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Équipe 3 : Benji, Kaze et Lylah
Kaze
Jour 30 après la chute d'Aleph
J’aurais pu trouver cette scène amusante…
Benji hurlant comme un castrat de 8 ans sous hélium. J’aurais pu trouver cette vision d’un comique sans limite… si nous étions en train de boire un café tranquillement à la salle de restauration du Site Aleph. Mais à cet instant, je ne pouvais que le fixer avec effroi alors que Lylah se précipitait dans la pièce.
— "J-je jette un œil, dis-je en me jetant sur l’ordinateur que venait de consulter notre ami.
— Qu’est-ce que c’est que cette merde ?!" aboya Lylah en attrapant l’androïde.
Elle était si agressive que j’eu l’impression que c’était de ma faute. Alors que je pianotais aussi vite que possible, les informations sous mes yeux me firent froid dans le dos et je laissai échapper un rire nerveux.
— "Ça te fait rire, putain ?
— Je crois qu’il a attrapé un Keter…
— Comment ça ?"
J’étais incapable de répondre à sa question. Les lignes sous mes yeux semblaient indiquer la présence de 732 dans les fichiers, mais ce n’était pas du tout le fonctionnement de 732.
— "Essaye de le maîtriser, je ne sais pas ce qu’il pourrait faire."
Sans aucune discussion, Lylah balaya assez facilement leur camarade et le plaqua au sol. Elle dut s’assoir sur lui afin de le maintenir alors qu’il tentait de se dégager. Et alors que Benji continuait de pousser d’épouvantables cris inhumains, Lylah attrapa un bout de tissu abandonné sur le sol, probablement un reste d’uniforme souillé par le sang, et le fourra dans la bouche du docteur afin d’étouffer le bruit.
— "Dépêche, il est bien plus costaud que je pensais."
C’est à cette remarque que je réalisai soudainement que l’agent Dears n’était pas au courant de la condition de Benji.
Lui-même ne l’avait appris qu’au moment de leur départ du bunker du site Aleph, de la bouche de l’androïde lui-même.
— "Tu connais cette entité ? Tu peux faire quelque chose ? aboya-t-elle.
— Normalement, 732 n’aurait même pas pu prendre le contrôle de Benji. Il faut croire que…"
Il fallait croire rien du tout. Je tentais de répondre pour me rassurer, pour rationaliser la situation. Comme les autres anomalies croisées depuis le début de la fin du monde, elles avaient muté ou évolué très rapidement en dehors de leur confinement, voire à cause du contact avec d’autres entités.
— "On risque rien ? demanda Lylah, la mine dégoutée.
— Non, c’est informatique."
Elle tourna la tête vers moi, les yeux ronds d’incompréhension.
— "Mais si le docteur l’a attrap-
— Désolée, je t’expliquerai plus tard."
Nous n’avions pas du tout le temps de tergiverser sur le fait que notre camarade n’était pas humain et de gérer le choc que cela pourrait occasionner chez Lylah.
Je pianotai sans espoir sur l’ordinateur que notre camarade venait d’utiliser au moment où il avait contracté 731. Une machine, aussi complexe était-elle, devait bien avoir un système de protection, une sorte de pare-feu.
— "Tu peux faire quelque chose ? répéta-t-elle.
— Je cherche comment reboot la machine.
— Le docteur… c’est une machine, c’est ça ?”
Je me tournai vers elle. L’agent fixait mon collègue avec un sentiment mêlé de tristesse et d’empathie.
— "J’ai toujours été intriguée par les gens bizarres. Ça doit être pour ça que je l’aime bien…"
Je tentai de fouiller dans mes souvenirs. Il était incohérent que le Dr Benji m’avoue qu’il était un androïde aussi facilement au sortir du bunker. Cette information n’avait servi à rien.
Je le voyais m’attraper le bras, une fois que les équipes avaient été finalisées pour…
— "Lylah, Benji a-t-il dit quelque chose dans le bunker d’Aleph ?
— Euh, pas mal oui, nous sommes arrivés en même temps dans le bunk-
— Lorsque notre groupe a été formé et notre ordre de mission donné. Avant de sortir."
Elle fronça les sourcils, probablement surprise par la précision de ma question puis je vis ses yeux retracer le chemin de ses pensées alors qu’elle tentait de se souvenir de quelque chose.
— "Hm… Oui. J’ai pas bien compris d’ailleurs.
— Qu’est-ce que c’était ?"
Elle assura sa prise de sa main droite sur notre camarade et porta sa main gauche sur une poche de sa veste.
— "Il m’a dit que 'si j’avais besoin de redémarrer la machine, il faudrait utiliser ça'." ajouta-t-elle en sortant un papier de sa poche. "J’ai cru à une blague bizarre due au stress."
Elle me tendit le papier. “UNITE BN-J1” y était manuscrit, suivi d’une série de chiffres et de lettres aléatoires.
Je me dégageai la gorge et commençai à réciter :
— "Unité BN-J1 : A 1 4 0 2 1 9 9 7 W J 1 3 0 3 2 0 1 3 H 2 0 3 5 F J 1 9 0 5 2 0 1 4 H 1 9 0 8…"
La ligne de code s'étendait encore sur 3 lignes. J’arrivai finalement au bout en espérant que quelque chose se produirait. Un déclic accompagna le dernier caractère.
Lylah relâcha son emprise.
— "Il a l’air inconscient."
Après avoir relâché sa pression sur le corps plaqué au sol, elle retourna le docteur sur le dos.
Au bout de quelques très longues minutes, les yeux de Benji s’ouvrirent.
— "Unité BN-J1 en fonctionnement. Sauvegarde 1 6 1 1 2 0 1 4."
Il ferma les yeux un instant puis les rouvrit en faisant une grimace de douleur.
— "Eh bien, heureusement que j’oublie systématiquement que c’est très désagréable, marmonna-t-il. Que s’est-il passé ?
— Tu avais attrapé 731. Me demande pas comment. Comment tu te sens ?
— À peu près correct. J'espère que l'écrasement des données aura eu raison de cette saloperie.
— Tu n'en es pas sûr ?
— Je crains qu'on en soit pas sûr tant qu'on y sera pas confrontés."
Lylah attrapa le papier sur lequel se trouvait le code de Benji et se leva brusquement en se raclant la gorge et s’éloigna en direction de la porte. Elle rangea la papier dans sa poche et dégaina son arme, en nous tournant le dos.
— "Debout, docteurs. On a une mission et mon instinct me dit de pas traîner ici."
C’est alors que le talkie-walkie de Benji se mit à émettre des bips sonores. Il l'empoigna et la tension s’installa alors que nous attendions quelque chose.
— "La communication est vraiment mauvaise."
Benji porta l’appareil à son oreille.
— "C’est… c’est le Dr Grym. Ils ont récupéré leur morceau d’artefact. Euh… ah et ils ont fait péter le Louvre, je crois.
— Et merde ! Ils passent preum’s.
— Kaze, putain …
— Pardon. Je voulais dire : hâtons-nous de récupérer notre morceau d’artefact. J’ai déverrouillé le coffre avant que Benji nous fasse sa crise d’angoisse. Allez-y, je vous rejoins dans deux minutes.
— On ne sépare pas, où vas-tu ?
— Aux toilettes, Agents Dears, afin de laver le sang qui macule mes vêtements. Souhaitez-vous m’y accompagner ?”
Lylah répondit par une mine dégoutée et Benji ajouta :
— "Tes vêtements ? Tout le monde sait que tu te trimballes à poil.
— Quand il m'est arrivé… Le truc… Les habits que je portais ont obtenu la même particularité que moi, ils sont devenus invisibles. Et comme je les porte souvent, y'a des petits rigolos qui se sont amusés à dire que je me balade à poil.
— Donc t’es pas à poil ?
— Absolument pas !"
Benji et Lylah échangèrent un regard qui en disait long sur ce qu’ils pensaient. Je laissai échapper un soupir et sortis de la pièce en m’engageant dans le couloir.
Les murs et le sol entièrement blancs soulignaient le silence oppressant de cet endroit. Il faisait si froid.
Je trouvai enfin une salle d’eau. Qui avait eu l’idée d’un couloir aussi long, bordel ? Je m’approchai d‘un lavabo et, après avoir quitté ma veste qui ne me servait qu'à signifier ma présence aux yeux de mes camarades, me rinçai le visage abondamment. Je restai un bref moment à regarder les dernières gouttes de sang se faire aspirer par le lavabo avant de saisir une serviette et de me sécher les mains et le visage.
Je levai le visage vers le miroir. Un réflexe absurde du temps où j’avais encore un visage. J’étais de nouveau totalement invisible. Combien de temps depuis la dernière fois que j’avais vu mon visage ? Je ne savais plus… Sans doute beaucoup trop longtemps. À vrai dire, j'aurais été incapable de me souvenir de ce à quoi je ressemblais.
Après une grande inspiration, je tournai les talons pour rejoindre mes camarades de fin du monde. Alors que je touchais distraitement mon visage, encore perdu dans mes pensées, je fus stoppé par une tache. Une tache que je n’avais pas remarqué un peu plus tôt.
— "Qu’est-ce que…"
On aurait dit une sorte de moisissure. Une tache de la taille d’une main sur le sol du couloir.
Instinctivement, je lâchai ma veste gardée sous le bras sur le sol.
Un frisson me parcourut alors que la tache s'agrandissait sous mes yeux. Oh non. Non, non ! Totalement impuissant devant cette tache qui s’étendait de plus en plus. Elle faisait déjà la taille… d’un homme. Un homme dont le crâne apparut, puis les yeux… et ses dents. Et soudainement : l'odeur. Connaître le rapport, le lire en long, en large et en travers ne vous prépare pas à l’odeur. Un relent de putréfaction immonde qui vous saisit la gorge et vous étrangle, vous forçant à suffoquer pour trouver de l'air.
Il tourna la tête vers moi et j’eus l’intime conviction qu'il me voyait. Son regard empli de haine et de sadisme me traversa le corps et l'âme. Il sourit, dévoilant ses crocs immondes ne reflétant que le sourire d'un être malsain ayant pour seul but la chasse.
Immobile. Incapable de bouger. Je suis terrifié. Les battement de mon cœur martelant si fort dans ma poitrine donnent l’impression qu'il essaie d’en fuir.
Fuir.
Mes jambes étaient tétanisés. Tout mon corps était devenu un fardeau.
Et sans que je ne sache pourquoi, le vieil homme se détourna avant de s’évanouir dans le mur du couloir, me laissant seul avec les preuves de sa présence.
Suis-je resté là quelques secondes, une minute ou bien plus encore ? Hagard, brisé. Je n'arrivais même plus à réfléchir correctement.
Allez Kaze, reprends-toi ! Va prévenir les autres.
— "Kaze, l’artefact n’est pas là, dit Lylah quand j’arrivai dans la pièce.
— 106 est là."
Un silence de mort s'abattit.
— "Les chercheurs qui travaillaient ici l'ont embarqué avec eux dans un portail dimensionnel. Il est à Moscou, ajouta Benji alors que Lylah se dirigeait dans le couloir duquel je venais, arme à la main.
— 106. Je l’ai vu. Devant moi. Aussi près que tu l’es, Benji.
— J’ai trouvé le portail, je peux nous y conduire."
Étaient-ils tous devenus fous ? Ne comprenaient-ils donc pas l’urgence de la situation ?
Je m’approchai de Benji et attrapai son épaule. J’aurais voulu crier. Lui hurler d’aller plus vite. C’est alors qu’il se tourna vers moi.
— "Ne t'inquiète pas, mon ami. Nous serons loin dans un instant", dit-il en activant l’artefact qu’il tenait la main.
Un portail s’ouvrit, à même le vide.
— "Okay, on bouge encore plus vite que vite, docteurs, souffla Lylah en nous rejoignant au pas de course.
— Le portail est stable, nous pouvo-"
Benji n’eut pas le temps de finir sa phrase que l’agent avait déjà traversé. M’approchant du porte-manteau dans le coin de la pièce, je saisis un manteau aussi chaud que possible et me pressai à la suite de l’agent Dears en agrippant l'androïde.
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