Recherches personnelles et post-its découverts sur le bureau du Chercheur Corbin
Fragment de chronique (daté aux alentours de 850-900, traduit du vieux slave oriental). Les passages entre crochets correspondent à des trous dans le support du texte d’origine, et sont donc des suppositions.
L’un des hommes envoyés par Trouvor d’Isborsk était un mage qui œuvrait parmi [les hommes. Son nom] lui fut demandé, mais il prétendit ne point en avoir. Il se désignait comme Nujta, un mot ancien de [sorcier. Longtemps] il avait médité dans le creux d’un arbre mort, jusqu’à ce que son nom lui soit pris et que la vérité du monde lui soit révélée. L’arbre était troué par le pic et mangé par le ver, et lorsque le vent [souffla en tempête, il] en joua comme d’une flûte. Nujta en sortit et vit un animal aveugle à la corne unique au sommet [du front, percée elle aussi de] plusieurs trous. Il en fut si charmé qu’il suivit l’animal en chantant le vent jusqu’à se trouver [dans le lieu sacré où] le soleil ne se lève jamais pour les lâches. Les arbres lui révélèrent être ses ancêtres. Ils l’envoyèrent à nouveau parmi les hommes pour leur révéler ceci.
Les mages [qui écoutaient Nujta découvrirent] le secret des arbres de chair, et leur firent grands sacrifices à travers le continent jusqu’aux jours maudits où Charles le vil les persécuta sans pitié.
Extrait de conte de tradition orale Solomonari. Transcrit en hongrois au quinzième siècle. Auteur inconnu.
Ne va pas dans les grands bois, lui dit sa mère, car c’est là où vit la sorcière. Elle a refusé la vraie voie et son cœur est devenu noir au lieu de rouge. Elle parle aux plantes et les plantes lui répondent dans une langue maudite.
Bogdán lui demanda ce que les arbres racontaient à la sorcière, et sa mère répondit : au-delà des grands bois se trouve Karassukand, les autres bois dont seuls les braves reviennent. Les arbres de Karassukand voient, sentent et parlent, et seuls ceux au cœur noir savent ce qu’ils racontent.
Extrait d’entretien avec Pedro E████████, pêcheur Macuxi (Brésil). Traduit du macuxi.
Pedro E████████ : Les nasses font le plus gros du travail. C’est les relever qui est pénible.
Agent Carvalho : Et vous n’avez jamais songé à aller les placer plus en aval ?
Pedro E████████ : Non. Là-bas, c’est une mauvaise idée.
Agent Carvalho : Pourquoi ça ? Moins de poissons ?
Pedro E████████ : Plus d’ennuis, surtout. C’est le début du territoire ███████.
Agent Carvalho : Ils vous ont causé du tort ?
Pedro E████████ : À moi ? Non. Mais c’est parce que je n’y vais pas.
Agent Carvalho : Dites m’en plus.
Pedro E████████ : Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Vous allez vouloir aller vérifier vous-même.
Agent Carvalho : Vous avez ma parole que non. De toute manière, je n’ai pas de moyen de m’y rendre.
Pedro E████████ : [pause] Il paraît que là-bas, il y a des arbres qui mangent les morts. [nouvelle pause] Mais aussi les vivants, s’ils sentent la mort.
Agent Carvalho : Les arbres « mangent »…?
Pedro E████████ : Je ne sais pas vraiment comment ils font. C’est juste ce qu’on raconte. Ce qui est sûr, c’est que si vous coupez un arbre là-bas, souvent, il y a une personne dedans.
Agent Carvalho : La personne reste à l’intérieur de l’arbre ? Comme dans une tombe ?
Pedro E████████ : Comme dans un estomac.
Agent Carvalho : Ce qui entre dans un estomac, ça va quelque part. Mais les morts restent dans ces arbres ?
Pedro E████████ : Oui. Enfin, pas entièrement.
Agent Carvalho : J’ai bien peur de ne pas comprendre.
Pedro E████████ : Une partie reste, une partie va ailleurs. Pas ici.
Agent Carvalho : Dans les racines ? Sous terre ?
Pedro E████████ : De l’autre côté, je suppose. Là où les arbres poussent à l’envers et pointus.
[longue pause durant laquelle l’Agent Carvalho attend visiblement la fin de l’explication]
Pedro E████████ : Ne me regardez pas comme si je savais. Vous aviez dit que vous vouliez des informations sur la pêche traditionnelle, au départ.
Woodsman’s lament [La complainte du bûcheron] – chanson folk. Auteur inconnu.
When every night gets a little bit longer [Quand chaque nuit devient un peu plus longue]
And every drink gets a little bit stronger [Et que chaque verre (d’alcool) devient un peu plus fort]
I remember that tree at the end of the garden [Je me souviens de cet arbre au bout du jardin]
I remember the wind, the way the heart hardens [Je me souviens du vent, de la façon dont le cœur durcit]I’m going to the woods, don’t follow my track [Je vais dans les bois, ne suivez pas ma trace]
I’m going to the woods, and I won’t come back [Je vais dans les bois, et je ne reviendrai pas]I remember then how it pleaded and whispered [Je me souviens alors comment il a supplié et chuchoté]
How it bent and it screamed and it snapped and it burned [Comment il s'est plié, a crié, s'est brisé et a brûlé]
How my father then took the axe and the matches [Comment mon père a pris la hache et les allumettes]
And went up in flames full of cuts bruises and scratches [Et s'est enflammé, plein de coupures, de bleus et d'égratignures]I’m going to the woods, don’t follow my track [Je vais dans les bois, ne suivez pas ma trace]
I’m going to the woods, and I won’t come back [Je vais dans les bois, et je ne reviendrai pas]Are we all trees once we go to the other side [Sommes-nous tous des arbres une fois de l'autre côté]
Are people all growing anew after they died [Les humains repoussent-ils tous après leur mort]
If you ever feel blue and want some company [Si jamais vous avez le cafard et voulez de la compagnie]
Come get lost in the woods and pour a drink for me [Venez vous perdre dans les bois et servez-vous un verre pour moi (ou "versez-moi un verre"- intention de l’auteur peu claire)]I’m going to the woods, don’t follow my track [Je vais dans les bois, ne suivez pas ma trace]
I’m going to the woods, and I won’t come back [Je vais dans les bois, et je ne reviendrai pas]
Extrait de récit de rite d’initiation (2006, peuple ███████ confiné avec SCP-116-FR, Brésil)
Puis l’aspirant se met à jouer du tambour. Le rythme n’a pas d’importance, seule l’action de frapper quelque chose produisant une résonance compte. Quel que soit le talent des participants, peu à peu, les instruments s’harmonisent, qu’ils le veuillent ou non. Cependant, ce qui en résulte ne saurait être qualifié de mélodie. Les flûtes sonnent comme le vent dans les branches, les chants comme les gargouillis d’un animal, et les tambours comme les pas d’un géant. Peu à peu, les sons des grands bois envahissent l‘espace, et à son tour, l’espace envahit le son, jusqu’à ce qu’ils deviennent une seule et même chose. Alors seulement l’aspirant peut traverser le réel.
Il est de coutume de mettre chaque futur initié en garde au préalable, car chaque traversée déchire légèrement le tissu qui constitue le monde, et chaque morceau de toile emportée par l’aspirant contre sa volonté est susceptible de prendre un tout autre aspect, une fois passé de l’autre côté.
Extrait du blog de type carnet de voyage « Marche Ou (C)Rêve », actuellement désactivé, auparavant tenu par Cole K███████. Entrée du 25/09/2013. Contenu repéré par un robot d’indexation appartenant à la Fondation SCP le 02/01/2016.
Être assis sur un toit, ça donne toujours l’impression d’être au sommet du monde, même quand il s’agit de celui d’une baraque abandonnée du midwest. C’est là que je me suis retrouvé avec deux autres routards et qu’on a commencé à discuter. Je ne sais même plus qui a eu l’idée de grimper là-haut, mais ça n’était pas moi. Je suppose qu’ils faisaient ça souvent. Se droguer aussi. Il faut avouer qu’il n’y a pas grand-chose d’autre à faire dans le Nebraska, à part peut-être entrer dans un champ de maïs et ne jamais en ressortir.
Le grand brun avec la dégaine de métalleux sous-alimenté a sorti un joint et on l’a fait tourner en attendant que le soleil se couche. C’est ce qui doit passer pour le summum de la sophistication, dans le coin. Quoi qu’il en soit, on était tous là à regarder au loin et à philosopher sur des choses plus ou moins intéressantes quand le timide au pull rayé a regardé le joint comme s’il l’avait insulté personnellement. J’ai demandé ce qui lui arrivait, en riant un peu, et il m’a rendu le joint en disant « Je sais pas. Cette merde a le goût de l’eau du lac où j’ai failli me noyer. »
J’ai immédiatement voulu en savoir plus. Il était déjà un peu parti, ceci dit.
« Si j’étais pas sage, là d’où je viens, on te menaçait avec le Cercle et la Chanson. » Il avait prononcé ça comme si c’était des mots importants, avec une majuscule. Ou une autre couleur, peut-être. « Ils ne le faisaient jamais, hein, c’était un peu comme le boogeyman, tu vois ? Mais si tu Chantais assez bien en faisant le Cercle, l’enfant pas sage arrivait dans les Bois. »
J’ai regardé autour de nous. Que des champs de maïs à perte de vue. Ici, un silo, là une vieille ferme, et puis la route. Pas de bois. Mais après tout, ce mot-là aussi semblait avoir une majuscule.
« Mais tu connais les gosses. Évidemment, il y en a qui voulaient essayer, pour voir. Surtout sur les gamins qu’ils aimaient pas. Alors devine qui s’est retrouvé entouré de petits cons qui Chantaient ? »
Il souriait, et ricanait un peu aussi, de la façon bizarre et hystérique dont on rigole quand on est gentiment high. Ses manches de pull étaient trop longues, et mes yeux n’arrêtaient pas de se focaliser sur ce détail.
« Et ils se sont plantés. Plantés ! J’ai atterri dans de l’eau, mon gars. Dans un lac au milieu des Bois ! » fit le petit type de sa voix de crécelle en éclatant de rire. « J’étais sous l’eau, mais loin, loin, et je voyais des espèces de grands sapins flous vers le haut, tu vois ? Et l’eau entrait dans ma bouche, et elle avait ce goût-là, » poursuivit-il en gesticulant en direction du joint, qu’entre-temps j’avais rendu à l’espèce de grand métalleux. « Il fallait, il FALLAIT que j’arrive à atteindre la surface, mais je savais pas nager. Alors j’ai donné des coups de pied comme un fou, et ça m’a semblé durer une plombe, mais quand j’ai touché la surface, elle s’est déchirée. Crac. Et j’étais à nouveau au milieu de ces petits cons. »
Il se laissa tomber en arrière sur le toit et regarda les nuages comme s’il était surpris qu’ils soient là. « La trouille de leur vie. Après ça, ils m’ont foutu la paix, je t’assure, » conclut-il avec le même petit rire bizarre.
« Tu saurais la chanter ? Fit le grand type.
- Chanter quoi ?
- Ta chanson qui envoie les gosses dans les bois maudits, là.
- Non. T’es fou. Je veux plus entendre parler de ces conneries.
- Hm. Dommage. »Il regardait le paysage autour de nous, ou du moins ce qui passait pour un paysage. Je n’avais pas de mal à imaginer pourquoi il posait la question. Peut-être que lui-même ne savait pas trop pourquoi il voulait connaître la chanson, mais qu’il sentait, comme moi, le serpent lové entre les côtes qui chuchote « Veux-tu revivre la chute du jardin d’Eden ? Veux-tu à nouveau courir te cacher sous le poids de la honte écrasante de la connaissance ? Veux-tu sentir la morsure du froid comme un baiser et le souffle du vent comme une confession ? Veux-tu ? »
Pendant que j’en étais là de mes réflexions, le métalleux éteignit le joint d’un air dédaigneux et confirma : « Je sais pas ce qui déconne mais ouais, il y a un goût. Peut-être que c’est le papier. C’est presque métallique.
- C’est comme chez le dentiste, m’amusais-je.
- C’est du sang, » déclara le type au pull rayé, toujours allongé sur le toit.Ça y est, me dis-je, on est vraiment entrés dans la phase où tout le monde va philosopher de façon à peine compréhensible. J’ai presque eu envie de sortir mon carnet de notes, mais je me suis ravisé.
« C’est pas forcément effrayant, continua le type, ça dépend du contexte. Le sang, c’est liminal.
- Liminal ?
- C’est de l’entre-deux. C’est dans une personne ou… ou pas dans une personne. Mais tout seul, ça veut rien dire du tout. Ça a pas de sens en soi. C’est peut-être ce qui te sauve avec… » Il sembla chercher ses mots un moment. « Le machin dans les hôpitaux-
- Une perfusion ?
- Oui, c’est ça. Une perfusion, ou ça peut être les taches par terre après un crime, ou ça peut être un sacrifice ou quoi.
- Ou le goût du lac où t’as failli te noyer.
- Exactement. Liminal. »Il y eut un long silence. Soudain, une anxiété imprécise commença à s’emparer de moi, et je me mis à regarder la route, au loin, comme si elle allait bientôt disparaître. J’avais envie de descendre du toit, tout de suite, maintenant. Il était temps de leur dire adieu, de se remettre en route. Pourquoi ? Je n’étais pas certain de le savoir.
Quelque part autour de mon cœur, j’ai senti des écailles glisser, et une langue fourchue susurrer « Veux-tu partir ? Veux-tu te perdre ? Veux-tu ? »
U.D.A. ?
- récurrence motif musical
- récurrence motif arbres + sang
- lien sarkicisme ?
- secte de la cassette sans rapport ?
Cole K. porté disparu janvier 2014. Vérifier
Ne marche visiblement que sur certaines personnes?
Trouver point commun
Condition de retour semble bien liée à un objectif à remplir
"le lieu sacré où le soleil ne se lève jamais pour les lâches" - différentes couches de réalité ? de perception ?
Méthodes culturellement distinctes ?
Trouver moyen de dupliquer la cassette audio sans la retirer du confinement
18h12
17h40
17h51
18h01
17h35
17h42
17h51
18h24
sûr après 19h
Veux-tu ?
Note du département des archives du Site-Aleph : Le Chercheur Corbin est à l'heure actuelle porté disparu depuis le 15 février 2024.