Recrutement de classe-D

Ils m'ont demandé mes papiers d'identité au poste de sécurité. Des faux évidemment, mais le gamin de service n'a même pas vu ces détails et a appelé son supérieur dès qu'il a vu le nom de famille. Le chef a dû m'attendre toute la journée, car il a décroché dès la première sonnerie. Le gamin lui a dit que j'étais là et il fut inondé d'ordres.

Le chef de cette admirable prison n'était pas très enthousiaste à l'idée de parler aux agents de la Fondation en personne, mais il est très rapide pour exécuter les tâches demandées. Je suis venu ici quatre fois, les gardes s'occupent de leurs affaires et les détenus sont coopératifs. Des conditions de travail plus que plaisantes.

Le gamin continuait de hocher la tête et de dire "oui" alors qu'il croulait sous les ordres. Il raccrocha et me suggéra de m'asseoir en attendant mon escorte. Je suivis son conseil et je mis ma sacoche sur mes genoux. En regardant paresseusement les environs, j'ai commencé à chantonner un son qui est resté dans ma tête depuis ce matin. Un nouveau hit qu'ils ont diffusé à la radio. Même si je ne me souvenais ni du nom de la musique ni de l'artiste. Le gamin me jeta un coup d'œil.

L'escorte arriva peu après. Un type obèse avec un large sourire, un vrai hippopotame. Il était très ravi de me voir, comme si j'étais sa grand-mère. Je me levai tout en sentant ce sourire contagieux se propager également sur mon visage.

- Alexeï Yarin ? Me demanda t-il avec un signe de tête stupide. Nous vous attendions depuis ce matin. Pas de problèmes pour arriver jusqu'ici ?

- Très bien, merci. Comment va Millet ? Je demandai.

- Elle vient de mettre bas. Besoin de chiots ? Je plaisante, je sais que vous avez envie de commencer. Suivez-moi.

Nous avons parcouru les sombres couloirs. L'escorte marchait tout en balançant ses bras et sa démarche avait un tel dynamisme que j'attendais que ses chaussures se détachent. Je n'ai jamais refusé le plaisir de parler avec ce gars. Comme cette phrase à propos de son chien avec ce nom stupide de "Millet". Ce qui est marrant, c'est que je me souviens du nom du chien, mais pas du propriétaire.

- Je me demande, vous êtes un fan de musique ? Je lui demandai.

- Pourquoi le demandez-vous ? Dit-il en regardant au-dessus de son épaule sans ralentir.

- J'ai entendu un son ce matin que j'ai beaucoup aimé, mais je ne me souviens pas du nom.

- Essayez de chantonner le refrain.

- Ça faisait comme ça : de-de-de-dum-dedum-dedum-dedum-dum-de-de…

- Non, c'est pas de mon domaine, j'écoute à peine de la musique. D'ailleurs, dites-moi, ils vont vraiment transférer Borisov autre part ?

- S'il est d'accord.

- Très bien. N'hésitez pas à m'appeler, je peux aider pour la persuasion. Ok, on y est.

La salle d'interrogatoire est très simple et étroite, éclairée par la faible lumière du soleil.

- On l'a nettoyée avant que vous n'arriviez.

- Merci, vous n'auriez pas dû.

J'entrai dans la salle et je regardai soigneusement chaque recoin. Tout ce dont j'ai besoin, c'est d'une table et de deux chaises, rien d'autre. Aussi, ils pensent que je suis le patron, donc préserver les apparences est primordial.

- Bien, dis-je avec condescendance tout en prenant place. Les pieds de la chaise en fer font un bruit démoniaque alors que je la tire. Les détenus sont prêts ?

- Oh, ils le sont. Ça les démange.

Pas de doute. Certains d'entre eux s'amusent, d'une idée naïve, que je vais les libérer.

- Amenez les, un par un, comme inscrit sur la liste.


Je ne suis pas un ogre maléfique qui arrache les gens et les avale tout cru. On me donne une liste, je vais chez le directeur de la prison et je vais parler aux détenus. Je ne les fais pas prisonniers, je les fais accepter… C'est juste que je suis permis d'être insistant.


Le premier est un jeune homme tout pâle. Les oreilles décollées, dégingandé et agressif. Le gamin allait être transféré ailleurs, donc on a eu de la chance de l'avoir ici. Ils l'ont assis en face de moi et sont partis. J'ai pris mon temps en plaçant langoureusement le dossier des accords à ma droite, le dossier vide (pour le moment) pour les papiers signés sur ma gauche, et l'enregistreur au coin de la table et l'allumai.

Un sourire joyeux apparut sur mon visage.

- Bonjour Maxim, comment allez vous ?

- Va te faire foutre, dit-il entre ses dents.

- Ouah, comme vous êtes énervé.

- Je vais t'étrangler salaud. Tu penses que ces petits bracelets vont m'arrêter ?

Pour prouver qu'il est sérieux, le détenu plaça ses fines mains sur la table. S'abstenant de "l'étranglement" pour le moment.

- Maintenant que nous avons un terrain d'entente, j'aimerais vous faire une offre alléchante.

- Vous voudriez pas plutôt aller vous faire…

- Ce n'est pas de votre faute si vous avez fini ici, tout est de la faute de votre maladie. Voilà un accord. Dis-je en plaçant le document et un stylo face à lui. En prenant part aux tests de médecine expérimentale, cela pourrait vous guérir.

En ayant entendu la dernière phrase, le détenu commença à méditer. Il lorgna le document et commença à bouger ses lèvres sans émettre de sons.

- Alors, qu'est ce vous en pensez ?

- Donc, ma mémoire ne sera plus si foireuse ?

- Vous avez le syndrome de Korsakoff, ce n'est pas juste votre mémoire qui est "foireuse". Mais, dans l'ensemble, oui, cela vous guérira complétement.

- En testant un nouveau médicament ? Le pauvre homme ne pouvait plus penser.

- Oui, et ils vous relâcheront dans un mois. Ce médicament est très important. Ils réduiront votre peine si vous prenez part aux expériences.

- Donc, je verrais ma mère dans un mois ?

- Exactement.

Le détenu poussa un soupir exalté. Une seconde plus tard, il prit le stylo et les accords.

- Juste là, et même endroit sur l'autre page. C'est tout. Ils viendront vous chercher ce soir.


Ils sont tous innocents. Chaque détenu avec une peine à perpétuité ne peut être irréprochable. Les "circonstances" sont ceux qui doivent être jugés. Les dettes, la pauvreté, l'alcool, la maladie. Voilà les vrais criminels. C'est pourquoi, les détenus iront aussi loin que possible pour retrouver leur liberté et se débarrasser de ces "circonstances". Ils acceptent même les expériences.

Mais en vérité, ce gars testera des médicaments… mais pas le remède contre l'amnésie. Et dans un mois, il ne rentrera pas auprès de sa mère car elle est morte. Et il l'a oublié.

Amnésique, sauve-nous.


Le détenu suivant est un grand et maigre athlète. Tatoué de la tête aux pieds comme un fichu yakuza. Cependant, son corps n'est pas orné de dragons et de sakuras, mais de croix celtiques, de swastikas, de fils de fer et d'aigles. Rappelant le nazisme, et montrant la vraie nature du détenu.

Il lutte aussi pour ne pas cracher sur votre visage.

- Stanislav Berlogin, ravi de vous rencontrer.

- Vraiment ? Et vous êtes qui d'ailleurs ?

- Appelez-moi Alexeï. Je suis de la colonie pénitentiaire de Vesnov. On vous offre un transfert.

- Et pourquoi vous feriez ça, bordel ?

Une incivilité quotidienne, néanmoins ennuyeuse.

- L'état fait sortir un détenu pour un programme de réinsertion sociale dans notre colonie. Vous étiez répertorié comme un candidat pour une formation pour vous débarrasser de votre intolérance ethnique.

- Je ne suis pas intolérant. Je reconnais le meurtre de ces bâtards, non pas d'où ils venaient, mais pour quoi ils se sont permis d'entrer dans mon pays !

- Votre éducation est très impressionnante, peu de gens savent ce que "intolérance ethnique" veut dire. Tout de même, vous voyez, vous êtes ici à cause de cette intolérance. Votre attitude envers les minorités ethniques vous a mené à cette sentence.

- Je vais le redire une fois, le nazi s'approcha, j'ai seulement empêché ces étrangers d'entrer, car la police ne peut rien y faire !

- Était-ce pour cette raison, que vous et vos complices avez brulé ce bus transportant des étudiants étrangers en échange avec des cocktails molotov ?

- Ils sont venus pour prendre notre travail.

- Ce sont des étudiants étrangers, ils étudieront ici et travailleront chez eux.

- Peut-être, mais ils prennent les bourses gouvernementales que nos gamins pourraient avoir.

- Leurs pays payent leurs frais de scolarité, pas nous.

Le sympathisant nazi se tut, tout en gardant un visage arrogant et sûr de lui. C'est le moment de tisser ma toile maintenant qu'il est déstabilisé. Je lui donnai une copie.

- Pendant que vous lisez l'accord, je vais vous décrire les conditions. Repas garnis, douche, gym, salle d'ordinateurs, sessions de thérapies quotidienne et travail manuel réduit au minimum. Si la thérapie s'avère fructueuse, votre peine peut passer à quinze ans au lieu de la perpétuité. Et vous serez placé dans un bâtiment avec des types comme vous.

Cela piqua l'intérêt de notre nazi. Il rapprocha l'accord vers lui.

- Donc, pas de juifs du tout ?

- Pas un seul juif, excepté moi bien sûr.

- Haha, vous êtes un marrant. Ok, je signe où ?


Être un classe D à la Fondation n'est pas un signe de punition. Nous ne prenons pas ceux qui sont plus coupables que les autres, pas du tout. Nos critères fonctionnent ainsi : tout d'abord, nous avons les condamnés à mort (une denrée rare dans notre pays). Ensuite, nous arrivons à ceux qui n'auront rien d'autre que la perpétuité. Et parmi ceux-ci, nous prenons les détenus qui n'ont plus de parent proche, ceux qui ne seront pas remarqués s' ils disparaissent. Les personnes des orphelinats sont les meilleurs candidats. Comme ce nazi.


Le suivant à entrer, était un type petit, mais fort corpulent avec un front massif. J'aurais souhaité avoir un front pareil, j'enfoncerais des clous avec. Ils ont quasiment dû utiliser la force pour le faire s'asseoir. Mais s'étant assis sur la chaise, il s'est immédiatement calmé. J'aime particulièrement ce genre de personne.

- Bonjour Alexandre Borisov, je m'appelle Alexeï. Tout d'abord, je voudrais vous prévenir que cet entretien n'a jamais eu lieu officiellement.

- Qui vous-êtes ? Croassa t-il.

- Je ne peux pas vous le dire pour le moment. Je préfèrerais que vous répondiez à ma question. N'étiez vous pas emprisonné pour un incendie dans un immeuble ?

- Oui, mais je n'ai pas…

- Combien de personnes sont mortes ?

- Trente et une, mais ils n'étaient pas tous…

- Combien d'entre eux étaient des aliens ? Demandai-je sans cligner les yeux.

Le petit gars avait l'air méfiant maintenant. Personne ne lui avait parlé comme ça. Quelqu'un qui brûle un immeuble dans le cadre de son combat contre l'invasion alien, et qui se fait emprisonner dans une simple prison au lieu d'un asile, l'explication est simple. Les psys pensaient qu'il jouait la comédie. Personne ne crut en lui. Il fut jugé sain par trois docteurs, et par un autre après qu'il ait fait appel de son jugement.

Et maintenant, il regarde quelqu'un qui le croit.

- Vous vous fichez de moi ?

- Vous pensez que je suis venu dans une prison et que j'ai arrangé un entretien avec vous pour plaisanter ? Non, pas du tout, je suis ici pour vous faire une offre de collaboration, voici l'accord.

Le résistant feuilleta quelques lignes et fixa ses yeux sinistres sur moi. Bon Dieu, qu'est-ce qu'il est laid.

- Je comprends, vous n'êtes pas enclin à me croire sur parole. Dis-je en mettant ma main dans la poche de mon manteau. Mais ma sincérité peut-être prouvée. Tenez, familiarisez-vous.

Je sortis un paquet de photos et les jetai sur la table juste en face de lui. Il fronça encore plus ses sourcils, mais ensuite… il commença à regarder et, avec chaque photo, ses sourcils fronçaient encore plus. Bientôt, il fut submergé par la rage, la phrase "je vous l'avais dit" coincée dans sa gorge.

- Comme ceux-ci ? Dis-je en me penchant au-dessus de la table. Vous voyez celui-là ? Tout écailleux, une tête triangulaire. Et celui-ci, regardez, s'est tissé un nid de soie. Ce n'est pas de la soie, en réalité, on l'appelle juste comme ça.

Le fou était presque à moi maintenant. Mais il fut de nouveau submergé par le doute. Il me regarda sévèrement, demandant plus de preuves.

- C'est pas un faux ? Demanda t-il en prenant les photos.

- Certainement pas. Si ce n'est pas suffisant pour vous convaincre, voilà autre chose.

D'une poche spéciale, je sortis une pièce avec un trou à l'intérieur. Une longue ficelle passa à travers le trou. Dès que j'ouvris ma palme, la pièce tomba… sur le plafond. Le détenu sursauta et faillit tomber de sa chaise. La bouche bée, il me regarda tirer la pièce vers moi avec la ficelle.

- Alors, une cellule pour deux, le contrat est d'un mois. Après ça, vous décidez si vous voulez en faire plus. Aussi…

- Dites-m'en plus en chemin. Où je signe ?


Il est de notre responsabilité de scruter minutieusement les candidats afin d'être prêt pour l'entretien. Tout compte, du crime commis au parcours scolaire. De la santé mentale à la santé dentaire. Les entretiens sont comme des pièces de théâtre méticuleusement préparées pendant des semaines.

Nous devons nous immerger dans la psychologie, être familiarisé avec les rapports d'arrestation, les transcriptions judiciaires et le comportement du détenu en prison. Un vrai travail d'enfer… tout ça pour quelques petites signatures.


Me préparer pour mon prochain client a pris un certain temps. Mais après notre rencontre, je commençai à regarder ce nigaud. Pendant de longues minutes, je restai assis-là, le menton appuyé contre mon poing, en regardant le visage de cette brute de deux mètres.

Ceci dit, ce visage est remarquable. L'œil gauche manquant a une cicatrice qui a l'air d'avoir été cousue avec une machine à coudre. Soit, il n'était pas non plus un mannequin avant ça.

- Un couteau a fait ça, je présume ?

- Ouais, un coup de couteau vers le haut.

- Et comment vous avez survécu à ça ?

- C'était un couteau de cuisine, dit-il en haussant les épaules.

- Peu importe, c'est allé droit dans l'œil !

- Juste une entaille, dit-il en haussant encore les épaules.

- Votre femme vous a fait ça ?

- C'est ça. nous avons eu un désaccord sur la légitimité de ses infidélités. Alors, elle est devenue folle.

- Et vous l'avez tuée ?

- Je voulais juste lui en coller une, mais elle est tombée raide morte dès le premier coup. J'ai été assez intelligent pour appeler ses parents, et en une demi-heure, ils sont venus défoncer ma porte. J'ai simplement eu recours à la légitime défense.

- Et tué sept autres personnes ?

La brute écarta ses mains.

- Qu'est-ce que je pouvais faire ? Même ses cousins étaient là.

- Je vais vous appeler Travolta, dis-je en cherchant l'accord dans ma sacoche.

- Pourquoi ?

- Vous me faites penser à Volte-face.

- Bon film, admit-il.

- Ceci est une offre pour un travail gouvernemental. Un mois de travail et vous serez libre de partir. Jetez un coup d'œil et signez.

La brute lut rapidement l'accord et leva le stylo. Mais au lieu de signer, il posa une question.

- Je peux fumer là-bas ?

- Non, on vous donnera un patch de nicotine.

- Dommage. Dit-il en signant l'accord.


Nous ne sommes restreint qu'à un langage, celui que le détenu veut entendre. Et tout le monde veut des choses différentes. Cependant, en dehors de toutes les multitudes de langages, nous devons seulement en choisir un. Le ton juste, les mots justes, les gestes justes…

Nous travaillons méthodiquement. Dès qu'on entre, nous savons quelles étapes nous prenons. La reconnaissance est cruciale. Les affaires extérieures nous fournissent, à leur crédit, tout ce dont nous avons besoin. En échange de ça, ils exigent seulement que nous ne falsifions pas les signatures.


Ils amenèrent un gamin timide et mauviette. Dès qu'il s'assit, je lui jetai un stylo et un papier en lui disant :

- Signe ça.

- Qu'est-ce que c'est ?

- T'es un putain d'idiot ou quoi ? Qu'est-ce dans "signe ça" tu comprends pas, ducon ?

La mauviette attrapa le stylo et l'accord. Il devait autant trembler que lorsque sa peine fut prononcée.

- Mais qu'est-ce que t'as à lire ! Signe-le et retourne dans ta piaule.

J'ai eu ma signature.

"Rejeté."


Oui, on est entraînés pour ça aussi. Ce n'est pas recommandé, ça ne marche que sur une personne sur vingt au maximum. Seulement, ça fait économiser du temps. Qui sait, peut-être que je finirais plus-tôt aujourd'hui.


Le prochain commença à parler en premier.

- Vous-êtes des services secrets ?

- Non, Victor. Je ne suis d'aucun service secret.

- C'est juste que vous avez un beau costume.

- Comparé à quoi vous portiez avant la prison, ce sont des chiffons.

- Vous avez lu mon dossier ?

- J'ai regardé votre profil sur les réseaux sociaux.

Victor Rogov me fixa d'un regard perçant. Les bras croisés sur sa poitrine, un sourire narcissique sur son visage.

- Maintenant, qui sont ces gens pimpants, non des services secrets, qui ont besoin de moi ?

-La science. Dis-je en sortant un autre accord. Nous vous proposons de participer au test d'une arme non-létale. Une collaboration active pourrait commuer votre peine, le meilleur cas étant de dix ans.

Mieux vaut ne pas mentionner les vrais termes à cet homme sournois. Il est trop suspicieux pour croire qu'une peine à vie peut être réduite à un mois.

Victor prit le papier de ma main mais ne le regarda même pas.

- Pas si non-létale si vous avez besoin de condamnés pour ça.

- Comment dire ça. Il y a un risque. C'est comme les pilotes d'essais. Ils prennent des risques eux-aussi, mais personne ne veut qu'ils meurent.

- Quel genre d'arme ? Demanda t-il avec un regard désintéressé.

- De la mousse. Cela vous immobilise, ils vous l'enlèvent et vous envoient aux douches. Vous-vous laverez plusieurs fois par jour. Vous êtes un sorte de maniaque de la propreté, pas vrai ?

- Ça semble suspect.

- Regardez par vous même, dis-je en ouvrant la sacoche avec des accords non signés. Il n'y plus que deux autres accords, vous avez le troisième. Et ceux-ci, sont signés comme vous pouvez le voir. Il n'y en a que cinq et je suis ici depuis qu'il est deux heures.

L'alternative que j'offre semble de plus en plus prometteuse. Victor commence à y réfléchir au lieu de refuser comme une princesse.

- J'aimerais lire les détails. Dit-il en se penchant sur l'accord.

Mais enfin, faites-donc. D'autant plus que l'accord ne contredit en rien mes propos. Aucun des autres accords d'ailleurs. Chaque accord est personnalisé et adapté selon une histoire spécifique de couverture. Et tous (un tonnerre d'applaudissements pour le service juridique) sont composés de manière à ce que vous ne puissiez faire aucune réclamation. Ce type a également une rotation mensuelle mentionnée dedans.

Je n'ai pas peur de quelques révélations ou de démasquages, ils peuvent lire tout ce qu'ils veulent. Mais bon sang, ils le font pour un long moment.


Je ne connais pas les détails, mais ils disent que chaque candidat est déjà affecté à un SCP spécifique. Ils disent même, qu'ils sont assignés à des expériences spécifiques. Je n'y crois pas. Mais je sais que les docteurs font des demandes spécifiques. Ça ne devrait pas me concerner, mais un collègue m'a raconté une fois, qu'ils demandaient des personnes aveugles, des personnes avec le syndrome de la main étrangère, des personnes chimiquement castrées, des personnes ambidextres. Et considérez ceci : le destin du monde dépend de ma capacité à remplir leurs conditions.

Bien sûr, pas moi personnellement. Ils y en a d'autres. Je ne suis même pas le meilleur dans ce domaine. En fait, nous ne regardons pas le classement, donc je ne sais pas qui est le meilleur. Qui sait, c'est peut-être moi.


Quand ils amenèrent le prochain, je faisais des va-et-vient près de la fenêtre. Le jeune dandy (un peu pire après avoir rencontré la vie carcérale) était assis en me regardant fixement. Sans m'occuper des gardiens qui n'étaient pas encore sortis, je commençai à parler au téléphone.

- Oui, Piotr Romanovitch, ils viennent de l'amener. Il n'a pas l'air d'avoir été battu. Il semble vivant. Non, malheureusement vous ne pouvez pas lui parler directement. Je… Piotr Romanovitch, je comprends mais là… Piotr Romanovitch, ce n'est pas le moment, nous prenons déjà trop de risques. Oui, le plan ne change pas. Oui, d'accord, nous l'enverrons ce soir. Je ne suis pas sûr pour ça, Dmitri Stepanovitch n'a pas encore rappelé. Non, mais il a dit qu'il ferait tout, et il ne nous a jamais déçus avant. Oui, ok, je vous rappelle plus tard.

Je raccrochai (sans appeler personne en fait) et offris à la progéniture de Piotr Romanovitch l'accord.

- Alors, regarde ici. Tu signes ces papiers et on te transférera vers une autre prison. Les conditions y sont meilleures qu'ici et tu partageras une cellule avec ton père. Oui, c'était lui au téléphone. Il nous a fait une grosse faveur il y a un bout de temps, alors on te fait sortir d'ici. Cependant, ça va prendre du temps. On ne peut pas arranger le deal en moins d'un mois, mais on y travaille.

- Compris, dit le riche gosse sans demander de détails. Je signe où ?

- Mets ta signature juste là. L'autre page aussi. Excellent. Ce soir, tu seras chez ton père et après ça… eh bien, nous aviserons.

- Merci, dit le jeune criminel et se précipita vers la sortie.


Il pourrait même rencontrer son père, qui travaille pour la Fondation depuis deux semaines déjà.

À vrai dire, j'ai eu recours à un mensonge éhonté. C'est-à-dire que j'ai été vague plus tôt, mais pas un seul mot de vérité a été dite. Très peu de cas le justifient. Comme celui-ci par exemple.

La famille criminelle a peut-être pu se libérer. Ils ont de vrais contacts avec un major de la police, des membres de l'administration régionale, quelques chefs de la mafia… et la Main du Serpent.


Le dernier pour aujourd'hui est un vrai danger. Celui qui m'a été amené, n'était pas un meurtrier bestial, un maniaque, un terroriste, même pas un pirate informatique. C'est un homme d'apparence médiocre, un peu en surpoids, qui semble avoir été battu. Des bosses et des contusions arborant toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. On a eu un long combat avec le gouvernement pour celui-là.

Ce bâtard a vendu des informations secrètes d'état à des terroristes. Les investigations ont confirmé que cinquante-trois documents furent vendus, mais il est probable qu'il y en a eu plus.

Il aurait dû être mis devant un peloton d'exécution, mais l'affaire est devenue publique. Des militants des droits de l'homme ont envahi chaque coin de la Russie et au-delà des frontières. Ils sont d'accord pour protéger n'importe quel genre de bâtard. La pression était si forte, cette ordure a écopé d'une peine à perpétuité. Maudites soient ces chiffes molles.

Trois ans de travail lui ont été consacrés. Une fois qu'ils lui ont soutiré toutes les informations, il fut jeté ici. Maintenant, il se fait battre par ses compagnons de cellule. Beaucoup de patriotes parmi les détenus.

Après que l'on nous ait laissés seuls, je me levai, marchai vers lui et tendis l'accord devant lui. Lentement, langoureusement, hautainement, je plaçai un stylo près de lui et finalement, je commençai par parler.

- Cinq officiers ont été poignardés à mort avec leurs familles. L'un d'eux été un bon ami à moi. Le groupe, à qui vous avez vendu les infos, a commis trois attaques terroristes. Ils ont pris d'assaut une base militaire et ont volé des armes. Et ceci, sont seulement les faits évidemment liés aux informations que vous avez divulguées. Ça fait… beaucoup de sang sur vos mains, lieutenant.

Je pointai mon doigt sur la ligne pointillée.

- Maintenant, vous prenez ce stylo et vous signez. Dis-je d'une voix calme, mais intimidante.

- Je ne signerais pas vos papiers.

- Écoutez, vous pensez que vous avez traversé toutes les étapes de la torture ? Vous pensez que vous avez passé le pire ? Regardez ça.

Je retroussa la manche de mon pantalon, et sortis un pistolet caché. Cela l'impressionna.

- Je suis entré dans une prison avec une arme, et personne n'a pris la peine de me fouiller. Vous pouvez imaginer quel genre de personne je suis ? Je vous ferai subir des choses et personne ne viendra pour vous alors que vous criez. Prenez ce stylo, ou je met un X et je repars avec une réprimande, dans le pire des cas.

- Vous voulez peut-être éteindre l'enregistreur.

Je brisai l'appareil contre le mur. Le gars malin perdit toute confiance en lui et mit ses mains sur sa tête.

- Signez-le, sale con, ne m'énervez pas !

Le bâtard commença a avoir des doutes et prit le stylo. Dès que j'ai vérifié que les signatures devaient être là où elles le devaient, je me suis calmé et j'ai commencé à ranger mes affaires.

- Excellent, dis-je en rangeant le dossier dans la sacoche. J'espère que vous serez sur un keter.

- Quel keter ? Dit-il en me passant l'accord signé.

- Cela vous sera expliqué une fois au site.

- Non, vous m'avez mal compris. Dans quel keter vous allez m'envoyez ? Celui qui dessèche l'eau avec un regard ? Ou vous allez me jeter dans le geyser vivant ?

C'était comme un choc électrique, mes yeux s'élargirent, ma mâchoire tombant lentement. Je me tournai face-à-face avec ce bâtard à l'air fier. C'est comme si nous changions nos places.

- Quels étaient ces documents que vous leur avez vendus, salaud ?! Qui étaient ces terroristes ?!

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