Équipe 11 : Harcko, Dmark et Seyph
Seyph
Le Chasseur avait patiemment attendu le jour où il pourrait s'élever à nouveau à travers le sang d'un ennemi vaincu. Les méandres de l'Histoire avaient longtemps été asséchés par des geôliers consciencieux, et des éternités avaient passé. Des éternités qu'il avait occupées à chérir le souvenir de ses griffes déchirant la chair de bronze de la sage Hakama, du hurlement de désespoir du Serpent blessé, et du feu ravageant la vallée des Deux Arbres.
Il était resté fidèle.
Et son Roi l'avait récompensé.
Il pouvait à nouveau Le suivre. Il pouvait à nouveau répandre la terreur. Il avait commencé par la Bibliothèque : restait là une déesse sans corps qu'il n'avait pas pu achever et un Arbre qu'il n'avait pas réussi à calciner.
Drapé des fumées noires des parchemins anciens, du haut de son cheval de guerre, il se sentait véritablement heureux.
Mais on avait gâché sa battue. Le Roi avait un instant détourné son attention de la Bibliothèque, seulement pour entrer dans une rage immense. Le Chasseur avait arrêté sa lance, pétrifié, alors qu'un frisson traversait la glorieuse armée daevite. Qui pouvait ainsi contrarier les plans de la Lune Noire ?
La réponse vint rapidement, par l'intermédiaire d'une des nouvelles servantes du Roi. Une petite humaine aux cheveux noirs plaqués sur une face blessée et boueuse, sans cornes ni armure. Le guerrier du fond des âges méprisait autant qu'il admirait ce sang neuf, si faible et pourtant si fanatique. L'humaine était en charge de la base terrestre du Bosphore, le point central de toute la logistique pour la bataille contre les geôliers. La base qui venait d'être anéantie en une nuit."Des disciples du Serpent ! TROIS FUCKING MAINS DU SERPENT !!! ON A DÉCAPITÉ CE BÂTARD ET SA PUTAIN DE REINE EST CANÉE, ET ILS ARRIVENT ENCORE À NOUS FAIRE CHIER !!!"
Le Daeva pencha la tête, et l'humaine se tut, en se mordant les lèvres de rage autant que de terreur. Bien, elle comprenait vite.
C'était de sa faute. Sa faute d'être faible. Elle avait échoué : il fallait venger son échec.
"Khlôros…"
Son cheval, heureux, hennit. Le Chasseur, le regarda, presque attendri, dévorer l'insecte qui n'avait pas rempli son rôle, dans ce mélange de craquement d'os et de hurlements qu'il aimait tant.Il prit sa lance, longue barre torse de métal noir, et tourna son esprit vers la traque à venir.
"Gloire au Roi Écarlate."
Jour 61 après la chute d'Aleph
"Ils sont sur nos talons ! On ne peut pas faire un détour !
- Et tu préfères quoi ? Passer en plein milieu d'une putain de zone d'exclusion nucléaire !?
- J'ai moins peur d'un réacteur explosé que d'un véritable Daeva !! Une centrale nucléaire au moins ça ne veut pas personnellement me faire subir les derniers outrages pour la gloire de la Lune Noire !
- Je tiens à préciser que les lois de la physique peuvent autant nous tuer que le Chasseur…
- Merci Leo, c'est exactement ce que je m'efforce de bourrer dans le crâne de ce chaman de mes deux !
- … mais est-ce que les Daevas sont immunisés contre les radiations ?
- …"
Mark laissa échapper une quinte de toux sonore. J'ai plissé les yeux : Leonard avait l'air de sérieusement considérer la possibilité qu'un fléau du fond des âges doive s'incliner face à quelques barres d'uranium très mal gérées et très fondues.
"Les geôliers ont des têtes nucléaires dans leurs sites. Y'a pas grand-chose qui survit à ce genre de trucs.
- Certes. Après, il y a une grosse différence entre une bombe et une centrale en pleine réaction incontrôlée. Mais si on arrive à l'attirer assez près…"
Voilà que l'autre s'y mettait. Je les ai interrompus.
" Objection ! Dans tous les cas de figure, on va crever plus vite qu'un Daeva. Fin du plan foireux. On redescend sur terre et on contourne la zone, parce que c'est la.seule.option.possible."
L'informaticien eut l'air d'hésiter. Pendant un moments on n'entendit plus que le bruit du petit moteur et des cailloux sur la route.
"Et si on pouvait s'isoler temporairement du reste du monde ? Théoriquement, une Bulle parfaite ne laisserait pas passer l'énergie."
J'ai levé les yeux au ciel (aujourd'hui il était verdâtre).
"Ok. Et est-ce que théoriquement tu sais faire une Bulle parfaite ? Est-ce que quiconque ici sait faire une Bulle parfaite ?
- Parfaite je dis pas, mais si on peut en faire une partielle pour un camp…
- Tu kof kof penses pouvoir adapter les conditions pour intégrer une exclusion pour ça ?"
Le jeune homme tapota pensivement la poignée des gaz avant de répondre.
"Prenez le guidon pendant deux… non, une heure. Juste le temps de modifier un de mes programmes et de voir si ça marche."
Il avait l'air de savoir quoi faire. J'ai cédé.
"Si dans deux heures ça donne rien on abandonne et on bifurque illico direction la mer. On n'a pas assez d'avance pour se permettre plus."
"Bon, ça va être un peu plus compliqué pour communiquer mais ça marche !"
Le programme de Leonard était vraiment bien fait, pour une improvisation. Efficace et sans place pour les considérations annexes. Le sens de l'ouïe et celui de la vue étaient des considérations annexes. Sa Bulle isolait, il ne s'était pas amusé à trier quoi. Il faudrait l'aide d'un rituel de clairvoyance pour savoir où mettre les pieds, et le maintenir sur des kilomètres. Impossible de s'entendre. Pas sans se casser la tête pour rien et perdre un temps précieux, en tout cas.
Le jeune informaticien nous a fait retirer le haut pour griffonner ses formules au stylo bic bleu. La pointe en métal était froide et la sensation légèrement électrique. Il devait aller vite, pour ne pas perdre le peu d'avance qui nous restait. Stressant. J'ai ironisé, par habitude.
"Si un zombie policier m'arrête pour atteinte à la pudeur, c'est de ta faute."
Leo répondit distraitement, absorbé par sa tâche.
"Mais non, t'as de jolis seins t'inquiète."
Il n'en avait strictement rien à faire. Une pointe de complexes que je n'avais pas ressentie depuis l'adolescence remonta. Pourquoi maintenant ? Ça n'était pas le moment.
Les couleurs se sont effacées, puis le bruit du vent et tout à coup tout était noir et silencieux. Peut-être pas tout à fait noir, ni tout à fait silencieux : j'ai entendu mon cœur accélérer et ma respiration raccourcir, et je me suis mise à m'occuper pour ne pas que la panique monte. Bouger les doigts de pieds dans mes bottes, toucher mon visage, passer ma langue sur les dents et les compter. Il y avait toujours cette petite dépression, dans l'incisive gauche, souvenir à présent poli d'une bêtise d'enfance. C'était rassurant. J'ai commencé à mettre en place mes autres sens, calmement.
C'était un état difficile à maîtriser. On appelait ça clairvoyance, mais cela s'apparentait plus à l'instinct qu'à la vue. Mark était là, à côté, en train de faire quelques exercices basiques d'équilibre. Il était un peu inquiet, je crois. J'ai perçu un mouvement de main. Il me faisait coucou, et il y avait un sourire dans ce salut. C'était la même sensation qu'un sourire au téléphone, ça se sentait.
On a attendu que Leonard finisse le travail sur lui-même en vérifiant qu'on n'avait rien oublié et qu'on était bien capables de faire cinq mètres sans se casser la figure. Au bout de dix minutes, tout était en place et tout le monde a repris sa place sur le fidèle scooter, dont le pétaradement asthmatique n'était à présent plus trahi que par une vibration sourde.
"Ils sont pas loin derrière."
Pas de réponse. Évidemment. Mais je savais que les deux autres aussi savaient. L'aura des suivants de Daé, dans le noir et le silence, était impossible à ne pas percevoir. De même que l'immense panache de fumée, loin devant, moins sinistre, mais immensément plus grand. J'ai essayé de me souvenir de ce que le scientifique du groupe avait expliqué au lance-pierre, pendant qu'il gribouillait sur le dos de Mark. "Le réacteur en fusion a touché la nappe phréatique, ça a fait une grosse explosion." Tout ce que j'avais compris avec certitude, c'était que par rapport à d'autres accidents comme Tchernobyl, la zone de danger était bien plus large, et l'épicentre encore plus radioactif. Un trou béant avec des bouts de réacteur éparpillés partout étant logiquement moins sous contrôle que du métal fondu derrière des murs en béton.
La route défilait. C'était facile de s'orienter : droit vers le cratère. Est-ce que l'explosion avait soulevé le sol autour, ou est-ce qu'elle l'avait enfoncé au centre ? Plus on avançait plus la pente était perceptible. Kilomètre après kilomètre, moins les bâtiments étaient debout, moins les routes étaient entières, moins les restes d'êtres vivants avaient de forme. Les roues du petit scooter collaient sur le bitume.
J'ai repensé aux quelques lettres qui avaient scintillé doucement devant mes yeux, dans la section effondrée, à Jérusalem. On serait arrivés à Metsamor bientôt. On serait rattrapés à Metsamor. La Bibliothèque savait, déjà à ce moment-là. Mais quoi ? Et pourquoi me faire passer le message à moi ?
Avec les cahots de la route c'était difficile de bien réfléchir.
Derrière, le danger se rapprochait. J'ai essayé sans grand succès de chasser le picotement qui s'installait à l'arrière de ma nuque. À côté, sur la place arrière du scooter, Mark remuait les lèvres doucement. On avait vécu tellement de merdes ensemble qu'il avait appris à incanter pendant que Leo faisait du slalom en hors-piste, la manette des gaz à fond. Le fait qu'il possède encore sa langue dans de telles conditions relevait de l'exploit.
La tôle du side-car vibrait à présent d'un martèlement sourd, en plus des cahots du bitume fondu. Le cheval du Chasseur était juste derrière. Le scooter était trop lent, malgré tous nos efforts et modifications. La réalité se distordit un instant, et un son passa la barrière de la bulle, horriblement déformé. Le cri de guerre d'un Daeva qui trouvait enfin sa proie après des jours de poursuite.
Le conducteur s'est tendu, a pris un virage serré et a dérapé de façon à peine contrôlée sur une pente encore plus abrupte que la précédente. La lance du poursuivant passa entre nos deux têtes, arrachant le seul rétroviseur qui avait survécu jusque là et qui finit pulvérisé dans une vague de chaleur assez intense pour que les cheveux de mes tempes grésillent au passage.
La tactique du zigzag erratique de Leo n'allait pas marcher longtemps. Quelques foulées du cheval au galop et on serait dépassés et rabattus comme du bétail.
Une ; trois mètres derrière. Un coup de coude à Mark et un geste de la main à mon intention : le jeune homme avait un plan. Deux ; les sabots poisseux heurtèrent le sol au niveau de la roue arrière. Je pouvais sentir l'haleine fétide du cavalier pâle et de sa monture. L'odeur de la mort. Tous les glyphes de protection gravés sur la carlingue étaient déployés à leur plein potentiel, alimentés par la radioactivité des alentours. Plus le temps d'en rajouter à présent.
Trois. L'informaticien serra les freins fatigués à deux mains, lança tout son poids en direction du poursuivant et remit les gazs aussitôt. Le scooter glissa sur le côté et vint heurter violemment les pattes arrière de l'immense cheval, à l'endroit le plus faible, brisant sur le coup les longs os du pied. L'impact me fit perdre tout sens pendant plusieurs secondes, pendant que scooter, cheval monstrueux et abomination du fond des âges plongeaient ensemble dans un fouillis de membres dévalant à toute vitesse le centre du cratère de ce qui était autrefois la centrale électrique de Metsamor.
Une déflagration d'origine difficile à déterminer dévia la chute et nous sépara du Chasseur. Le petit véhicules fit encore quelques rebonds, avant de s'immobiliser, ses roues tournant en vain dans l'air avec un bruit de tondeuse. Le chaman avait vraiment eu raison de fixer des ceintures de sécurité. Aussi absurde que ça puisse paraître pour un scooter, ça venait de prouver son utilité. Il faudrait que je m'excuse.
Il y eut quelques secondes de flottement, le temps que tout le monde reprenne ses sens. À une trentaine de mètres de là, le corps disloqué du Daeva bougea, se releva, et remit sèchement sa tête et ses membres dans le bon sens. Le cheval resta immobile.
À nouveau, la voix sortie de temps oubliés se fraya un chemin à travers la Bulle.
"NaHAsh A tROuVé DeS paRASiTes iNtÉreSsaNTs…"
Un mouvement fulgurant attira mon attention, en périphérie arrière droite du cratère. Les lèvres de Mark bougèrent précipitamment et la lance crépitante dévia, nous manquant de peu. Elle alla se planter devant son propriétaire, qui rit encore une fois. Le chaman eut une quinte de toux, plus forte que toutes celles des jours précédents. Il y avait du sang.
"jE REspEcTe LeS ADveRsAIrEs CoURagEuX. VEnEz faIrE pARtIe dE mA MeUte de ChIEns, VoUs ViVReZ PeuT-êTrE !"
J'ai résumé l'état d'esprit de notre petite équipe quant à cette proposition de la façon la plus concise et éloquente possible : le poing bien replié et le majeur vers le ciel. Le Daeva reprit sa lance, avec une attitude remplie de délectation. Il n'avait de toute façon jamais envisagé de faire autre chose de notre peau que des gants. Il prenait juste son temps pour la mise à mort.
Je me suis mise à feuilleter frénétiquement mon carnet pour retrouver des formules susceptibles de nous sortir de la situation. Sans la vue, c'était comme juger si un aliment était comestible en fonction de sa texture uniquement. Complexe.
Leo aussi s'activait, et je sentais sa panique monter. Lui comme moi utilisions des formes de thaumaturgie écrites, quasiment impraticables dans l'urgence.
Mark a secoué la tête et a essuyé le sang qui lui coulait sur le menton. J'ai compris le message. J'ai fait un geste à l'informaticien pour qu'il revienne derrière le scooter. Le médecin allait nous gagner du temps, mais il n'arriverait pas à défaire un demi-dieu tout seul, peu importe la quantité d'énergie à disposition et la supposée vulnérabilité des Daevas à la radioactivité. Il pourrait le retenir quelques minutes, tout au plus.
Le Daeva pencha la tête d'un air gourmand et laissa le chaman dessiner un réseau basique de lignes sanglantes autour de sa bouche et de sa gorge. Curieux, mais avec une forme de familiarité. Il avait probablement déjà tué beaucoup de pratiquants de magie orale. Peut-être même les ancêtres de celui qu'il comptait dépecer aujourd'hui. Les peuples de la steppe avaient été les premiers à souffrir de la réémergence daevite au fil du temps.
La longue arme en métal noir siffla à nouveau dans l'air, et Mark arrêta complètement de penser à nous pour se concentrer sur sa survie uniquement. L'abomination était agile, malgré sa taille, et chaque coup faisait jaillir d'immenses gerbes d'éclats dans le mélange de béton, de verre et de gravats fondus du cratère. Un élan, suivi d'un coup horizontal. Plongée précipitée du médecin vers le sol. Derrière à une centaine de mètres, un bâtiment s'écrasa comme une canette sous une presse hydraulique.
Leo prit ma main et y traça quelques signes. Ça voulait dire quelque chose comme "carré piège, pouvoir petit > grand". Il a hésité, avant d'ajouter "puzzle". J'ai à peu près compris ce qu'il voulait faire. C'était possible. Mieux, c'était plus viable que ce que j'avais en tête. J'ai répondu de la même manière : "support ?". Il a souri, de façon beaucoup trop excitée pour quelqu'un qui proposait une idée aussi débile, et a pointé le trait de métal qui était en train de réduire les reliefs du paysage en tas de gravats fumants.
On avait définitivement tous perdu des neurones pendant le mois précédent.
La bataille, qui avait commencé à une distance d'une vingtaine de mètres, se déroulait à présent au corps à corps. Le médecin avait réussi à manifester une entité pour l'aider, et s'en servait comme d'une monture pour suivre au plus près le Daeva et rester dans son angle mort, là où l'armure sombre ornée de saillies tordues l'empêchait de balancer son arme. La moindre erreur lui serait fatale.
Le monstre balaya les alentours d'un ample mouvement. Il était passé d'une curiosité moqueuse à de l'agacement. L'insecte ne se laissait pas écraser. La poussière s'éleva à nouveau en un nuage dense, aux bords déchiquetés emportés par des jets de gravats. Mark eut à peine le temps d'en sortir avant que les fines particules en suspension dans l'air ne rencontrent les crépitements de la lance maudite en train d'amorcer un nouveau coup. Une boule de feu emplit l'air, l'envoyant rouler sur plusieurs mètres. Le souffle nous frappa de plein fouet, alors pourtant que les combattants s'étaient éloignés.
Le Chasseur tituba, avant de pousser un cri guttural, mâchoire serrée et yeux écarquillés. Si au début, il ne prenait pas le combat au sérieux, maintenant il était énervé. Le chaman se releva difficilement. Sa manifestation trembla, comme si elle était sur le point de se dissiper. Ça sentait mauvais.
D'un mouvement souple du poignet, j'ai enclanché le plan foireux numéro 28.
Un gros caillou irrégulier vint s'écraser sur le visage découvert de l'abomination. Son regard s'est fixé sur moi, dont la fronde pendouillait piteusement à la main, et mon cœur a raté un battement. C'était l'action la plus stupide et dangereuse de ma vie. Il y avait deux chances sur trois que ça soit aussi la dernière.
La lance crépita. J'ai couiné, alors même que personne ne pouvait l'entendre :
"PitiéLeodismoiquetusaiscequetufais"
L'immense morceau de métal quitta la griffe du Chasseur à une vitesse inimaginable, et fendit l'espace en détruisant tout ce qui nous séparait. Tout s'effaça : environnement, sensations, perception du temps… seul restait l'objet mortel,
Puis autre chose se manifesta. À la pointe de l'arme, un fin réseau d'énergie étendit ses filaments. Comme un pare-brise de voiture éclatant sous l'impact, ce fut une lézarde, puis toute une toile fragmentée qui s'étendit en une fraction de seconde. La lance perdit de son momentum, piégée dans le nuage de poussières radioactives qu'elle avait soulevé, et qui formait à présent un solide filet interconnecté par sa propre énergie. Elle s'enfonça encore un peu entre Leo et moi, tournant chaotiquement sur elle-même comme une aiguille de boussole détraquée. La vague de chaleur nous frappa de plein fouet, brûlant quelques sourcils. Le filet changea alors, et tous les arcs d'énergie qui se déployaient vers l'extérieur pour stopper l'impact se mirent à converger soudainement. La lance rebondit en arrière, suivie d'une traîne de plasma irrégulière. Elle revint comme un boomerang vers son propriétaire, quoique de moins proprement. Le Daeva intercepta au vol son arme tournoyante, et amorça un rictus. Il n'eut pas le temps de le finir. L'énergie continuait de converger vers la masse de métal torse. Il écarquilla les yeux. Je me suis jetée sur le sol.
Un horrible craquement secoua le cratère, suivi de ce qui ressemblait à un roulement de tonnerre, mais à une échelle infiniment plus terrifiante. Une pluie de trucs poisseux retomba, puis ce fut le silence.
Le soleil se levait sur trois silhouettes chancelantes, couvertes de cendres, de boue et de bouts de viscères de daevites.
On avait réussi à sortir de la zone d'exclusion de Metsamor. En vie ! En trébuchant les uns sur les autres, on avait même pu atteindre une rivière, et je m'y étais laissée tomber de tout mon long. Peu importe qu'elle soit polluée, trouble ou malodorante, c'était la plus belle rivière du monde. Dans mon dos, la fraîcheur du courant passa et soulagea la peau irritée et ses picotements désagréables.
J'étais heureuse.
Il faisait bon, l'eau était douce.
La brûlure par radiation attendrait demain. La toux caverneuse de Mark attendrait demain.
Je pouvais enfin dormir.
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