Marc ne découvrit qu’un cul de sac, les couloirs du site Aleph avaient tous été intégralement remplacés par un dédale de corridors, dont les tuyaux qui parsemaient les murs laissaient parfois échapper de la vapeur.
Le calme de la nuit n’aida pas Marc à rester éveillé, la fatigue l’envahissait peu à peu lorsqu’une voix émanant de son talkie-walkie le fit sursauter.
« Marc ? Alors comment ça se passe de ton côté ? »
« C’est le calme plat, on se fait même plutôt chier à la longue. »
« T’inquiète pas, il est six heures moins 20, la relève va pas tarder à arriver et tu pourras aller te pieuter tranquillement chez to-
La voix du collègue de Marc fut tout à coup remplacée par les grésillements de son appareil, il ne recevait plus rien. Il essaya d’interpeller son ami plusieurs fois, en précisant bien que si c’était une blague, elle n’était pas du tout drôle. Rien. Il se mit à changer désespérément de fréquences pour essayer de contacter quelqu'un. Toujours rien.
Bien décidé à découvrir ce qui se tramait pendant sa garde, Marc, en homme noir d’un mètre quatre-vingts baraqué et avec une grande confiance en lui, s’élançait dans les couloirs du site Aleph, à la recherche de la raison qui avait provoqué l'arrêt brusque de la communication. Celui-ci, arme au poing, parcourait les couloirs entièrement vides à cette heure-ci, lorsque tout à coup, apparut une silhouette très particulière. L’individu de dos, ressemblait à un homme d’un mètre soixante-quinze, portant un Fedora marron sur la tête ainsi qu’un pull venant probablement tout droit des années 80, au vue de ses rayures alternant entre le vert et le rouge. Ce qui interpella le plus Marc, était l’espèce de gant que portait l’homme, c’était comme s’il y avait quelque chose qui brillait au bout. Comme des lames. Mais à peine le garde commença à s’approcher de celui-ci pour l’aborder qu’il disparut.
Ne comprenant pas ce qui était en train de se passer, Marc pivota sur lui-même, guettant une quelconque attaque de l’individu, quand il entendit un bruit. C’était comme le crissement du métal qui provenait d’un couloir à la droite du garde, celui-ci approchant avec méfiance de l’origine du son, le bruit du métal se rapprochant ne l’aidant pas à se rassurer, il découvrit à son détour une toute autre vision que celle à laquelle il s’attendait. Un couloir qui n'appartenait normalement pas au site, celui-ci était sombre et éclairé par seulement quelques petites ampoules, il y faisait incroyablement chaud et le bruit d’une sorte de machinerie provenant de partout à la fois, emplissait la galerie. Se retournant, Marc ne découvrit qu’un cul de sac, les couloirs du site Aleph avaient tous été intégralement remplacés par un dédale de corridors, dont les tuyaux qui parsemaient les murs laissaient parfois échapper de la vapeur.
Le garde avança, pointant toujours son arme droit devant lui, prêt à en user si nécessaire. Le bruit de ses pas qui résonnaient sur le sol fait en plaques grillagées et celui de la machinerie l'empêchait d’entendre quoi que ce soit d’autres. Progressant dans ce labyrinthe de manière hasardeuse, il se surprit en sentant son rythme cardiaque accélérer en croyant apercevoir une ombre sur sa gauche. Son entraînement pour intégrer la Fondation avait beau avoir été intensif et être fait pour pallier à quasiment toutes les éventualités, celle-ci n’en faisait pas partie. Continuant dans la direction où il avait aperçu l’ombre, il découvrit une grande chaudière à un étage inférieur, il se sentit comme attiré par celle-ci. Il descendit l’escalier qui le séparait de celle-ci et, une fois en face, essaya d’ouvrir la porte pour découvrir ce qu’il s’y cachait derrière. La chaleur provenant de la machine lui donnait presque le tournis et c’est en découvrant ce qu’il y avait derrière que l’agent eu vraiment peur. En plein milieu des flammes se trouvait un corps suspendu par des chaînes, celui-ci brûlait intensément et il avait l’air d’avoir été poignardé grâce à de nombreuses aiguilles toujours plantées dans sa chair. Cette vision provoqua en l’agent un immense dégoût, qui s'intensifia lorsque celui qu’il pensait mort, se mit à se mouvoir et à hurler si fort, que l’on pouvait l’entendre même au travers du crépitement des flammes et des cliquetis de la machinerie. Marc voulu s’enfuir, la peur au ventre et une envie de vomir l’envahissant, mais à peine eut-il le temps de se retourner, qu’il se retrouva face à la silhouette à l’origine de cette horreur. L’homme ne lui laissa pas le temps de lever son arme qu’il plantait déjà les lames aiguisées de son gant dans la gorge du garde. Il put à peine prononcer un dernier bafouillement avant que le sang finisse de s’infiltrer dans ses voies respiratoires.
“K-Kru-Krueger…”
Le garde, à présent à genoux, sentait le sang s’écouler de sa gorge sans ne rien pouvoir faire. Il regarda l’homme face à lui, même si celui-ci était à présent carbonisé, il connaissait bien son visage. C’était le visage d’un ancien cauchemar dont ils pensaient tous s’être débarrassés à jamais. Sa voix rauque résonna pour la première fois depuis des années :
“Tu savais qu’une fois que le coeur ait arrêté de battre, le cerveau fonctionnait encore pendant sept minutes ?”
L’homme regarda une montre qui venait d'apparaître sur son bras gauche.
Il se mit alors à rire.
“On a encore six minutes pour jouer.”
Une dizaine d’agents étaient déjà présents sur la scène de crime avant même que Myers, l’enquêteur en chef chargé de découvrir si la mort était d’origine anormale ou non, puissent arriver. Myers enfila une tenue pour ne pas contaminer la scène de crime et s’adressa à l’assistant du médecin légiste.
“C’était qui ?”
“Il s’appelait Marc Holland, 39 ans, il faisait partie de la garde de nuit ici depuis sept ans, à part une petite altercation une fois avec quelqu’un, il n’avait rien de spécial, il se contentait de faire son boulot. Il a été retrouvé dans un couloir par son collègue, il était allé le chercher parce qu’apparemment après un contact par radio, celui-ci aurait subitement arrêté de parler. Pour vérifier que tout allait bien, il est venu le voir et l’a trouvé se noyant dans une mare de son propre sang, le premier diagnostic fait par le médecin légiste est une hémorragie provoquée par un instrument possèdent quatre lames. Et c’est tout ce qu’on sait pour le moment, pas d’autres traces d’ADN que celles des gardes et eux n’auraient pas pu le tuer. On en saura peut-être plus à l’autopsie.”
“On a aucune piste concernant une anomalie ou un groupe d’intérêt ?”
“Absolument rien.”
Myers observa le corps du garde, il remarqua les quatre incisions à la gorge dont lui avait parlé l’assistant, elles étaient nettes. L’enquêteur se dit alors que c’était probablement le meilleur indice qu’ils avaient pour cette enquête qui lui semblait bien plus compliquée qu’il n’y paraissait.
Le chef de la sécurité interpella alors l’enquêteur.
“Jeff ! On a récupéré les vidéos des caméras de surveillance. Je me suis dit que ça t'intéresserait.”
Assis devant son bureau, Myers se prépara à visionner les derniers instants de la vie du garde.
Il le vit à son poste de garde 20 minutes avant sa mort, celui-ci parlait dans sa radio quand tout à coup, il s’endormit.
Quelques secondes plus tard, il se leva, l’arme au poing et commença à progresser dans les couloirs du site Aleph. Cette scène continua pendant plusieurs minutes lorsque d’un coup, il eut l’air d’être effrayé par quelque chose, puis en se retournant, les quatre incisions présentes sur son cou, apparurent. Le garde tomba à genou, tenta de marmonner quelque chose qui était totalement indescriptible. Puis, après être tombé au sol, il fut pris de nombreux soubresauts, comme s’il était poignardé à de multiples reprises. Quand tout s’arrêta, le garde qui avait découvert le corps apparut, à ce moment-là, Myers n’y comprenait plus rien. Il n’y avait littéralement rien sur les caméras et aucune anomalie pouvant correspondre n’était, à sa connaissance, sur le site Aleph.
La seule réaction qu’eut l’inspecteur au visionnage de ses images fut :
“Putain, mais qu’est-ce que c’est que ça ?”