte de la salle se referma enfin, laissant planer dans l'atmosphère un silence de cérémonie, semblable à tous ceux qui précédaient ce genre de réunion.

Deux fut le premier à briser ce silence.

"Bien, puisque nous sommes tous là, ne devrions-nous pas commencer ?

- Je suis d'accord, à vrai dire, je suis curieux de connaître la raison de cette convocation d'urgence, grogna Trois.

- Je vais essayer de faire court, nous sommes tous des gens occupés, surtout en ce moment, mais c'est justement de ça dont il s'agit, glissa enfin Sept, qui était celui qui avait convoqué cette assemblée.

- Allons-nous enfin débattre de l'élimination des objets au potentiel scientifique nul ?" s'enquit Neuf en se penchant en avant.

Un soupir agacé traversa l'assistance.

"On a en déjà discuté et on a déjà décidé que c'était non, à dix voix contre deux, et encore, c'était avant que douze ne change d'avis.

- Je me disais que la récente étude démontrant la démultiplication de l'apparition des phénomènes et entités anormales vous avait peut être fait changer d'avis, lâcha-t-il avant de se renfoncer dans son siège.

- En fait… Il s'agirait plutôt de l'exact opposé.

Douze visages se retournèrent simultanément vers Sept, ce dernier pris une profonde inspiration, il savait comment sa proposition serait reçue, il avait travaillé des mois durant à sa préparation et plus longuement encore à la façon dont il allait la présenter. Il avait décidé d'y aller cash.

"J'aimerais mettre en place une unité gérant les entités surnaturelles en liberté."

Multiples haussements de sourcils.

"Une nouvelle FIM pour la capture vous voulez dire ? On en a déjà suf-

- Non, ça n'est pas ce que j'entendais par là. Je parle ici d'un nouveau département, indépendant des autres qui aurait pour responsabilité de surveiller et d'interagir avec des individus dotés de capacités ou de caractéristiques anormales."

Murmures cette fois.

"Vous voulez dire des… Des objets SCP non-confinés ? demanda Un avec le ton de quelqu'un qui espérait être contredit.

- Exactement !" lâcha Sept, soulagé de ne pas avoir à reformuler une nouvelle fois.

Et alors la grande table explosa.

De nombreux mots fusèrent : "Absurde" et "Irréaliste", Sept s'était attendu à les entendre. "Trahison" et "Hérésie" le surprirent un peu plus mais, tendant l'oreille, il finit par entendre ceux qu'il espérait.

"Pourquoi pas ?"

Apparemment, il n'était pas le seul à les avoir entendu car le brouhaha se calma aussitôt.

"Pourquoi pas ? reprit Quatre, après tout nous avons de plus en plus d'occurrences d'individus possédant des anomalies loin d'être uniques. Nous ne pouvons pas tous les classer ou les emprisonner, d'autant plus que certaines de ces anomalies sont vraiment mineures : l'autre jour j'ai vu passer le dossier de l'objet anormal nº7382-2015, un homme dont le reflet émet de la chaleur, c'était une anomalie intéressante d'un point de vue de l'étude, mais une fois qu'on avait établi que c'était dû à une intrication de la matière composant son organisme avec les éléments servant de surface de réflexion, ce type ne servait plus à rien, alors on le garde enfermé, on a plus d'expérimentation à faire sur lui mais ça n'est pas un criminel. Du coup, on se contente de garder emprisonné un homme pour la seule raison que les miroirs devant lesquels il passe gagnent quelques degrés.. Nous avons des milliers de cas semblables, et je ne parlerai même pas des hémovores, qui sont devenu une arme pour SAPHIR en partie parce que nous avions négligé le problème."

Suite à cette déclaration, le débat gagna un peu plus d'ordre :

"Nous ne pouvons pas laisser des entités anormales conscientes en liberté !

- Quelle importance si ils sont inoffensifs ?

- Ça va à l'encontre de tout ce que la Fondation a toujours fait !

- Le monde change, la Fondation se doit de changer avec lui…"

Sept se réjouit en constatant que le nombre de voix favorables grandissait. Six était pour, Cinq était contre. Quatre défendait à présent l'idée avec conviction et Douze semblait hésiter. Trois restait le plus bruyant, menaçant de quitter le conseil — bien que tous savaient pertinemment que cela était parfaitement impossible. Deux relisait ses notes, semblant chercher des évidences qui l'aideraient à se convaincre.

Onze demanda enfin :

"Concrètement, que ferait cette unité ?

- Elle travaillerait en étroite collaboration avec le département de renseignement afin de localiser des individus anormaux, potentiellement mêlées à la population et pourrait interagir avec eux d'une façon plus… hmm… plus diplomatique que ce que la Fondation avait pour usage de faire jusqu'à présent.

- C'est ridicule ! La Fondation sécurise, contient et protège ! Notre but est de maintenir le monde à l'écart de ce qu'il n'est pas prêt à voir ! Nous protégeons l'Humanité avec un grand "H", tant pis si quelques anomalies inoffensives doivent en souffrir, c'est le prix à payer ! Ils mourront dans l'ombre pour préserver ceux qui vivent à la lumière, comme nous le faisons tous depu-

- Le problème est là justement. L'Humanité n'est plus la même qu'autrefois…" et sur ces mots il posa sur la table son argument ultime. Le dossier passa de mains en mains.

Soulignant ce qu'indiquait cette étude, Sept déclara :

"12% des êtres humains vivants sur cette planète sont aujourd'hui partiellement ou pleinement conscients que la notion de normalité n'est plus ce qu'elle était, un certain nombre d'entre eux représente bien sûr les membres de la Fondation ou d'autres groupes d'intérêt mais d'autres sont des civils que notre système actuel ne peut protéger. La mise en place de ce département permettra de gérer ces civils de façon… humaine."

Sept soupira, il savait que son projet ne pourrait pas faire l'unanimité, la Fondation se cachait du monde depuis bien trop longtemps pour qu'un tel changement de politique passe sans difficulté, il espérait juste avoir pu convaincre suffisamment de membre du conseil.


"…ce qui nous amène à six voix pour et six voix contre. Il y a bien longtemps qu'aucun vote n'avait autant départagé le conseil. Eh bien, il ne reste plus qu'à mon tour de m'exprimer, lâcha Un en scrutant la table. Je suis assez divisé moi aussi à vrai dire mais… malgré toutes les dérivations que l'on a pu prendre au fil des décennies, malgré toutes les décisions immorales prises par ce conseil, je persiste à croire que la Fondation oeuvre pour l'Humanité… Il est peut être temps de s'adapter."

Des grondements mécontents se firent entendre mais la décision avait été prise et elle était irrévocable.

"Bien, à sept voix contre six, le Commandement O5 vote pour la création d'un nouveau département apte à gérer les entités conscientes dotées de capacités surnaturelles. O5-7, comment souhaitez vous le baptiser ?

- Je n'ai pas envie d'un nom compliqué. Appelons ça simplement le Bureau de Surveillance des Individus Anormaux."

Sauf mention contraire, le contenu de cette page est protégé par la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License