Des trous dans les arbres

La cour de récréation était en pleine effervescence : des pas indécis sous le préau, après deux mois de vacances pas forcément bien mérités, cris de joie de retrouvailles et doux frottements des cartables entre eux, dépoussiérés à l’occasion, se voyant projetés ou abandonnés contre les murs. La rentrée s’annonçait flamboyante.

Les parents venaient saluer les maîtres et les maîtresses dans un défilé presque militaire, les plus audacieux glissant quelques recommandations en espérant donner de judicieux conseils au corps enseignant. Un véritable cas d’école de confrontation des egos, les uns certains de savoir bien élever leur marmaille, et les autres sûrs de connaître leur métier.

Les enfants étaient, bien sûr, tout à fait ignorants de cette singulière et discrète lutte. Et dans un coin de la cour, quatre d’entre eux s’étaient réunis pour ourdir quelque sombre complot. Ou partager un moment de retrouvailles. Ou les deux en même temps.

Ils étaient évidemment restés en contact durant tout l’été, se voyant même à quelques occasions, mais jamais tous ensemble. Héloïse avait toutefois été surprise de croiser Mathilde à de si nombreuses reprises. Elles s’étaient même tenues compagnie lors d’une longue balade en août : cette dernière l’avait rejointe, l’air de rien, alors qu’Héloïse se promenait avec ses parents. Ça n’avait été que suite aux nombreux regards insistants de Mathilde qu’elle avait consenti à quitter momentanément sa famille, pour discuter plus à l’écart.

Les cartes postales et les lettres avaient permis de maintenir ce lien qui les unissait, si fragile à leur âge, à travers les comptes-rendus parfois rocambolesques de leurs péripéties et autres tribulations estivales. Bien entendu, il leur restait tout de même des choses à raconter en cette rentrée : les meilleures histoires des vacances avaient été réservées pour cette occasion.

Malgré leur empressement à se partager ces croustillantes anecdotes, ils avaient décidé d’en discuter plus tard : les voilà qui allaient bientôt devoir rentrer en classe et faire connaissance avec leur nouvelle institutrice. Monsieur Bouyran, de sa position de directeur de l’école, restait en charge des CE2 et CM1 cette année, pour leur plus grand désarroi. Ils avaient croisé son regard et celui de la maîtresse, très jeune, trop selon certains parents, et avaient eu l’impression que les choses seraient moins amusantes qu’avec leur énigmatique maître.

D’ailleurs, ce dernier les avait salués à leur arrivée. Il se doutait bien que les enfants n’avaient pas été aussi sages qu’il aurait fallu durant ces vacances. C’est pourquoi il était resté attentif quant à tout ce qui aurait pu mal se passer dans les environs, quitte à parfois devoir veiller tard le soir. Et il n’avait pas l’impression que quoi que ce soit ait été hors de contrôle. Il avait néanmoins été surpris de croiser Camille, une fois où elle revenait du bois caché. La petite fille avait essayé de faire comme si de rien n’était, mais ses traces de pas, toujours si distinctes malgré la terre sèche, ne trompaient pas. Il ne l’avait pas confrontée à ce sujet mais, après l’avoir suivie quelques fois, en avait conclu que ce n’était rien d’alarmant. Il se demandait seulement si elle en avait parlé avec les autres. Ou même si elle avait seulement voulu en parler avec les autres.

Les parents quittèrent progressivement l’école et les élèves se rassemblèrent dans la bibliothèque, afin d’écouter l’histoire annuelle d’un Jacobusier, un des soldats ayant appartenu à un presque légendaire groupe originaire du village. Plusieurs parents s’étaient montrés réfractaires à cette coutume instaurée il y avait de ça de nombreuses années par le directeur, clamant que la guerre ne devait pas faire partie des préoccupations des enfants. M. Bouyran avait préféré ne pas y répondre, signifiant à tous ceux qui ne voulaient pas l’écouter qu’ils pouvaient arriver après. Il était très ouvert, mais préférait que les autres s’adaptent plutôt que de modifier en permanence le fonctionnement de l’école.

Cette année, l’histoire portait sur l’Indochine et un réseau d’aides mis en place pour minimiser les dommages sur les civils. Les Jacobusiers présents sur place avaient choisi d’opérer sans signe distinctif sur leur uniforme. L’histoire avait des allures de conte puisque les soldats semblaient toujours s’en sortir in extremis, par quelques coups de chance impliquant d’étranges circonstances. Cela mit la puce à l’oreille de leurs héritiers autoproclamés, qui cette année-là relevèrent les éléments discordants. Et si ces mystérieux militaires au cœur noble étaient, eux aussi, des amateurs de choses étranges ? Il leur faudrait interroger le professeur à ce sujet. Mais pour l’instant, l’heure était à l’apprentissage. Ils se rendirent donc en classe, les têtes pleines de questions et de nouveaux projets.


La maîtresse s’appelait madame Sartor. Elle disait qu’elle voulait les préparer au collège, les rassurant en disant que ça serait facile s’ils respectaient quelques routines simples. Elle était rayonnante, avec son sourire doux et son regard brillant. Certains élèves étaient même un peu gênés à l’idée de la décevoir. Par rapport au calme de monsieur Bouyran, c’était le jour et la nuit. Ils ne savaient pas encore si c’était une bonne ou une mauvaise chose, mais ils furent rassurés en constatant que cet engouement n’était pas frénétique. Très vite, ils eurent des exercices à faire afin de reprendre les bons réflexes après le relâchement des vacances. La maîtresse passait aussi les voir pour les aider au besoin et faire connaissance. La traditionnelle rédaction avait été annoncée pour l’après-midi, car c’était un exercice qui demandait moins de concentration. C’était surprenant, mais pas dérangeant.


La récréation du midi arriva plus vite que prévu. Le repas de la rentrée était évidemment bon et au goût de tout le monde. Aussi, tout fut vite englouti et ils purent se réunir dehors rapidement dans leur coin de la cour. Les professeurs ne savaient pas trop comment réagir. Juliette Sartor se pencha vers son collègue.

“Excuse-moi, Fabrice, mais les enfants, là-bas…
— Hm ? Oui ?
— Ils ne jouent vraiment pas avec les autres ?”

Le professeur soupira en passant la main dans ses cheveux noirs mal coiffés.

“Non. Je sais que c’est étrange mais c’est un problème que je ne suis pas parvenu à résoudre. Ils sont très gentils, intelligents, mais pas sociables pour un sou.
— Les autres ne les embêtent pas trop ?
— Ils les critiquent, mais ça s’est un peu arrangé, rassura-t-il. Maintenant, ils les laissent tranquille. Mais c’était parfois plus compliqué, oui.
— Mais pourquoi ils sont… enfin… pourquoi restent-ils seuls ?
— Vous aurez l’occasion d’en parler avec eux. Je pense que c’est surtout parce qu’ils n’ont pas de raison d’aller vers les autres, pour l’instant, poursuivit-il d’un air songeur. Ne dites rien, j’ai aussi peur que cela ne leur porte préjudice à l’avenir.”

Il mit la main dans sa poche pour en extirper un mouchoir.

“En tout cas, ne vous en faites pas. Ils sont très bien capables de gérer ça eux-mêmes. Je vous l’ai dit : ils sont malins et je pense que rester ensemble leur fait du bien. Ce type d’amitié, chez des enfants, c’est rare. Et ça m’empêche de savoir s’il faudrait vraiment les pousser à s’ouvrir aux autres.”

M. Bouyran se tourna vers son interlocutrice, souriant et séchant quelques discrètes gouttes de sueur.

“Enfin, c’est vous leur maîtresse maintenant. Vous aviserez, conclut-il.”

C’était, effectivement, une bande singulière. Et elle remarquait, maintenant, les regards que jetaient les autres élèves à la fine équipe. Elle hésitait, elle aussi, mais son expérience lui soufflait qu’ils gagneraient sûrement plus en s’ouvrant aux autres. Elle commença à y réfléchir, car il ne fallait pas non plus être trop intrusive.

Et il fallut que quelques enfants se décident à donner corps à ses inquiétudes : un petit groupe se dirigea vers les quatre comparses. D’où l’institutrice était, elle n’entendit pas grand-chose, sinon quelques exclamations moqueuses. Elle commença à s’approcher d’un pas rapide, mais avant qu’elle ne soit à portée, les élèves belliqueux repartirent. Elle pouvait sentir le mépris dans l'attitude des quatre pauvres enfants ciblés. Toutefois, ils retournèrent bien vite à leurs activités sans que l’incident eût l’air de les affecter.

——

Camille était restée très secrète sur ses vacances. Ils ne l’avaient pas beaucoup vue. Ils savaient seulement qu’elle avait été en colonie de vacances, a priori. Elle racontait s’y être fait quelques copains. Mais la jeune fille était cependant déçue qu'ils n’aient pas répondu à ses lettres : elle n’avait pas réussi à leur communiquer cette nouvelle adresse provisoire, et le courrier s’était donc accumulé sur la table du salon en attendant son retour.

“Ils avaient tous des portables, aussi, pesta-t-elle.”

Cet objet des grands tant convoité faisait progressivement son apparition dans les mains des enfants autour d’eux. Leurs parents n’avaient pas dû en voir l’utilité puisqu’ils avaient tous refusé. Sauf pour Mathilde. Elle en avait un mais elle ne s’en servait jamais. Ses parents disaient qu’ils devaient pouvoir l’appeler quand elle était dehors. Mais elle s’était rendue compte que lorsqu’elle sortait avec, non seulement la crainte de l’abîmer la paralysait presque devant des sauts et autres cabrioles qu’elle effectuait sans y penser auparavant, mais aussi que l’appareil l’empêchait de se mouvoir à son aise. Et Mathilde avait aussi remarqué qu’ils ne l’appelaient de toute façon jamais, tant qu’elle respectait les horaires. Elle avait donc préféré échanger ce précieux cadeau contre une montre imperméable et anti-choc, bien plus utile et polyvalente.

Les vacances d’Héloïse avaient été plus calmes. Sa grand-mère était tombée très malade, alors ils avaient été la visiter à l’hôpital plusieurs fois sans rester très longtemps. Son grand-père, bien qu’il eut des divergences de pensée par rapport à son épouse, était profondément affecté.

”La vieillesse nous rattrape avant qu’on ait eu le courage de parler.” avait-il dit à sa petite-fille.

Ils méditaient sur ces paroles tout en racontant quelques autres épisodes marquants, quand vint le tour d'Archibald.

“On est allés au Viêt Nam, annonça-t-il fièrement.
— Au quoi ? demanda Camille.
— C’est un pays, à l’est du Laos, précisa le garçon.
— Le Laos ?
— C’est un pays en Asie.
— L’Asie ?”

Devant les regards consternés de ses camarades, Camille réfléchit à ses paroles et, trouvant l’étourderie, marmotta de fausses excuses. Archibald reprit comme si de rien n’était :
“En rentrant, on est passés par Amsterdam. C’était super, mais le plus super, c’est ça !"

Et il brandit une petite voiture jouet de couleur noire.

“Euh, elle a quoi de spéciale ? demanda Héloïse, un peu inquiète à l’idée qu’il s’agisse d’un nouvel artefact étrange.
— Je ne sais pas vraiment, mais c’est bizarre, c’est sûr : c’était écrit sur la boîte. Et pis je commence à avoir le flair pour ça. Mais j’ai préféré attendre la rentrée pour qu’on puisse faire les tests ensemble.”

Les quatre sourirent. Mathilde en particulier, fut particulièrement touchée par ce commentaire : elle avait la sensation de vraiment faire partie d’une équipe.

“On dirait qu’elle a un mécanisme, mais je sais pas comment bien le faire fonctionner. Ce que je sais, c’est qu’elle peut rouler plus longtemps que ce qui est normalement possible pour une voiture jouet. Mais elle s’arrête toujours brutalement.
— Elle marche pas avec des piles ?
— Faudrait la démonter pour ça, mais j’ai rien vu qui ressemble à un compartiment à piles.”

Ils passaient désormais en revue toutes les caractéristiques de l’objet, admirant l’impressionnant niveau de détail ainsi que la qualité de la peinture. Ils aperçurent aussi une étrange inscription sur l’une des pièces : ”Made in Wonderworld”. Ils savaient que le “made in” servait à dire d’où venait l’objet, mais ils ne savaient pas ce que voulait dire “Wonderworld”. Même si cela évoquait quelque chose pour Archibald. Il avait dû le lire quelque part. Ou peut-être que c’était le nom d’une boutique de jouets ? En l’absence de réponse, ils passèrent à la phase des essais. Archibald leur montra comment il poussait la petite voiture et ils purent tous constater que, comme il le leur avait dit, elle allait très loin, trop loin pour la force qu’il avait mise dans son geste. Malheureusement, les regards des autres dans la cour commençaient à se faire insistants. Ils iraient poursuivre tout ça près de l’étang, après l’école.


La journée s’acheva après la lecture des rédactions. Les quatre comparses n’avaient pas vraiment écouté les cours de l’après-midi et partirent très vite dès qu’on leur en donna la permission. Madame Sartor se posait toujours beaucoup de questions et se préparait déjà à leur en parler, un de ces jours.


Une fois à l’étang, ils se remirent au travail. Les enfants s’activèrent, l’examinant avec attention et notant le moindre détail suspect, plissant les yeux, tournant et retournant l’objet, se concentrant sur chaque élément, tirant la langue sous l’effort et émettant diverses remarques à voix haute. Mathilde eut une idée :

“Et si on essayait sans la pousser, juste en la lâchant ?”

Aussitôt dit, aussitôt fait. Mathilde lâcha la voiture et celle-ci se mit à rouler sur la terre, sans aucune impulsion ni quelconque pente, arrachant des cris de surprise aux enfants.

”Et la loi de conservation de l’énergie ?” pensa Héloïse.

Mathilde reprit l’objet en réfléchissant. Elle remarqua soudain quelque chose qui ne leur était pas venu à l’esprit avant. En touchant les roues à l’avant de la voiture, elle constata qu’elles pouvaient tourner.

“Peut-être qu’elle va là où on aimerait qu’elle aille en fait ? suggéra-t-elle.”

Car si les roues pouvaient tourner, cela voulait dire que quelque chose pouvait les faire tourner. Et pourtant, aucune télécommande ni mécanisme apparent pouvant être utilisé afin de modifier l’orientation des roues. Ce point rassembla les enfants : ils avaient une piste.

Mathilde déposa à nouveau le jouet au sol, imaginant que la voiture effectuât un petit tour sur elle-même. Et le mouvement pensé fut répliqué. Les yeux des enfants brillèrent : c’était une voiture contrôlable par la pensée ! Mais il y avait plein de choses à vérifier, maintenant. Ni une, ni deux, ils sortirent les carnets et commencèrent à discuter des différentes variables à tester. Y avait-il une longueur de trajet maximum ? Est-ce qu’ils pouvaient la contrôler pendant le trajet ou simplement programmer avant de lâcher le jouet ? Comment devait être la pensée contrôlant l’objet ? Y avait-il une limite de temps pour penser le trajet ?

Décidément, ils rentreraient sûrement un peu tard, ce soir.



Test 1 : Slalom entre les arbres, environ dix mètres et dix-sept virages.
Résultat : Succès.
La voiture a pas l’air gênée par les obstacles et tourne sans problème.

Test 2 : Longueur et limites du terrain, trente mètres avec quatre virages.
Résultat : Succès.
La voiture a roulé sur l’eau !

Test 3 : Longueur et virages, quarante mètres et vingt-trois virages.
Résultat : Échec.
Elle s’est arrêtée à environ trente-cinq mètres et au vingt-et-unième virage.

Test 3 no 2 : Mêmes conditions.
Résultat : Succès.
Le résultat peut varier selon celui qui lance la voiture.

Test 4 : Vitesse, est-ce que la voiture peut aller plus vite ?
Résultat : Succès, elle va plus vite que Mathilde !

Test 5 : Contrôle, est-ce qu’on peut la contrôler sans la toucher ?
Résultat : Échec. Elle n’a pas bougé.

Test 6 : Est-ce qu’on peut retarder son départ ? Penser qu’elle part trois secondes après qu’on l’ait lâchée.
Résultat : Pas sûr que ça faisait pile trois secondes. Mais on peut la contrôler super précisément !

Test 7 : Vitesse maximale ? Essai avec vitesse avion de chasse.


Après les détonations, les enfants avaient récupéré le jouet, enfoncé dans un arbre, puis étaient partis en courant, les oreilles légèrement sifflantes. Ils avaient bien vu la voiture partir d’un coup à toute vitesse, bien trop proche hélas. Archibald, dans l’effervescence de ces tests, s’était presque collé au jouet, afin de saisir au mieux son accélération. Mais quand il s’était retrouvé au sol avec un sifflement insoutenable dans ses tympans, il avait immédiatement regretté. L’explosion l’avait pris de court. En relevant la tête, ils avaient constaté trois arbres percés et au moins cinq autres méchamment frappés par le jouet. Ils l’avaient repris, mais avant de détaler, Mathilde voulut s’assurer que l’objet roulait encore. Mais la voiture ne fonctionnait plus.

“Bravo, super Archi ! avait grommelé Héloïse.
— Aïe, moins fort, j’ai mal aux oreilles !
— Faut qu’on s’en aille vite, des gens vont sûrement venir voir, les avertit Camille.”

Il n’y avait certainement personne à moins d’un kilomètre, mais la surprise puis la crainte les firent détaler si vite que chacun crut bon de justifier la fuite.

Archibald et Héloïse se disputèrent sur tout le chemin. Le premier disait qu’il était nécessaire de prendre des risques avec ces tests, malgré ses oreilles encore sifflantes, et la seconde le blâmait pour toutes les complications potentielles de ses actions.

Ils restèrent discrets à l’approche des habitations, certains que les adultes et enfants qu’ils apercevaient cherchaient l’origine de la détonation. Ils se trouvèrent un petit coin près de chez Camille pour conclure leur discussion.

“On en fait quoi maintenant ? demanda cette dernière.
— Je sais pas, on pourrait essayer de la réparer ? proposa Archibald.
— Parce que tu sais comment t’y prendre ? cracha Héloïse d’un ton acerbe.
— Bah non mais on peut toujours essayer, bredouilla le petit garçon.
— Ouais, ça aurait été mieux de pas le casser en fait.
— C’était pas prévu !
— Parce que tu pensais que faire se déplacer un objet à la vitesse du son n’aurait aucune conséquence ?!
— Bah c’est un objet bizarre, tester sa résistance aurait été une expérience à faire tôt ou tard. En fait, j’ai juste optimisé les tests quand on y pense…”

La voix d’Héloïse s’étrangla dans sa gorge tandis qu’elle s’énervait pour de vrai. Camille et Mathilde, bien qu’également déçues de ne pas pouvoir conduire plus d’expériences, riaient doucement dans leur coin. Héloïse décida de se calmer. C’était fâcheux, très agaçant, mais elle ne pouvait plus rien y faire.

“À l’avenir, est-ce qu’il serait possible d’éviter toute expérience trop risquée avant d’avoir fait toutes celles qui ne le sont pas ? demanda-t-elle calmement.
— Euh, bah oui, répondit-il l’air penaud.”

Car il s’en voulait. Il avait trouvé cet objet. Qu'il soit cassé l’embêtait beaucoup. Il ne voulait simplement pas perdre la face avec elle, une simple question d’égo.

Ils profitèrent du fait qu’il n’était pas encore très tard pour se calmer et, tout de même, discuter, afin d’éloigner cette soudaine frayeur, des passages amusants de leurs vacances ainsi que de la nouvelle maîtresse. Puis du collège. Elle en avait parlé aujourd’hui et ils se demandaient ce que ça changerait.

“On sera enfin des grands, non ? avait demandé Mathilde.
— On sera toujours les petits de ceux des classes du dessus, répondit Camille d’un air absent.”

Ils étaient enfin les grands de l’école. Et pourtant ils n’avaient pas l’impression que ça avait changé quelque chose. Ils étaient toujours traités comme des enfants par les adultes et les petits s’en fichaient ou les évitaient. Décidément, être grand, c’était vraiment pas marrant.

“Et puis le collège c’est pas pour tout de suite, lança Camille pour détendre l’atmosphère.
— C’est vrai, renchérit Archibald. On a tout le temps pour ça et pour devenir des vrais grands !
— Ça veut dire quoi, “vrai grand” ? l’interrogea Héloïse.
— Euh, qu’on trouve le secret qui fait qu’un grand est reconnu comme un grand par les autres grands ?
— C’est pas l’âge ?
— Non, y a des adultes qui se font traiter comme des petits, donc y a un secret.

Cette remarque était pertinente. Cela serait sûrement leur prochaine quête. Pour l’heure, ils devaient rentrer. Ils se séparèrent, le sourire aux lèvres, même si encore un peu chamboulés par leur expérience.


Le repas était plutôt animé, ce soir. Tous avaient fait leur rentrée et les enfants racontaient donc à tour de rôle. Quand ce fut celui de Camille, elle demanda :

“Est-ce que je pourrai aller dormir chez Mathilde avec les copains ce week-end ?”

Les parents acceptèrent sans problème. Elle n’ajouta pas grand chose. Sa rentrée avait été banale. Ils mirent ça sur le compte de l’habitude. La vie en primaire étaient sûrement moins trépidante avec les années qui passaient.


Quelque part, entre le ciel d’ici et le ciel d’ailleurs, une alerte avait été émise. Ils avaient un nouveau lieu d’intervention. Un vieux prototype avait été cassé et devait être récupéré. Mais ils ne savaient pas encore où il était. On demanda à Big-eye et Tiny-eye d’ouvrir grands les yeux. Dès qu’il réapparaîtrait, ils passeraient à l’action.

Sauf mention contraire, le contenu de cette page est protégé par la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License