Embuscade

Équipe 1 : Frog, Grym, Neremsa et Deous

Grym

Jour 70 après la chute d'Aleph

C'est long, neuf heures dans un hélico. Je regrettais ma vieille GameBoy planquée dans mon bureau à Aleph. Comme quoi, on avait vraiment perdu des trucs de valeurs là-bas.

M'enfin. C'était pas ça le pire.
Le pire c'est les 10 types bâtis comme des golgoths et qui ont dû recevoir un briefing spécial à mon sujet. J'ai l'habitude de les reconnaître maintenant. Ils ont tous ce regard ultra-méfiant, parfois effrayé. Mais bon. Au bout de 3 heures de blagues plus ou moins douteuses, j'ai réussi à en dérider quelques-uns, grâce à Nämu et Frog. Et au final j'ai mis mon équipement en ordre dans mon sac et je m'en suis servi comme oreiller pour taper un somme. J'ai failli regretter d'avoir spécifié au type qui nous équipait que je voulais des armes avec des silencieux. Le silencieux du colt s'enfonçait dans mon dos, malgré mes tentatives répétées de déplacer le holster. Mais j'ai finalement réussi à tomber dans les bras de Morphée. Cette fois-ci, ça devrait être plus tranquille. Selon les services de renseignements y avait plus âme qui vive dans la zone. Ni de SCP. Enfin, à notre connaissance, mais vu ce que ces types savaient, c'était du 90% de chances d'être peinard.
Je me suis réveillé une demi-heure avant qu'on arrive sur la ZA. Frog et Nämu étaient dans le cockpit avec Neremsa et Georgi, pour les garder alertes malgré la fatigue.

- Alors Dormeur, t'as fait de beaux rêves ?

Je regarde avec surprise le colosse qui m'aurait jamais adressé la parole 10 heures avant.

- Dormeur ?
- Ouais, tout le monde dans les FIM a un surnom. On t'a trouvé le tien pour passer le temps.
- J'avais proposé Chieur mais ils ont pas voulu, grommela Neremsa depuis le cockpit.

Dormeur. Pas le plus approprié, mais bon. On fera avec. On approchait, pas le temps pour ça. L'appareil commençait à descendre à hauteur d'immeuble.
Je commençais à peine à émerger quand j'entendis des cris venant du cockpit. Et des jurons en russe.
J'ai eu le temps de comprendre. Pas de balancer une ou deux insultes.

La roquette a frappé le flanc de l'appareil. Le choc de l'explosion a coupé l'appareil en deux. J'ai juste eu le temps d'apercevoir le regard de Nämu dans le cockpit qui s'éloignait, avec Frog, Nerem et Georgi dedans. Ils se sont écrasés sur le toit d'un immeuble. Pas nous.

J'ai regardé une dernière fois les types de la FIM. Avant qu'on ne s'écrase sur une place.
On avait le réservoir sur notre partie de l'appareil. Et on l'a senti. Pour ceux qui étaient encore vivants.

Nombre qui fut réduit très vite à 1.

J'ai juste eu le temps de reprendre mes esprits et de m'éloigner du site du crash pour me foutre à couvert. Y avait pas de survivants. Même pas la peine de vérifier. Y a des résultats visuels qui trompent pas.

J'étais couvert de sang, et j'avais un morceau de métal de 15 centimètres de long dans la cage thoracique. J'ai pas pensé à le retirer avant de bouger. Première erreur. Le seul bon point, c'était que j'étais vivant et que j'avais mon équipement intact. Je jetai le tout sur mon dos et me traînai loin des flammes.

J'ai à peine eu le temps de me jeter dans la première boutique en face de ce qui restait de l'hélico, que des bagnoles arrivèrent de tout les côtés. Cinq en tout. Militaires, à en juger les mitrailleuses lourdes sur les toits.

Ils commencèrent à chercher des survivants. Et c'est là qu'ils aperçurent les traces de sang menant à ma boutique.

J'aurais dû retirer ce morceau de métal.
Fallait que je m'en occupe. Maintenant. J'ai mordu dans la bretelle de mon sac et j'ai tiré d'un coup sec. Être immortel n'enlève pas la douleur.
Une fois la douleur passée, je vis la porte de derrière. Bingo.
En deux temps trois mouvements, je traversai plusieurs rues aussi vite et discrètement que possible. Une fois deux pâtés de maisons plus loin, je fis une pause. Ça avait quasiment cicatrisé. Dans 2 minutes y aurait même pas une trace de la blessure.

Et c'est maintenant que la merde commence.
Fallait réfléchir.
On venait de se faire descendre en règle. Bon. Soit.
Maintenant, étape un. État de la situation.
Un G36C, avec un silencieux, un viseur ACOG et trois chargeurs pleins. Ma machette que j'avais chopée à l'armurerie Pascal à Paris. Le Colt, originaire du même endroit, avec son nouvel ami le silencieux. 2 grenades à fragmentation. Une grenade flash. Et l'oreillette. J'avais zappé ce détail. A priori elle marchait encore.

- Ici Pique-Cigares. Barbu, Grenouille, Russe, Disciple, vous m'entendez ? Terminé.

Fallait improviser les noms de codes. Mais au moins ils étaient compréhensibles et nous trahiraient pas.

- GRYM ! T'as des survivants avec toi ?

Raté pour les noms de code. Bien joué Frog. Je m'étais donné du mal pour les trouver en plus.

- Négatif Grenouille. J'ai plus de cigares. Et vous de votre côté ? Pique-Cigares, terminé.
- Passe moi ça crétin, ton doctorat tu l'as eu en réfléchissant non ? Allô Pique-Cigares ? Ici Barbu.
- Ave Barbu. Ça se passe comment de votre côté ? Pique-Cigares, terminé.
- Quelques égratignures, Disciple saigne pas mal au bras, mais on lui a fait un garrot, mais rien de grave en général. On a eu de la chance de pas avoir le réservoir à l'avant et de s'être crashés sur un toit et pas dix étages plus bas. Sinon on est OK. On a demandé de l'appui aérien de Moscou, apparemment ça arrive. On a vite dû dégager par contre, y a des types qui ont commencé à converger vers nous. On les a vu passer de votre site au nôtre depuis le toit. 4 voitures.
- Quatre ? Merde.
- Quoi ?
- Y en avait cinq sur mon site. Mais ils ont vu des traces de sang s'éloigner du site. J'en étais couvert.
- Ah merde. Bouge vite, alors. On est pas si loin du site, on se retrouve au point Alpha, comme convenu initialement.
- Ça roule. À tout à l'heure Barbu.

Bon.
Une voiture. Bonne chose.
Un moyen de transport gratuit, et des sources d'information ambulantes.
À mon tour de les prendre en embuscade. Une voiture dans le silence du désert, c'est une proie facile. Il suffisait de bien se poster. Et de prendre quelques balles.

Je les entendais arriver. Nickel.

Je me mets au milieu de la route.
En face d'eux. Je tiens le G36 en l'air, histoire de montrer mes "bonnes intentions".
Première étape réussie. Ces abrutis s'arrêtent. Quatre. Un jeu d'enfant.
Surtout, pas rigoler. Ça pourrait paraître suspect.
Bon. Repérer le chef, ou au moins le moins con, celui qui en sait le plus.

Celui qui est sur la place passager avant. Bien.
Le conducteur et un des deux passagers arrière s'approchent vers moi en gueulant des trucs et en me pointant leur AK-47 sous le nez. Ils avaient vraiment un accent de merde. Heureusement que je suis pas mauvais en anglais.

- PUT THE GUN ON THE FLOOR !

Bon à mon oreille, ça sonnait plus comme un :

- POUTE DA GOUN ON DA FLOWR !

Rigole pas, putain. Sérieux. Faut rester sérieux. Respire.

- WHAI DOU YOU LAUFFE YOU BASTORD ?

Oh putain le con. Là c'était trop.
J'éclate de rire.
Bizarre ça a pas l'air de leur plaire. Et c'est là que je vois le mec à la mitrailleuse lourde saisir un talkie.
Maintenant.

Tout en riant, j'en dégomme un d'un coup de crosse, mets deux balles dans le buffet au deuxième hors de la bagnole, et au moment où je vise le type au talkie, je me mange une rafale de mitrailleuse. Je crois que j'ai tiré. Je suis pas sûr. J'ai juste le temps de le voir tomber de son poste de tir, avec des éclaboussures de partout. Je l'ai eu l'enculé.

Bon maintenant, faire le mort. Et pas rigoler.
Il reste le type au volant et celui à qui j'ai défoncé la tronche. J'entends une portière qui s'ouvre et des bruits de pas.
Une source… non deux. Qui se rapprochent. Nickel. Je les entends baragouiner, et je sens un courant d'air à ma gauche. Et un pied sur ma droite me débarrasse du G36.

Re-maintenant. Avant qu'ils s'aperçoivent que j'ai régénéré.
Je me dresse d'un coup vif, de la main gauche je dégaine le colt et implose la tête du type à l'AK-47, tandis que de la droite je balance un coup de couteau dans le genou du chef, qui s'écroule, la main crispée sur son revolver.

Une bonne clef de bras plus tard, il bouffe la bonne poussière du Caire.
Je commence à me demander où et comment l'interroger quand j'entends des bruits. Entre le gargouillement et la plainte.

Le type de la mitrailleuse.
J'assène un coup dans le crâne du chef, histoire de le tranquilliser, et je saute sur le capot de la bagnole.

Sur la banquette arrière, gisant dans son sang, le type à la mitrailleuse. Qui parle français. Dans son putain de talkie.

- Il… a régénéré… une salve lui a rien fait, patron, il est comme…

Pas le temps pour ces conneries. Appelle-moi Marchand de Sable. Bonne nuit.

Je retourne vers le chef, et deuxième emmerde.
De l'écume plein la bouche.
Et merde, ce con devait avoir une capsule de poison sur lui. Et il a profité de ma distraction pour se foutre en l'air.

Bon, au moins, j'ai la voiture.
Mais il va falloir y renoncer. Ils savent que je suis là, et que j'ai un véhicule. Putain de talkie.
Du coup, j'ai bousillé mes fringues et mon temps pour rien.

- Pique-Cigare, c'est toi les coups de feu ? Barbu, terminé.

Et merde, j'avais oublié ce détail sonore.

- Ouais. Une voiture en moins. Je vais pouvoir avancer plus vite sans ces types à mes fesses, je vais vers le point Alpha. Pique-Cigare, terminé.
- Mauvaise nouvelle. On a du monde sur le point Alpha. Et ils te barrent la route, si j'en juge la provenance des coups de feu. Faut que tu fasses le tour. À 100 mètres à l'est du point Epsilon, y a une base avancée. Ils sont bien une petite centaine. Sans compter ceux qui doivent être sur le site de fouilles et ceux qui patrouillent ailleurs. Fais gaffe. On se retrouve au point Gamma directement. On va avancer sur la droite et toi sur la gauche de leur base du coup, tu seras tout seul en cas de pépin. Barbu, terminé.

Directement dans la pyramide ? Génial.

- Compris Barbu. Des dizaines de milliers à Paris et quelques dizaines ici, ça devient trop facile non? Terminé. Pique-Cigare, terminé.
- Ouais. On a quand même perdu dix gars dans l'histoire, te relâche pas. Barbu, terminé.

J'entendis des voitures. Décidément ils sont réactifs.

Ca fait moins d'effectifs sur le site, tant mieux. Maintenant, y a plus qu'à tracer.
J'ai mis environ une demi-heure à tracer jusqu'à être en vue de leur "base".

Une centaine de types. Avec du matériel d'archéologie, et des armes. Beaucoup. Le camp était pas très bien fortifié, et il serait facile de le prendre au cas où. Mais ils avaient l'avantage du nombre.

Le contour jusqu'au site de fouilles m'a pris plus de temps. En fait, c'était même dangereux.
Car si de leur côté les autres avaient des structures pour se planquer, moi j'étais debout en plein désert.

Mais pour une fois j'étais chanceux. Un petite tempête de sable se leva, et j'étais intégralement couvert de sang coulant à souhait. En une minute, chaque parcelle de mon corps était recouverte de sable, collé par le sang. Je venais involontairement de fabriquer le camouflage parfait.
Mais même avec ça, fallait y aller doucement, accroupi, en profitant de la moindre dune.
Une fois en vue des pyramides, je m'allongeai. Comme prévu, des snipers étaient postés sur la pyramide. Mais la tempête me couvrait plus ou moins de leur regards.

J'arrivais au point Gamma, devant l'entrée de la pyramide, en avance sur l'autre groupe.

- Barbu, je suis au rendez vous, vous branlez quoi? Pique-Cigares, terminé.
- Pique-Cigares on est en route, on a été retardé par d'autres types. On en a fait parler un. C'est l'Insurrection du Chaos, donc fais gaffe. Barbu, terminé.

Bah, je m'en doutais un peu. Merci Captain Obvious.
Le truc qui est chiant avec les communications, c'est qu'on entend moins bien ce qui se passe autour de soi quand on est en train de parler.

J'aurais pu entendre les deux types armés jusqu'au dents qui arrivaient depuis le site, et le type au chapeau qui sortait de la pyramide dans mon dos.
J'ai senti la piqûre d'une balle dans l'épaule. Je me suis retourné et j'ai collé une rafale dans la tête du type au chapeau qui s'écroula. Je me mis à couvert derrière un rocher, histoire de pas exploser mon quota de balles par jour, tournai dos à la dépouille du type au chapeau.

C'est pour ça que je l'ai pas vu se relever. Ni soulever un rocher pour me le balancer sur la tronche.
Alors que je reprenais conscience, le visage contre le sol, je sentis le métal froid de menottes autour de mes poignets. Et je vis le type au chapeau, debout, comme si de rien n'était, excepté les tâches de sang sur ses vêtements.
Il s'approcha, se mit derrière moi, et dans un murmure, il déclara :

- Ça fait un bail François. T'as pas pris une ride.

Ça faisait 70 ans qu'on ne m'avait pas appelé par mon prénom.

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