Vous avez dit "fantôme" ?

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Équipe 5 : Gabouric, Gray, Holt et Topy

Gray

Jour 21 après la chute d'Aleph

« Laisser vagabonder son esprit n’est guère prudent lorsque l’on est volant. Mais c’était plus fort que lui.

Trois semaines à rester cloîtré dans un bunker.

Trois semaines à se demander si on reverra un jour la lumière du soleil, si on respirera encore une fois l’air de la Terre.

Trois semaines à prier pour que la population n’ait été décimée que partiellement, à espérer qu’il y ait des survivants, qu’il y ait encore des gens à protéger.

Trois semaines à infliger son sens de l'humour à ses collègues sans aucune pitié, "pour leur remonter le moral."

Trois semaines à être plongé dans un état comateux dont la prison était quatre murs en béton et l’ennemi l’incertitude de vie et l’appréhension de la mort.

Et, enfin, mais pas des moindres, trois semaines à devoir côtoyer les charmantes jeunes recrues du Site. Parce que bon, ce n’est pas parce que l’on a affaire, une fois de plus, à un probable scénario XK que l’on ne peut pas être l’acteur d’un scénario de classe DVPSA.
Gray enfila ses lunettes de soleil. Ce serait dommage d’être ébloui par les rayons dorés qui pénétraient les fenêtres du véhicule, et d’emmener avec lui Topy en excursion au fin fond d’un ravin.

DVPSA. Drague Voir Plus Si Affinité.

Hélas ! Bien peu de SCP étaient réceptifs à ce genre de scénario. C’est tellement plus simple de représenter une menace de mort systématique pour le monde entier, en étant indestructible de surcroît…

Il esquissa un sourire.

C’est amusant. Ceux qui trouvent leur vie monotone rêvent d’actions et de dangers, et ceux dont c’est le quotidien aspirent à une vie paisible.

- Mais c’est…
La réalité le rappela à l’ordre.
Une silhouette longeait la route. Elle se figea à l’approche du véhicule.
Il se tourna vers Topy, assis à côté de lui. Visiblement, son collègue était autant absorbé par ses pensées que lui.
Il lui désigna du menton l’apparition.
- … Holt, acheva-t-il.
Il arrêta le véhicule, coupa le contact.
- N’oublie pas, il faut rester sur le qui-vive. Le danger peut surgir de n’importe où. N’importe quand. N’importe comment.
- J'ai saisi l'idée ! Bon… J’y vais ! Reste dans le véhicule et tiens-toi prêt à redémarrer, lança Topy, passant son pistolet mitrailleur à sa ceinture.
En deux temps et trois mouvements, il était déjà descendu et parti à la rencontre de l’enfant, non sans avoir jeté un prudent coup d’œil aux alentours.
Les enfants albinos sont déjà peu communs.
Un enfant albinos portant un sac, disproportionné par rapport à son gabarit, et équipé en plus d’une arme lourde, est une scène rare.
Un enfant albinos qui déambulait seul dans un monde post-apocalyptique avec son vélo à ses côtés et ses écouteurs dans les oreilles, comme s’il s’agissait somme toute d’une situation relativement banale… était… comment dire…
- Incroyable ! Tu es donc le seul survivant du Site-Lamedh, l’interrogea Topy, ébahi.
- Oui. Tous les autres ont… Bref, peu importe. Oui, je suis le seul. Par chance, vous avez emprunté cette route. J’espérais croiser quelqu'un un jour ou l'autre… Mais pas une seule voiture ou camion depuis des semaines.
Ils étaient soulagés de le revoir sain et sauf.
- Monte ! Nous devons nous rendre à Brême, il nous reste encore quelques heures de route. Tu dois être épuisé. Et tu nous raconteras tout en route ?
Topy déchargea son ami de son sac et l’aida à déposer ses affaires dans le coffre du véhicule.
- Bon. Selon le GPS, nous sommes tout proches de la frontière, continua Gray. Je compte sur vous pour surveiller les alentours et m’avertir. Ne sait-on jamais…
Puis, orientant le rétroviseur intérieur en direction de la plage arrière :
- Un humoriste n'est rien sans son public, soupira-t-il.
Topy haussa un sourcil.
- C'est toi qui parle d' "humour" ?
- Qu’est-ce que ça fait du bien d’être de nouveau avec ses collègues, conclut Holt avec un grand sourire.

Il leur conta pendant le voyage sa mésaventure sans omettre le moindre détail. Topy demeura silencieux. Gray savait ce à quoi il pensait. Le départ précipité de son ami d’Aleph était de mauvais augure. Néanmoins, il se garda bien de faire le moindre commentaire à ce sujet. L’essentiel, c’est qu’il ait survécu.

Quelques heures de trajet plus tard, ils décidèrent unanimement de faire une pause dans une station-service, à mi-chemin entre Strasbourg et Francfort. Gray s’empara de ses deux FN Five-SeveN, s’assura qu’ils étaient chargés, puis sauta hors du 4x4.
Les autres avaient déjà pénétré l’enceinte du bâtiment.
- Personne, évidemment, constata Gray, faisant le tour des rayons l’arme au poing.
- Bah ! On ne va pas s’en plaindre, déclara Topy en remplissant son sac de divers biscuits, boissons et sandwichs. Marre des rations de survie.
- Ça ne choque personne qu’il n’y ait pas de cadavres ou au moins, de traces de sang, demanda Holt en revenant des sanitaires. Regardez, tout est encore en ordre !
En effet, la boutique était parfaitement rangée, les rayons impeccables, les chaises appuyées contre le bar, le sol reflétant la lumière des néons.
- Pourtant, la station ne vient pas d’être ouverte, jusqu’à preuve du contraire, continua-t-il en tapotant son doigt sur une vitrine, dégageant ainsi la fine pellicule de poussière qui s'y était déposée.
- Peut-être ont-ils tout simplement déserté les lieux à l’approche du danger, fit observer Topy.
- Je note qu'ils ont pris le temps de faire un strip-tease, asséna Gray.
Ils se retournèrent vers lui, incrédules.
- Venez voir.
Ils se rapprochèrent tous les deux de la caisse, où se tenait le chercheur.
- Là ! Par terre…
Il exhiba des habits de couleur, sous-vêtements compris, sous les yeux de ses collègues.
- Ils étaient derrière le comptoir. Ce sont très probablement ceux des vendeurs qui travaillaient ici. Un homme et une femme, apparemment.
- Hum, fit Topy, perplexe.
- Et…Wôah ! Quel bonnet ! J’aurais bien aimé rencontrer la femme à qui ce soutif appartient, déclara Gray.
La déception sincère contenue dans sa voix arracha un sourire à Topy.
- Tenez ! Là-bas. D’autres vêtements, indiqua Holt en pointant de l’index un coin de la boutique. Et encore d’autres par ici. Avec des sacs à main et téléphones portables… et des bijoux… des clés, aussi.
- Nous nageons en plein mystère. Mais ce n’est pas une raison pour s’attarder ici, décida Topy.
Gray l’approuva.
- Oui. Nous avons récupéré tout ce qu’il nous faut, alors je propose de rentrer au véhicule.
Ils sortirent en trombe de la station-service et regagnèrent le 4x4. Topy en profita pour faire le plein d’essence, surveillant anxieusement les parages.
- Je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé ici, murmura Holt une fois installé. Et je n'aime pas ça du tout.
- Jamais entendu parler d’un SCP qui déshabille les gens, dit Gray.
- Peu importe. Nous en saurons sans doute davantage plus tard… Enfin, j'espère. Euh… Topy ? Il y a quelque chose qui ne va pas ?
Le jeune chercheur, debout dehors, avait lâché la pompe à essence. Il fixait les arbres qui bordaient l’aire de la station.
Gray scruta l’endroit par sa fenêtre.
Un squelette, vaguement humain, se cachait derrière l’un des arbres, à une vingtaine de mètres. Seul son crâne, bombé et fissuré, la mâchoire pendante, émergeait de sa cachette, les longs doigts blancs de sa main posés à plat contre le tronc, comme s’il avait été surpris alors qu’il était en train de les épier. Le spectacle était à la fois grotesque et sinistre.
- Qu… Qu’est-ce que c’est que ça, interrogea Topy.
- Je ne veux pas le savoir, lança Gray en ôtant le cran de sécurité de son arme.
Holt, qui l’avait aperçu aussi, l’arrêta d’un geste.
- Non ! Ne tire pas. Nous ne savons pas comment.. ce… cette chose va réagir. C’est dangereux.
- Jamais vu ce truc. Tu penses que ça a un rapport avec la « vaporisation » des gens qui étaient ici ?
Puis il regretta d’avoir employé ce terme qui ne faisait que rendre la situation encore plus morbide. Il se reprit :
- Bon, on s'en tape. Tout le monde remonte ! On met les voiles.
Gray enfonça la pédale d’accélération. Il aperçut une dernière fois dans son rétroviseur, juste avant de s’engager dans l’autoroute, la macabre apparition qui avait à présent dévoilé la partie supérieure de sa cage thoracique et sa deuxième main, accrochée au tronc juste au-dessus de la première.
- Et ce n'est que le début ! Zone Samech, here we are !»

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