D'Agent à Agent : des Héros

Entité OR6 ; Incident RS-JR00359FR ; Intervention B-01, Mission de reconnaissance et d'enquête ; Suivi audio de l'Agent I████ "I" et l'Agent D█████ "Δ"

Processus de suppression des données superflues : Suspendu

I : — Quand même… on fait un super boulot.

Δ : — Un super boulot ?

Ι : — Ben oui ! … Bon d'accord. On voit des trucs horribles et on est souvent en danger sur le terrain. Mais avoue : on est à un super poste. Nous on connait l'envers du décors ; on sait ce qui se passe derrière les histoires, les légendes, les rumeurs et les hypothèses les plus bizarres qui circulent parmi les fans de la théorie du complot. On sait ce qui est caché du public. On est les Men In Black du paranormal ! C'est hyper cool quand même, non ?

Δ : — Hmph… Tu parles.

I : — Ben quoi ?

Δ : — On sait ce qui est caché au public… Ça en fait un super métier ? Je peux t'assurer que la plupart des gens normaux souhaiteraient ne rien savoir du tout et tout oublier en se gorgeant d'amnésiques jusqu'à en crever.

I : — C'est vrai que parfois c'est pas vraiment… agréable… Ouais, les amnésiques servent pas qu'à garder les secrets… Mais enfin ! Regarde ce qu'on fait, on risque nos vies pour enfermer toutes ces choses horribles, on sauve des vies et on fait tout pour sauvegarder notre monde ; on est des sortes de super-héros modernes, on est là pour garantir la paix. Y'a de quoi se sentir fier. Là-dedans c'est nous les gentils.

Δ : — … T'es con.

I : — Ça va, j'exagère un p–

Δ : — Non. T'es vraiment con. Les gentils ? Des super-héros ? T'as vraiment rien compris à ce métier. Nous on est pas là pour sauver le monde, tu pourrais porter des collants et un slip par dessus que ce serait toujours pareil. Nous on est là pour garder le monde normal. T'as compris ?! Normal ! Pas meilleur, plus beau ou en paix, juste normal !

I : — Quelle différence ? On retire les pires trucs pour rendre le monde normal comme tu dit. C'est tout comme.

Δ : — … Pour toi c'est qui, ou c'est quoi, les O5 ?

I: — Hein ? C'est quoi le rappo–

Δ : — Juste, dis moi. Tu les imagines comment ces types ? Ceux qui savent plus de choses que tous ces chercheurs qui méritent trois fois le Prix Nobel par an ? Ceux qui connaissent chaque truc bizarre qu'on a ramené, observé, détruit ou oublié ? Dis moi juste.

I : — Ben… J'avoue qu'ils sont plutôt effrayants. Ils ont sous la main plein de chercheurs et d'objets capables de choses qu'on peut même pas comprendre, on dirait qu'ils sont là depuis toujours. Je crois que je les verrais bien comme des types extrêmement vieux, capables de communiquer avec des êtres incroyables, immortels, capables de lire un peu l'avenir ; des types plus vraiment humains quoi.

Δ : — Effrayant. À se demander si on devrait pas les enfermer eux aussi.

I : — Ouais, pas faux…

Δ : — Moi aussi ils me font peur, quand je pense à eux j'ai la trouille. J'aimerais pas en rencontrer un. Je vais te dire comment je les vois : des types normaux, hyper banals même, un peu comme les types en costard-cravate qu'on pourrait croiser dans la rue sans faire attention. Ceux qui examinent des tas de colonnes de chiffres et de rapports ennuyeux tout au long de la journée.

I : — C'est pas vraiment flippant je trouve.

Δ : — Pourtant moi ça me fait flipper, c'est bien plus effrayant que tes vieillards immortels je trouve. Tu vois, ces types sont normaux, ils sont les modèles de ce monde : un monde normal, sans monstre tapis dans la nuit, sans génies qui modifient les lois de la réalité pour s'amuser, sans dieux pour les gouverner. C'est ça les O5, des personnes normales. De simples humains, qui se mettent en travers de la route de l'anormal ; les monstres ils les enferment dans des cellules aux murs épais, les génies de l'anormal ils les traquent. Et les dieux ? Ils les fonts descendre de leur piédestal, ils leurs donnent un numéro, les observent et les testent pour voir leurs limites ; les limites des dieux…

Δ : — Tout ça, c'est des types normaux qui le font. Ils n'ont qu'un but : rendre le monde normal. Ta famille a été massacrée par un type qui défie les lois de la physique ? Qui leur a fait sortir les intestins par la bouche juste en les regardant ? On enferme le type en question et on le teste pour voir à combien de personnes il peut faire ça en même temps. On te donne un petit amnésique et pouf ! En fait c'était un bon vieux schizophrène à tendance sadique, parce que ça c'est normal ! qui est allé leur ouvrir le bide parce que ta fille lui rappelait sa sœur et que sa mère le frappait. Tout les habitants d'un village deviennent fous en même temps à cause d'un objet de culte anormal et se mettent à se bouffer entre eux ? On retire l'objet, on abat ou on file des amnésiques aux survivants et on leur dit que des gaz libérés par accident ont causés une série d'intoxication mortelles à tous leurs proches ; parce que ça c'est normal ! On retire tous les trucs anormaux du monde, pas ses dangers ni toutes ses horreurs normales. Les maladies qui ne font que tuer des populations entières en leur faisant vomir du sang ? C'est normal, on laisse faire, ça pourrait même nous servir de scénario de couverture ! Les déséquilibrés, les assassins, les violeurs, les sectes, les meurtres de masses, la famine, l'oppression… Tant qu'il y a pas d'objets qui défie les lois de la logique dedans, de types aux pouvoirs psychique supérieurs ou de phénomène extra-dimensionnels : on s'en branle ! C'est normal, rien à foutre !

I : — Arrête… c'est pas… C'est pas ça… Je veux plus en parler.

Δ : — On est des super-héros, non ? Des super-héros qui abattent les témoins, qui testent les limites de l'être humain face aux pires horreurs. Qui utilisent ces mêmes humains pour tester leurs théories. Ça rate ? On recommence ! On ment au monde, on lui cache tout sous le voile de la normalité, on le transforme, on le remodèle pour qu'il soit comme on le désire. On le rend normal. On est les meilleurs dans notre boulot… On arrive à les regarder droits dans les yeux quand on leur fiche une balle dans la tête. Parce que les héros ça ne détourne jamais les yeux.

I : — Arrête ! C'est bon… j'ai compris…

Δ : — D'accord… De toute façon on va bientôt arriver, on n'est plus qu'à quarante kilomètres, vérifie ton matériel.

I : — Okay…

I : — … En fait… J'ai une question pour toi.

Δ : — Hmm. Vas-y.

I : — Nous, on est normaux ?

Δ : — Ça, c'est une bonne question… T'as lu les ordres, t'as vu ce qui pourrait nous attendre ; tous les trucs qu'ils ont imaginés pour expliquer ce qu'on pourrait rencontrer là-bas, et t'imagines tout ce qu'ils n'ont pas prévus. Pourtant on est là, en train de préparer nos armes, vérifier nos détecteurs, presque prêts à tout affronter. Je te le dis, je sais pas si c'est bien ou mal, mais on n'est sûrement pas normaux… Et dans notre situation c'est plutôt rassurant.


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