Fraternité

NOTE : Ceci est le 21ème conte d'une série en comprenant 23 : la Guerre Cool. Lire ce conte en premier est une très mauvaise idée et pourrait dévoiler une grande partie de l'intrigue.


De : Pico
16 rue hartford viens me péter la gueule ou je sais pas quoi

Ruiz Duchamp fixait le message sans réagir.

"Carol, est-ce que -"

Ruiz leva les yeux : Carol n'était plus derrière le comptoir. Ruiz se leva et se mit en marche pour retourner à son studio. Il passa dans le hall et entra dans la pièce remplie de pièges mortels. Son frère avait clairement adopté une attitude autodestructrice : c'était la phase finale due à l'arrêt de la prise de neuroleptiques. Ruiz ouvrit son placard à médicaments, écarta ses propres antidépresseurs et ses multivitamines et fouilla le fond du meuble. Il en sortit une petite bouteille de Clozapine qu'il fourra dans sa poche droite. Il s'approcha de sa penderie et s'empara d'un gros blouson d'aviateur marron. Il retira son pistolet à élastiques d'une poche intérieure et le serra fermement dans sa main gauche.

Ruiz envoya deux sms, puis partit en courant vers la cachette de Pico.


De : Découpeur
16 rue hartford il reste que moi

Le Sculpteur s'assit pour réfléchir. Le Découpeur était un idiot : inconscient, certes, mais aussi imprévisible. Il fallait rayer Le Découpeur de l'équation.

Le Sculpteur se tourna vers son mur d'argile en se frottant les mains par anticipation.


L'Agent Mandarine sprintait dans une rue très chargée. Tous ses contacts avaient disparu. Sa couverture était irrécupérable et il ne servait quasiment plus à rien. Il allait être transféré, c'était certain : cela signifiait le retour à la paperasse, le retour au travail de terrain habituel, cela signifiait se retrouver à nouveau à descendre des Méchants… Tout cela était simpliste au point de lui engourdir l'esprit. Tellement ennuyant.

Mandarine vit la galerie au loin. Au final, il lui avait suffi de passer quelques petits appels : le studio de Ruiz Duchamp n'avait pas bougé depuis des années. C'était stupide de leur part de ne pas l'avoir fait en premier lieu, mais bon, c'était aussi basé sur le désintérêt total de la part de Duchamp. Mandarine continua à courir et esquiva un homme en manteau d'aviateur marron courant en sens inverse. Il serra son pistolet dans son holster en entrant dans le hall et se tourna vers l'accueil. Essoufflé par sa course, il lâcha sa question :

"Le studio de Duchamp ?"

L'homme derrière le comptoir fit un signe vers un endroit plus loin dans la galerie. Mandarine se retourna et marcha pour retrouver son souffle. Il passa un tournant et se retrouva dans une salle remplie de pièges mortels flagrants. Il composa le numéro de Green sur son portable.

"Green, je suis à son studio, là. Y'a personne."

"Reste là, on a une nouvelle piste sur Le Découpeur. Appelle-moi s'il se passe quelque chose."

Le téléphone de Mandarine émit un bip à la fin de l'appel. Il soupira et s'aventura dans la pièce ; il s'assit ensuite sur un tabouret sans y prêter attention.

Puis il remarqua le fedora reposant sur la chaise électrique.


De : [MÉTADONNÉES CORROMPUES]
16 rue hartford coucou, c'est le découpeur

"Très bien, les gars. On ne sait pas ce qui se passe, on ne sait pas à quoi ce type ressemble, on y va à l'aveugle en mode chauve-souris. Une chauve-souris particulièrement aveugle. Une chauve-souris aveugle et sourde avec des problèmes d'amour-propre."

Green marqua une pause pour appuyer l'effet, embrassant du regard la Force d'Intervention Mobile Upsilon-18.

"Bien sûr, on ne sait pas s'il est là-bas. Il est en effet possible et même presque certain que ça soit une sorte de piège. Oui, Alcorn ?"

L'Agent de Terrain Alcorn baissa la main, l'air à moitié confus.

"Pourquoi allons-nous dans un piège, Monsieur ?"

"Excellente question, Alcorn. La réponse est bête : parce qu'on n'a pas de meilleur plan. Il se pourrait que nous ayons l'adresse d'un artiste psychopathe malveillant : s'il est assez stupide pour nous lancer un appât, on ne peut pas ne pas y mordre. Départ dans dix minutes, messieurs. On bat le fer tant qu'il est chaud."

Alcorn se dirigea à contrecœur vers les vestiaires en traînant les pieds.


De : Le Découpeur (Pico Wilson)
ça va péter

Le Nettoyeur se retourna ; un soupir s'échappa de son masque à gaz en bourdonnant.


Ruiz arriva au bâtiment abandonné en trottinant. Il était décrépit et sur le point de s'effondrer : des piles de béton brisé jonchaient la rue. Haut de quatre étages… Du moins, à l'extérieur. Ruiz fourra un pistolet de crochetage dans la porte d'entrée, appuya plusieurs fois sur la détente, puis tourna la poignée. Il se glissa lentement à l'intérieur, refermant la porte derrière lui.

"PICO !"

Ruiz cria dans la pièce aux allures de caverne. Des piliers de béton cylindriques étaient répartis à l'intérieur : cela ressemblait à un entrepôt industriel bien qu'il soit situé dans un quartier résidentiel délabré. Ruiz écouta les échos de sa propre voix, attentif au moindre mouvement derrière l'un des piliers.

"Chuuuuuuut. N'élève pas la voix, frérot."

Ruiz se tourna sur sa gauche pour pointer la source du son avec le viseur en bois de son arme. La voix déformée de Pico provenait d'une petite radio faite pour être tenue à la main, clairement bricolée à partir d'un talkie-walkie pour enfants à en juger par la couleur rose et les fleurs blanches. Ruiz la ramassa et appuya sur le bouton.

"Service de livraison de pilules : Ruiz est à l'appareil, que puis-je faire pour vous ?"

"Je vais très bien sans elles. Elles me tueraient."

"Non. Non, c'est clairement quelque chose qui n'est pas vrai. Tu dis des choses pas vraies et aussi tu es stupide."

"Permets-moi de clarifier, alors : je viens juste de prendre dix pilules d'escitalopram et de topiramate. Je prends une seule pilule de clorazine et mon cœur explose."

"Merde."

"Bref. Monte au dernier étage. Coup', coup'."

Ruiz mit la radio dans sa poche, l'émetteur crachant toujours du bruit blanc et se dirigea vers l'escalier en béton brut. De la poudre de ciment montait en spirales depuis le sol à chacun de ses pas, couvrant ses chaussures de gris. Il trottina dans l'escalier pour arriver au deuxième étage, puis au troisième et arriva enfin au quatrième. Le dernier étage, contrairement aux autres, était presque parfaitement propre. Le sol, bien qu'en béton, avait été poli et brillait à des niveaux de réflexion presque parfaits. Les piliers, toujours cylindriques, montaient et descendaient avec des extrémités sculptées qui n'étaient pas sans rappeler l'architecture grecque. Et puis, confortablement assis sur une pile de cadavres, Pico Wilson dévisageait son frère, le visage impassible.

"Ruiz. Ça fait longtemps."

Ruiz leva son pistolet en bois vers le visage souriant de son frère.

"Pico. Pourquoi tu l'as tué ?"

Pico fouilla dans la pile et en sortit une main égarée.

"Ce gars ?"

"Tu sais de qui je parle."

"Quoi, alors tu te soucies pas de savoir pourquoi j'ai tué ce gars ?"

"Non."

"Pas de compassion du tout pour Donovan Stilward ? Tu veux pas savoir pourquoi ? Vraiment ?"

"Je ne pense pas qu'il y ait de raison."

"Il a kidnappé, violé et tué trois enfants."

"… Quoi ?"

"T'as entendu."

"Tu mens. Tu tues les gens au hasard."

"Je ne mens jamais, frérot. Seul l'art ment, et c'est un mensonge pour nous faire réaliser la vérité. Et la vérité est celle-ci : la seule vérité demeure dans les mensonges de l'art."

"Arrête ça. Pourquoi t'as tué le Critique ?"

"J'ai besoin d'une raison ?"

"Dis-moi pourquoi."

"Alors, juste pour clarifier, tu penses que j'ai tué le grand patron pour une raison, mais pas ce bon vieux pédo de Donovan Stilward ?"

Pico agita la main pour appuyer ses propos.

"Ruiz, on a le même problème : l'incohérence. Enfin, ça et un ego surdimensionné. Tout ne survient pas pour une raison, frérot."

Pico sauta de sa pile et marcha vers Ruiz en gesticulant dans tous les sens tandis que Ruiz continuait à viser la tête de son frère.

"Tu vois, la seule différence entre toi et moi, Ruiz, c'est que je l'assume et que je ne mens pas. Tu veux savoir pourquoi j'ai tué le Critique ? Tu penses que ça avait un quelconque lien avec toi ? Non, frérot, non. Rien de tel. Tu peux prétendre le contraire autant que tu le voudras, frérot : tu n'es pas l'acteur principal ici et ça commence à t'agacer."

Pico sortit un couteau papillon de sa poche et commença à jouer avec. Ruiz durcit son expression.

"Parfois, Ruiz, les choses… se déroulent simplement. Et ce sans raison ni cause. Les gens aiment bien penser qu'il y a une cause, pas vrai ? Ils aiment bien penser qu'il y a toujours une raison. Ils aiment penser qu'il y avait quelque chose à faire et penser à toutes les petites choses qui auraient pu renverser l'issue. Et ils s'y arrêtent et les ressassent encore et encore pour tenter de comprendre le fonctionnement du monde, comme si trouver une solution pouvait changer les choses après coup. Mais ça n'a aucune importance. Tout ça est déjà passé et y penser n'est qu'une perte de temps ; les choses continuent d'avancer et puis tout se barre en hypothèses masturbatoires sans queue ni tête."

Pico passa le couteau sur son menton, rasant quelques poils disséminés sans se couper.

"Parfois, Ruiz, les choses… Je sais pas comment l'expliquer. Peut-être que je peux appeler ça… une 'réversion'. Parfois les choses reviennent, t'as remarqué ? C'est comme si on vivait sur le bord d'une pièce. Sur le bord d'une lame, même. Parfois les choses reviennent et le monde a l'air horriblement différent. Tu peux le sentir ? Tu l'as senti, pas vrai ?"

Ruiz continuait de viser Pico avec son arme. Pico, ayant débarrassé son menton de tout poil, commença à faire des incisions sur le dos de sa main.

"On fait la même chose, toujours. On fait des allusions au changement, mais ce n'est pas réel. Tout est statique, tout est faux, tout est FAUX ! Tu vois pas, frérot ? On joue à… être des dieux. Que font les dieux quand ils vivent pour l'éternité ? Je vais te le dire, frérot. Ils se frappent dans le dos continuellement. Ils se racontent qu'il y a un sens, alors qu'il n'y a rien que des conneries. Et s'ils ont de la chance, frérot, parfois les dieux arrivent même à oublier. Il n'y a qu'une seule vérité, Ruiz. Tu me suis ?"

"Tu es fou."

"Non, je suis incohérent : il y a une différence. La santé mentale est arbitraire, frérot. Le consensus des idiots."

"POURQUOI T'AS TUÉ LE CRITIQUE ?"

"Je suppose… Parce que… Je pouvais ?"

Ruiz appuya sur la gâchette, envoyant un élastique supersonique dans le torse de son frère. Pico tomba, le souffle coupé.

"DIS-MOI POURQUOI !"

"Tu veux vraiment savoir ?"

"OUI !"

"Regarde derrière toi."

Ruiz fit volte-face, puis vit le reflet de ses propres yeux dans le verre sombre du masque du Nettoyeur.


"Ça ressemble quand même à une idée débile, Monsieur."

L'Agent de Terrain Alcorn était assis en face de l'Agent Green dans le van blanc banalisé de la Fondation. L'équipe de neuf hommes (avec l'ajout de Green) était péniblement compressée dans ce seul véhicule. Chaque virage propulsait les agents dans le véhicule à mesure que celui-ci se rapprochait du 16 rue Hartford

"Vous savez que vous êtes jetable, n'est-ce pas, Alcorn ?"

Alcorn, froissé, fronça les sourcils en direction de Green, qui l'observait sans émotion.

"Ne le prenez pas personnellement. Je suis jetable aussi. Nous sommes payés pour être jetables. Si vous ne l'étiez pas, vous ne seriez pas sur le terrain."

Green se frotta l'aile du nez, puis continua.

"Il y a de nombreuses méthodes qui auraient été plus sûres. On aurait pu venir plus nombreux. On aurait pu prendre quelques snipers, on aurait pu essayer d'isoler l'endroit. Tout ça aurait coûté plus cher, en échange d'un risque moindre. Mais nous sommes jetables. Et même si on s'efforce de penser le contraire, les hommes en costume ne sont pas faits d'argent."

Green se pencha et glissa à l'oreille d'Alcorn.

"Aussi terrible que ça puisse paraître, Alcorn, on prend l'idée la plus stupide parce que c'est la moins chère."

Le van s'arrêta dans un crissement de pneus. Green dégaina son pistolet, Alcorn agrippa son fusil puis poussa la porte arrière du van, couvrant son équipe tandis qu'ils avançaient vers l'entrée. Green sprinta jusqu'à celle-ci et balaya du regard les piliers à l'intérieur. Il entra, le pistolet à hauteur des yeux, surveillant chaque recoin à mesure que les membres d'Upsilon 18 se dispersaient lentement à l'intérieur.


Ruiz observait Le Nettoyeur, surpris comme un cerf pris dans les phares d'une voiture au milieu de la route. Pico se releva lentement en riant un peu.

"Te voilà, beauté. Viens voir."

Le Nettoyeur se tourna et s'approcha du Découpeur. Il s'agenouilla face à lui et Pico lui tapota doucement la tête. Ruiz était si étonné qu'il en resta coi.

"Tu vois, Le Nettoyeur ici présent est pratiquement… Bon, 'dieu' est un peu fort. Demi-dieu, qu'est-ce que t'en dis ?"

"Je ne suis pas divin."

"Oh, mais tu es divin, très cher, tu es divin. Alors, Ruiz ? Je suis pas sûr de ce qu'on va faire pour la robe de mariage : blanc sur noir serait fantastique, je pense."

Ruiz reprit contenance et se remit à viser la tête du Découpeur. Pico rit simplement.

"Tu me menaces avec des élastiques, Ruiz. Tu me menaces avec du stationnaire."

"Pourquoi ?"

"Pourquoi quoi ?"

"Pourquoi tout ça ? C'est quoi ton but ?"

"Pourquoi tu penses qu'il y a un but ? Merde, c'était quoi le tien ? Tuer le Critique, et puis quoi ?"

"Les choses auraient changé."

"Rien ne change jamais. Même maintenant, rien n'a changé. Tout le monde vient de changer de place, mais ça revient au même. Ils jouent aux chaises musicales : t'as arrêté la musique mais t'as oublié d'enlever une chaise."

"Tu as tort. Je l'ai coupé comme une incision pour se débarrasser d'une tumeur cancéreuse. Ses sous-fifres ont des remplaçants, mais ils n'ont pas d'importance. Il n'y a plus de Critique."

Pico Wilson écarta les bras.

"Bien sûr que si. T'es en train de lui parler."


"C'est sécurisé, Alcorn ?"

"Cet étage l'est, au moins. On monte ?"

"Ouaip."

"Perkins, Dorfman, avec moi. Les autres, vous maintenez cet étage isolé. Personne n'entre, personne ne sort."

Perkins et Dorfman rejoignirent Alcorn et Green en bas des escaliers.

"Vous prenez la tête, Green."

Ils s'élancèrent rapidement vers le deuxième étage et se dispersèrent pour fouiller l'endroit.


"Tu n'es pas le Critique."

"Bien sûr que si. J'ai vidé le siège, j'ai le droit de m'y installer."

"IL SE SERAIT TUÉ."

"Le mot-clé étant 'serait'. Je l'ai eu d'abord. Je prétends au trône en son absence. T'avais pas compris ça ?"

"Donc alors… Si je te tue ?"

Pico renversa sa tête en arrière en ricanant frénétiquement.

"Vas-y, essaie, frérot. Nettoyeur. Débarrasse ce bazar."

Le Nettoyeur se leva et se tourna pour faire face à Ruiz. Il s'approcha de lui, les mains levées. Ruiz commença à sourire.

"Et… Coupez."

Le Nettoyeur fit volte-face et renversa Pico, envoyant son couteau papillon voler dans un coin. Le Découpeur se débattait et essayait d'échapper à la prise de l'individu masqué. Il commença à griffer sauvagement le masque avec ses ongles sales jusqu'au moment où ceux-ci passèrent sous le masque et l'enlevèrent d'un coup.


REMBOBINAGE


"Oi. Sandra."

La Réalisatrice était inconsciente dans son lit. Ruiz Duchamp se tenait à côté d'elle, appuyant sur sa joue avec un doigt.

"Allez, Sandy. Tu les as peut-être bernés, mais ça marchera pas avec moi."

La Réalisatrice ouvrit un œil et chuchota à travers son masque à oxygène.

"Dégage, Ruiz."

"Les caméras sont coincées sur une boucle et la porte est verrouillée. Enlève ce masque."

Sandra Paulson s'en débarrassa puis arracha quelques perfusions intraveineuses factices.

"Putain, Ruiz, qu'est-ce que tu veux ?"

"Ben, j'aimerais savoir pourquoi tu prétends être inconsciente, pour commencer."

Sandra se frotta l'arrière de la tête.

"Les costards m'ont eu. Ils m'ont drogué, enfin c'est pas comme si ça avait eu un quelconque effet, bien sûr."

"Bien sûr."

"Je leur ai raconté de la merde sur comment tu m'as refilé cette pièce. D'ailleurs, faudra que tu fasses gaffe."

"Tu leur as quoi ?"

"Hé, calme-toi. C'est le premier nom qui m'est passé par la tête, mec. T'aurais pas dû venir hier soir."

"Je devais t'avertir !"

"Tu pensais sérieusement que j'étais pas au courant pour le Roi Pendu ? C'est un truc old-school, tout le monde est au courant. Putain, j'ai même écrit un pilote pour une adaptation en sitcom. 'Hanging with The King', ça s'appelait, je crois."

"Mais alors pour quelle putain de raison t'as organisé le spectacle ?"

"J'étais surveillée. Tu pensais vraiment que j'étais devenue une vieille femme grincheuse et stupide ? J'étais actrice avant d'être réalisatrice."

Ruiz fronça les sourcils sur ces mots.

"Alors… Qui te l'a donnée ?"

"Le Sculpteur. Ce salopard veut tous nous tuer."


Le téléphone sur la table près du lit de La Réalisatrice se mit à sonner. Elle décrocha et le plaça à côté de sa tête.

"Ruiz ?"

"Sandy, j'ai besoin d'aide. Je peux pas être à deux endroits à la fois et Felix me surveille."

"Attends, tu discutes avec Felix ?"

"Ouais, on a… commencé à traîner ensemble, ou je sais pas quoi. Je suis pas encore sûr de pouvoir lui faire confiance."

"Il est inoffensif. Qu'est-ce que tu veux ?"

"J'ai besoin que tu suives mon frère. Et de trouver où il vit."

"Tu sais où il est actuellement ?"

"Non, mais je sais où il va être ce soir. 27 avenue Rokan. Tout le gang se réunit pour prendre le thé et manger des cookies."

"Du thé et des cookies ?"

"Désolé, je veux dire pour prévoir leur prochaine attaque à une exposition à laquelle je ne serai même pas et pour que Le Sculpteur se décide à utiliser mon nom pour lancer une chasse aux sorcières. Je sais pas trop comment j'ai réussi à mélanger ces deux trucs. Tu peux faire ça pour moi ?"

"Bien sûr. Et pour Le Sculpteur ?"

"Une chose à la fois, Sandy."

La Réalisatrice posa le téléphone sur la table de chevet. Elle sortit une poupée gonflable de sous son lit, la mit sous les draps, puis passa des habits normaux. Elle verrouilla la porte (heureusement, elle avait sa propre chambre), puis sortit par la fenêtre avec précaution. Ils ne remarqueraient jamais qu'elle était partie.


Le téléphone de Ruiz sonna dans sa poche. Il le sortit et le plaça à son oreille.

"Hey Sandy."

"Ruiz. J'ai une adresse. 16 rue Hartford. Grand bâtiment abandonné."

"Fantastique."

"Il a aussi rencontré Le Nettoyeur."

"Qui ?"

"Un grand type. Avec un masque à gaz."

"Je vois absolument pas de qui tu parles."


Le téléphone de Sandra sonna dans sa poche. Elle n'était pas retournée à l'hôpital depuis qu'elle était partie. Les infirmières n'avaient toujours pas remarqué.

"Hey Ruiz."

"Le Critique est mort."

"Oh. Alors ça a marché ?"

"Nope. Pico l'a tué."

"Merde."

"Ouaip. Garde un œil sur lui pour moi."

"Qu'est-ce qu'on fait pour Le Sculpteur ?"

"J'y travaille. T'inquiète pas."


Le téléphone de Ruiz se mit à sonner.

"Sandy ?"

"Je viens d'avoir une idée. Tu sais que je suis une très bonne actrice ?"


À : Sandy
c'est parti

À : Felix
tu peux demander au nettoyeur de passer me voir à mon studio ? besoin de demander un truc


Felix examina son téléphone, appuya sur quelques touches, puis le remit dans sa poche.


De : Le Découpeur (Pico Wilson)
ça va péter

Le Nettoyeur se retourna ; un soupir s'échappa de son masque à gaz en bourdonnant. Son téléphone sonna à nouveau.

De : L'Agrafeur (Felix Cori)
Ruiz Duchamp te demande à son studio

Le Nettoyeur examina l'écran, réfléchissant aux messages.

Il savait ce qui s'était passé.

Il soupira profondément une seconde fois.

Puis il enleva son masque et devint la personne sous le masque.

La personne sous le masque commença à marcher vers un café.


DE RETOUR AU PRÉSENT


"Madame La Réalisatrice . Je vois. JE VOIS."

Sandra, libérée de son masque à gaz, réassura facilement sa prise, bloquant tout le corps de Pico. Le Découpeur se mit à rire bruyamment.

"HAHAHAHAHAHAAAAA… Oh, Madame La Petite Réalisatrice . Comment Allez-Vous Jouer ?"

La Réalisatrice changea de prise, tentant d'étrangler Pico en bloquant ses voies respiratoires.

"non je ne pense pas que ça va fonctionner ici. Pas sur nous, vous voyez ? PAS SUR NOUS."

Le Découpeur se tortilla, arrachant sa chemise et profitant de l'opportunité pour échapper à la prise de La Réalisatrice. Sa cage thoracique émaciée se soulevait au rythme de ses halètements frénétiques.

"Nous N'Allons Pas Tomber Si Facilement Madame La Réalisatrice. et on t'as pas oublié non plus RUIZ."

Ruiz tira deux élastiques vers la tête de son frère. Le premier érafla l'oreille de Pico ; le second lui claqua dans l'oeil. Il recula et se couvrit le visage de ses mains.

"non ça ne finit pas comme ça. Nous Pouvons Juste Recommencer. On peut juste… recommencer, tu vois ? Ce n'est pas réel. Ça ne peut pas l'être. ÇA NE PEUT PAS."

Pico courut comme un fou vers sa pile de cadavre et plongea parmi les corps qu'il avait regroupés.

"Il N'y A Pas De Contrôle. C'est une illusion, vous comprenez ? Tout ça n'est qu'un rêve, ça ne peut être qu'un rêve. on ne peut pas vivre dans un monde dans lequel le monde se vit."

Ruiz se précipita vers le tas, Sandra sortit une aiguille hypodermique de son manteau noir.

"IL N'Y A PAS DE RÉPONSE VALIDE À UN MONDE QUI NE RESPECTE PAS LES RÈGLES SAUF LEUR NON-RESPECT. j'aide juste les gens à partir par la sortie la plus évidente, suis-je une sorte de faucheur ? Peut-être même un Psychopompe, hm ?"

Ruiz fouilla parmi les membres coupés, cherchant le seul ayant un pouls.

"J'ai toujours voulu prétendre que j'étais important. J'ai trompé quelques personnes. ce n'était pas censé se terminer comme ça. J'ÉTAIS CENSÉ GAGNER. Ne Me Laissez Pas Mourir Ici. Vous Valez Mieux Que Ça. Vous Pouvez Être Meilleurs Que Ça."

Ruiz arracha son frère à la pile, ce dernier ne cessant de hurler et de donner des coups de pied.

"n'y avait-il pas quelque chose de mieux que cela ? ME DÉTESTES-TU À CE POINT, MON FRÈRE ? Notre Jésus Nous A Mieux Éduqué Que Cela ; Notre Adam Nous Connaissait Mieux."

Sandra enleva le capuchon de l'aiguille, la préparant pour l'insertion.

"CE N'EST PAS DE LA FOLIE, MON FRÈRE. La Santé Mentale Est Aussi Arbitraire Que L'Immoralité. Je n'ai pas commis de crime. vous n'avez pas le droit de me juger."

Ruiz hocha la tête tout en maintenant en place son frère qui se débattait. Sandra plongea l'aiguille dans le torse de Pico, insérant ainsi les sédatifs dans son système sanguin.

"NOUS SOMMES DES DIEUX, TOI ET MOI, MON FRÈRE ! Des Dieux Parmi La Masse Stupide Et Négligente !"

Le Découpeur luttait, toujours torse-nu.

"On est pas censé vivre comme ça. Nous sommes tous des créateurs ici. Le monde existe pour nous."

Les yeux de Pico commencèrent à fatiguer.

"on ne peut pas se permettre d'être cohérent."

Ruiz laissa tomber le corps détendu de son frère inconscient.


"HAHAHAHAHAHAAAAA…"

L'Agent Green, alerté par le bruit, se tourna vers le mur le plus éloigné.

"Alcorn, avec moi."

Alcorn rejoignit Green. Ils se déplacèrent vers l'escalier. Avec précaution, ils commencèrent à monter, entendant des hurlements étouffés à travers les épaisses couches de béton. Alors qu'ils avaient parcouru la moitié du chemin vers le troisième étage, la radio d'Alcorn crachota un message d'un de ses hommes au sol.

"Monsieur, nous avons capturé un homme essayant de rentrer dans le bâtiment. 'dit qu'il est Le Sculpteur."

Green se retourna et tendit la main. Alcorn soupira tout en lui remettant sa radio. Green s'exprima dans le micro.

"À quel point a-t-il résisté ?"

"Il n'a pas résisté, monsieur. Il a tendu les mains pour les menottes en souriant comme un détraqué."

"Ne le quittez pas des yeux. Cet homme est considéré comme une personne d'intérêt de haute importance."

"On l'amène dans le van immédiatement, monsieur."

"Bien. Laissez quelqu'un avec lui. Vous avez la permission de l'exécuter s'il tente quoi que ce soit. Over."

Alcorn reprit la radio et l'attacha à sa ceinture. Il se mit à parler en suivant Green dans les escaliers.

"Vous pensez que ce gars vient en renfort pour Le Découpeur ?"

"Pas après ce qui s'est passé vendredi dernier. Il a probablement -"

"NOUS SOMMES DES DIEUX, TOI ET MOI, MON FRÈRE !"

Green leva un toi devant ses lèvres, se taisant en atteignant le troisième étage.


Ruiz fouilla Pico pour déceler des armes cachées : ses poches étaient vides à l'exception d'un vieux téléphone portable. Il le prit et navigua dans les menus pour afficher les messages envoyés.

À : sculpteur
16 rue hartford il reste que moi

À : brigade des trous du cul
16 rue hartford coucou, c'est le découpeur

"Merde."

Sandy se tourna vers Ruiz après avoir placé le corps de Pico sur son épaule.

"Quoi ?"

"Les Costards et Le Sculpteur arrivent."

"Merde."

"Précisément. C'est quoi le plan ?"

"On part avant qu'ils arrivent."


La radio d'Alcorn crachota à nouveau : il la passa immédiatement à Green.

"Monsieur, nous avons appréhendé une autre personne."

Green fronça les sourcils.

"S'est-elle identifiée ?"

"Et bien, monsieur… Il dit qu'il est Le Sculpteur."

Green porta son regard sur Alcorn, l'air inquiet.

"Est-ce que la personne précédemment identifiée comme étant Le Sculpteur est toujours en détention ?"

"Oui, monsieur."

"Est-ce qu'ils se ressemblent ?"

"Oui, m'sieur."

"Exécutez les deux immédiatement. Restez attentifs, il pourrait y en avoir d'autres."

"Compris, monsieur. Nous avons… Attendez, monsieur, il y a un autre Sculpteur qui essaie de… Attendez, cinq… sept ! MERDE ! Des Sculpteurs en approche de toutes les directions !"

"Ouvrez le feu : visez la tête ! Tout le monde dans le hall !"

Green et Alcorn se mirent à courir pour descendre au deuxième étage tandis que les coups de feu commençaient à résonner dans le bâtiment.


Sandra se déplaça lentement vers l'escalier, le corps de Pico toujours sur son épaule. Ruiz descendit l'escalier, visant avec son pistolet à élastiques à chaque tournant.

"Je pense qu'on est seuls."

La fin de la phrase de Ruiz fut ponctuée par l'écho des coups de feu. La Réalisatrice se massa les tempes, exaspérée. Ils descendirent au troisième étage et observèrent par une fenêtre la scène en contrebas. Des centaines de Sculpteur accouraient dans les rues, envahissant la base du bâtiment. Trois des Agents des Costards tiraient frénétiquement vers la horde mais parvenaient à peine à éclaircir les rangs. L'un d'entre eux lança une grenade à fragmentation dans la foule. Les éclats métalliques déchirèrent la masse, brisant l'illusion de chair et d'os et répandant des traînées d'argile au sol. Ruiz regarda son petit pistolet en bois, le considérant soudainement comme profondément inapproprié.

"Et merde."


L'Agent Green descendit au premier étage en courant, l'Agent Alcorn le suivait de près. Les membres de la FIM Upsilon-18 faisaient feu en petites rafales contrôlées vers la horde d'artistes d'argile enragés. L'un d'entre eux avait bloqué la porte d'entrée avec un tube métallique. Green aperçut l'un des Sculpteurs essayer de grimper par une fenêtre. Il visa et pressa la détente, bloquant le passage avec le corps d'argile. Il évalua son pistolet : une arme pas vraiment idéale dans cette situation. Green cria au-dessus de la fusillade.

"ALCORN ! EST-CE QU'ON A UN FUSIL DE PLUS ?"

Alcorn secoua la tête et Green proféra un juron que personne n'entendit. Ils se déplacèrent pour rejoindre le reste de l'escouade en se mettant à couvert derrière les piles désordonnées de dalles de béton brisées. Chaque coup de feu signifiait un artiste enragé de moins, mais aussi une balle de moins. Ils étaient équipés pour un raid éclair, pas pour un siège prolongé. Les Sculpteurs hurlaient des cris de guerre en essayant de grimper par les fenêtres obstruées par leurs copies abattues.

"C'EST TOUT CE QUI EST TOUT CE QUI EST TOUT CE QUI EST TOUT CE QUI EST TOUT CE QUI -"

Le refrain résonnait à l'unisson dans le bâtiment, à peine audible par-dessus le son des balles.


Ruiz se tourna vers Sandra, qui avait déjà sorti un portable de sa poche.

"Qui appelles-tu ?"

"Le vrai Nettoyeur. Le Sculpteur essaie directement de me tuer. Il a violé les règles, sa protection n'est plus effective. La mienne, en revanche, est toujours intacte."

La Réalisatrice appuya sur l'écran, puis plaça le portable contre son oreille. Ruiz regarda à nouveau par la fenêtre. La foule était épaisse, mais il n'y avait plus de copies en approche. Ruiz sortit un morceau de craie de sa poche puis s'empara d'un morceau de béton. Il écrivit "ceci n'est pas une bombe" dessus, puis le lança dans la foule. Il sourit lorsque celui-ci explosa, éparpillant des Sculpteurs sur le sol dans une boule de flammes.


La personne derrière le masque reçut un appel. La personne derrière le masque décrocha tout en étouffant sa voix avec sa main.

"La Réalisatrice. Vous avez quitté votre couverture."

"Ouais, à propos de ça, c'est Le Sculpteur qui m'a envoyé à l'hôpital."

"Intentionnellement ?"

"Oui."

"Localisation ?"

"16 rue Hartford."

"Compris."

La personne sous le masque remit le masque en place sur son visage.

Le Nettoyeur se déplaçait rapidement de toit en toit comme s'il patinait sur de la glace.


"GREEN, ON DOIT SE REPLIER !"

L'escouade continua de tirer vers la porte désormais ouverte tandis que les artistes continuaient à se répandre à l'intérieur. L'une des copies avait vaincu l'un des Agents : elle le jeta dehors, hurlant, pour ses semblables. Alcorn signifia à ses camarades de se replier dans les escaliers menant au deuxième étage. Green vida le dernier chargeur de son pistolet dans le crâne d'argile du Sculpteur le plus proche et jeta l'arme devenue inutile. Il suivit Alcorn dans les escaliers, s'arrêtant au passage pour s'emparer d'un tube en acier qui traînait là. Green cria aux troupes les plus proches par-dessus les chants qui continuaient.

"BLOQUEZ L'ESCALIER !"

Tandis que les derniers membres de l'escouade montaient l'escalier, Green aida à renverser une pile de béton, écrasant deux Sculpteurs excessivement enthousiastes sous son poids. Un autre essaya d'escalader la barricade ; Green abattit son tube sur sa tête : un BONG satisfaisant retentit quand sa tête se déforma et qu'il tomba au sol.


Sandy fourra son portable dans sa poche et rejoignit Ruiz à la fenêtre. Pico grogna quand Sandra réajusta sa prise.

"Le Nettoyeur arrive. On doit tenir jusque là."

"T'as quelque chose d'utile ?"

La Réalisatrice sortit un pistolet à grappin d'une des poches intérieures de son manteau.

"Super, partons d'ici."

"On tiendra pas tous dessus."

"Merde. D'accord…"

Ruiz regarda par la fenêtre, puis pointa du doigt le toit d'un bâtiment voisin.

"Est-ce que tu peux arriver là-bas, déposer Pico, et revenir pour moi ?"

"Ce truc prend un moment à recharger."

"C'est notre meilleur plan."

"Alors okay. À plus tard."

Sandra tira vers le bâtiment, appuya sur un bouton situé sur le côté du pistolet à grappin et sortit par la fenêtre sous l'effet de la traction. Ruiz l'observa grimper sur le toit et commencer à rembobiner le projectile.

"INDIVIDU NON IDENTIFIÉ À L'ÉTAGE SUIVANT, OUVERTURE DU FEU !"

Ruiz fit volte-face et eut à peine le temps de s'accroupir derrière un pilier en béton avant que l'un des Costards ne commence à lui tirer dessus. Il sortit un bras de sa couverture pour viser et décocha une paire d'élastiques vers son assaillant. Ruiz, incrédule, hurla.

"EXCUSEZ-MOI, NE TIREZ PAS S'IL VOUS PLAÎT, MERCI."


Le Nettoyeur sautait de toit en toit et arriva finalement au 16 rue Hartford. Il sauta au sol, envoyant les Sculpteurs au tapis. Il fit un signe de la main vers une copie proche, dissipant l'anomalie et la réduisant à l'état d'argile brute. Les copies avoisinantes s'immobilisèrent sous le coup de l'admiration et de la peur. Un commentaire s'échappa en bourdonnant du masque à gaz du Nettoyeur.

"Vous avez rompu le protocole. C'était une décision peu avisée."

Les copies se mirent à fuir en hurlant, chacune d'entre elle se figeant soudainement avant de s'émietter. Il passa de manière fluide par la porte d'entrée du bâtiment, faisant fuir les Sculpteurs par l'escalier à moitié bloqué.


Le Costard continuait de tirer sur le pilier de béton, empêchant Ruiz de s'échapper. Ruiz tira à nouveau au jugé dans sa direction approximative.

"SANDY, J'AI BESOIN D'AIDE !"

La Réalisatrice déboula par la fenêtre et rejoignit Ruiz derrière le pilier.

"D'accord, d'accord, pas la peine de crier. Accroche-toi."

Ruiz agrippa fermement les épaules de Sandra. Elle sortit une petite balle d'une de ses poches et la lança au sol avec force : elle explosa en un petit nuage de fumée. Sandy s'élança vers la fenêtre, sauta au travers et visa vers le toit opposé. L'espace d'une demie seconde, Ruiz sentit son cœur cesser de battre en entrant en chute libre vers la foule de Sculpteurs en contrebas ; puis le grappin partit et s'ancra sur le toit opposé, les tractant lentement vers le haut. Ils se hissèrent sur le toit, tout deux essoufflés par l'effort intense. Ruiz se releva, se dépoussiéra, puis regarda autour de lui, l'air confus.

"Où est Pico ?"

Sandy observa les environ, également confuse.

"Merde. C'est pas important, on doit partir d'ici. Il peut s'occuper de lui."

Ruiz laissa échapper un juron coloré à voix basse puis rejoignit Sandra pour s'échapper du toit.


L'Agent Green s'était replié de la ligne de front ; l'escouade concentrait sa puissance de feu sur la cage d'escalier plus bas, et le combat en close-quarters et les balles à haute vélocité se marient mal. Les Sculpteurs surgirent dans l'ouverture, repoussant sur le côté les débris de béton et encerclant les Agents à proximité. Deux d'entre eux tombèrent à la renverse et furent piétinés dans la mêlée. Alcorn prit une grenade à sa ceinture, enleva la goupille et commença à compter.

"GRENADE !"

Il la lança dans le tas, amoindrissant leur nombre considérablement. Green cria pour ce qui restait de l'escouade.

"ON DOIT MAINTENIR UN GOULOT D'ÉTRANGLEMENT ! TOUT LE MONDE EN HAUT !"

Le deuxième étage fut envahi par les Sculpteurs tandis que les sept Agents restants se repliaient vers le troisième étage.


Le Nettoyeur traversa rapidement le premier étage, tapant sur l'épaule des Sculpteurs pour les réduire en petits tas de cendres. Il agita ses mains, déchirant l'illusion de l'argile. Son masque bourdonnait avec chaque lente inspiration à mesure qu'il éradiquait calmement l'infection. L'une des copies se retourna et se jeta sur la grande silhouette sombre ; elle s'écrasa sur les chaussures du Nettoyeur, l'argile se solidifiant à cause de sa température interne. Il parcourut la salle du regard, hochant la tête une fois certain d'avoir nettoyé la zone.

Le Nettoyeur gravit lentement l'escalier menant au deuxième étage.


Alcorn vida ce qu'il restait de son chargeur, observant la dernière balle traçante quitter le canon. Il jeta le fusil devenu inutile de côté, ramassa une barre d'armature au sol et la planta dans la tête du Sculpteur le plus proche. Green frappa une copie au torse avec son tube, se retourna, puis détacha proprement la tête en un coup. Le reste de l'escouade était passé aux armes de close-combat, leurs armes à feu maintenant inutiles. Dorfman tournoyait tel un danseur, découpant l'argile avec son couteau de combat tandis que Perkins s'était simplement mis à empoigner des têtes et à les éclater contre les murs et les piliers.


Le Nettoyeur arriva au second étage. Une horde de Sculpteurs l'entourait, refusant de mourir sans combattre. Ils s'approchèrent et essayèrent de déchirer son manteau, d'enlever ses bottes, d'arracher son masque ; ils essayaient désespérément d'éviter leur fin imminente. Ils hurlaient à l'unisson :

"TOUT CE QUI EST TOUT CE QUI EST TOUT CE QUI EST TOUT CE QUI -"

Le Nettoyeur claqua des doigts et les assaillants implosèrent.


L'Agent Green haletait péniblement, il observa les piles d'argiles qui jonchaient la pièce. Dorfman essuya ce qui en restait sur son couteau, Perkins écrasa un dernier crâne sous son pied. Alcorn s'approcha de Green, lui tapotant l'épaule tout en souriant sous l'effet de l'adrénaline.

"Toujours vivant !"

"Toujours vivant. Okay. D'accord. On doit encore vérifier le dernier étage avant qu'on -"

Green s'arrêta au milieu de sa phrase, apprêtant son tube en voyant une grande personne portant un masque à gaz noir monter les escaliers. Le Nettoyeur regarda les Agents qui l'entouraient, agitant ses pieds pour se débarrasser d'un reste d'argile sur ses bottes. Il s'approcha de l'Agent Green, qui prépara son tube pour un assaut. Le Nettoyeur s'arrêta, puis s'inclina profondément et s'agenouilla.

"Mes plus profondes excuses pour le désagrément. Cela ne se reproduira pas."

Le Nettoyeur se leva, passa vivement par la fenêtre, et sauta au sol, produisant un bruit sourd qui résonna. Green regarda Alcorn, puis la fenêtre ouverte au troisième étage. Green fouilla calmement dans sa poche et en sortit une cigarette qu'il alluma. Il inspira profondément, et expira, épuisé.

"J'ai plus aucune putain d'idée de ce qui passe."


Ruiz parcourait le hall de la galerie, l'air abattu. Sandra était partie pour chercher le vrai Sculpteur ; avec Pico évaporé, il n'y avait plus de piste.

"Monsieur Duchamp, un homme est passé pour vous voir."

"Qui ça ?"

"Je… Désolé, Monsieur Duchamp, j'ai oublié."

Ruiz soupira. Tous des idiots incompétents. Il passa le tournant menant à son studio.

Un homme roux portant une chemise hawaïenne était assis sur la chaise électrique.

Il portait un fedora gris.

Le fedora gris.

Ruiz se massa les tempes.

"Putain de merde."

Le nouveau Personne rit puis claqua des doigts, envoyant Ruiz dans un sommeil sans rêve.


L'Agent Green et l'Agent Alcorn retournaient au van cabossé après avoir fouillé méthodiquement chaque étage au 16 rue Hartford. Au moment où ils s'apprêtaient à rentrer dans le véhicule, le téléphone de Green se mit à sonner. Il l'ouvrit d'un geste et lut qui l'appelait :

Agent Tangeee**@%

Green tapota l'écran de son téléphone.

Numéro Inconnu

Il plaça le téléphone à son oreille.

"Agent Green."

"Qui est-ce ? Comment avez-vous eu ce numéro ?"

"Ruiz Duchamp est inconscient à la Galerie d'Art Contemporain Genossenschaft. Venez le récupérer quand vous voulez."

"Qui êtes-vous ?"

"Un ami oublié."

Green referma son téléphone, embrouillé par le conseil anonyme.

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