L'Agent Green descendait la rue, une tasse en Styrofoam pleine de thé dans une main et une cigarette fumante dans l'autre. Un flot interminable de personnes passait auprès de lui, lui cognant parfois les bras ou les jambes. Green tourna à droite, dans une ruelle isolée. Tout droit, tout droit, à gauche, tout droit, à droite, à droite, à gauche, tout droit, à gauche…
L'Agent Green se retrouva face à la Planque-53.
La Planque-53, vue de l'extérieur, semblait être une boutique de tailleur abandonnée. Les vitres de la devanture laissaient apercevoir une petite pièce, peuplée de mannequins couverts de poussière portant des robes et des costumes démodés. Green prit une gorgée de son thé, puis s'approcha de la porte en bois et frappa. L'impact résonna. Il entendit un cri venant de l'intérieur, puis un bruit de pas se rapprochant, et l'Agent Mandarine ouvrit la porte de l'intérieur. Mandarine se tenait deux marches plus bas, habillé d'une chemise hawaïenne bleue et orange ; en fait, la porte ne menait pas au tailleur abandonné, mais à un niveau inférieur.
"Tu devrais arrêter la fumette, Green."
"Y'a rien qui tienne aussi chaud. Et soyons honnêtes, quelque chose d'autre me tuera avant elles."
Mandarine haussa les épaules sans conviction, et commença à redescendre l'escalier. Green finit son thé, jeta la tasse à l'extérieur, coinça sa cigarette entre ses dents, et descendit à son tour.
"T'es là depuis combien de temps ?"
"Je suis arrivé il y a dix minutes. Ils t'ont purgé aussi ?"
"Ouaip. Je me souviens de rien après le début de la sirène."
"Pareil pour moi. Du côté des inconvénients, j'ai aucune idée de ce qui s'est passé la nuit dernière. Pour les avantages, peu importe ce qu'il s'est passé, on a chopé quelques Artistes avec qui on va pouvoir discuter."
"Combien ?"
"Huit en tout, dont trois que je connais ; tu peux t'occuper des cinq autres."
"C'est pas mal. Sérums de vérité standard ?"
"Malheureusement non. On est à court d'hypnotiques de classe B ici ; j'en rentre cet après-midi."
"Ah. On revient aux classiques en attendant ?"
"Ouaip. Comme au bon vieux temps."
Mandarine arriva en bas des marches, menant Green dans une pièce toute en acier mal éclairée. Il y avait un ordinateur et une imprimante dans un coin, un petit rangement pour armes à feu sur la gauche, et une porte sur la droite menait à une rangée de cellules. Mandarine s'assit en face de l'ordinateur, appuya sur quelques touches, et lança l'impression du premier fichier.
"En premier, le Maçon. Il fait partie du groupe du Critique. C'est lui qui a fait ce grand truc en marbre."
"Est-ce qu'on sait pourquoi ?"
Mandarine mit la feuille dans un dossier kraft et le passa à Green, qui feuilleta le contenu brièvement.
"Demande-lui, il est dans la Cellule 3."
"Attaché ?"
Mandarine se frappa la tête ironiquement.
"Non, j'ai complètement oublié de faire ça. Bien sûr qu'il est attaché, allez vas-y."
Green secoua la tête, et entra dans le couloir. Une, deux… trois. Green sortit son badge et le passa dans le lecteur, puis entendit le bourdonnement et le déclic du verrou électronique. Il ouvrit la porte et entra. Un petit homme aux cheveux bruns était assis sur une chaise en acier à laquelle chacun de ses membres était enchaîné. Il ronflait doucement, sa tête reposant mollement contre son torse. Green claqua la porte aussi violemment qu'il le pouvait, réveillant Le Maçon en sursaut.
"AH !"
"TON NOM ! TOUT DE SUITE !"
"BOB ! Bob Uzton ! Putain, t'es qui… merde. Oh, bordel, t'étais pas censé savoir ça."
L'Agent Green sortit un stylo et écrivit "BOB UZTON" sur le recto de l'enveloppe kraft, puis s'assit en face du Maçon. Green plaça le dossier sur la table, tira la cigarette de sa bouche, et souffla longuement dans la figure du Maçon, qui toussa face à cette vague de fumée inattendue. Green sourit : c'était cliché, mais expirer dans la figure de quelqu'un était efficace. Il dominait complètement ce petit artiste.
"Heureux de faire ta connaissance, Bob."
"Je t'emmerde, je dirai rien."
"Oh, je pense que si. Je viens juste de te souffler des hypnotiques à la figure."
Le Maçon blêmit : il avait cru le mensonge.
"Putain, mec ! J'ai des droits !"
"Ha ! Non, Bob, non, tu n'en as pas. Tu n'as pas de droits, tu n'as pas le droit de passer un appel, pas d'avocat, rien de tout ça. Si je le veux, je peux te laisser ici à moisir jusqu'à ta mort, et personne ne viendra te sauver. Tu n'existes pas. Tu me comprends ?"
Le Maçon resta silencieux.
"Alors, Bob, la dernière chose dont tu te souviennes est un grand bruit de sirène, pas vrai ?"
Le Maçon resta silencieux, les coins de sa bouche trahissant sa peur.
"Bob. Écoute. Tu peux parler maintenant, ou on peut juste attendre que les relaxants musculaires prennent effet. Mais si on attend jusque là, peut-être que ton corps va se détendre, ou ta mâchoire va s'engourdir, ou tu vas te mordre la langue jusqu'à te la couper. Et alors je serais obligé de t'écouter parler avec du sang qui coule de ta bouche, je pourrais mal comprendre, et ce serait gênant. Je vais te faire parler tôt ou tard, alors tu peux t'épargner le dérangement, et peut-être sauver aussi un peu de dignité, si tu réponds à mes questions maintenant. Pigé ?"
Le Maçon resta silencieux et immobile pendant quelques secondes, puis acquiesça sans un mot. Green célébra son triomphe intérieurement ; la bravade et les bobards avaient fonctionné plus rapidement que prévu.
"Excellent. Question numéro un : le grand bâtiment en marbre cette nuit. Pourquoi ?"
"Domination artistique. Pour contenir les œuvres des autres artistes dans un musée improvisé de mon cru."
"On a détruit ton œuvre. Est-ce qu'elle a encore quoique ce soit d'anormal ?"
Le Maçon ricana en apprenant la démolition de son œuvre, mais contint sa colère.
"Normalement, non. C'est inoffensif."
"Fantastique. Ensuite : position actuelle du Critique."
"Aucune idée. Il nous envoie un message quand il y a une réunion, si tu me donnais mon portable, je pourrais…"
L'Agent Green jeta un regard noir au Maçon.
"Ne joue pas à ça avec moi, Bob."
Le Maçon resta silencieux.
"Question suivante : qui est Le Découpeur ?"
"Oh, ce fou furieux. J'ai aucune idée de son nom, c'est un fétichiste du body horror ou je sais pas quoi. Moi ça ne me fait rien, mais putain, ce qui l'excite ne regarde que lui."
"Où est-il ?"
"Aucune putain d'idée. Il était pas supposé se pointer hier soir."
"D'accord. Dernière question pour le moment : qu'est-ce que tu sais de Ruiz Duchamp ?"
Le Maçon rit avec dédain.
"C'est un putain d'amateur. Il a envoyé des trucs débiles à quelques-uns d'entre nous. Ça a vraiment énervé Tim - 'Le Sculpteur', je veux dire."
"Position ?"
"Si on le savait, il serait mort."
Green se leva et se dirigea vers la porte.
"Hey, donc, monsieur l'agent, quand est-ce que je sors d'ici ?"
Green passa son badge dans la fente, le verrou s'ouvrit en bippant.
"Hey. HEY ! MONSIEUR L'AGENT, JE TE PAR-"
Green ferma la porte derrière lui, bloquant tout son.
Joey Tamlin se réveilla pour découvrir qu'il avait été enchaîné à une chaise en métal.
"Merde."
Il essaya de bouger, la chaise était vissée au sol.
"Meeeeeeeerde."
Il essaya de desserrer les chaînes. Chaque fois qu'il se croyait libre, elles rentraient davantage dans sa chair.
"Meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeer-"
Joey s'arrêta en voyant la porte s'ouvrir, remarquant une chemise hawaïenne familière. L'Agent Mandarine s'assit en face de Joey, son visage complètement neutre.
"Salut Tan."
L'Agent Mandarine resta silencieux.
"Tu veux bien m'aider à enlever ça ?"
L'Agent Mandarine resta silencieux.
"Allez, mec, fais pas ton connard. T'es un man in black, très bien. Je m'y attendais pas, mais d'accord. Je sais comment ça marche, tu vas me poser quelques questions, je vais te donner quelques réponses, puis une petite piqûre en vitesse et j'oublie que tout ça est arrivé. Je suis pas en position d'y faire quoi que ce soit. Pose tes questions, et on peut tous les deux se barrer d'ici, et toi et moi, on peut retourner faire de l'art merdique. T'es dans leur camp, et je comprends, d'accord, aucun problème. Mais Tan, t'es avec nous aussi. Tu fais des choses bien. Tu fais des choses qui ont l'air bien, tu fais des choses qui font réfléchir les gens. T'es cool. T'es l'un d'entre nous, Tan, tu fais partie de notre famille peu importe ce qui arrive, okay ? On est frères, mec !"
Joey ne put s'empêcher de verser quelques larmes. Il se sentait un peu trahi, mais cela n'avait aucune importance. Il avait juste besoin de desserrer ses liens juste un peu plus, de s'attirer les bonnes grâces de Mandarine, et de trouver un moyen de -
"C'est la dix-huitième fois que tu me sers ce baratin."
Joey leva les yeux, confus. Mandarine regardait droit devant lui, sans aucune émotion.
"Tu racontes toujours exactement la même chose. Tu veux savoir ce que j'ai fait la première fois ? Ce que moi, stupide, naïf, confiant, jeune, j'ai fait ? Je t'ai détaché, on a discuté, et puis t'as essayer de me tabasser. Ça n'a pas marché, bien sûr ; je suis un agent entraîné, et t'es juste un artiste. Je t'ai maîtrisé, et puis on t'a purgé, et t'es reparti et tout était de retour à la normale. Puis, plus tard, t'as trouvé un message que t'étais pas censé voir sur mon téléphone. On t'a attrapé, tu nous as fait le même discours, et cette fois, je ne t'ai pas détaché. On a eu une discussion, mais t'avais réussi je ne sais pas comment à desserrer les chaînes, et au moment où je partais, t'as essayé de m'attraper par derrière. On s'était déjà battu une fois, mais tu ne te souvenais pas de la première fois, donc j'avais encore plus l'avantage. Ça, c'était la deuxième fois. Après ça, on a resserré les chaînes, et tu t'es plus jamais échappé. La troisième, c'était quand toi et Overgang aviez lancé des feux d'artifice info-dangereux. La quatrième, c'était quand t'avais commencé à organiser un raid sur un des sites de la Fondation, alors on a dû arrêter tout ça. La cinquième, c'était… Merde, je me souviens même plus. T'as été ici tellement souvent qu'on gagnerait à installer des portes tournantes."
Joey se démena contre ses liens.
"ESPÈCE DE PUTAIN DE CONNARD DE -"
"La dix-septième, c'était quand ta sœur est morte."
Joey s'arrêta.
"Mais… j'ai pas de sœur."
Mandarine regarda intensément ses jambes, incapable de maintenir le contact visuel avec Joey.
"Jessie Tamlin. De trois ans ta cadette, la prunelle de tes yeux, tu l'aimais plus que toi-même. Belle, marrante, elle illuminait les journées de tout le monde. Elle venait aux expositions, elle s'asseyait et elle traînait avec nous ; elle vivait même avec toi, avant que Molly n'emménage. Et puis elle a fait quelque chose de vraiment, vraiment stupide. Elle bossait sur un truc pour toi, un truc pour te remercier de toujours avoir été là, et elle a merdé. Elle ne pouvait pas faire des prouesses comme toi, Joey, elle ne pouvait pas se concentrer correctement. Elle a perdu le contrôle, et peu importe ce que c'était, ça a bien pété. Le plus probable, c'est qu'elle faisait des feux d'artifice."
Mandarine laissa tomber ses larmes sur ses cuisses.
"Elle est morte, Joey. Jessie est morte, et tu n'étais plus le même homme. T'as commencé à boire tout le temps, tu prenais du LSD à tous les repas, tu essayais de t'échapper par tous les moyens possibles. Et puis t'as essayé de te suicider, et j'ai réalisé que t'allais pas aller mieux. Mais t'as raison, Joey. Je suis avec les men in black, mais peu importe ce qui arrive, on est une famille. On est aussi proches que des frères. On est amis. Je t'ai demandé, perché et drogué comme tu l'étais, pourquoi tu faisais tout ça. T'as dit que tu faisais ça pour oublier. Que tu avais besoin d'oublier."
Mandarine leva les yeux, le visage toujours aussi neutre qu'il pouvait, les larmes roulant sur ses joues. Joey remarqua qu'il s'était mis à pleurer.
"Alors je t'ai aidé."
L'Agent Green attendait devant la cellule quand Mandarine sortit en essuyant ses larmes. Green tapota le dos de son ami de longue date.
"T'inquiète pas. Quand on aura fini, il ne se souviendra de rien."
"Il a dit qu'il me pardonnait."
"C'est bien, Tan, c'est bien. Putain, je t'ai vu le traîner ici, la dernière fois. Il serait mort si tu l'avais pas fait. T'as fait ce qu'il fallait."
"Même. Je fraternise avec l'ennemi."
"Fraternise autant que tu veux, ils ne sont plus tes ennemis. Rien sur Duchamp, ou sur ce Découpeur ?"
"Nan, il… Il en sait autant que moi."
"Pas grave. On devait s'en assurer de toute manière. Vas-y Tan, je m'occupe des deux prochains, j'ai déjà leur dossier."
Mandarine dévisagea Green en fronçant les sourcils.
"Attends, tu vas pas…"
"Hey, on peut pas se permettre d'attendre que les hypnotiques arrivent. Ce qu'ils savent sera peut-être inutile dans quelques heures. Autant s'occuper de deux pour le prix d'un ; je les ai déjà mis dans la même cellule. Garde un œil sur les caméras pour moi, d'accord ?"
"D'accord."
L'Agent Green avança dans le couloir et Mandarine retourna dans la pièce principale. Six, sept… huit. Green sortit son badge de sa poche et le passa dans le lecteur, puis entendit le bourdonnement et le déclic du verrou électronique. Il ouvrit la porte et entra. Les deux filles dans la salle étaient assises face à la porte, attachées à leur chaise. Green laissa la porte se refermer lentement derrière lui. Toutes deux le regardaient sévèrement.
"Mesdames."
Green prit place dans la chaise en bois en face d'elles et plaça leur dossier sur la table.
"Première question. Comment vous appelez-vous ?"
Les filles continuèrent de le dévisager, les lèvres résolument fermées.
"Je demande juste par politesse. Vos noms sont, comme nous le savons tous, Annie Cline et Candice Brahms. Vous jouez dans le groupe… 'Futanari Titwhore Fiasco'. Je ne suis pas sûr de bien prononcer le premier mot correctement, j'ai aucune idée de ce que ça veut dire. Encore une référence que je n'ai pas, je suppose."
Elles restèrent silencieuses.
"Question suivante : avez-vous créé ces copies de vous-mêmes ?"
"Relâchez-les !"
En entendant ce soudain éclat de voix, Candice jeta un regard noir à Annie. Ses propres lèvres demeurèrent closes.
"On ne peut pas les relâcher."
"Vous devez les relâcher !"
"Permettez-moi de clarifier : on ne peut pas les relâcher parce que nous ne les détenons pas. Nous ne sommes pas certains de savoir où elles se trouvent."
"Oh. Bien."
Annie regarda Candice en souriant, puis réalisa ce qu'elle avait fait. Annie ferma la bouche à mesure que son visage virait au rouge vif.
"Mesdames, nous sommes disposés à laisser passer beaucoup de choses. Honnêtement, avoir des copies bizarres de vous se baladant dans la nature est le cadet de nos soucis. N'en faites pas des tonnes, gardez ça entre vous, dites que vous êtes jumelles ou autre, et il n'y aura aucun problème. Alors, êtes-vous celles qui les avez faites ?"
Elles restèrent coites. Green se massa les tempes, feignant l'exaspération. Il les avait menées exactement là où il le voulait. L'aveux avait prouvé qu'elles avaient de la compassion. La compassion pouvait être utilisée. On pouvait raisonner avec des personnes ressentant de la compassion. Green tenait son plan de bataille.
"Écoutez, mesdames, il faut clarifier quelque chose. Vous avez probablement entendu beaucoup d'histoires à propos de 'L'Homme', et de ce qu'on vous fera si on vous attrape. La plupart de ces histoires sont des absurdités, faites pour que des Artistes tels que vous nous détestiez encore plus. Nous allons vous laissez partir, mesdames ; bien que vous soyez une partie du problème, aucune d'entre vous n'a fait quoi que ce soit qui aille particulièrement à l'encontre de nos directives. Vous êtes suffisamment 'underground', pour utiliser votre jargon, vous restez discrètes à propos des choses que vous faites. Vous maintenez un semblant de normalité, et honnêtement, c'est la seule chose qui nous faut. Putain, si tous les Artistes étaient comme vous, je n'aurais aucun problème. Mais ce n'est pas le cas. Il se peut que vous ne vous en souveniez pas, mais beaucoup de gens sont morts hier soir à cause des actions de quelques-uns de ces prétendus 'Artistes'. Bon, vous n'avez pas particulièrement l'air d'être des monstres insensibles. Certaines des personnes qui sont mortes étaient peut-être vos amis, ou votre famille, je ne sais pas. Ils étaient la famille de quelqu'un. Ils étaient les amis de quelqu'un."
Green ménagea une pause pour appuyer son effet. L'expression d'Annie s'était considérablement addoucie, et le visage de Candice, bien que toujours stoïque, n'avait plus l'air renfrogné. Green sentit une vague de triomphe. Elles n'étaient que des marionnettes dans ses mains.
"Bon, nous sommes en position de stopper ces individus avant qu'ils ne fassent du mal à quelqu'un d'autre. Nous avons des gens qui peuvent s'en charger. Mais nous avons besoin de savoir où ils sont, ce qu'ils font, et où ils vont. Tout ce que vous pourrez nous dire est utile. Okay ?"
"Okay."
Elles avaient prononcé le mot à l'unison. Green avait gagné.
"Okay. Pour faire court, j'ai deux questions très importantes pour vous, d'accord ? Première question : connaissez-vous quelqu'un qui se fait appeler Le Découpeur ?"
Candice jeta un regard à Annie, qui avait l'air confuse, puis répondit.
"Jamais entendu parler de lui. S'il a un Le devant son nom, c'est qu'il fait probablement partie du groupe du Critique."
"Très bien. Ça confirme ce qu'on savait déjà, mais l'information est toujours utile. Deuxième question : connaissez-vous quelqu'un s'appelant Ruiz Duchamp ?"
Candice secoua la tête, mais le visage d'Annie s'illumina en entendant le nom.
"Oh ! Ouais, je le connais ! Il est venu à un de nos concerts une fois, il était vraiment sympa. Il m'a invité à une de ses expositions."
"Qu'est-ce que tu peux me dire au sujet de cette exposition ?"
"C'était juste des dioramas animés. Assez simple, mais il avait l'air de les trouver incroyables. Mais, genre, c'était un peu bizarre… C'était dans une galerie d'art."
"De l'art dans une galerie d'art, c'est bizarre ?"
"Pour la plupart d'entre nous, oui. Tout l'intérêt est là, genre, sortir du système, tu vois ? Pas accrocher des trucs sur les murs pour que les gens regardent. Il était un peu étrange."
L'Agent Green prit des notes sur son dossier : 'FOUILLER LES GALERIES D'ART'.
"C'est très utile. Merci beaucoup, mesdames. Désolé de vous avoir enchaînées aux chaises et tout."
Candice garda le silence ; Annie lui répondit en souriant.
"Non, non, aucun problème ! En fait… J'aime plutôt ça."
Green rougit légèrement en sortant de la salle.
Overgang Dood se réveilla pour découvrir qu'il avait été enchaîné à une chaise en métal.
"Merde."
Il essaya de bouger, mais la chaise était vissée au sol.
"Meeeeeeeerde."
Il essaya de desserrer les chaînes. Chaque fois qu'il se croyait libre, elles rentraient davantage dans sa chair.
"Meeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeer-"
Overgang s'arrêta en voyant la porte s'ouvrir, remarquant une chemise hawaïenne familière. L'Agent Mandarine s'assit en face d'Overgang, son visage complètement neutre.
"-eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerde. Ça, je l'ai pas vu venir."
"La dernière fois non plus."
"Putain, Tan, ça fait combien de fois que je me retrouve ici ?"
"Ça fait six."
"Merde, qu'est-ce que j'avais fait les autres fois ?"
"Oh, pas mal de trucs. Rien de bien grave."
"Et rappelle-moi juste… Qu'est-ce que j'ai fait cette fois ?"
Mandarine soupira.
"J'ai pas le droit de savoir, en fait, et ça a été effacé de toutes nos mémoires. Un inconvénient de bosser pour L'Homme. Mais je crois que t'as participé."
"C'est bien, au moins. Hé, ça va prendre longtemps ? J'allais voir une fille, tu sais, des trucs à faire et tout."
"Tu seras dehors dès qu'on reçoit les amnésiques. Probablement cet après-midi."
"D'accord, cool."
"Tu prends ça calmement."
Overgang haussa les épaules.
"C'est comme ça. Je comprends que ce n'est pas personnel, c'est ton boulot, c'est sans importance. Mais on reste amis. Je sais que je suis entre de bonnes mains, Tan. Je te fais confiance."
L'estomac de Mandarine se retourna sous l'effet de la culpabilité.
L'Agent Green attendait de nouveau derrière la porte de Mandarine.
"Rien de nouveau ?"
"Rien, mais je te l'avais dit, je ne m'attendais pas à grand chose. J'en sais autant qu'eux."
"D'accord. Retourne aux caméras, le suivant, c'est Le Peintre."
"Pigé."
L'Agent Green s'engouffra dans le couloir tandis que Mandarine retournait à la pièce principale. Onze, douze… Treize. Green sortit son badge de sa poche et le passa dans le lecteur, puis entendit le bourdonnement et le déclic du verrou électronique. Le Peintre était assis et regardait le sol.
"Il était temps, putain, j'ai l'impression que ça fait des siècles que je suis assis à attendre. Envoie les questions et fous-moi dehors, salope."
L'Agent Green formula immédiatement un plan, et ce plan consistait à frapper la tête du Peintre jusqu'à ce qu'il montre un peu plus de respect. Il refréna cependant cette pulsion, puis se demanda pourquoi la refréner. Son sujet était un artiste trop gâté, précieux et impatient. Il était probable qu'il soit très réceptif à une agression physique.
C'était l'heure de coller des pains au Peintre.
Green leva son poing et l'enfonça brusquement dans le côté de la mâchoire du Peintre. Le Peintre remua brusquement dans ses chaînes, incapable de se défendre. Il secoua la tête, puis recracha une dent délogée, sa face déformée par une colère incrédule.
"PUTAIN, TU VIENS DE BE FRABBER ?"
"Tais-toi, ou je recommence."
"ESBÈCE DE SALE -"
Green apprécia la sensation que lui firent ses phalanges contre la mâchoire du Peintre. Il cracha une autre dent, puis prit l'air d'un chiot que l'on aurait réprimandé, si un tel chiot avait été frappé deux fois et ressemblait à une personne.
"Tais. Toi."
Le Peintre gémit. Green leva le poing à nouveau, et apprécia l'inconfort qu'il provoqua chez son interlocuteur.
"Deux questions. Question numéro un : qu'est-ce que tu sais à propos du Découpeur ?"
"Ch'est un butain de balade. Ch'ais rien de blus."
Le Peintre cracha du sang.
"Deux : qu'est-ce que tu sais de Ruiz Duchamp ?"
"Butain de trou du cul. Il a bien cherché che qui va lui tomber dechus."
"Est-ce que tu sais où ils sont, ou où ils peuvent être ?"
"J'sais bas. J'sais bas."
Green leva son poing.
"CH'AIS BAS ! J'LE JURE, CH'AIS BAS MERDE !"
Le Peintre crachota du sang sur toute la table. Green se retourna pour partir.
"… ouais, ch'est cha, cache toi bov' con."
Green se retourna d'un mouvement fluide, assena son poing sur le côté du crâne du Peintre, et partit en le laissant inconscient.
Mélanome-sur-le-trou-de-balle-de-l'existence se réveilla pour découvrir qu'elle avait été enchaînée à une chaise en métal.
"Merde."
Elle essaya de bouger, mais la chaise était vissée au sol.
"MERDE ! SALOPE DE PUTAIN DE NIQUE TES GRANDS MORTS DE MEEEEEERDE !"
Elle essaya de desserrer les chaînes. Chaque fois qu'elle se croyait libre, elles rentraient davantage dans sa chair.
"BANDE DE SUCEURS DE QUEUES DE PUTE À BAISE DE GRAND-MÈRES PUTAIN MERDE SALOPES À NICHONS DE RIBAMBELLE D'ENCULÉS DE TROUS DU CUL !"
Troudballe s'arrêta en voyant la porte s'ouvrir, remarquant une chemise hawaïenne familière.
"SALOPERIE DE MERDE ! ESPÈCE DE TROU À BITES DE SNIFFEUR DE CRACK D'ENCULEUR DE CHIEN DE TA RACE ! T'ES QU'UN BAISEUR DE SERPENTS DE SUCEUR DE SCARABÉS DE FILS D'HIPPOCAMPE ! JE T'EMMERDE ! VA TE FAIRE METTRE, PETITE BITE DE CISGENRE MÉCANOPHILE MANGE-MERDE RINCÉ À LA PISSE DE CLOAQUE DE -"
L'Agent Mandarine ferma la porte sans même entrer.
"T'es même pas rentré cette fois !"
"On n'en tirera rien tant qu'elle n'est pas sous sédatifs, crois-moi."
"D'accord, c'est toi qui vois. Le dernier, alors ?"
"Le dernier, rien que pour toi."
L'Agent Green avança dans le couloir et Mandarine retourna dans la pièce principale. Vingt-et-un, Vingt-deux… Vingt-trois. Green sortit son badge de sa poche et le passa dans le lecteur, puis entendit le bourdonnement et le déclic du verrou électronique. Rita Summers était enchaînée à sa chaise, sa longue robe noire pendant sur les chaînes. Elle regardait intensément ses genoux. Green s'avança et s'assit en face d'elle.
"Mademoiselle Rita Summers."
"C'est moi."
"J'aimerais vous poser quelques questions."
"J'aimerais ne pas y répondre."
Rita continua à fixer ses genoux. Green tapota la table avec impatience.
"Mademoiselle Summers, j'ai lu votre dossier. Il vous reste deux ans d'école, résultats parfaits à tous les examens. Vous êtes intelligente ; bon sang, en d'autres circonstances, on serait en train de vous proposer un emploi."
"Je n'aurais pas accepté."
"Pourquoi pas ?"
"Parce que, Agent Green, je me fiche de ce que vous faites. Je ne le ferais pas par obligation mensongère, et je vaux plus que ce que vous me paieriez."
Green réalisa qu'elle connaissait son nom. Elle avait dû apercevoir son badge quand il était entré. Green savait comment s'occuper des 'génies' et leur tendance à se croire toujours 'libres'. Les menaces physiques pouvaient marcher, mais Green ne voulait pas frapper une étudiante. Il feignit la surprise.
"Comment connaissiez-vous mon nom ?"
Rita leva les yeux avec un rictus condescendant.
"C'était sur votre badge, imbécile."
Green remua sur sa chaise, en continuant à jouer la comédie, et se gratta la nuque pour dissiper une gêne passagère.
"Ah. Bien, finement observé, Mademoiselle Summers. Maintenant, j'aimerais que vous réfléchissiez à la possibilité de répondre à quelques questions pour moi. Des gens pourraient se trouver gravement en danger si vous ne le faites pas."
"Pourquoi devrais-je m'en soucier ?"
"Vous devriez vous en soucier, Mademoiselle Summers, parce que vous faites partie de ces gens."
"Oh, je suis effrayée. Allez-y, torturez-moi, faites ce que vous voulez."
"Non, Mademoiselle Summers. Cela n'est pas nécessaire. Comment envisagez-vous la possiilité de vous réveiller et de ne plus savoir faire d'addition ? Ou de ne plus savoir écrire ? Ou ne plus savoir faire vos lacets ?"
Rita ricana.
"Oh, génial. Des menaces, ouais, ça va marcher. Non, Agent Green, je ne pense pas que vous soyez en position de me menacer."
"Vous êtes attachée à une chaise, Mademoiselle Summers. Mes menaces s'appuient… sur… des…"
L'Agent Green sentit sa gorge se serrer. Il se gratta la nuque, sentant une bosse grossir sous ses doigts.
"Quoi… Vous…"
"Agent Green, vous avez officiellement perdu le contrôle de la situation. La même chose est en train de se produire dehors pour votre camarade l'Agent Mandarine."
L'Agent Green jura en silence. Il essaya de prendre son arme, et ses bras cessèrent de bouger. Il essaya de se lever, mais ses muscles ne firent rien. Elle n'était pas n'importe quel artiste, elle pouvait être un plieur de réalité, on avait pu rater quelque chose ; son esprit était rempli d'hypothèses et de plans de secours. Rita se leva, ses chaînes tombant à terre en tintant.
"Trois mots, Agent Green : araignées invisibles entraînées. Vous avez reçu une dose de paralysant. Vous pourrez bouger dans quelques heures, sans effets à long terme : je ne suis pas un monstre."
Rita fouilla la poche de Green et en sortit son badge.
"Je pourrais vous enfermer ici, vous et l'Agent Mandarine, si je le voulais. Pas de badge, personne ne sachant ce qui vient de se passer. Vous mourriez de faim. Mais je ne vais pas faire ça, parce que mince, emprisonner des gens contre leur volonté ? Quel coup de pute. Quel genre de personne ferait ça ?"
Rita alla à la porte, ouvrit le verrou et la laissa entrouverte.
"Sur ce, je vous quitte."
Rita s'avança dans le couloir avec confiance, lissant sa robe froissée. Elle passa le badge dans tous les lecteurs qu'elle croisa, ouvrant les portes une par une et regardant à l'intérieur. La première personne qu'elle vit fut
"TUEUR DE PANDA DE PUTAIN DE SUCEUR DE -"
"Hey, je viens te sortir de là."
"Oh. Rita. Ben dépêche-toi."
Des araignées invisibles rongèrent les chaînes avec du venin acide.
"Bon, où est passé Tan, putain ? Je dois défoncer cet enfoiré de traître."
"On défonce personne, T-balle. Ils ont eu leur compte."
La porte suivant révéla Le Peintre, assis, toujours inconscient et la bouche ensanglantée. Rita se tourna vers Troudballe. Elles savaient ce qu'il avait préparé. Elles savaient de quoi il faisait partie. Elles n'étaient pas contentes. Troudballe sourit, et Rita soupira.
"Bon, d'accord, un coup, et c'est tout."
Troudballe s'élança vers Le Peintre en courant, et lui enfonça son poing dans la figure, lui brisant la mâchoire. Il se réveilla en hurlant de douleur. Troudballe sortit gaiement et verrouilla la porte derrière elle.
La personne suivante était Overgang. Rita souria, et Overgang inclina la tête.
"Attendez, est-ce qu'on est en train de s'évader ? C'est ça ?"
"Ouaip !"
"Ah, je vais pas me plaindre."
Les liens tombèrent, Overgang se frotta les poignets avec ses mains. Ils allèrent en groupe jusqu'à la porte suivante : Annie et Candice discutaient derrière. Annie se tourna vers la porte lorsqu'elle s'ouvrit.
"Oh. Salut les gars, comment ça va ?"
"Je libère tout le monde. Vous venez ?"
"Pourquoi pas, on est un peu trop à l'étroit ici de toute manière."
Leurs chaînes tombèrent en cliquetant, elles passèrent à côté de la table et rejoignirent le groupe. Ils continuèrent à ouvrir des portes jusqu'à trouver la cellule numéro cinq.
"Joey ! Qu'est-ce qui va pas ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?"
Joey Tamlin leva les yeux vers le groupe, ses larmes séchant lentement.
"Est-ce que j'avais une sœur ?"
Ils se regardèrent entre eux avec un air confus, puis d'appréhension. Overgang s'avança.
"Ouais, Joey. Ouais, t'avais une sœur. Tan t'a ramené un jour et nous a dit à tous de laisser tomber le sujet. Pas besoin d'être un génie pour comprendre ce qui c'est passé, maintenant qu'on sait qui il est. Mais c'est pas le moment de parler de ça, on s'en va, et tu viens avec nous."
Troudballe s'écria depuis l'arrière.
"T'inquiète pas, on va aller le défoncer !"
"Ne l'écoute pas, Joey. Aller lui mettre une raclée ne dépend que de toi."
Joey sentit les chaînes se desserrer et s'en débarrassa.
"Non. Tan m'a aidé. Je m'en souviens pas, mais de ce que j'ai compris, c'est mieux comme ça."
"Ça va aller, mec ?"
"Ouais. J'vais bien. Allons-nous-en."
Joey passa la porte et rejoignit la petite foule, le couloir commençait à être surchargé. Rita alla à la porte suivante, l'ouvrit en grand pour dévoiler une salle vide, puis la suivante, révélant le Maçon se tortillant dans ses chaînes. Il leva la tête vers eux avec espoir. Les membres du groupe se tournèrent les uns vers les autres, les sourcils froncés. Le Maçon effrayé s'écria.
"NON, ATTENDEZ !"
Rita claqua la porte, secouant la tête d'incrédulité. Le groupe déboucha dans la salle principale. Troudballe se dirigea vers le placard à armes à feu, l'ouvrit et remplit les poches de son jean avec cinq pistolets chacune. Overgang s'approcha de l'ordinateur ; Mandarine était toujours assis au bureau, immobile.
"Désolé Tan, t'es dans le passage."
Overgang plaça le corps de Mandarine au sol avec précaution, puis s'assit et fit craquer ses doigts.
"Voyons voir à quoi on a affaire… un DOS standard qui tourne, hein… ha ! Hey, Joey, tu te souviens du jeu que j'avais bousillé hier soir ?"
"Ouais ?"
"Ils l'ont encore ici ! Toujours coincé sur ton nom, par contre, je sais pas pourquoi… Ça devrait être marrant quand ils vont trouver l'antivirus. Bon, on va dégager quelques trucs de leur base de données…"
Overgang continua à taper au clavier. Troudballe était déjà partie en haut des escaliers avec Rita, Candice et Annie. Joey s'approcha du corps de Mandarine, et l'assit contre un mur. Ses yeux étaient ouverts, mais Joey n'arrivait pas à savoir s'il était encore conscient.
"Désolé pour ça, Tan. Je sais que tu l'as fait pour de bonnes raisons et… t'es un bon ami. Mais t'es quand même un espion, mec ! Tu nous as tous espionnés. C'est pas cool, tu vois ?"
Mandarine , ne pouvant faire autrement, resta silencieux.
"On va devoir déménager maintenant, Molly et moi. On va parler de toi à tout le monde. Tout le monde va connaître ton visage, Tan, et quand ils le verront, ils se tairont et s'en iront. Je croyais que t'étais l'un d'entre nous, mais… Tu ne l'es pas. Y'a pas de compromis moisi. Ma propre sœur, mec, et je me souviens même pas qu'elle existait. Je me souviens de rien, putain."
Joey poussa le corps de Mandarine sur le côté sans ménagement.
"Tu nous as baisés, Tan, et tu m'as baisé."
Joey donna un coup de pied dans l'estomac de Mandarine.
"JE CROYAIS QUE T'ÉTAIS L'UN D'ENTRE NOUS !"
Joey frappa à nouveau.
"JE CROYAIS QUE T'ÉTAIS UN ARTISTE !"
Joey frappa plus haut, chassant l'air de ses poumons.
"JE CROYAIS QUE T'ÉTAIS COOL !"
Joey s'apprêtait à frapper encore une fois, mais Overgang l'attrapa par le bras.
"On a fini ici, Joey. Tout ce qu'ils avaient sur nous a disparu, tout a été effacé."
"Les fichiers, ouais. Mais il se souvient."
Ils regardèrent le corps immobile de Mandarine, sa chemise hawaïenne froissée par les impacts.
"Merde, laisse tomber. Barrons-nous, Joey. C'est fini."
Overgang accompagna Joey à l'escalier, laissant le corps allongé dans la salle mal éclairée.
Mandarine pleura une seule larme avant de s'évanouir de douleur.
le second du premier commence à la fin
Le second du second trifurque.
Le Dessus Est Séparé En Sept
DIMINUE COMME LE TOUT
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