Le Commencement | "Désormais O23, c'est nous" »
Équipe 1 : Frog, Grym, Neremsa et Deous
Grym
Jour de la chute d'Aleph
Je me souviens de la fin du monde.
J'étais au Site Aleph, je menais des expériences sur SCP-006-FR, avec Benji qui voulait essayer un engin de sa création pour faire passer un encéphalogramme à l'entité. On avait pris un peu de retard sur notre pause déjeuner, et on travaillait sur notre expérience pendant que tous étaient déjà agglutinés à la cafétéria ou dans leurs bureaux en train de manger un sandwich aux crudités.
C'est à ce moment-là que j'ai entendu l'alarme. Celle qu'on espère ne jamais entendre.
L'alarme qui signale une brèche de confinement majeure et généralisée pouvant mener à un scénario de fin du monde de Classe XK. C'était la première fois dans l'histoire de la Fondation qu'elle retentissait en dehors des exercices de prévention. Et la dernière.
Je ne me suis pas vraiment demandé comment quoi que ce soit avait pu déclencher ce truc. Même la quasi-totalité des Keters seuls ne pouvaient pas causer ça. Je me souviens d'avoir chopé Benji par sa blouse et de l'avoir traîné jusque dans le bunker d'urgence du Site, alors que déjà les murs se teintaient de rouge et l'air se remplissait de gémissements et de supplications inutiles.
On a attendu 10 minutes avant de fermer la porte, car à chaque fois qu'on essayait de la verrouiller, des collègues, non, des amis, arrivaient.
Neremsa, Kaze, Frog, Goupil, Ezcyo, et tous les autres, même le Kommissaer. Tous ceux qui étaient logés dans l'aile Ouest et qui se trouvaient à la cafétéria à ce moment. Je suppose qu'ils ont eu du bol que l'architecte ait décidé de foutre la cafét' le plus loin possible des SCP.
Tous ces gens avec qui je bossais et que je voyais tous les jours.
Sains et saufs. Et étrangement j'étais un peu rassuré. Tous ces types en savaient assez, réunis, pour trouver une solution au problème qui se formait à une porte blindée de nous.
Mais encore fallait-il survivre au feu nucléaire. L'ogive nucléaire de secours du site n'allait pas tarder à exploser, afin de diminuer dans un ultime effort le nombre de SCP qui s'évadaient. On a eu 10 minutes avant la fin du compte à rebours, et Neremsa assurait que les issues vers les étages supérieurs étaient bloquées par des SCP profitant de leur liberté fraîchement retrouvée. Impossible de sortir, donc autant rester.
10 minutes à savoir pertinemment en tant que scientifiques que les murs du bunker ne supporteraient que très difficilement l'explosion. Sans parler du souffle.
Mais rien ne se produisit.
Rien d'autre que le bruit de nos peurs qui se baignaient dans le sang des innocents, à quelques centimètres de béton armé et d'acier de nous. Quelque chose avait empêché l'ogive de péter.
On a passé des jours dans le silence, à se fixer les uns les autres. À réfléchir. Comment se tirer de là ?
Le bunker avait des caisses entières de fusils-mitrailleurs P90 et assez de provisions pour un moment, normal pour un bunker de survie. Mais le problème majeur n'était pas de survivre dans le bunker, il venait de dehors.
Devait-on attendre que ces saloperies se tirent d'ici ou se risquer à ce que l'une d'elles vienne nous chercher ?
C'est d'un autre site qu'est venu la réponse. Un site russe encore inconnu de tous.
Après trois semaines dans cet enfer de béton, trois semaines qui auraient mal tourné sans Neremsa et Mortarion. Vous imaginez des gens enfermés pendant trois semaines sans personne d'assez droit (et armé) pour les calmer, alors que la mort s'agite dehors ?
Enfin bref après tout ce temps, on a reçu un message qui a retenti dans tout le Site.
"AVIS À TOUS LES MEMBRES DU PERSONNEL AYANT SURVÉCU, ICI O5-1. LES RAPPORTS EXTÉRIEURS FONT ÉTAT D'UNE RÉACTION EN CHAÎNE À L’ÉCHELLE GLOBALE. FINI DE SÉCURISER, DE PROTÉGER, DE CONFINER, IL EST L'HEURE POUR NOUS DE SURVIVRE.
BIEN QUE LES ENTITÉS DE TYPE THAUMIEL AIENT ÉTÉ TOUTES DÉTRUITES, NOUS AVONS TROUVÉ UN MOYEN DE REMÉDIER A CETTE SITUATION.
IL EXISTE UN SCP QUI POURRAIT INVERSER LA TENDANCE. SEULEMENT, AFIN D'ÉVITER QUE CELUI-CI SOIT UTILISÉ À MAUVAIS ESCIENT, DES PARTIES ESSENTIELLES LUI ONT ÉTÉ ENLEVÉES ET DISSÉMINÉES DANS LE MONDE PAR LA FONDATION.
LA PARTIE PRINCIPALE SE SITUE À MOSCOU, DANS UN BUNKER SOUS LE KREMLIN. NOUS SOMMES EN TRAIN D'ESSAYER DE SÉCURISER CE SITE AVEC LES TROUPES RESTANTES.
CEPENDANT NOUS AVONS BESOIN DES PARTIES MANQUANTES. VOTRE MISSION EST D'ESSAYER DE LES RETROUVER ET DE LES RAMENER À MOSCOU AUSSI VITE QUE POSSIBLE. FAITES ATTENTION TOUTEFOIS : UNE ÉPIDÉMIE DE SCP-008 A ÉTÉ CONSTATÉE DANS LA VILLE, AINSI QUE DE NOMBREUX CAS DE SCP-610 PARTOUT EN RUSSIE.
RIEN N'EST ENCORE PERDU. À VOUS DE JOUER.
LES EMPLACEMENTS DES PIÈCES SONT LES SUIVANTES : …"
On s'est empressés de tout noter. Inutile, vu que le message a tourné pendant trois jours avant de s'arrêter. Tous ceux présents dans ce bunker l'entendent désormais la nuit quand ils dorment. Ils murmurent des positions géographiques le matin en se réveillant, parlent de Moscou dans le moindre de leurs mots. Comme d'un espoir sorti de nulle part, au beau milieu des ténèbres.
On a décidé, deux jours après la fin du message, de tenter une sortie, en emportant un maximum de provisions et d'armement.
Neremsa avait tracé sur un plan les zones qu'il pensait être "chaudes", celles qui avaient été encombrées lors de la brèche, et enfin, celles qui décideraient ou non de notre sort.
Une sortie.
On est sortis, j'étais en tête avec les agents et probablement le seul Classe-D encore en vie sur Terre, les docteurs nous suivant juste derrière.
Ces endroits si familiers. Détruits. Teintés de pourpre. Le sol collait du sang des anciens confrères.
On passait silencieusement, mais on était trop nombreux pour ne pas se faire repérer. Et ça n'a pas loupé.
On traversait un trou dans le mur qui nous créait un raccourci providentiel. Quelques mètres de canalisations éventrées, un creux dans le sol rempli d'eau, et on était de l'autre côté.
Facile. Mais pas dans l'ex-Site Aleph.
SCP-019-FR a surgi de nulle part et essayé de s'introduire dans Frog, histoire de se trouver un nouvel hôte. Dommage pour l'entité, Mortarion était à côté à ce moment et pensait avoir entendu un bruit. Je ne douterai plus jamais de son habileté avec Traque-Doute. Ni de sa paranoïa apparente.
Mais les deux coups de feu tirés par le Kommissaer avaient fait du bruit.
Et les enfers arrivaient aux trousses de ces proies si bruyantes et faciles.
On a commencé à courir, et on les entendait griffer, hurler, et taper dans les murs derrière et même parfois au-dessus de nous.
On a aperçu la sortie alors qu'ils arrivaient, et celle-ci semblait être prête à s'effondrer à tout moment.
Certains ont failli lâcher dans la dernière ligne droite, mais plus personne ne serait laissé derrière, cette fois, et les mieux portants soutenaient les plus en difficulté. Comme quoi l'Humanité n'était pas encore morte.
J'imagine la déception de ces saloperies quand les grenades lancées par Neremsa firent s'effondrer en explosant la dernière entrée du Site Aleph, scellant ainsi la tombe de nos collègues. De nos amis.
Et alors que nous étions éblouis par un soleil qui semblait irréel, une question se posa.
Et après Aleph ?
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