« Animaux lents ||
Le parking du Grill Chipotle Mexican était factice, et détenait de nombreux secrets.
Une fois que Vera K. Garcia eut fait son rapport au Taco Bell et découvert et un double fond dans son sac de un Suprême Burrito et une Quesadilla Poulet Croustillant, elle sut que son plan avait été approuvé par le Bureau des Pourvoyeurs de Rôtisserie.
À l'intérieur du compartiment secret, elle trouva trois objets notables.
- Une photo d'un jeune homme aux courts cheveux noir, à la peau bronzée et au sourire tendu. Il portait une chemise boutonnée. Vera supposait qu'elle était probablement prise dans une sorte de but officiel, peut-être une carte d'identité. Au dos de la photographie, un numéro de téléphone était écrit au marqueur bleu. Au-dessous, un nom : Casey Malik.
- Un petit objet de la forme d'un pistolet de poche mais avec un grand barillet plat. Là où le marteau aurait dû normalement être se trouvait une LED. Une brève expérimentation montra que la LED s'illuminait quand le pistolet était pointé dans une direction spécifique. Une boussole, en quelque sorte.
- Une note. Elle l'informait que ses actions ultérieures seraient d'une importance capitale, et qu'elle serait seule. C'était rassurant.
Une fois qu'elle eut profité de son repas, elle se hâta de l'autre côté de la rue, dépassant le Chipotle vers le parking. Le pistolet dans ses mains fit un bourdonnement agréable quand elle le dirigea ici et là dans le noir. L'impulsion lumineuse s'intensifia quand elle le pointa vers l'arrière du parking — une petite bande d'arbres et de buissons séparant le béton des rangées de logements compacts.
Elle réduisit l'écart, les yeux alertes à la recherche de menaces. En passant par-dessus le trottoir et dans les fourrés, le pistolet gazouilla. Un petit bouton bleu était apparu juste au-dessus de son pouce, sur le côté de la crosse. Elle jeta un dernier regard aux alentours avant d'appuyer dessus, et le sol disparut sous ses pieds.
Elle n'eut pas le temps d'attraper quelque chose où s'accrocher. Elle tomba dans un tuyau, ou un tunnel — entourée par une substance comme du vynil qui se pressait inconfortablement contre elle, mais avec suffisamment de friction pour maintenir une faible vitesse.
Quelques secondes plus tard la constriction céda la place. Elle se prépara à l'impact, atterrissant sur ses pieds sur une surface dure en brique.
Pour une chute aussi longue, elle n'avait pas l'air de se trouver sous terre. Le ciel était noir, bleu profond, et ses alentours étaient éclairés par des guirlandes électriques qui tenaient dans l'air, se balançant dans le ciel. Elle était sur une place, presque vide, et dans chaque direction elle pouvait voir des routes qui partaient, bordées de bâtiments de styles éclectiques, une mosaïque de tons vibrants.
Elle pouvait à peine en croire ses yeux, mais elle aurait le temps plus tard pour l'incrédulité. Pour l'instant, elle avait un boulot à faire.
Un ancien nécromancien en peignoir se tenait sur le seuil de sa porte d'entrée.
En face de lui se trouvait le petit ami de son fils, portant un pantalon écorché et une chemise froissée souillée de quelques tâches noires. Il portait un dossier sous son bras.
"Salut M. Rowe !"
Eustace Rowe plissa les yeux. "Adam n'est pas ici."
Casey secoua la tête, "Oh, non, Je ne-" Il s'éclaircit la gorge. "Est-ce que je peux entrer ?"
"Pour te cacher de la police ? Ou pour nettoyer le sang sur tes vêtements ?"
"Comment savez-vous que je—"
"Ça s'appelle 'les infos.' Et 'la police' qui est venue chez moi poser des questions sur toi, Casey."
"Qu'est-ce que vous leur avez dit ?"
"Que je ne savais pas où tu étais. Ce qui est vrai."
"Oh. Du coup, est-ce que je peux…"
Eustace soupira. "Oui. Rentre."
Casey murmura des remerciements répétés et il se glissa dans le vestibule. Il pouvait voir le couloir faiblement éclairé menant à l'intérieur, bordé par un escalier enténébré et conduisant à une cuisine sombre. Derrière lui, Eustace ferma et verrouilla la porte. "Vas-y," murmura-t-il. Casey se déplaça prestement et le long du couloir.
La cuisine avait clairement été utilisée récemment, agencée avec ce qui était soit un diner très exotique soit un arrangement terrifiant de viscères. Elle sentait le formaldéhyde et Casey plissa le nez. "Désolé pour le bazar", grogna Eustace, "je ne m'attendais pas à être interrompu." Il se déplaça vers une chaise, située à une mignonne table à manger préparée pour quatre.
Casey s'assit, ses jambes le remerciant silencieusement pour le soulagement, et posa le fichier volé sur la table. "Oui. Désolé. Merci."
Le vieil homme resta debout, le dos posé sur le plan de travail. Il resta silencieux un moment, examinant la silhouette loqueteuse de Casey. "Tu dois aller te nettoyer. Rapidement."
"Oh. Pourquoi ?"
"Parce qu'un gamin dans un costume de magicien pourrait pister ton empreinte thaumique, et Adam serait fâché contre moi si tu mourrais dans ma maison."
Casey acquiesça lentement. "En effet. C'est logique."
"Et ensuite tu partiras de chez moi."
"Quoi ? Ils vont me trouver. Vous venez de dire que vous ne pouviez pas me laisser mourir."
"Dans ma maison. C'est toi qui a tué un homme. Autant que je sache, je suis parfaitement charitable en ne te dénonçant pas immédiatement."
"Non, ce- c'était pas comme ça. Je n'avais pas le contrôle de mes agissements. C'est un ver mémétique. Quelque chose du genre."
"Ah, la défense du contrôle mental. Ça va rendre ton procès plus intéressant, au moins jusqu'à ce que le maire décide de t'exécuter par amputation de l'âme."
"Ce sera peut-être le cas, mais est-ce que vous pouvez au moins m'aider à contacter Adam ?"
Eustace soupira. Et puis il soupira encore. "Bien." Il se retourna et sortit de la cuisine, disparaissant dans les ténèbres du couloir.
Casey trépigna sur place pendant un moment. Eustace revint, apportant un gros téléphone polyédrique avec ce qui semblait être un magnétophone surdimensionné fixé dessus. Il soupira une fois de plus, pour faire bonne mesure, et commença à entrer un code sur le pavé numérique sur sa partie avant.
"D'après la dernière fois que j'ai vérifié, Adam devrait être dans Backdoor SoHo. Se faire un concert merdique de medium."
"Donc, euh, comment est-ce qu'on pourrait l'appeler, entre deux enclaves ?"
"Une bonne question. Ça ressemble à un téléphone, mais c'est en réalité un lien psionique avec un pigeon voyageur spécialement élevé pour survivre au vide entre les univers. Il vole vers l'Extérieur, l'espace informe l'écrasant inlassablement alors qu'il transporte les messages à la vitesse de la lumière."
"Oh. Vraiment ?"
"Non."
Il acheva le genre de calibration qu'il faisait, et un bip bourdonnant commença à jouer. Eustace le porta à son oreille, et le bourdonnement s'arrêta. "Réveille-toi Adam. Ton petit ami a tué un homme."
Casey écarquilla les yeux.
Eustace couvrit la partie réceptrice du téléphone tandis que des protestations confuses jaillissaient du haut-parleur. "Je n'ai pas le temps ou la patience de te dorloter là. Il vaut mieux arracher le pansement." Dans cette métaphore, supposa Casey, le pansement était leur relation.
"Juste. Passez-le moi." Casey se leva et tendit la main pour le récupérer, et Eustace le lui tendit à contrecoeur.
Il le porta sur le côté de sa tête et essaya d'avoir l'air aussi calme que possible.
Le haut-parleur crépita, et une reproduction métallique de la voix d'Adam sortit. "Casey ? Qu'est-ce qui se passe ? Tu vas bien ?"
"Ouais, je vais bien. En quelque sorte. Tout est allé un peu de travers."
"Je vois ça. Qu'est-ce qui s'est passé ?"
"Il y a quelque chose qui m'a infecté. Quelque chose de mémétique. Ça a pris le contrôle de ma personne. Ça m'a fait-" le souffle de Casey se coupa lorsque ce qu'il avait fait le frappa comme une gifle au visage.
"Shh, shh. Je comprends. Tu n'as pas besoin de parler de ça tout de suite. Je vais venir à Trois Portlands dès que possible."
"Non, s'il te plaît, je ne pense pas que ce soit la meilleure idée. Quoi qu'il arrive, c'est toujours en cours. Et ça ne va probablement pas s'améliorer pour un moment."
"Je ne peux pas te laisser traverser ça tout seul. Écoute, mon client est une laverie, et ses parents morts ne vont pas aller nulle part. J'espère. Je peux faire mes bagages et—"
"S'il te plaît ? Reste juste en sécurité pour l'instant. J'ai plus que suffisamment de choses auxquelles m'inquiéter actuellement." Casey savait qu'Adam ne resterait pas les bras croisés très longtemps. Heureusement les choses seraient plus sûres lorsque Adam se finirait par stupidement se précipiter.
"Bien," bouda Adam. "Mais je dois bien pouvoir faire quelque chose d'ici."
Casey s'arrêta pour réfléchir un moment. Ce faisant, Eustace surgit derrière lui avec un dispositif ressemblant à un détecteur de métaux et commença à l'agiter le long des bras de Casey. Il supposa qu'Eustace avait pris le nettoyage thaumique en main.
"Oh, il y a une chose, peut-être. Avant que ça se produise, j'étais à Bristol en réunion avec un partenaire commercial. Peut-être tu pourrais aller là-bas, voir si tu peux trouver quelque chose de magique ?" Casey chercha dans ses poches la carte de M. Erwan, et récita l'adresse au téléphone.
"Reçu. Laisse-moi juste- Je suppose que je peux passer par la Bibliothèque ? Oui, probablement." Il repassait la logistique dans sa tête d'après Casey. Il était plein de ressources.
"Merci. Prends soin de toi."
"Tu en as plus besoin que moi. Sois prudent s'il te plait. Je t'aime.
"Je t'aime aussi." Il raccrocha le téléphone.
Il se retourna, et Eustace le fixait. "Quoi ?"
Eustace haussa les épaules. "Je n'ai rien dit." Son visage ridé avait une surprenante capacité d'agression passive. "Tu es nettoyé de tout lien identifiable à présent. De rien pour ça. Mais tu devrais changer de vêtements. Prends-en quelques-uns d'Adam, dans la penderie à l'étage."
"Bien, bien." Casey essaya assez inutilement de se lisser, et monta à l'étage se changer avec quelque chose qui n'était pas recouvert de terre et de sang.
Il redescendit en portant un jean légèrement trop serré et une des belles vestes en daim d'Adam. Pour la première fois depuis ce qui s'était passé, il se sentait légèrement rafraîchi.
Cette sensation positive s'évapora rapidement quand il descendit l'escalier et vit Eustace pointer un pistolet sur une femme dans la cuisine.
Eustace fit un geste vers Casey de sa main libre, l'invitant à se rapprocher. "T'en as mis du temps."
Casey s'avança légèrement vers Eustace, les yeux écarquillés alors qu'il peinait à assimiler ce qu'il voyait. Une femme noire, portant un costume beige, ses cheveux noués en un chignon serré. Elle était assise à la table de la cuisine, et semblait impassible malgré le vieil homme qui braquait un pistolet sur elle.
Je l'ai trouvée derrière dans le parking. Elle essayait d'espionner par la fenêtre." Il secoua le pistolet vers elle. "Maintenant, pourquoi ne lui dirais-tu pas ce que tu m'as dit ?"
"Eh bien," dit-elle. Sa voix était calme, préparée. Elle espérait clairement avoir une chance de parler. "La première chose que vous devez savoir est que je suis de votre côté."
Elle s'arrêta un moment, parcourant la pièce en espérant une réaction, puis poursuivit. "Mon nom est Vera K. Garcia. J'ai été envoyée par une organisation qui sait ce qui se passe ici, et veut que je vous aide à éviter qu'elle empire."
Eustace acquiesça. "Tu gobes ces bobards Casey ?"
Il avait, en fait, déjà entendu cette histoire auparavant. "Quelle organisation ?"
"Nous sommes dévoués à garder le monde sûr, et préserver les choses qui comptent le plus."
Casey leva un sourcil. "Okay, mais comment est-ce qu'elle s'appelle ?"
Eustace se pencha soudainement en avant, riant d'une voix rauque. Le pistolet dans sa main partit en fumée. "Sans déconner ? Cette nuit s'améliore d'heure en heure."
Casey ne savait pas s'il devait se sentir offensé par cela. "Vous les connaissez ?"
Eustace se força à reprendre une position debout, toujours souriant. "On peut dire ça." Il se retourna vers la femme. "Quelle était votre dernière mission, infiltrer la direction d'un Chuck E. Cheese's ?"
Elle eut un sourire sincère. "C'est drôle. C'est important de garder un peu de légèreté, surtout face à des alertes à la bombe."
Le regard d'Eustace se resserra. "Quoi ?"
Vera hocha la tête face au dossier, volé à l'Insurrection du Chaos, toujours ouvert sur la table de la cuisine. En effet, un papier dépassait — quelques notes au sujet d'emplacements potentiels pour un appareil non spécifié qui pourrait être dissimulé dans une des nombreuses rues transverses de Trois Portlands. "On dirait qu'il y a une véritable conspiration se met en place. Ce serait vraiment pratique si une espionne talentueuse offrait un coup de main."
Casey baissa le regard. "C'est pas faux."
Eustace loucha vers elle pendant un bon moment. Comme si son regard la transperçait et examinait ses entrailles. Ce qui pouvait littéralement être en train de se passer.
Après un autre moment, il parla. "Bien. Vous pouvez rester ici. Mais vous faites une seule action hostile, la maison va vous manger toute crue et je ne vais pas traiter vos os dignement."
Vera sourit. "C'est noté."
Le soleil se leva, amenant des ombres bien dessinées sur le paysage de pierre et de brique de Trois Portlands. Casey le regarda suspicieusement.
Derrière lui Vera épluchait le contenu du dossier mal acquis. Elle tournait les pages d'équations, des nombres auxquels elle ne parvenait pas à trouver un sens. Des détails sur la vie de personnes qu'elle ne connaissait pas, travaillant pour des entreprises qu'elle ne reconnaissait pas, dans des villes qu'elle ne savait pas avoir existé. Elle détacha deux pages en particulier et les posa sur la table, vers Casey.
"Ça," indiqua-t-elle, "c'est les seules personnes du dossier qui ne sont pas indiquées comme décédées."
Casey se détourna de la vitre, parcourant les documents. Sidney et Timothy Way, deux frères. Il n'y avait pas de photos, pas de biographies, et pas de justifications pour les inclure dans le dossier. Juste des informations d'identification basiques et une adresse à Trois Portlands. "C'est plutôt mince pour démarrer."
Elle haussa les épaules. "Il y a une adresse. C'est tout ce dont on a besoin pour leur rendre visite."
Le visage de Casey se durcit. "Est-ce que c'est une bonne idée ?"
"S'ils sont comme toi, ce sont des alliés. Et même s'ils n'en sont pas, on aura plus d'informations sur ce qui se passe."
Casey pinça les lèvres. "Et en ce qui concerne la police ? Tout le monde pense que je suis, eh bien, un meurtrier."
"Eh bien, tu t'es enfui la première fois, n'est-ce pas ? Comment as-tu réussi à faire ça ?"
"J'ai été ramassé par un mec étrange et j'ai ensuite perdu la mémoire sur ce qui s'est passé après."
"On est tous passés par là. Mais pour l'instant, tu portes les habits de quelqu'un d'autre, et une étrange femme va te donner des instructions. Bon, où est cette adresse ?"
Casey déglutit.
La journée était fraiche et dégagée. Un temps parfait pour faire une ballade.
Bien d'autres pensaient la même chose. Les rues étaient remplies du remous de la foule, des nuées pastel errant pour aller au travail, à l'école, faire les courses. Vivant leurs vies normales, ou aussi proche du normal que Trois Portlands le permettait.
Casey regarda avec envie jusqu'à ce que Vera lui attrape l'épaule et le tire dans la ruelle.
"Dévisager c'est bizarre. Les criminels dévisagent," chuchota-t-elle.
"Je suis presque sûr que les personnes ordinaires dévisagent aussi."
"Pas depuis les ruelles. Généralement." Vera jeta un coup d'œil derrière elle. "On continue."
Ils randonnaient dans les allées depuis un moment — les entailles en zigzag de la jungle urbaine, les vergetures d'une ville faisant constamment de la place pour la nouveauté et renvoyant l'ancien vers la périphérie. La plupart de ces vides entre les bâtiments étaient déserts, bien que certains avaient des signes d'habitation : des cordes à linge, des cabanes en contreplaqué ou des amoncellements de couvertures sur la pierre boueuse. Quelques personnes étaient blotties sur les murs, cuvant ou fouillant les déchets.
Marche à un rythme régulier, avait-elle dit. Chaque jour, tu passes à côté de centaines de personnes, chacune l'esprit occupé par ses propres pensées. Prends toutes tes précautions pour ne pas perturber leurs rêveries, et se démarquer aussi peu que possible. Les vagabonds que Casey dépassait ne faisaient certainement pas très attention à lui. Il doutait qu'ils sentent avoir une dette personnelle envers les golems de police sans visage.
Alors qu'il s'approchait d'une intersection sur la route il tourna dans une rue secondaire vide. Les frères, semblait-il, vivaient dans une zone particulièrement dense du district résidentiel, où des immeubles croulants étaient empilés les uns sur les autres. C'était assez loin de la maison d'Eustace dans la banlieue.
Vera jeta un œil dans les vitrines des magasins qui affichaient des publicités pour la mode, l'art ou l'indulgence gloutonne, qui enlève artificiellement les limites avec l'aide de prouesses régénératrices, des anomalies typiquement réservées aux ultra-riches. Casey se retourna vers elle, alors qu'elle lorgnait sur le menu affiché d'un restaurant qui se spécialisait dans la nourriture qui était l'opposé de la nourriture italienne. "Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as jamais été à Trois Portlands auparavant ?"
Elle secoua la tête, arrachant son regard de la boutique et accélérant le rythme pour le rattraper. "Je n'ai aucune idée de quel est cet endroit ou de comment il fonctionne."
"Oh. Attends. Tu n'as jamais vu de l'autre côté du Voile avant maintenant ?"
Elle haussa les épaules. "De ce que je comprends, on dirait que la majorité de ce que je croyais impossible était en fait possible, et qu'il y a une sorte de sous-monde secret rempli de personnes qui savent ça et qui peuvent utiliser ces impossibilités librement."
"Ouais, c'est ça en gros. Vous prenez ça bien mieux que moi." Casey avait passé plus que quelques jours enfermé dans sa chambre après que Adam lui avait montré un peu de magie des années plus tôt.
À nouveau, elle haussa les épaules. "Ce que j'apprends c'est que mes préjugés me barraient la route. Il n'y a pas besoin de s'attarder sur les mensonges que d'autres nous racontent."
"C'est la meilleure manière de le prendre, je pense." Il la fit tourner à droite dans une autre ruelle sinueuse où les briques cédèrent la place à du stuc sablé. Ils gardaient un bon rythme.
"C'est l'avantage de mon boulot. La clarté de l'objectif signifie que quelque fois on n'a pas besoin de penser. On peut juste être et faire."
Casey acquiesça. "Je suppose que c'est logique. Qu'est-ce que 'faire' implique en tout cas ?"
"Tel dont je le vois, on a des pompiers et des docteurs pour préserver les choses dont on a besoin pour survivre. Le Directoire K se préoccupe de préserver les raisons qu'on a pour continuer de vivre."
"Des raisons de vivre ?"
"Des choses qui en valent la peine. Des choses auparavant inconnues. Les goûts qui changent à chaque fois que tu manges. Le désordre est un ordre bien à lui, et c'est autour de ça que la vie humaine est construite. C'est à propos de trouver cette combinaison, la répétition de quelque chose qui change à chaque fois. L'appréciation d'une chose juste pour ce qu'elle est et ce que l'on en ressent. C'est comme ça que je le vois au moins."
"Et qui nécessite des conneries d'espionnage ?"
"J'apprécie les secrets. Je suis douée pour les trouver, les cataloguer, les modeler. Là où l'information va est sans importance."
"Et tu es ici maintenant."
"Je suis ici parce que c'est là que je suis le plus efficace. Mes supérieurs savaient qu'il y avait des secrets qui valaient le coup d'être partagés. Ou peut-être qu'ils sentaient que quelque chose était en danger. Ou les deux. Ça ne fait aucune différence pour moi."
"C'est une attitude désinvolte à avoir envers les crimes que tu perpètres actuellement."
Elle lui jeta un regard de coté. "J'ai foi en ce que je fais. Je suis douée dans ce que je fais. Je suis convaincue que c'est là où je suis sensée être. Tu pourrais le faire aussi, tu sais. Tu es submergé, mais tu continues d'avancer. Tu es plus adaptable que tu le crois."
"Je veux dire, je ne pouvais pas-"
Vera attrapa la manche de sa veste empruntée et le tira pour l'arrêter à la sortie de l'allée. Elle le repoussa contre un mur dur en plâtre. Quelques personnes continuaient de passer à côté d'eux et Casey se tourna pour cacher son visage. "Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?" chuchota-t-il.
Vera pointa du doigt la rue et l'autre côté, un petit immeuble au milieu de rangées d'autres du même type. "C'est celui-là, n'est-ce pas ?"
Casey retourna l'adresse dans sa tête. "Ouais, c'est probablement ça. Pourquoi est-ce qu'on s'est arrêté ?"
Elle arrêta de pointer du doigt mais continua de regarder dans cette direction. "Il y a un homme à l'entrée."
Elle avait raison. Un homme barbu portant un short de basket était appuyé contre un des côtés de l'entrée du bâtiment, regardant dans un petit sac à dos de maille. Elle continua, "Je l'ai déjà vu auparavant. À Portland il y a juste quelques jours. Portland, en Oregon. Je l'ai vu lui et un autre homme et ils parlaient de faire quelque chose de gros et de vague."
Casey le regarda. "Gros et vague, hein ?"
"C'est le plus grand. Sidney Way, probablement," conclut Vera.
Ils se tinrent tous les deux dans l'allée un peu plus longtemps.
Casey commença. "Du coup, on fait quoi ?"
"Dans l'idéal on approche de manière non menaçante et on commence à dialoguer."
"Ce n'était pas à cause ça que tu t'es retrouvée prise en otage tout à l'heure dans la maison ?"
"J'ai dit dans l'idéal."
Casey se pencha à l'extérieur du passage qu'ils bloquaient impoliment. "Il part."
L'homme avait refermé son sac à dos et s'était retourné pour descendre la rue d'une démarche assurée.
"Donc on devrait-" Casey espéra qu'elle l'interromprait avec un plan, mais elle descendait déjà la rue. Casey acquiesça à personne en particulier et la suivit. Il déglutit, s'accrochant à un air de nonchalance. Pas grand chose, juste traquer quelqu'un en plein jour tout en étant recherché par la police. Juste un hobby.
Vera se dégageait sans effort. Elle se faufilait parmi les autres promeneurs, ses yeux d'aigle focalisés sur la cible. Casey peinait à la suivre, la circulation piétonne s'intensifiant graduellement jusqu'à être une foule dense alors qu'ils se déplaçaient.
Casey s'épuisait à voir au-dessus l'agitation devant lui. Là où la rue conduisait à un jardin communautaire décrépit, le chemin était bloqué par des séparateurs en béton. Des bandes bleues et des chevalets. Ils se dirigeaient tout droit vers un point de contrôle, occupé par une demi-douzaine de golems de police. Oh non.
Son souffle vint à manquer. Tout va bien, pensa-t-il. Il peut juste faire demi-tour et partir. Ils peuvent revenir pour Sidney un autre jour. Il tira la manche de Vera. Elle ne fut pas découragée. Il s'arrêta sur place, entouré par des étrangers.
C'est à cet instant que Casey fut plaqué.
Des bras se jetèrent autour de son cou, le poids d'un homme dégingandé le renversant. Une ribambelle de civils s'écartèrent du passage le souffle coupé pour le laisser tomber sur le dos sur l'asphalte. Un homme qu'il n'avait jamais vu auparavant était au-dessus de lui. Il criait, "Pourquoi est-ce que vous nous suivez ?" Casey manquait d'air.
"Salut Timothy," dit Vera. Elle envoya sa jambe sur les côtés de l'homme, plongeant son pied dans son estomac. Il émit un râle, relâchant son étreinte. Casey appuya son pied contre son sternum, et Timothy Way atterrit sur le dos.
Une sirène retentit. La foule évacuait comme des bulles d'air quittant l'eau. Une voix mécanique claqua, "Ceci est une scène de crime. Veuillez vous allonger au sol et placer vos mains dans votre dos pour la suite."
Vera agrippa les avants-bras de Casey et le hissa sur ses pieds d'un mouvement fluide. Timothy se remettait sur ses jambes. Vera jeta un coup d'œil à la rue transversale. Sidney s'échappait. Les golems beuglaient toujours. L'un d'entre eux regarda directement Casey, ses yeux synthétiques s'illuminant en le reconnaissant.
Elle commença à courir, et entraîna Casey avec elle.
Après avoir fait irruption dans la foule, les rues se vidèrent rapidement. Un meurtrier fou en cavale tendait à dégager les espaces publics.
Sidney filait, son sac à dos bringuebalant d'avant en arrière à chacune de ses foulées. Il jouait avec quelque chose dans sa main.
Les jambes de Casey le brûlaient. Il avait fait de l'athlétisme à l'université, mais c'était la meilleur partie d'une décennie précédente. Maintenant non seulement Casey était confronté à la douleur physique de ses muscles brûlants, mais aussi simultanément à la douleur émotionnelle d'être parfaitement conscient d'à quel point exactement il s'était laissé aller. Comme si ça ne suffisait pas, Vera n'avait pas transpiré.
Les golems de police doivent avoir alerté le quartier général de l'U2I. Ils vont déployer un cordon d'un instant à l'autre, une équipe d'hommes armés étranglant chaque sortie. Pas d'échappatoire. Casey évacua la pensée de son esprit. Parfois, on a juste besoin de lâcher prise et s'autoriser à faire ce qui allait être fait.
Sidney fila ventre à terre, directement dans une ruelle étroite. Ce faisant, il laissa tomber ce qu'il transportait, quelque chose comme un tuyau bleu. Casey agrippa la brique pour tourner dans l'allée, enjambant le tuyau sans y prêter attention.
Derrière lui, il éclata dans un nuage cyan de battements d'ailes, des centaines de chauves-souris bleues dans l'entrée. Vera n'était pas passée au travers. Il valait mieux qu'elle ne tente pas sa chance.
Casey gagnait du terrain, évitant de la bouillie éparpillée, ses pieds éclaboussant dans des flaques iridescentes d'eau contaminée. Ses muscles criaient, mais il ne s'était jamais écouté et il n'avait pas l'intention de commencer maintenant.
Ils étaient proches maintenant. Casey tendit les bras pour attraper quelque chose, n'importe quoi de Sidney, mais le bout de ses doigts ne firent qu'effleurer le sac à dos. Sidney esquiva sur la droite et ralentit, balayant avec fluidité les jambes de Casey qui passa. Casey tomba à la renverse. Il se rattrapa sur ses mains dans un tas de vase, s'écorchant les mains et se salissant le visage. Le pied de Sidney éclaboussa ses yeux dans la flaque alors qu'il s'enfuyait dans l'allée.
Il essaya de jurer, mais son souffle était trop court, et il sortit juste un couinement. Il espéra que personne n'avait entendu ça. Se remettant à nouveau sur ses pieds, il tourna au coin.
Sidney Way était là, arrêté au milieu de la rue. Ils étaient dans le quartier touristique de Trois Portlands, bordé des deux côtés par des hôtels pastel, des résidences secondaires vacantes, des endroits luxueux pour des nantis qui, ayant conquis le monde matériel, cherchaient un endroit plus difficile à gentrifier.
Sidney tenait un pistolet. Casey dérapa pour s'arrêter.
Sa voix était calme et précise. "Tu vas m'dire pourquoi vous nous suivez ?"
Casey glissa encore un instant. Son corps lui donnait l'impression de continuer de bouger, pulsant au rythme du martèlement dans ses oreilles. "Je pense," siffla-t-il entre deux râles, "que nous sommes tous les deux à risque. Des choses bizarres sont en train de se produire. Je pense que vous pourriez être une cible."
Il plissa les yeux face à Casey. "Vraiment ?"
"Je ne sais pas ce que vous prévoyez de faire, mais vous n'avez pas à le faire. Ce n'est pas vous, c'est quelque chose dans votre tête ! Ça vous fait faire des choses."
Il pencha la tête sur le côté. "J'ai peut-être tort, mais je ne crois pas que tu as la moindre idée de ce dont tu parles."
Casey ne pouvait pas véritablement le nier. Il s'éclaircit la gorge. "Alors je dirais qu'on est dans une impasse mexicaine."
"Quoi ? Tu es désarmé. Ce serait une impasse mexicaine si tu avais un flingue."
"Est-ce que je peux-"
"Aucune chance."
Eh bien, Casey était à court d'idées. Il ne pouvait plus rien faire. Il leva les mains derrière la tête-
C'est à cet instant que Sidney fut plaqué.
Vera se jeta sur lui de tout son poids, enroulant ses bras autour de ses épaules. Il perdit l'équilibre et tomba en arrière, sur Vera. Il cogna à l'aveuglette vers son visage. Un coude s'écrasa sur son nez dans un affreux tchak.
Casey chargea le duo enchevêtré. Il attrapa le bras de Sidney qui tenait le pistolet, le dirigeant vers le ciel. Sidney tira une fois, puis deux, des explosions de son résonnant dans le crâne de Casey et le faisant lâcher prise. Vera monta son genoux dans le dos de Sidney, et il desserra les doigts, laissant le pistolet s'entrechoquer sur le sol.
Derrière eux, une autre voix retentit. "Sidney ! C'est terminé !" Casey pivota la tête par-dessus son épaule. L'autre frère était là, agitant un genre de petit objet dans les airs.
Sidney pouvait difficilement respirer sous le duo, mais il cracha, "Vas-y ! Maintenant !"
Quatre mots surgirent dans l'esprit de Casey. Alerte à la bombe.
"BAISSE TOI," cria-t-il, tombant à genoux et couvrant ses oreilles, fermant les yeux aussi fort qu'il le pouvait quand-
-le monde entra en éruption, un poing d'air et de terre déplacée frappa Casey dans le torse avec une telle violence que tout l'air de son corps fut éjecté de force, et qu'il décolla du sol.
Instinctivement Casey se recroquevilla, et il se changea brièvement en un boulet de canon humain, boulant cul par-dessus tête jusqu'à ce que ses épaules heurtent un trottoir.
Il manquait désespérément d'air, mais ses poumons s'emplirent de pierre oblitérée, ce qui lui arracha une toux sporadique. Il se retourna avec peine sur le dos. Il suffoquait.
De ses mains tremblantes il attrapa le col de son t-shirt et le plaça sur son nez, essayant de filtrer l'air. Il inspira lentement. C'était mieux.
Il reprit un peu le contrôle. L'air le piquait au travers de ses yeux plissés. Tout ce qu'il pouvait voir était des débris ocre dans les airs et des morceaux de métal flottant vers le bas.
"Vera," haleta-t-il, aussi fort qu'il pouvait. "Vera !" Aucune réponse.
Ses yeux se refocalisèrent, faisant petit à petit le tri dans les nuances de brun. Une forme sombre émergea à sa gauche, une personne qui se remettait sur ses pieds.
De l'autre côté de la rue il put voir ce qui avait été un bâtiment quelques instants plus tôt. Un étalage de vulgarité verte et turquoise assemblée sous la forme d'une maison de vacances. La façade était complètement arrachée à présent, des éclats jonchant la rue.
La silhouette commença à marcher vers le désastre, tenant quelque chose devant elle avec ses deux mains. Le pistolet.
Casey se cala sur ses coudes, puis sur ses paumes écorchées, et se remit debout, ses articulations grinçant sous l'effort. Il suivit la silhouette. Elle ne semblait pas le remarquer.
Elle passa par-dessus le trottoir et Casey traînait derrière, claudiquant vers la maison.
Le bâtiment était en lambeaux. Un salon était recouvert de charpie de ce qu'était soit de l'art moderne détruit, soit de l'art moderne totalement intact disposé comme voulu par l'artiste. Un hurlement parvint d'un seuil, et Casey et la silhouette se retournèrent tous les deux pour regarder. La silhouette y pénétra.
C'était une chambre décorée, ou c'en était une. La moitié du mur ainsi que les reste d'une antique commode s'étaient retrouvés dans la rue, et le plafond s'était effondré. Sur le lit, un vieil homme était prisonnier, coincé sous la charpente.
La silhouette se tourna, révélant le profil de Sidney levant le pistolet.
Cette révélation était très opportune pour Casey, qui sut alors exactement où viser.
Il écrasa son point sur l'oreille de Sidney, envoyant l'homme déjà chancelant s'écrouler contre le mur, le pistolet lui échappant des mains une nouvelle fois.
Casey se pencha sur le lit. Il pouvait juste voir les vagues traits de l'homme. Il avait l'air familier.
Cillian Erwan. L'homme qu'il avait rencontré il y avait à peine quelques jours. L'homme qui avait mis un pistolet dans le sac de Casey sans qu'il s'en rende compte.
Évidemment, il reconnut Casey d'une certaine manière. Il toussa et s'étouffa, mais parvint néanmoins à avoir l'air indigné. "Qu'est-ce que vous faites ici ? Qu'est-ce qui se passe ?"
Casey entendit des tirs à l'extérieur. Une voix explosive. "FBI, tout le monde à terre !" Il ne bougea pas.
Casey tenta de continuer de parler à voix basse. "Qu'est ce que vous m'avez fait ? Vous m'avez obligé à le tuer. Pourquoi ? Qu'est-ce que vous aviez à y gagner ?"
Le visage d'Erwan changea. Il se déplaça. "Qu'est-ce que vous racontez ?"
Son souffle s'accéléra. "Votre androïde. Elle m'a donné un cadeau pour Regent. Il s'est transformé en pistolet dans mon sac à dos, et je- et je-"
Erwan l'interrompit d'un rire maladif. "Le robot ?" Son rire crachotant se transforma en toux lorsqu'il inspira de la poussière. "Gamin, tu demandes au mauvais gars. C'est eux qui viennent pour moi, pas vrai ?"
Casey plissa le front. "Non, écoutez, on va- on va vous sortir de là. Je dois juste trouver-"
Quelqu'un se tenait dans l'entrée. Quelqu'un que les fauteurs de trouble de Trois Portlands connaissaient très bien. L'Agent Spécial Kenneth Spencer. Il tenait un pistolet aussi.
Casey s'éloigna en trébuchant vers le trou dans le mur.
Erwan toussa à nouveau. "Il était temps que vous arrivez. J'étais-"
La balle de Spencer acheva sa pensée. Casey écarquilla les yeux. Dehors, il entendit une autre voix identique. "FBI, tout le monde à terre !"
La chose qui ressemblait à Spencer se tourna vers Sidney, la tête de l'homme toujours appuyée contre le mur. Un autre coup de feu.
Casey se jeta par-dessus les débris, se coinçant un pied en tombant la tête la première dans la rue. Il se traîna sur ses mains et ses genoux avant de se relever. Il boita quelques pas, mais le vertige qui emplissait son crâne était insupportable. Il tomba de nouveaux à genoux. Du coin de l'œil il vit un autre Spencer, entouré d'agents en uniforme visiblement confus.
"Identifiez-vous," dit Spencer.
"Agent Spécial Kenneth Spencer," dit Spencer.
"Non," dit Spencer. "Ce n'est pas vous. Lâchez votre arme et quittez le bâtiment les mains en l'air."
"Non", dit Spencer. Il était au niveau du mur effondré de la chambre à présent. "Ce n'est pas vous." Il baissa son arme vers Casey.
Casey ferma les yeux le plus fort qu'il pouvait. Un coup de feu emplit ses oreilles. Et puis un autre. Et encore un autre coup de feu.
Mais aucune douleur ne vint. Il rouvrit les yeux, et ne vit que du rouge. Il cilla.
Il n'y avait aucun problème avec ses yeux. Un homme aux cheveux clairs se tenait au-dessus de lui, les bras tendus devant lui. Une main brandissait un petit couteau directement sur l'autre avant-bras, et de la blessure se déversaient des étincelles bordeaux-noires, s'écoulant autour d'eux deux en formant une coquille creuse. Les balles avaient rebondi sans endommager le tampon.
Casey leva les yeux sur lui.
Adam Rowe baissa les yeux en retour.
"Tout ira bien," dit-il, dans un faible sourire.
Adam s'agenouilla. De sa main qui ne libérait pas d'énergie, il attrapa fermement la main tremblante de Casey.
Et puis le monde autour d'eux devint flou.
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