Éveil

Équipe 6 : Arcaël, Cendres, Hylius et Loïc

Hylius

Jour de la chute d'Aleph

Putain de merde, ma tête… Comme si mon abruti de cerveau essayait de sortir à coup de marteau-piqueur. Chuis où bordel ? Pas de panique, qu'est-ce que t'as fait en premier…
Une chaise et une table. Café, tartines beurrées, jus d'orange, Xeroquel, Xanax.
Ça va mieux. Qui suis-je déjà ? Je suis confus…
Hylius, William. Chercheur, Médecin.
Maria, Lyra, Edgar, Allan, Poe, Caroline, Kiraneko, Miku, Gribouille. C'est moi aussi ?
Mais nan ducon, c'est les chats. Où sont mes chats ?

Je venais de finir de bosser, j'avais étudié quelques cobayes en contact avec SCP-… je sais plus lequel…

Le bon Doc Blue était venu pour ma psychothérapie hebdomadaire. Il avait amené les petiots. J'étais heureux de les voir. Depuis que je me suis fait attaquer à mon boulot il y a cinq ans par ce monstre dont on me cache le dossier, moi et les chats sommes psychiquement connectés, on discute, on échange. Quand on a découvert que je pouvais les posséder, on a conclu un marché : Ils ne me confinent pas en tant que SCP, et ils gardent les chats pour observation. Le traumatisme résultant de ce nouveau lien et de l'attaque m'a également rendu schizophrène avec des troubles dissociatifs de l'identité.
Les médicaments me furent prescrits pour soigner mon cerveau, et pour m'empêcher d'entendre ce que les chats disaient. Oh, n'allez pas croire que ce sont des hallucinations, simplement, les antipsychotiques agissent sur ce lien mental comme un mur de plomb avec la Wi-Fi.

Du coup, le doc m'annonce que j'ai le droit de voir les chats pour la séance. Je nageais en plein bonheur. Ils étaient dans une pièce séparée de la notre par une épaisse vitre pare-balle. Au cas où ils décideraient de briser leur confinement pour rester avec moi.
La séance se poursuit pendant une heure, après quoi… euh…

J'arrive pas à réfléchir correctement, la douleur me vrille le crâne et ma mémoire fuit par tous les trous de ma tête endolorie.

Alors que je remercie le doc de m'avoir permis de revoir les petits, une alarme se déclenche. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à paniquer : cette alarme signifiait une brèche de confinement absolue, ayant donc 90% de chances de provoquer un événement de classe XK : L'extinction totale de toute forme de vie pensante hors-SCP sur Terre.
La boîte de Pandore était ouverte.
On a toujours été au courant des risques de notre activité, mais on a quand même choisit de rester, sachant que cela se produirait inévitablement. Mais tout de même, je ne pensais pas vivre assez longtemps pour pouvoir mourir de cette façon.

Tremblant de terreur, je me suis précipité dans le bunker le plus proche, avec le vieux Blue, et tous les gars du département Psycho. L'immense porte fût scellée, et j'ai senti cette peur primale me déchirer les entrailles… Si seulement ce n'était que la peur…

Bordel, les chats !! J'étais parti sans les mettre à l'abri, les effets des médicaments commençant à s'estomper, c'est là que j'ai su où ils étaient : À deux mètres de moi, de l'autre coté d'une énorme porte.
Je percevais leurs grattements désespérés, bientôt rejoints par des dizaine d'autres malchanceux, nous suppliant de les laisser entrer. Mais on n'ouvre pas un bunker alors que le danger se tient juste derrière les suppliants…
On les entendait se faire massacrer à l'extérieur, les boyaux à l'air, les corps éclatés, ils n'étaient plus qu'une masse sanguinolente, gémissante, me maudissant de ne pas l'avoir sauvée.
Tandis qu'ils mouraient, je sentais les corps de mes fidèles compagnons partir en lambeaux, en bouillie, fondre, et je mourais avec eux. Tu sais ce que ça fait de mourir huit fois ? De sentir son corps brûler, fondre, de voir ses organes se répandre sur le sol, pendant ce qui semble être une éternité ?
J'ai prié pour que la bombe en finisse, pour que tout s’arrête, pour mourir moi-même, mais ça continuait pendant une éternité, je sens encore toute cette douleur affreuse se tortiller vicieusement sous ma peau, c'est probablement ce qui m'a foutu K.O.

Bon, maintenant, reste plus qu'à attendre que tout s'achève, je n'ai aucun regret, si ce n'est de ne pas être auprès de mes chats. Mais la bombe semble foutue, elle aussi.

- "Ho, on pète ou quoi ? demandais-je, énervé.
- Du calme docteur, me lança un agent adossé à la porte. On ne va pas exploser vu que la charge nucléaire du site est désactivée.
- Et comment vous êtes au courant ?
- Parce que ça fait trois jours qu'on attend."

Trois jours ? J'ai dû rester dans les vapes plus longtemps que prévu. Je suppose que l'on a qu'à attendre de mourir de faim alors.
On a dû rester comme ça un bout de temps, aucune idée, j'ai jamais eu le courage d'aller regarder la date ni même l'heure. Au bout d'un moment, on a commencé à entendre un message, du style "HEY, LES SURVIVANTS ICI O5-1. LA TERRE EST FOUTUE. ALORS ARRÊTEZ DE CHIALER ET SURVIVEZ. C'EST LA MERDE, MAIS ON A EU LA BRILLANTE IDÉE DE FOUTRE NAWAK SUR LA TERRE LES PIÈCES DU SEUL TRUC QUI PEUT NOUS SAUVER.
LA PARTIE PRINCIPALE SE SITUE A MOSCOU, DANS UN BUNKER SOUS LE KREMLIN. ON S'Y PLANQUE EN CE MOMENT.
ET COMME ON A PAS ENVIE DE SE FAIRE BOUFFER, C'EST A VOUS DE FAIRE LE BOULOT ET FISSA. FAITES ATTENTION TOUTEFOIS : UNE ÉPIDÉMIE DE SCP-008 A ÉTÉ CONSTATÉE DANS LA VILLE, AINSI QUE DE NOMBREUX CAS DE SCP-610 PARTOUT EN RUSSIE.
Du moins, c'est comme ça que je l'ai interprété. S'ensuivit ensuite une liste exhaustive de tout les endroits ou se trouvaient les artefacts. Même si le message nous demandait quand même une mission suicide au nom d'une survie improbable, ça nous a quand même donné la pêche pour sauver notre peau.

Le moment venu, les gars étaient prêts :
- "Messieurs, déclara l'agent Johnson, nous n'aurons droit qu'à un seul essai. Avec les autres agents, on a réussi à se communiquer l'état du site. Il ne reste qu'une sortie, et pour l'atteindre, il faudra échapper à nos chers colocataires. Je vais compter jusqu'à trois, et quand ce sera fini, je veux que vous courriez le plus vite possible pour rester derrière moi, je vais vous sortir de ce merdier, clair les gars ?

Nous acquiesçâmes à l'unisson, il nous avait tous motivé pour survivre. Alors que la tension monte, je me sens un peu étrange…
-Un…

Une lueur d'espoir inespérée dans ce monde mort…
-Deux…

Comme si un miracle se préparait…
-TROIS" !

Tout le monde se précipite dehors. La voie est relativement peu dangereuse, mais il faut être sur ses gardes. J'entends des rafales d'armes à feu plus loin, ils ont dû coordonner la fuite. Le trajet a été nettoyé par le groupe quelques mètres devant nous, ainsi, nous sommes sortis sans encombres.
Alors que la dernière sortie est close à coups d'explosifs, je me tourne vers le Site.
L'ancien site Aleph se tient là, ses murs sont brisés, le sol est sec, craquelé.
Tout est en ruine. Pour la première fois, je sens le soleil de la fin du monde. Et il ne me réchauffe pas. Nous avons peut-être survécus à l'apocalypse, mais cette victoire a un goût de défaite. Les résultats sont clairs. Presque toute forme de vie pensante a disparu de la planète.

Je tourne la tête pour scruter les décombres de ma vie passé pour y voir…
…Un miracle. Sortant des entrailles de la Fondation, sanglant, le dernier chat sur Terre continue à lutter pour survivre.
Je prend alors Gribouille dans mes bras. Son poil est poisseux, mais c'est le sien, ça me suffis.
Je vois Loïc, essoufflé, poussiéreux, poisseux, adossé dans un coin.
" La vache, t'a foutu quoi dans ton bunker ?
- Plus tard.
- Je vois, mieux vaut prendre le temps, histoire de prendre du recul…
- Le temps, c'est justement ce qui nous manque en ce moment. C'est ton chat ?
- Le dernier. Je vais m'éloigner un peu des autres pour la laver, ils pourraient la prendre pour un SCP ! dis-je avec un petit rire forcé. Ma tentative pour détendre l’atmosphère n'est apparemment pas inutile, Loïc esquisse un sourire, soulagé de voir qu'on est pas tous devenus fous.

J'amène donc Gribouille dans une baignoire improvisée, afin de la débarrasser du sang qui la souille. Elle est fatiguée, mais semble vouloir rester éveillée.
"William, les autres…" commence-t-elle
"Morts, j'y étais je te rappelle. Mais tu es vivante, c'est tout ce qui compte à présent"
Gribouille acquiesça, d'un air sombre.

Nous retournons auprès des autres. Avec les gars, on décide de former des équipes; Certains devraient partir sécuriser des morceaux de l'artefact, d'autres décident de chercher d'autres Skips pour nous faciliter la vie, ou encore des survivants. Mes collègues, mes amis, j’espère qu'on s'en sortira.

Loïc avait intercepté une communication d'Arcaël lorsque tout a commencé, il revenait d'une convention aux États-Unis et s'était crashé à proximité des côtes. Il dérivait à présent à bord d'un canot de sauvetage.

Nous nous installons dans une jeep, Moi au volant, Loïc à la radio et à la carte, et Gribouille à mes pieds. A l'arrière nous avons de quoi tenir un siège, pas surprenant : il va falloir à présent trouver Arcaël, et il pourrait être dans un sale état.
Alors qu'on s'éloigne du Site, je lance un regard vers ses décombres, des volutes de fumée s'élève du lieu m'ayant servi de foyer, ayant hébergé ma famille. Maintenant que mes attaches sont détruites, il ne me reste que Gribouille, et la Fondation. Putain, j’espère qu'Arca' est encore en vie.
Après une demi-heure de route, il me vient une idée.
-"Loïc, tu peut capter le signal d'Arca' ?
- Sûrement, deux secondes…

Après quelques grésillement, la radio nous gratifie de l'appel de détresse d'Arca' :
-"Crrr-ite le plus -crrrrr, ici le spécialiste Arcaël, SCP-2301 nous a attaqué en plein vol et je suis à la dérive à bord d'un canot de sauvetage orange avec un enfant que j'ai pu sauver. Je risque de partir à la dérive, envoyez de l'aide le plus vite possible."

- Le signal repasse en boucle toutes les dix minutes,
- Tu crois que tu pourrais bidouiller un truc pour que l'on sache où il est ?
- Un peu comme la balise GPS que tu ne regardes pas depuis tout à l'heure ?

Je baisse les yeux sur le GPS, étonné. Un petit point rouge clignote dans l'Atlantique.

-Je te rappelle qu'on a quand même le système de sécurité le plus paranoïaque et invasif du monde. Si on est même pas capable de localiser une bête balise de détresse avec un GPS programmé pour fonctionner dans plusieurs dimensions, on est dans la merde !

Je me sens tout con, je ne sais pas si c'est le fait de ne pas avoir vu le GPS, ou celui d'être totalement perturbé par une situation à laquelle on avait été "préparés" qui me fait ça.

- Faut vraiment que je pense à prendre des vacances un jour. Arcaël, prépare-toi car on vient te chercher !"

C'est ainsi que les survivants d'Aleph se lancent dans l'inconnu avec de l'espoir, de la peur, et une mission.

Un grand homme a dit un jour : "C'est une capacité indéniable, et même fondamentale de l'homme lorsqu'il est menacé d'extinction, que de préférer toute autre alternative."

Putain, j’espère qu'il ne s'est pas trompé.

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