Tombé du ciel

Équipe 5 : Gabouric, Gray, Holt et Topy

Gabouric

Jour 21 après la chute d'Aleph

Comme à son habitude, le Pr Gabouric se levait à sept heures GMT. Comme à son habitude, il regardait la Terre par le hublot. Comme à son habitude, il buvait sa petite bulle de café avec un regard satisfait. Comme à son habitude, il était fier de son Site-Ayin. Cela faisait presque six mois qu'il avait quitté Aleph, et il savait qu'il lui faudrait bientôt rentrer. Ce dont il ne se doutait pas, c'est que son retour allait être un peu avancé, et que toutes ses habitudes ne seraient plus que de lointains souvenirs.


Lorsque le professeur sortit de sa petite cabine, il paraissait inquiet. Les communications avec Aleph étaient coupées depuis maintenant trois semaines, et le module de communication international n'était toujours pas opérationnel. Ayin était coupé du monde. Ce n'était pas pour lui déplaire, cependant, il se surprit à s'inquiéter pour ses collègues sur Terre à la vue des étranges formations nuageuses qu'il apercevait dans l'atmosphère depuis quelques temps. Mais il ne se laissait pas abattre et continuait son travail comme si de rien n'était. O5-8 l'avait chargé de vérifier le bon déroulement des travaux du site, et en tant que directeur des recherches, il mettait du cœur à l'ouvrage. En se rendant dans le bureau du technicien en chef, il passait devant une porte blindée, fermée d'un triple verrou. Il ne savait que trop bien ce qu'elle abritait, et cette chose l'effrayait toujours autant qu'au premier jour.

Lorsqu'il arriva dans le bureau du technicien, il ne lui fit qu'un signe de la main comme salut. Ce dernier se leva et se dirigea vers le professeur. "Les travaux avancent bien, déclara t-il, le module de communication sera opérationnel d'ici une semaine.
— Bien, vous êtes en retard, mais au moins vous semblez avoir compris que je ne venais pas ici pour parler de votre famille autour d'un café." Sur ce, il fît volte-face et ferma la porte.
Alors qu'il remontait le couloir pour aller inspecter ces fameux travaux, il sentit le sol vibrer légèrement. Il ne s’inquiéta pas outre-mesure et continua de marcher paisiblement, mais quelques secondes plus tard, l'alarme retentit. Gabouric connaissait bien les procédures d'évacuation de la station, il les avaient écrites lui-même, le responsable de la sécurité étant incapable d'aligner trois lignes. Cependant, il restait immobile, pendant que tout le personnel se déversait dans le couloir principal, courant mais restant silencieux, malgré la panique que l'on pouvait clairement voir sur leur visage. Aucun ne prêtait attention à cet homme, debout au milieu de la foule, immobile, paisible. Les tremblements se faisaient de plus en plus intenses, la foule se pressait de plus en plus. Il le savait. Il le savait et cela ne l'affectait pas. Il savait que tous ses collègues allaient mourir. Les ordres avaient été clairs, en cas de brèche de confinement de SCP-086-FR, seul les membres du personnel de niveau 4 devaient être évacués. On ne devait pas prendre le risque de le ramener sur Terre.

Lorsque le couloir fut désert, le professeur retourna à sa cabine et ouvrit l'écoutille qu'il aurait préféré ne jamais à avoir à toucher. Il pénétra à l'intérieur du module de secours, s'attacha à son siège et enclencha la procédure de désarrimage. Dès que le vaisseau se détacha, les secousses ne se firent plus sentir. L'homme se sentait en sécurité, bien qu'il savait que le station pouvait se détruire à tout moment. Alors qu'il était plongé dans ses pensées, une voix métallique se fit entendre : "Allumage des moteurs de manœuvre orbitale." Une légère accélération se fit sentir. "Vitesse d'éloignement : 2,3 mètres par seconde, début du désorbitage dans 143 minutes". Pendant qu'il s'éloignait, le Pr Gabouric regardait la station, qui commençait à se plier sous l'effet des vibrations, par le petit hublot. "Ça ne va pas tarder" pensa-t-il. Après quelques minutes à observer onduler la station comme si elle était faite en caoutchouc, il s'endormit profondément.

"Alerte, alerte ; perte des communications avec le Site-Ayin. Alerte, alerte ; perte des communications avec le Site-Ayin. Alerte, alerte ; perte des commun— ". Le rescapé venait de se réveiller en sursaut, surpris par l'alarme qu'il éteignit immédiatement. Il se redressa pour pouvoir regarder à travers le hublot, maintenant son seul contact avec l'extérieur. Le Site-Ayin avait disparu, une boule de feu l'avait remplacé. Puis plus rien. "Début du désorbitage dans 30 secondes." C'est alors qu'il les vit. Ils arrivaient droit sur le vaisseau. Des bouts de ferraille lancés à une vitesse vertigineuse, que rien n’arrêtait. Ils allaient bientôt arriver à sa hauteur. "Allumage des moteurs de désorbitage, altitude actuelle : 35 786 kilomètre". Le Professeur fut projeté contre son siège. Alors qu'il commençait sa descente, les débris se rapprochaient de plus en plus, ils n'étaient qu'à une centaine de mètres. C'est alors qu'il la ressentit. Elle sortait du plus profond de son être, et surgissait comme un ouragan emportant tout sur son passage, il ne pouvait lui résister. Les larmes commençaient à perler au coin de ses yeux, la peur commençait à l'envahir. "Vais-je mourir ? Non, c'était impossible, il ne pouvait pas, les autres oui, mais lui non. Il était trop important, il ne pouvait pas disparaître et laisser l'humanité dans l'ignorance. Soudain, un violent choc ébranla la capsule et la plupart des voyants de contrôle s'allumèrent. "C'est génial, on se croirait dans une discothèque !" se dit le Pr Gabouric, arborant un large sourire. Mais celui-ci ne dura pas longtemps, un des voyants avait attiré son attention. Les fusées de freinage étaient endommagées. "Ça risque d'être un atterrissage mouvem— " BANG, un autre débris venait de le percuter, et les voyants clignotèrent de plus belle. Bientôt trois, quatre, cinq, six, sept autres vinrent heurter l'appareil, et à chaque fois, c'était la même danse de couleurs, la même mélodie d'alarmes. Puis plus rien. Plus un bruit. Il avait survécu… pour le moment. "Le bouclier thermique est sans doute endommagé, se dit-il, j'espère qu'il tiendra la ré-entrée. Au pire, je verrai juste ce que ça fait de plonger dans 033-FR ou de se faire cramer par un spécimen de 124-FR. Fin' bon, je verrai bien, j'ai encore un peu de temps avant de crever, je vais finir ma sieste." Sur ce, le Pr Gabouric s'endormit net.

Lorsqu'il se réveilla, la Terre avait grossi. Malheureusement, il ne pouvait rien voir par le hublot puisqu'il faisait nuit de ce côté de la planète. Il pouvait cependant apercevoir quelques taches orangées. "Bien, je devrais pas atterrir dans trop longtemps, il faut juste prier pour que le bouclier thermique tienne le coup. À peine avait-il achevé sa pensée que la voix métallique le prévenait : "Entrée dans la stratosphère, altitude actuelle : 49 kilomètres". Le module tombait très rapidement, et le moment fatidique arriva plus vite que le professeur l'avait imaginé. Le plasma se formait petit à petit, pendant qu'il luttait de plus en plus pour rester adossé à son siège. La capsule commença à trembler violemment. Le hublot fut bientôt entièrement recouverte de plasma orange, interdisant au passager de voir l'extérieur. Une minute… Deux minutes… La décélération se fit moins forte. Trois minutes… Le professeur pouvait enfin revoir à l'extérieur de la cabine. Le Soleil se levait, diffusant sa lumière orangée sur la Terre. "Déploiement des parachutes." Une dernière secousse se fit sentir. Le Pr Gabouric ne la remarqua même pas, tant il était subjugué par le spectacle de couleurs qui se présentait à ses yeux. Les nuages rose-orangé se détachaient du ciel pâle de ce début de matinée sur Terre. "Enfin de retour" pensa-t-il, alors que sa capsule approchait à vive allure la ville de Francfort.

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