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Équipe 4 : D-2108, Johannes, Mortarion et Sonitrok
Mortarion
Jour 13 après la chute d'Aleph
" Ensuite, tu insères l'autre morceau de tube dans le réservoir, pas nécessairement jusqu'au fond, et tu appuies le chiffon mouillé pour que l'air ne passe plus que par les deux tuyaux. Tu souffles dans le court, et la pression fait remonter…. l'essence…. dans le…. long ! "
Alors que D-2108 ponctuait sa phrase de longs souffles le poussant jusqu'à rougir, l'essence passait lentement dans le tuyau transparent pour couler dans le bidon, sous l’œil enthousiaste de Michaël, qui hochait la tête vigoureusement.
" Désolé, petit, mais il vaut mieux pas que tu essayes. Si tu respires ça, pas sûr que tes poumons apprécient des masses. Oui, les miens aussi, me regarde pas comme ça. Je suis grand, point. Et tu restes le meilleur porteur de bidon du coin, on a trop besoin de toi pour te gâcher ! "
Les ronronnements de Michaël parvinrent à Sonitrok, qui jeta un œil vers lui. Il semblait bien vivre la situation, tant qu'on le maintenait trop occupé pour réfléchir à sa gravité, et D s'était révélé étonnamment un excellent renard-humanoïde-sitter. Ainsi qu'un compétent "siphonneur" de réservoir. La vie était pleine de surprises. Quand celles-ci n'étaient pas des lézards immortels de 20 mètres qui tentaient de vous déchiqueter, c'était toujours un plaisir.
Son regard se reporta à la carte. Ils avaient couru dans le mauvais sens, c'était un fait. Mais courir signifiait avoir toujours des jambes, ce qui dans le cas présent était déjà une réussite en soi. Trouver un véhicule dans un parking de supermarché n'avait pas été complexe, et grâce à D, le plein en serait bientôt fait. Proposition avait été faite d'en profiter pour s'approvisionner dans le magasin, mais une réflexion assez fugace les en avaient dissuadés. Si la panique générale était passée par ici, les gens auraient pris leur véhicule pour s'enfuir. Tous étaient encore là. Une paire de menottes condamnant la porte principale avait achevé de les convaincre. Peut être que les gens étaient toujours dedans. Peut être que ce n'étaient plus des gens. Peut être que tout un tas de choses dont on se foutait tant que ça n'en sortait pas.
Un fracas métallique le tira de ses pensées en un sursaut. Le kommissaer était revenu et venait de renverser à côté de la voiture un caddie, fruit d'une demi-heure de vidage de coffres.
" Un démonte pneu, une lampe-torche dynamo, deux bouteilles d'eau, une trousse de premiers soins, une boîte de conneries bio, quatre couvertures, un extincteur, une roue de secours, deux batteries avec pinces crocos, des antibiotiques, un autre bidon vide pour D, et la Commande Personnelle de Monsieur. "
Un coup de pied fit glisser le rehausseur jusqu'au docteur qui l'arrêta d'un coup de talon pour le soulever.
" Bien. Ça fera l'affaire. Je refuse qu'il monte dans un véhicule avec une ceinture de sécurité à hauteur de gorge. C'est amusant, que le seul code que vous ne connaissiez pas par cœur soit celui de la route. "
Un grognement pour seul réponse, sans surprise. L'allemand se contenta de glisser le rehausseur sur la banquette arrière avant de rejoindre Mortarion deux véhicules plus loin, qui observait silencieusement l'essence couler hors du réservoir sous les quintes de toux du Delta et les mouvement de queue approbateur du renard.
Ce fut pourtant Sonitrok qui posa enfin la question.
" Faites une pause, les délinquants. Vous allez finir par vous intoxiquer. Et profitez-en pour nous éclairer : ça vous vient d'où, ce genre de compétences ? "
Combinaison et fourrure se tournèrent, bien contents d'un peu de repos hors de l'odeur entêtante de l'essence. D-2108 se contenta d'un rire, avant de continuer d'un air mystérieux.
" Je n'ai pas toujours été classe-D, vous savez. Et ce genre de truc m'était bien utile quand les vendredis soirs, mon patron ava- "
Un cri retentit de l'intérieur du magasin, trop bref pour affirmer l'espèce. Tous se jetèrent contre la voiture, avant de lever doucement la tête par dessus le capot. Le supermarché se dessinait dans le silence retombé. Les quatre mousquetaires de la pâleur extrême se concertèrent d'un simple regard. Tous avaient vu la même chose.
La paire de menottes gisait à terre, et la porte battait au vent.
Un claquement retentit, quelque part dans le parking.
Les têtes redescendirent derrière la voiture. Le seul à ne pas être devenu blanc le dissimulait uniquement par sa fourrure. Un petit signe de tête suffit à renvoyer l'équipe à la voiture, le bidon sous le bras, et dans un silence total.
La voiture démarra en trombe pour sortir du parking. Personne ne lâcha un mot. Mortarion était sûr d'avoir entendu un second cri lorsque la voiture avait rugi, mais ne lâcha pas un mot. Sonitrok était sûr d'avoir vu quelque chose courir dans le rétroviseur, mais ne lâcha pas un mot. D-2108 était sûr que son bras continuerait de l'élancer s'il ne le retirait pas des griffes de Michaël, mais il ne lâcha pas un mot. Et Michaël… Et bien il ne lâcha pas non plus un seul mot. Inutile d'embêter son père avec des besoins aussi futiles que celui d'un pantalon sec. Des fois, un bon silence était de mise.
Une bonne demi-heure s'écoula avant que le kommissaer ne brise le silence.
" On peut pas continuer comme ça. On va se faire tuer comme des cons. "
Une réflexion commune à tous depuis un bon moment, et accueilli avec un soupir.
" C'est pour ça qu'on fait demi-tour ? Je me disais bien qu'on allait quelque part. D'ailleurs la carte était toujours sur le capot, quand on a démarré. Il nous reste bien les guides Michelin qui servaient de rehausseur pour l'aller, mais autant dire qu'ils sont pas très précis. Surtout quand on cherche un Site de la Fondation. "
" Pas un problème, je connais le chemin. On va juste faire un petit détour, pas envie de la rejouer Mad Max avec les connards de l'apocalypse, et encore moins avec 682. "
Sonitrok lança un signe de pouce vers l'arrière.
" Les méchants de l'apocalypse. Vous avez raison, gardons un environnement sain pour son développement. C'est pas comme si c'était la damnée fin du monde. D'ailleurs, si le petit protégé pouvait cesser de se faire les griffes sur la portière, mes oreilles l'en remercieraient. "
L'allemand soupira, et enleva son bandeau pour le nettoyer.
" Qui ?"
Le silence retomba dans l'habitacle.
" J'en vois qu'une possibilité. On peut pas se permettre d'emmener une équipe de spécialistes pour chaque SCP qu'on risque de croiser. Il nous faut quelqu'un qui les connaisse tous."
Le docteur se tourna pour pouvoir fixer le conducteur. L'inconvénient d'être à la gauche de Sonitrok.
"- Emmener le docteur Johannes sur le terrain ?
- Elle me paraît la meilleure candidate. Et avec le nombre de morts, peut-être la seule.
- Elle ? C'est une femme ? Première nouvelle. Ça ne change rien, cela dit. "
Il se retourna vers la route, les bras croisés.
Ce fut au tour de D d'intervenir, alors qu'il finissait de bander son bras sous les excuses confuses de Michaël.
" Je l'ai déjà vue, on bossait sur une expérience ensemble. Enfin… pas du même côté de la vitre, bien sûr. Et j'ai entendu parler d'elle. "
Le borgne ne prit pas la peine de se retourner pour lui répondre.
"- Pas moi. Quand j'ai besoin d'un dossier, je lui envoie un assistant. J'ai toujours Jormugand ou Namyar qui traîne dans le coin pour faire la commission.
- Oh, je ne prétends pas non plus la connaître, mais j'ai juste entendu dire qu'elle serait autiste, enfin comme il disent maintenant, dans le spectre au-
- C'est une débile ? "
Le regard de Mortarion était fixé sur lui dans le rétroviseur central. Un avantage d'une autoroute vide et droite, on en mourrait pas. Un désavantage, ce regard signifiait parfois plus dangereux qu'un accident de voiture.
"- Pardon ?
- Johannes. C'est une débile ?"
Malgré la tension, Delta ne put s’empêcher d'éclater de rire.
"- Je vois. Vous en faites pas, vous faites partie des 50% de la population qui voit un grabataire baveux en crise d’écholalie quand on parle d'autisme. Pas vraiment mieux que les 50% restants qui s'imaginent un génie incapable de faire ses lacets, mais moins subtil.
- Soyez clair. Mots simples et définition rapide.
- Le docteur Johannes est un membre de la Fondation de niveau 4. Donc je pense qu'elle peut ouvrir une porte, et qu'elle ne reproduira pas des tableaux célèbres avec sa bave sur les vitres. Désolé.
- Parfait. "
Comme à son habitude, Michaël attendit d'être sûr que le silence soit assuré avant d'intervenir de sa voix faible.
"- Mais du coup, c'est quoi être autiste ?
- Excellente question ! On pourrait dire qu'il y a autant d'autismes différents qu'il y a d'autistes. Ce qui le rend un peu dur à définir. Mais pour la plupart, c'est juste une forte intellectualisation des relations sociales. Quand tu parles à quelqu'un, tu analyses ses expressions faciales, l'explicite, l'implicite, et tout ça, tu le fais naturellement. Un autiste doit réfléchir à tout ça. Parler à quelqu'un devient une gymnastique intellectuelle. Pour la grande majorité, on estime qu'une heure de sociabilisation nécessite une heure de repos après coup. D'où cette impression de "bulle" qu'il donnent. Ils ne sont pas nécessairement asociaux, simplement en train de s'en remettre. Beaucoup aiment même être avec des amis, ou parler à des inconnus."
Encore un silence. La nuit commence à tomber, dehors, et les phares de la voiture commencent doucement à apparaître sur la ligne des arbres du bord de route.
" Monsieur D ? Vous savez ça comment ? "
Un nouveau rire. Un nouvel air mystérieux.
" À vrai dire, mon ancien job était assez rébarbatif, mais ils me laissaient au moins avoir accès à la base de don- "
La voiture se souleva sur ses suspensions. Un dérapage la stabilisa, mais ce furent les ceintures qui garantirent à tous la vie sauve. Les coups de pédales pour redémarrer la voiture ne faisaient qu'un bruit sourd de patinage.
Sonitrok massa son torse endolori, non sans lâcher quelques insultes de son allemand natal.
" On a percuté un truc, ou on s'est embourbés ? Les deux, j'ai l'impression… Perché, je pousserai pas la voiture. "
Mortarion descendit le premier, avec pour seule différence de propos des insultes en ukrainien.
"- Chier… On a percuté un truc, mais on est pas embourbé. C'est coincé entre la roue et… et le truc autour de la roue, y a un mot français pour ça ?
- J'en sais rien, kommissaer, mais si on pouvait se presser, ça me plairait. J'aime pas des masses traîner de nuit en forêt. "
Le masque résonnait d'insultes à voix basse, alors qu'armé du démonte-pneu, il s'affairait à décoincer la masse gluante de la roue. Pendant ce temps, Sonitrok somma à Michaël de rester dans son siège, surveillé par D, alors qu'il faisait le tour de la voiture, équipé de la seule lampe torche, scrutant les environs. La forêt était de ce calme insupportable, vivant, qui faisait des bois le théâtre de tant de films d'horreur. Il contourna la voiture pour s'appuyer contre le coffre, le halo se promenant sur l'orée des arbres. Une lampe torche a ceci de fabuleux qu'on peut choisir ce qu'on éclaire. Elle a ceci de terrifiant que l'on choisit donc ce que l'on laisse dans les ténèbres, soit généralement tout autour du petit cercle de lumière toujours insuffisant à se rassurer. Ce n'était pas le moment de faire son enfant. La peur du noir était bien la dernière chose à avoir dans ce monde. Non, la vraie terreur, elle l'attendait bien plus près de lui, et il ne l'avait même pas remarqué.
" Ça y est ! Un genre de chien, j'en sais rien, c'est dans un sale état. On peut y aller ! "
Il leva les yeux pour voir l'explorateur allemand, planté devant lui, penché vers son visage. Ses yeux s'habituant à grand peine à la lumière de la lampe, il remarque l'expression du docteur.
Celui-ci était blanc, les yeux agrandis par une terreur qu'il n'essayait même pas de dissimuler. La terreur sourde, qui vous paralyse, qui ne vous laisse même pas le droit de crier. Il soufflait à peine ses mots, comme pour ne se faire entendre que de Mortarion.
" Parfait. Alors vous montez dans cette saloperie de voiture, et on se tire. Maintenant. "
Le kommissaer se lança instinctivement dans le véhicule. Leur presque-rencontre du matin l'avait convaincu de la nécessité parfois de se passer d'explications. Encore un démarrage en trombe, et la voiture laissait derrière elle la forêt et les fantômes du regard de Sonitrok.
"Allez-vous bien m'expliquer, merde ? "
L'allemand se contenta d'un doigt sur les lèvres, puis se tourna vers la banquette arrière pour vérifier qu'il pouvait parler en paix. Deux têtes reposées l'une contre l'autre, dans un ronflement léger, lui confirmèrent. Il se tourna vers le kommissaer, qui ne manqua pas de remarquer qu'il n'avait pas retrouvé ses couleurs.
"- Le coffre.
- Quoi le coffre ?
- Ouvert."
Le silence retomba. Mortarion soupira, puis se raidit. Il venait enfin de comprendre. Lui aussi commençait à sentir sa gorge s'assécher. Et son souffle se ralentir malgré l'oxygène enrichi que lui envoyait son masque.
"- Depuis combien de temps ?
- Je sais pas. Je veux pas savoir. Je sais pas combien de temps c'est resté dedans. Mais je sais quand est-ce que ça y est entré. "
Un frisson lui parcouru l'échine. Ses respirations profondes résonnaient dans son masque, alors qu'il gagnait peu à peu la même couleur que Sonitrok.
Le cri. La porte ouverte. Les menottes à terre.
Le claquement dans le parking. Le claquement d'un coffre qui se ferme.
"- Donc quand on s'est arrêtés dans la forêt ?
- Peut être. Je veux pas savoir.
- Avec un peu de chance, on psychote et-
- Le fond du coffre est maculé de sang, il manque une couverture et je crois avoir lu "Merci" gravé contre la paroi. "
Le kommissaer sentit une goutte de sueur lui descendre dans la nuque. Il avait accusé il n'y avait pas plus d'une demi-heure Michaël de se faire les griffes sur la portière. Il ne l'avait jamais fait.
"- Je crois que je commence à détester ce foutu monde.
- Vous en faites pas, on arrive. "
Dans la lumière faiblarde des phares apparaissait le grillage, au sol, de ce qui fut autrefois la première ligne de défense du Site. Rien de très fortifié, juste de quoi repousser les civils en faisant passer l'endroit pour une réserve animalière. Mais dans tous les cas, rien de très efficace non plus actuellement. Le véhicule roulait lentement, dépassant les postes de gardes vidés. La deuxième ligne était bien plus impressionnante, mais les plus solides des renforts ne sont pas d'une grande d'aide lorsque les portes ne peuvent plus fermer. La technologie avait ça de désavantageux qu'elle se reposait bien trop sur l’électricité. Les gravats de la grenade de l'agent Neremsa avaient été laissés intacts, conformément aux instructions. Donc il n'y avait qu'à contourner le bâtiment, et descendre par le monte-charge des livraisons pour atteindre l'étage du bunker. Du gâteau.
Ils descendirent de la voiture, les phares laissés allumés en direction du Site. La peur de l'obscurité est comme la fréquentation des films pornographiques. Tout le monde sait, personne n'en parle. Un accord tacite bien pratique, surtout quand la veilleuse peut repousser d'éventuels passagers clandes… Inutile d'y penser. La peur se reconnaît. Et elle se nourrit.
Mortarion ouvrit le coffre et toussa en détournant la tête. Il dissuada D de s'approcher d'un mouvement de main. Ils n'étaient pas assez pour se permettre d'en laisser un seul envahi par la peur. Il lança la lampe torche au Delta et le démonte-pneu à Sonitrok. Le sentiment de sécurité tient parfois à un morceau de métal à mettre entre vous et la lie de ce monde. Le sien claqua lorsqu'il en referma le barillet. Quand le morceau de métal est plus gros que votre main et fait beaucoup de bruit, c'est encore mieux.
La queue de Michaël était repliée par dessus son front. Le désavantage tactique était de perdre une partie du champ de vision, mais l'avantage… était de perdre une partie du champ de vision. Si on ne le voit pas, ça ne peut pas nous faire de mal, n'est-ce pas ? Que celui qui ne s'était jamais réfugié sous une couette pourtant ni bulletproof, ni renforcée, lui jette la première pierre. Il n'aimait pas la nuit. Il n'aimait pas cet endroit. Il n'aimait pas grand-chose de la situation actuelle, sinon de savoir qu'en cas de problème, il était immortel du haut des épaules de son père. Il posa son museau contre le crâne paternel. Un jour, l'allemand avait été jusque hurler sur Mortarion pour le défendre. Pas besoin de s’inquiéter pour quoi que ce soit, donc. Et de toute faç-
Le couinement sorti brutalement de sa gueule alors qu'il sentait une main le tirer vers l'arrière. La réaction fut aussi rapide que violente. Alors qu'il chutait, il vit bondir au-dessus de lui une ombre blanche hurlante. L'herbe réceptionna sa chute sans dommage. Plus personne devant lui. Il se retourna pour retrouver son père.
" DONNEZ-MOI UN ANGLE DE TIR MERDE ! "
Le kommissaer agitait son revolver devant lui, tâchant de ne pas mettre en joue le docteur Sonitrok, qui avait bondi par dessus Michaël pour atterrir sur son assaillant en hurlant. Il tentait tant bien que mal d'aligner, mais il était impossible de ne pas blesser le borgne en tirant. Il ne pouvait que contempler, impuissant, le dos de Sonitrok alors que le démonte-pneu montait et redescendait en aspergeant de sang tout ce que la scène pouvait encore salir. Les jambes de l'inconnu s'agitait faiblement, avant de s'affaisser. Ce qui n'empêchait en rien les coups de pleuvoir et la litanie germanique d'être hurlée. Michaël était venu se blottir contre la cuisse de D, qui l'avait soulevé avant d'essayer d'éclairer la scène pour Mortarion.
Ils ne purent que fixer l'allemand qui se relevait doucement, les bras ballants, mais la croix métallique toujours fermement serrée dans le poing.
"- Papa ?
- Sonitrok, c'était quoi ça, merde ! "
Il contourna le docteur pour examiner le corps. Impossible à identifier. Pas assez de… visage. La mâchoire inférieure était encore vaguement attachée aux épaules, mais le reste était éparpillé dans l'herbe.
" On bouge. Il avait peut être des copains. D, vous portez le gamin."
Delta souleva le renard pour le placer sur ses épaules, et son bras fut arrêté par une main ensanglantée. Il sursauta pour se retrouver devant un regard dur et borgne.
"- Je le prends. Vous encadrez.
- NOUVEAU À DEUX HEURES ! "
La compagnie se tourna sur l'ordre du kommissaer pour faire face à l'inconnu décharné qui venait de sortir de l'ombre. Il ne semblait pas agressif, mais un chien s'arma et un démonte-pneu se dressa. Sa voix était tremblante, à peine compréhensible.
" Gamin… Donnez juste le gamin… Besoin…"
Sonitrok recula d'un pas. Des vieux cours d'allemands rappelèrent à D-2108 ce que Fick dich voulait dire. L'ombre se jeta les bras levés vers Michaël, ignorant le Delta sur son passage, qui lui fit regretter. Une clé de bras, et un coup de paume lui brisa la clavicule. Il le repoussa violemment, puis se jeta sur ses genoux avant de se boucher les oreilles, signal compris rapidement par Mortarion. Le coup de feu déchira la nuit et le crâne de l'homme explosa en un nuage de cervelle et de débris d'os.
Le silence dura une bonne minute durant lesquels les mousquetaires scrutaient les environs à l’affût d'autres surprises. Dos à dos, les trois tournaient lentement. Aucun mouvement aussi loin que la vue portait. Sonitrok se pencha vers Delta.
" Je suppose que les arts martiaux, c'est compris dans le Pack "Origine mystérieuse ?" du -Pas-toujours-été-Classe-D. "
Un sourire fut sa seule réponse.
" On bouge. "
Pas besoin d'être plus détaillé pour que l'équipe se lance en courant en direction de la porte déjà ouverte. Les portes du monte-charge étaient bloquées par une poutre, et une échelle étaient posée contre le rebord. Parfait. Instructions suivies à la lettre. D-2108 fut envoyé en premier, Mortarion gardant son arme braquée sur la porte. Un bref sifflement, et tous le rejoignirent. Moins d'une dizaine de minutes dans un calme aussi inquiétant que rassurant, et la porte du bunker apparaissait.
Elle coulissa, et des gardes armés passèrent entre eux pour se poster derrière eux, l'arme braquée sur le couloir. L'équipe entra, et les hommes reculèrent pour laisser la porte renforcée se fermer dans un craquement.
Des mains se serrèrent, des accréditations furent montrées. Des soupirs poussés, des nouvelles données.
"- Le Louvre ? Putain mes aïeux, si on s'en sort, je me demande qui on va pouvoir accuser pour celle-là…
- Nous ne sommes pas venus pour en discuter, docteur Nacra. On a besoin du docteur Johannes, et on se tire vite fait. "
Tous se tournèrent vers lui, puis se regardèrent.
" Si vous l'avez envoyé dehors, je tire dans le tas. Si vous l'avez mangé par manque de nourriture, je tire dans le tas. Si vous avez dû l'abattre parce qu'elle devenait agressive, je tire dans le tas. Si elle a fait un AVC, ce n'est pas de votre faute. Dans ce cas, je vous trie, je fais un tas de chercheur niveau 1 et 2, puis je tire dans le tas. "
Le docteur Nacra se racla la gorge et essuya ses mains soudainement poisseuses sur sa blouse.
"Hum… C'est plus compliqué que ça. Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c'est qu'elle est vivante. La mauvaise… Elle est là-bas, dans le fond, elle a fait son bureau dans la salle d'archives des protocoles. Allez lui demander, la mauvaise nouvelle. "
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