Hier et Aujourd'hui

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Équipe 1 : Frog, Grym, Neremsa et Deous

Grym

Jour 70 après la chute d'Aleph

-"Ain't no grave can hold my body down"

Le type au chapeau se retourna. Pas une seule marque des blessures qu'il avait subies, évidemment. Il était bien vivant. Et il parlait le con.

- Tu écoutes Johnny Cash ? À l'époque t'étais plus jazz, si je me souviens bien.

Et merde.
Ils avaient mon système de communication. Ça c'était la merde, ils pouvaient désormais savoir ce que faisaient les autres. Enfin, tant qu'ils communiquaient.

- Alors François, ça veut dire quoi tout ça ?

Le type au chapeau. Hanz. Hanz Heinkel.

- Tu me vires ces barres de fer qui me clouent sur ce caillou et on en reparle ?

Faut dire que j'étais plutôt dans le genre pas très bien installé.
Je me souviens que ces cons avaient essayé de m'assommer. Bon, évidemment, ils avaient pas réussi. Par contre avec les menottes je pouvais pas faire grand chose.
Et ils avaient trouvé rien de mieux pour m'immobiliser que de me planter des espèces de barres de fer immenses dans les bras et les jambes. Un peu comme ces fixations qu'on utilise dans les souterrains pour maintenir les murs. Et s'ils en avaient à disposition, ça voulait dire que ce que l'on cherchait était surement au fond de la pyramide.
Sur le moment je me sentais comme Jésus sur sa croix. Sauf que moi j'étais pas quasiment à poil.

- Hors de question. Tu as vu ce que tu as fait à mes hommes ?

Il indiqua un type qui pressait sa main sur son oreille manquante.

- C'est eux qui avaient commencé ! Et puis son oreille avait un sale goût.

- Toujours le mot pour rire hein ?

- Et toi toujours amoureux des enfants en bas âge ?

- Très drôle. Bon. Passons les politesses. Où sont les autres ?

- Quels autres ?

- Ceux qui te parlaient au talkie-walkie. Commence pas à te foutre de moi.

- Ah, bah faut préciser aussi. Approche, je vais te le dire.

Il s'approcha doucement.

- Tu es sûr que tu veux entendre ? La réponse va pas te plaire.

- Balance, et vite, je commence à perdre patience.

- Y en a un dans le lit de ta sœur, et les autres s'occupent de ta mère.

Bon, on a beau être quasiment immortel, plusieurs balles de P38 dans le torse ça fait jamais plaisir. Et ça fait même plutôt mal.

- Bon, j'aurai essayé en honneur du bon vieux temps. Je t'aurai donné une chance, tant pis pour toi.

- Tu vas faire quoi, me tuer ? Fais-moi rire.

- Tu sais, pendant tout ce temps, j'ai pu réfléchir à comment nous neutraliser au cas où. Et surtout à comment nous faire parler. J'ai entendu pas mal de choses sur toi. En fait je sais quasiment tout ce que tu as fait, même ce que ta chère Fondation ignore – oui, je sais que c'était vous dans l'hélicoptère – et j'ai trouvé un moyen sympathique de faire parler. Et pourtant extrêmement basique. Et tu veux savoir quoi ? Le fait que tu ne puisse pas en mourir le rend encore plus efficace.

Il se retourna.

- AMENEZ-MOI LES PINCES !

Je sentais que j'allais pas être fan.

- C'est étrange la vie hein ? Vous nous avez devancé de quelques jours à Paris, mais pas ici. Et au final, on se retrouve 80 ans plus tard. C'est pas incroyable ça ? Bon en fait si on y réfléchit un peu c'est assez normal vu qu'on peut pas crever. On devait fatalement se revoir non ?

- Je me doutais que tu avais fait la même sur un de tes sbires. Mais sur toi ? Combien de chances tu avais pour que ça marche ? Je t'ai vu crever. Et puis ça ne marchait que sur les porteurs de chromosomes Y non ?

- Dès que ça a marché sur toi, j'ai attaqué un programme accéléré concocté par Krug avec le premier produit. Quand on s'est vus pour la dernière fois, je venais à peine de finir de crier à cause du second produit. Mais tu sais, tes petites provocations minables ne te servent à rien ici. On dit que t'es devenu l'un des meilleurs en torture hein ? Y a quelques-uns de mes gars qui ont fini dans tes mains, d'après ce que je sais.

- Oh, tu sais, si je devais me souvenir de tout les crétins que j'ai croisés…

- On va voir qui de toi ou de moi est le meilleur dans ce cas. Ah, les voilà.

Un type amena des pinces crocodiles. Je commençais à comprendre.

- Pfff, c'est ça ton idée de torture ? L’électricité c'est so guerre froide. En plus t'auras jamais une source suffisante pour…

- N'en soit pas si sûr. Le site a son propre générateur pour assurer les fouilles et les visites des touristes quoi qu'il arrive. Et on a amené un peu de matos.

Il désigna ce que j'avais d'abord pris pour un conteneur EVP. En fin de compte, j'allais vraiment PAS AIMER DU TOUT.

Ils accrochèrent les pinces sur les barres qui m'immobilisaient. Conducteur comme alliage, évidemment. 2/20 en anglais, mais au moins ils s'y connaissaient en physique les salopards.

Et la fête commença.
Ça puait le cramé alors que j'étais en train de régénérer aussitôt que les chairs cuisaient.
Le cramé.
Le cramé humain.
Hanz.
Ravensbrück.

La première chose à faire quand on vous torture, c'est d'essayer de vous réfugier dans un endroit de votre cerveau qui n'a rien à voir avec les informations qu'on essaie de vous arracher.
Et cette odeur.

C'était celle des corps qu'on brûlait au centre d'expérimentation de Ravensbrück, quand j'y séjournais, de octobre 1942 à janvier 1944.

J'avais 24 ans à l'époque.

En 1940, j'avais pris le maquis et j'étais rentré dans la Résistance. J'avais jamais été très adroit, je n'étais pas vraiment un manuel à l'époque. J'étais un jeune homme qui étudiait à l'Université des Sciences de Paris. J'étais rentré là-bas en 1938, pour préparer un doctorat en sciences physiques. Bien qu'il me plaisait de toucher à toutes les autres sciences qu'il m'était donné de connaître.
Mais je n'ai pas supporté de voir professeurs et camarades juifs traités comme des animaux.
Un de mes camarades, Roger, avait un cousin qui était un soldat qui avait survécu à la débâcle de 40, et qui était un de ces résistants de la première heure.

Il me proposait de le suivre pour organiser ce qui à l'époque était appelé terrorisme. Même par les français. Je me suis dit qu'entre terrorisme juste et respectabilité meurtrière, y avait pas trop à chier.
On a fait nos valises avec Roger, et on a rejoint le maquis.

- Tu veux toujours pas parler, j'imagine. Bah, tu sais, c'est juste histoire de pas trop en demander au générateur du premier coup. Il est pas comme nous, il est pas capable d'endurer n'importe quoi sans dommage. DOUBLEZ LA PUISSANCE !

Plus la douleur est pénible, plus il faut creuser et aller vers des souvenirs puissants.
Le jour où on a rejoint la Résistance.
Fini François. Fini Roger.
Il s'appelait le Grand James, et moi Étienne.
Il y avait le Petit Paul, le Gros Paul, Henri, Charles, Antoine, Jacques, et enfin, le cousin de Roger, Pierre. Deux jours après nous arriva un nouveau. Un certain Jean. Il devait mourir quelques années plus tard entre les mains de Klaus Barbie, alors qu'il essayait de fédérer tous les différents groupes de Résistance pour préparer le débarquement conjointement avec Londres. Aujourd'hui son nom est encore dans les livres d'histoire. Il reste seul, comme un homme dans un désert. Jamais à ses côtés ne sont mentionnés tout ceux qui nous ont accueillis. Pourtant, eux aussi sont morts. Pour la France. Pour sauver ce monde de l'enfer de la barbarie. Mais jamais leurs vrais noms ne seront cités dans les livres, car personne ne les a jamais su. Même sous la torture.

On faisait sauter des trains, on commençait à planquer des juifs en fuite, et on essayait de les faire passer dans ce qui était appelé "Zone libre", et au fur et à mesure qu'on avançait on commençait à se faire de plus en plus nombreux. Et donc, de moins en moins sûrs des gens que nous faisions venir dans nos rangs.

Moi, j'étais chargé des bombes. Je les fabriquais à partir de tout et n'importe quoi. Merci l'Université des Sciences. Néanmoins c'était la seule chose dont j'étais capable. Je savais pas tirer, et même avec l'entraînement, ça ne s'arrangeait pas. Je n'étais pas un combattant, je ne savais pas me battre, même avec mes poings, ou un couteau. Je n'avais pas la moindre notion de stratégie militaire, je ne savais pas comment exploiter tel ou tel élément pour me mettre à couvert. Bref, un boulet sur n'importe quel terrain opérationnel.

Et puis y a eu cette merde.

- Putain, j'avais presque oublié à quel point ça puait ce genre de truc. Ça me rappelle ce type… Comment tu l’appelais déjà ? Le Grand James ? Ils auraient pas dû commencer les tests de résistance à la radioactivité directement sur les premiers cobayes. Mais bon, la science avance, les humains meurent, que veux tu. Tu te souviens comme il a fondu ? J'avais jamais vu ça ! Tu veux pas finir comme lui non ? PLUS DE PUISSANCE !

L'inconvénient c'est qu'avec un corps normal, mes nerfs auraient déjà sauté, et je ne sentirais déjà plus rien à ce niveau. J'essaie d'ignorer les abrutis aux accents exotiques qui abaissent petit à petit les leviers du générateur. Va falloir trouver des trucs vraiment puissants pour pas y penser.

J'en étais où déjà ?
Ah. Le coup de filet.
On avait parmi nous un traître. Impossible de savoir qui sur le moment. Mais ce que l'on sait c'est que la plupart d'entre nous se sont fait prendre. En fait, on était plus que cinq après ça. Le Grand James, son cousin Pierre, Hanz, un juif qui avait fui l'Allemagne, le Petit Paul et moi.
Tout les autres devaient être fusillés.
Ils furent parqués dans des trains, direction Strasbourg.
Beaucoup d'entre eux allaient être interrogés. Et détenaient de trop précieuses informations, pas seulement sur la Résistance, mais également sur Londres et ce qui commençait à être appelé le Débarquement.

On était cinq, et ils étaient dans un train. Ma spécialité. La seule, en fait.
Mais cette fois il fallait se battre. Et j'allais avoir un MP40 dans les mains. Moi qui n'y connaissais rien.

On a fait dérailler le train. Ma plus belle bombe. Et beaucoup ont pu se sauver. Mais pas nous cinq.

Manque de chance, un des wagons où étaient assis les officiers s'est détaché et a fait plusieurs tonneaux avant d'arriver juste devant nous. Petit Paul et Pierre sont allés ouvrir la porte, pensant que c'était des prisonniers. Ils se sont retrouvés nez à nez avec des MP40 qui leur crachaient dessus. Triste fin.

Quant à nous, on a pas eu le temps de se rendre compte de ce qu'il se passait, qu'on était déjà entouré de boches gueulards.
D'ordinaire, on aurait été fusillés sur-le-champ. C'est d'ailleurs ce qui a failli se produire. Et quelque part cela aurait été bien mieux.

Mais dans le wagon se trouvait un homme. Un assistant d'un grand ponte Nazi, le Dr. Mengele, bien connu pour ses expériences des plus dérangeantes sur l'humain. Son assistant, bien que moins connu à l'époque, et encore aujourd'hui d'ailleurs, avait cependant largement dépassé le maître. Il s’appelait Herman Krug, et si son maître à penser s'occupait d'expériences menant à assurer la cohérence de l'idéologie nazie, les siennes servaient à être sûr de l'imposer au monde entier. Et tous ses cobayes venaient juste de s'échapper. Sauf les trois crétins qui se dressaient devant lui.

On a été déportés à Ravensbrück, un camp de concentration situé à 80km de Berlin. Si le camp était en façade réservé uniquement aux femmes, il possédait une extension discrète éloignée de quelques centaines de mètres de l'installation principale.

C'était qu'un bâtiment de taille respectable en façade, néanmoins il était protégé aussi bien que le camp principal.
Mais c'était dans une installation souterraine que se passait les choses les plus importantes. Le tout se situait à 1 kilomètre sous la terre. Impressionnant, mais ce qui était planqué dedans l'était encore plus.

- Tu régénères plus vite que moi on dirait. Bizarre, je pensais que j'avais eu la dernière version. Enfin, la dernière version qui agissait directement sur l'ADN. Après y en a eu d'autres pas vrai ? Vous l'avez appelé SCP-500, c'est ça ?

- Apparemment ouais. Mais 500, ça… ça n'avait plus rien à voir au final avec le G.R.Y.M. 500… ça s'est inspiré des données qu'il leur restait pour reproduire du G.R.Y.M. Ni plus ni moins. Enfin, c'est une théorie. Mais Krug était dans le coup, j'en suis quasiment sûr.

- Tu devrais savoir que j'aime les théories. Que serait la science sans théories ? On serait déjà morts toi et moi sans théories je te rappelle. Maintenant on peut parler un peu, ou toujours pas ?

- Bah, y a une théorie comme quoi j'en ai rien à foutre de tes conneries.

- T'es désespérant.

- Je connais un belge qui serait d'accord avec toi. Dommage qu'il soit mort. Au fait, je sais que ça tourne pas rond dans ta tête, mais c'est quoi ton délire avec l'Insurrection du Chaos là ?

- Ah, enfin quelque chose qui n'est pas une connerie et qui sort de ta bouche. Eh bien, vois-tu, quand la guerre s'est finie, il m'a fallu trouver un autre employeur, et l'Insurrection a toujours adoré recruter des personnes issues de systèmes dictatoriaux. Et aujourd'hui enfin, nous avons l'occasion de prendre le pouvoir. Cette apocalypse est pour nous une bénédiction. Nous allons pouvoir nous dresser sur les ruines de ce monde et le diriger d'une main de fer.

- Ta mégalomanie, ça s'arrange pas hein ?

- Laisse moi finir. Pour cela, nous avons besoin… De cette chose qui est dans la pyramide. Qui était à Paris. Et à Washington également. Vos chers O5 ne sont pas très malins. Quand il y a eu tout ce bordel, nous avons filé directement sur votre cher Site 19. Ou ce qu'il en restait. Et là, un message tournait en boucle. Des plus intéressants qui plus est. Mais ça tu dois déjà le savoir je me trompe ?

- Ah ? Mais tu sais pas du tout à quoi sert ce truc ?

- Non. Mais toi tu le sais on dirait.

- Un peu mon neveu. C'est un sextoy géant à SCP, et il faut trouver toutes les parties pour le fai-

- PLUS DE PUISSANCE !

Aucun humour ce con de boche.

Je me souviens du temps passé à Ravensbrück. De notre arrivée surtout. Quand ils nous ont séparés. Le Grand James et moi, d'un côté, et Hanz, de l'autre. Nous pensions au départ que c'était parce que l'allemand était juif. C'est après qu'on a compris pourquoi.

On a passé quelques heures dans notre cellule commune. On s'attendait à la classique. Torture et extirpation de renseignements.

Mais rien.

Et au moment où le Grand James énonçait tout haut ce que nous pensions tout bas :

"Il n'essaient pas de savoir ce que l'on sait ?"

La réponse arriva.
Habillée d'un uniforme SS comme on en fait plus aujourd'hui.
Général chargé du développement des armes scientifiques. Général Heinkel. Général Hanz Heinkel.
S'ils ne voulaient pas savoir ce que l'on savait, c'était parce qu'ils le savaient déjà.

"FILS DE P-"

"Allons, allons, pas de vulgarité entre nous. Mes… camarades."

Et il éclata de rire. Quel connard.
C'était lui qui les avait tous vendus. Mais quelque chose clochait dans l'ensemble. On nous avait appris à reconnaître les galons sur des uniformes. Les primes de Londres pour avoir dégommé un général étaient assez importantes pour pas les refuser quand l'occasion se présentait.

"Qu'est ce qu'un putain de général consanguin foutait dans un petit groupe de résistants ?"

Il s'arrêta de rire et reprit son sérieux. J'avais touché juste.

"Un de nos plans avait été dérobé par une taupe. J'étais responsable de ces plans. Et j'aime faire les choses par moi même. Quand j'ai remonté la piste, je me suis aperçu que la taupe en question était le Gros Paul, voilà qui règle la question de mon arrivée chez vous. Mais au final nous avons tout récupéré. Dommage que je n'aie pas réussi à prévenir le commandement à temps pour le train. De toute façon le Gros Paul n'était pas dedans et ça c'était le plus important. Mais bon, maintenant, vous allez payer. Bienvenue dans mon monde. Demain vous commencez."

Les plans en questions étaient ceux de deux V2 capables de porter une bombe atomique jusqu'en Angleterre. Mais je ne le saurai que plus tard, une fois au dernier sous-sol de l'installation.

Et il est reparti.

Le lendemain, comme annoncé, on vint nous chercher, et on nous accompagna avec une centaine d'autres types.
On nous fit passer des tests de toutes sortes. Et on attaqua une sorte d'entraînement musculaire étrange.
À la fin de la journée, on nous bourra de médicaments et de piqûres, et on nous amena dans des cellules séparées.

Et ça, pendant 1 an et demi. 1 an et demi de coup de crosses dans la gueule au moindre pas de travers et de médocs et piqûres bizarres.

Et un beau jour, Hanz vint nous voir. Suivi du Dr Herman Krug.

"Messieurs, il est l'heure pour vous d’apposer votre brique dans ce grand édifice qu'est le Troisième Reich."

"Le seul endroit où je poserai une brique, mon salaud, ça sera sur ta tombe."

Le Grand James était plutôt énervé ce jour là.
Le soldat qui lui défonça la mâchoire à coups de crosse aussi.

"D'autres réclamations ? Bien. Le Dr Krug va vous expliquer la suite des événements."

Il s'avança, vêtu de sa blouse.

"Bien. Cela fait maintenant 18 mois que nous vous injectons directement à tous des produits dans l'organisme. Chacun d'entre vous a reçu un produit légèrement différent de tout les autres. Maintenant que votre organisme s'est habitué à ce produit et a commencé à en produire, nous allons ajouter un autre produit, qui va, en quelque sorte, l'activer."

Deux connards sur cents avaient compris. Re-merci l'Université des Sciences.
Un traitement sur la durée qui visait à faire secréter certains produits par le corps lui-même, avant d'ensuite faire entrer en jeu un deuxième réactif qui devrait créer une réaction en chaîne, qui je suppose, devait ne pas s'arrêter.

"Maintenant. Vous allez souffrir. Mais j'ai dans l'espoir qu'au moins un quart d'entre vous survivront. Enfin, vous savez, même en sciences, nous avançons parfois à tâtons. Bonne chance messieurs."

Il était mauvais en calcul en plus le con. Seulement dix survivants. Sur une centaine de gars vigoureux. Et ceux qui survivèrent étaient pas mieux.

Je sais pas ce qu'avait fait le produit des autres. Mais quand on m'avait injecté le mien, j'ai cru qu'on avait changé mon sang en lave.
Mon agonie dura deux semaines entières, sans dormir, ni boire, ni manger. Juste la souffrance, les cris et l'espérance de la mort. Mort qui pour la première fois depuis le début de la guerre semblait absente.

Et d'un coup, plus rien. Du tout. La douleur s'en alla d'un coup.

Deux jours plus tard on rangea tous les survivants ensemble. Le Grand James avait survécu, aussi. Mais son visage était blême.

Hanz prit la parole devant les dix derniers d'entre nous.

"Nous pensons beaucoup trop que la guerre se gagne avec des soldats. Mais en fait, bientôt, c'est la paix qui se gagnera avec eux. Grâce à vous. Savez-vous ce qu'est la bombe nucléaire ?"

Deux connards encore comprirent. Théorisée quelques années plus tôt, on savait de source sûre que les Allemands et les Américains essayaient d'en construire.

"Eh bien voyez-vous, c'est une bombe assez puissante pour raser une ville. Malheureusement… À quoi sert de raser une ville si on ne peut pas passer par ses ruines ensuite pour avancer ? Ce genre de bombe produit de la radioactivité. Et il se trouve que les êtres humains normaux supportent mal la radioactivité. Mais pas certains d'entre vous. Nous vous avons modifiés. Le premier produit que nous vous injections devait créer un gène… sur un chromosome que seuls les hommes possèdent. Le développement chez la femme n'a pas encore été travaillé pour l'instant. Et le deuxième produit devait activer le premier tout en assurant une stabilité ad vitam eternam de votre ADN.
Désormais, nous allons voir si tout cela a réellement marché. Si nous avons des soldats capables de traverser des zones irradiées. Car nous avons déjà la bombe. Il ne nous manque plus que vous."

Déjà la bombe ? Impossible, les premiers c'était le projet Manhattan, me direz-vous.
Et bien non. Hitler avait vu venir de loin. Et pour une fois, il avait fait les choses bien. Les allemands avaient deux V2 nucléaires à disposition, ici, à Ravensbrück. Mais j'allais le savoir qu'après.

"Je pensais que tu craquerais avant, François. Tu me déçois et tu m'étonnes à la fois. Tu m'as toujours étonné d'ailleurs. Toujours rien à dire ?"

Putain, j'en perdais le fil. Hanz ? Syrie ? Non. Égypte. Putain je faisais quoi là ? Ah oui. La partie du SCP. Sauver le monde. Une connerie du genre.

"Ça dépend, t'as pas un truc à boire ? J'ai la gorge sèche là."

"Tu peux pas avoir la gorge sèche, François. C'était ta dernière connerie."

Et il fit un geste.
Et un enfer d'électrons se déchaîna sur moi.

On nous avait conduits devant une porte blindée qui menait à un laboratoire. Le laboratoire longeait un couloir, et depuis une gigantesque vitre blindée, on voyait tout ce qu'il se passait dedans.

Ils nous firent rentrer un par un. On était dix.

Je passai en dernier. Je m'efforçais de pas regarder. Mais les cris… Et l'odeur des fours qui brûlaient les cadavres de ceux qui n'avaient pas tenu le coup.

Dans la salle, il y avait de quoi créer un accident de criticité. Pour produire de la radioactivité à haute dose à notre contact. Pour voir si on résistait.

Ils sont tous morts. Fondus, plus ou moins vite. Certains fondaient, régénéraient un peu, et fondaient pour de bon.
Le Grand James fut un de ceux qui partirent le plus vite en bouillie. Triste fin.

Chaque pause pour nettoyer entre deux expériences était terrifiante. Chaque expérience l'était encore plus.
Neuf morts. Cet enculé de Krug semblait déçu. J'hésitais entre la peur de crever et l'envie de détruire ses rêves.

Subir une haute dose de radiation c'est rarement rigolo. Mais c'était une lutte. Entre eux, et moi.
Tout brûlait, mais rien ne cédait. Ça tenait le choc. Ça sentait le cramé, mais ma peau était quasiment intacte. Les sourires de Krug ne trompaient pas.

C'était bon.
Je me souviens plus trop de comment ils m'ont sorti de cette salle. Ils ont dû me laver avec un drôle de shampoing et des combinaisons, si je me souviens bien.

Et puis ils m'ont attaché dans tout les sens. Pendant 5 mois. Des tortures, tous les jours, pour tester les limites, des prélèvements. Sans anesthésie, ni quoi que ce soit pour aider la cicatrisation. Celle-ci se faisait toute seule de toute façon.

Et un beau jour, ils ont dû penser qu'ils avaient assez de données sur moi.

Ils avaient jamais essayé de me tirer une balle dans la tête. Ils pensaient sûrement que ça m'affecterait comme n'importe qui. Et que de me foutre dans ce putain de four suffirait.

Erreur.

Trois jours. Passés dans un four en activité permanente. À attendre que quelqu'un ouvre la porte.
Et c'est un pauvre con d'aryen qui s'est retrouvé avec un type en feu sur la tronche.

J'avais un MP40, et deux grenades à main, une bonne connaissance des bâtiments, une immortalité apparente, et deux personnes à tuer.

J'ai tué une dizaine de SS avant d'arriver à en faire parler un.

Krug n'était plus là. Il était parti pour Paris. Mais Hanz était là. Il était parti inspecter les bombes, au tout dernier sous-sol.

Un sur deux. L'autre devrait attendre.

Le tout dernier sous-sol. Fallait que je compte sur cet abruti un peu trop bavard pour m'y amener.

Et une fois en bas, rien.

Des explosifs de toute sorte, deux V2 portant chacun une bombe nucléaire, et un enfoiré qui ne m'avait pas guidé là où je voulais.

Hanz avait dû entendre les coups de feu, il était loin maintenant.

Mais avant il me fallait détruire cet endroit. C'était le grand retour du maître des bombes. Je pris disposition des différents explosifs présents et j'en fis une bombe assez costaude pour faire s'écrouler tout le souterrain. En espérant que les V2 ne pètent pas aussi. Enfin, quoique, au final, je m'en foutais à présent.

J'enclenchai une sorte de minuteur de fortune. Une demi-heure. Juste assez pour atteindre l'ascenseur pour la surface.

Et c'est en remontant que je l'ai croisé. Au bord d'un escalier.

Hanz et deux de ses sbires. Les bras chargés des résultats de leurs recherches.

Quelques balles plus tard, j'eus droit à mon face à face. Avec le traître, le geôlier. Le salopard ultime.

"Je me doutais que c'était toi cette alerte. On savait que les résultats avaient dépassé nos espérances, mais à ce point… Tu étais censé résister uniquement aux radiations, et maintenant… tu est immortel. Ton métabolisme a été boosté comme jamais… Mais tu peux fuir. On finira par te foutre dans une prison. Tu ne peux pas mourir, mais tu ne peux pas traverser les murs. LE TROISIÈME REICH VAINCRA ET CECI GRÂCE À TOI !"

Plutôt bof comme ultimes paroles avant de dégringoler au milieu d'une cage d'escalier pour mourir 50 étages plus bas. Enfin c'est ce que je croyais à ce moment-là.

Quelques minutes plus tard, j'avais rejoint la surface, tout explosa, et ceux qui n'étaient pas morts en essayant de me tuer s'enfuirent en voyant cet homme recouvert de sang et de cendre ne pas mourir.
Alors que je me baissais pour ramasser un uniforme sur un cadavre à l'abri des regards, je sentis quelque chose se décoller du sang présent sur mon torse. Un collier. Une plaque militaire. Celle que m'avait donné Hanz quand j'étais sorti de la salle aux radiations.

"Tiens toi qui apprécies tant les américains. Voilà quelque chose dans leur genre, ils aiment avoir ce genre de plaque. On a même mis le nom du programme en français pour toi dessus !"

Et il était parti en riant.

Mes yeux se posèrent sur l'inscription.

Gène de Régénération Y du Métabolisme, sujet 001.
Gène de Régénération Y du Métabolisme.
G.R.Y.M.
GRYM.

Ce nom qu'ils m'avaient donné serait celui de leur perte.

"TU VAS PARLER BORDEL ?"

Ravensbrück. Paris. Paris, avec les allemands ou avec les insectes ? Krug, ou Frog ? Bière-Aime-Ça ? Non. NEREMSA.

François ou Grym ? L'empoté, ou le survivant ?

"JE TE JURE QUE TU NE BOUGERAS PAS DE LA TANT QUE TU N'AURAS PAS PARLÉ FRANÇOIS !"

François.

Et un éclair de feu dévisagea l'homme au chapeau avec l'accent allemand.
Joli tir le belge.

Attends. Quel belge ?

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