Un cirque naufragé

Un craquement soudain brisa le silence du vaste plan de paysages blancs s’étendant à l’infini que les Clowns du Cirque de l’inquiétant connaissaient sous le nom de Champs des Téléphones, une série de "Nexus" leur servant à voyager rapidement. Ici et là, des morceaux de différents paysages semblaient émerger de nulle part, allant des déserts arides aux forêts embrumées ; des copies spatiales d’anciens Sites où le Cirque s’était produit, qui servaient maintenant à autre chose qu’à accueillir des spectacles. Toutes sortes de téléphones géants étaient disposés en travers de ces mini bulles de décor, des téléphones à cadran rotatif, des téléphones cellulaires, et même des coupes rattachées entre elles par de la ficelle de mauvaise qualité ; certains n’avaient jamais été Décrochés, et avaient été laissés ici à disparaître et pourrir alors que les Amoureux du Rire immobilisés se desséchaient par manque de Lait. D’autres apparaissaient dans un Nexus et disparaissaient vers un autre endroit en un instant. Le son d’une sortie était similaire à celui d’un pétard et d’une trompette en même temps.

Bang-POUET !

Bang-POUET !

Bang-POUET !

Encore et encore.

Bang-POUET !

Encore et encore.

FWOU-OUU-OUP ! ZING ! DING ! DING ! DING !

Ou peut-être plus comme le bruit d’un jeu de marteau de carnaval ?


Dans un nexus de récupération ressemblant une plaine déserte et poussiéreuse, une douzaine de cabines téléphoniques rouge étaient abandonnées. C’étaient tous d’anciens modèles de transport par Amoureux du Rire. Des prototypes très peu fiables. La plupart d’entre eux avaient été balancés dans cet amusant cimetière ; certains d’entre eux avaient toujours les restes de leurs malheureux cavaliers à l’intérieur d’eux. Cette jonction n’était même plus en service ; c’était plus une décharge qu’autre chose.

Mais, comme tout vieux numéro de téléphone, il y avait toujours quelqu’un pour l’appeler par erreur.

FWOUU-OUU-OUP ! ZING ! DING ! DING ! DING !

Un téléphone à cadran rotatif écarlate crépitant, fumant et tourbillonnant apparut de nulle part et atterrit dans la terre dans un grand boum retentissant.


"Eugène, tu es de retour !"

OUUUAIS ! OUUUAIS OUUUAIS OUuuuuuuaaaAAIIi, ii, ii,, iiiiiiiiiiis,, Crac, crac, crac.

"Ack, Pius, lâche moi !"

"Excuse-moi Eugène ; tu n’étais qu’une balle de boue il y a encore quelques secondes !"

"La vache, c’est sombre là-dedans. J’y vois que dalle !"

"Attends ! Laisse-moi t’aider !"

"Argh, Pius, pas le projecteur ! Pas le projecteur ! Baisse la lumière !"

"Désolé Eugène ! Viens, je vais te guider jusqu’à ton siège !"

"Non Pius ! Tu me crames les yeux, nom d’un Monstre !"

"Non, vraiment, laisse-moi juste—"

"Pius, arrête !"

"Eugène, est-ce que tu—"

Splash !

Ploc… ploc…

"…Bon sang, Pius, ce truc fait des tâches."


Eugène et Pius les Clowns étaient assis l’un en face de l’autre sur des sièges ressemblants à ceux de montagnes russes à l’intérieur de l’énorme combiné téléphonique (également connu sous le nom de Mortimer l’Amoureux du Rire) tandis que l’Entrée des gladiateurs jouait en fond pour les faire patienter. Pius balançait doucement sa tête d’avant en arrière ; Eugène était crispé alors qu’il essayait d’ignorer l’une des seize chansons qui tournaient en boucle depuis plus de cinq heures. Il pouvait tolérer "La Parade des éléphants roses" jusqu’à un certain point, mais à chaque fois qu’il entendait le remix électro de "L’Entrée des gladiateurs", il souhaitait pouvoir se boucher les oreilles avec la Merveilleuse Molasse d’Herman Fuller.

La scène solitaire ressemblait à la cale d’un vieux navire ; c’était sombre, il y avait de l’écho et c’était partiellement inondé. Quand Mortimer avait atterri, il avait méchamment fissuré la paroi intérieure, laissant s’échapper du Lait de Clown dans le compartiment. Une fuite était une mauvaise nouvelle pour tout Clown tentant de rentrer à la maison. La quantité de Lait perdue à cause d’une fuite avait une influence désastreuse sur la fenêtre de temps pendant laquelle ils peuvent espérer être récupérés ; tous les Amoureux du Rire diffusaient un signal d’attente vers le standard de récupération disponible le plus proche, et quand le Lait s’asséchait, l’appel aussi. Jusqu’ici, Eugène et Pius étaient restés assis pour près de sept heures, assis dans la douce substance goudronneuse, à l’étroit, dans la chaleur, et généralement misérables.

"Ça… pue." Eugène se pinça le nez de dégoût alors qu’il continuait de respirer l’air aride empuanti par le Lait de Clown aigre, d’une odeur légèrement sucrée, mais principalement rance, semblable à la puanteur du chloroforme et des œufs pourris. "Mortimer s’est cassé un tuyau ou quoi ?"

"Ouais, on dirait bien," répondit Pius avec inquiétude, passant sa main sur une fissure parcourant le côté droit de la cabine ; de la boue noire s’infiltrait par la fente, l'épais plic-plocdes gouttes tombant dans la marre couvrant les chaussures des deux Clowns résonnait dans la cabine. "Oh, Mortimer, qu’est-ce que tu t’es fait cette fois, mon pauvre Amoureux du Rire ?" demanda Pius au plafond. Plic-ploc. Plic-ploc.

"Quand nous serons rentrés au Cirque, je ferai Accorder Mortimer." grogna méchamment Eugène avec exaspération.

"Oh, allez, Mortimer ne mérite pas ça." répondit Pius. "Il a juste des problèmes de connexion."

"Qu’est-ce que tu es, un sympathisant à la cause des Amoureux du Rire ?" renifla Eugène. "Tu es tellement progressiste, Pius."

"Hahaha. Tu es tellement drôle, Eugène."

"Bien obligé, c’est dans la description du boulot."


"Dans quel Nexus avons-nous atterri ? Ils en mettent du temps, tu ne trouves pas ?" demanda Eugène en se tournant les pouces.

"La ligne par défaut doit être le … Lac je crois ?" se remémora Pius. "Mais nous n’avons pas le mal de mer, et nous ne tanguons pas, donc nous devons probablement être dans un des Champs. Je demanderais bien un ping à Mortimer, mais il est de toute évidence toujours cassé, ou en panne, ou en train de faire ce que fait un Amoureux du Rire quand il a des problèmes."

"Donc on doit juste attendre maintenant ?"

"C’est ça."

"Okey-dokey alors." Eugène relâcha légèrement la tension de ses épaules. "Les Champs de blé, hein ? Ils ont clairement vu une bonne quantité de fiascos. Je me demande ce que devient Toby ces derniers temps."

"Aussi occupé que d’habitude, je suppose. N’oublie pas, il est également en charge des Champs de maïs."

"Aouch, le pauvre gars. Devoir sortir tous les zouaves de ce Maïs tordu."

"Oh, t’imagines même pas. Tu te souviens de cette fois ou des Bouffons se sont d’une façon ou d’une autre retrouvés là-bas ? Ils foutaient la trouille de leur vie à tous ceux qui apparaissaient. Les lignes sont devenues instables et on a failli avoir une réémergence au-dessus de Wiltshire."

"Ces petits bâtards auraient fait un de ces sacrés cercles de culture quand ils seraient arrivés." Remarqua pensivement Eugène, un sourire narquois aux lèvres.

"On a dû aller invoquer Samuel pour les sarcler," continua Pius. "Ça a pris un mois de faire repousser toutes les connections."

"Foutues querelles familiales."

"Foutus Bouffons avec leurs Mélangeurs."

"Hahahahaha."
"Hahahahaha."

"Haha."
"Haha."

"Eh-heh…eh-heh…huhhhh….."

"Huh."

"Arf, il n’y a même pas une fenêtre pour regarder à l’extérieur. Le Lac offre une plutôt belle vue, et les Champs ne sont pas désagréables à regarder en été."

"Tu ne voyages pas vraiment en première classe actuellement, Eugène. L’urgence de la situation et tout ça, tu te souviens ?"

"Eh bien, ça pourrait être mieux, mais je ne vais pas me plaindre."

"C’est nouveau ça."


"Qu’est-ce qui arrive aux Clowns quand ils commencent à se décomposer ? Est ce qu’on ressemble à peu importe ce à quoi on était quand on a décidé d’en finir, ou un truc du genre ?"

"Ne commence pas à dire ce genre de chose, Eugène, ton pessimisme est contagieux." Lui demanda Pius, regardant ses pieds.

"Oh ça va, détends-toi un peu," rétorqua ingénieusement Eugène. "Hey, Pius, on joue à un jeu. Devine ce que je suis ?" La tête d’Eugène se sépara en deux, chacune d’entre elles arborant un ridicule chapeau à froufrou et à clochettes qui tintaient furieusement. Les chapeaux rouge et noir étaient parfaitement attachés à ses têtes, comme la crête d’un coq, et les grelots remuaient tous seuls comme des queues de serpent à sonnette. Quatre paires d’yeux luisaient d’un bleu iridescent et ses voix montèrent, comme s’il venait d’inhaler tout un bidon d’hélium.

"Tu es un Bouffon n’est-ce pas ?" devina Pius sans même daigner lever le regard.

"Ohh, mec, t’es pas drôle," couina Eugène, irrité. Ses têtes redevinrent celle d’un seul Clown, maintenant contrarié.

Pius remua la jambe d’agacement tout en tentant de trouver une nouvelle position plus confortable ; il commençait à vraiment se sentir à l’étroit dans la cabine.

"Tu n’arrêtes pas de t’agiter, Pius. Qu’est-ce qui se passe ? Le démon de la danse s’est fait son chemin en toi ?"

"Je n’ai pas de parasite, Eugène," le rembarra Pius d’un ton irrité, alors qu’il remontait son genou gauche à lui. "J’essaye juste de-"

FPPPPPTTTT. Un long, interminable son relativement grossier résonna à travers la cabine.

"Bon Dieu, Pius, retient toi veux-tu ? Ça pue déjà bien assez comme ça."

"Ce n’était pas moi c’était—"

GLOP.

Une grosse bulle de Lait de Clown força son chemin au travers de la fissure de la cabine et éclata, répandant un brouillard goudronneux plus si frais que ça sur Eugène et Pius. Les bruits de flatulences provenant de l’extérieur continuèrent de résonner.

Eugène grimaça. "Mec, Mortimer, reprend toi. On compte sur toi là, mon pote."

Pius tapota gentiment le côté de la cabine.


"…ET C’EST À CE MOMENT QUE JE SUIS ENTRÉ ET QUE J’AI DIT À CE MONSTRE DE FOIRE ; MONSTRE DE FOIRE— HEHEHEH — HEHEH — merde. HEheh ! Heheh !!! Hurgblblblbl !!! Blrrrrrrbbb !! Je perds la boule. Je perds la boule. Non. Non, non, non, non ! Pius ? Pius ? Pius ? Pius ? Pius ? Pi ? Pomme ? Cerise ? Tarte à la crème dans la figure ? Bon sang !!! Pius !"

"Pius ?"

Pius se réveilla le premier pour ce qui serait le quatrième jour consécutif qu’il allait passer avec Eugène à l’intérieur du récepteur de Mortimer. Leur Amoureux du Rire n’allait pas mieux, et la santé mentale des deux Clowns n’allait pas en s’améliorant. D’autres fuites avaient trouvé le chemin de la cabine, et l’air était de plus en plus saturé d’un niveau quasiment narcotique de Lait de Clown.

"Hey, hey ! Pius ! Pourquoi est-ce que tu as ce truc sur ton… visaaage… hein ?" Eugène faisait des gestes vers le masque à gaz que Pius avait fait apparaitre sur sa bouche et sur son nez.

Pius grogna de faiblesse et d’exaspération. Il ouvrit légèrement ses yeux en manque de sommeil. "Enfile ton masque, Eugène," marmonna-t-il.

"Hehe, t’as l’air… rigolo ! Gehehe!" L’œil gauche d’Eugène tressauta et convulsa ; il se mit ensuite à gonfler de manière disproportionnée pour prendre la forme d’un œil de mouche. "Bzzzzzzz-eheheh."

Pius soupira et gifla promptement Eugène. "Remet ton masque", grogna-t-il. "Tu es en train d’inhaler de la vapeur de Lait de Clown." Alors même qu’il disait cela, Eugène aspira une autre bouffée de particules aériennes de Lait de Clown et entra dans une nouvelle crise de gloussement qui fut rapidement étouffée par un masque se refermant sur son nez avec un coup de klaxon.

"Aouch ! Bon sang Pius, qu’est-ce que tu f-" Eugène se tut. Il tata la protection qui lui couvrait le visage. "Je suis reparti en vrille, pas vrai ?"

Pius se contenta de lui lancer un regard froid.

"Désolé." Eugène s’affala sur son siège, prenant de grandes bouffées d’un air rance à moitié filtré. Il y eu trois minutes de silences inconfortables.

"Euh… Pius ?" l’interpela Eugène.

"Oui Eugène ?" soupira Pius.

"Je suis fatigué."

"Moi aussi Eugène. Moi aussi."

CRAAAAAAAKKKK

"OH, MER—"

BLOUSH

CRAC CRAC CRAC CRAC-Rat-rat-rat-rat-raaaaaaaaa


Sqwee, sqwee, sqwee, sqwee

Ba-chunk, ba-chunk, ba-chunk, ba-chunk

Sqwee, sqwee, sqwee, sqwee

Ba-chunk, ba-chunk, ba-chunk, ba-chunk

"BluuuhYEECK !"

Eugène se mit à quatre pattes alors qu’il se retrouvait recouvert de la tête au pied d’une boue laiteuse. Alors qu’il essaya de se lever, l’épais Lait de Clown tourné retint sa main comme du ciment, le faisant trébucher plusieurs pas en avant jusqu’à ce qu’il se retrouve la tête la première dans une touche d’herbe séchée. Le sol était étonnamment chaud.

Sqwee, sqwee, sqwee, sqwee

Ba-chunk, ba-chunk, ba-chunk, ba-chunk

Quelques pas plus loin, Pius était étendu au sol, les bras et jambes écartées, déboussolé alors que son regard portait vers la blanche étendue de vide au-dessus de lui, quand il sentit la tourbe noire s’accrocher à lui par en dessous. Il essaya de soulever la tête, décida que l’effort n’en valait pas la peine, et la laissa retomber dans la gadoue. Après quelques instants, il grogna et regarda ce qui faisait un bruit similaire à une voiture avec de mauvaises suspensions qui serait en train de bringuebaler sur une route rocailleuse.

"Qu’est-ce que c'est q-"

Mortimer titubait d’avant en arrière sur ce qui ressemblait à deux jambes de mannequin en bois surdimensionnées, ce qui était étrange, compte tenu du fait que le reste de son corps était un téléphone à cadran écarlate géant. Du Lait de Clown s’écoulait des trous des nombres et par les genoux et les chevilles de l’Amoureux du Rire, et il émettait des babillages électroniques déformés par le récepteur. Finalement, du lait jaillit des jointures du téléphone, et Mortimer commença à se convulser comme s’il était attaché à une chaise électrique, avant de s’effondrer en arrière, le cadran de sélection du téléphone s’écrasant en plein dans la terre craquelée.

Vous— av-e-e-e-eh-vez — ZéEééEro — Neuf —Massages nouveaux iiiiciii…aaaapeeeeeeeesss Mortimer eut un dernier soubresaut, puis son corps se relâcha, des étincelles crépitant en s’échappant de la machinerie. Pius resta bouche bée d’horreur devant le spectacle de l’Amoureux du Rire s’écroulant devant lui.

Eugène rejoint Pius, plissant les yeux alors qu’il s’ajustait à la blancheur des frontières du Nexus, de l’herbe et de la terre étant toujours accroché à ses lèvres comme s’il était une vache broutant l’herbe d’un pré.

"Où— au Forain de nom de Manny — est-ce que Mortimer—" Il se tut quand il vit l’épave brisée et fumante de l’Amoureux du Rire gisant dans l’herbe morte et flétrie. "Oh merde."

Ses chaussures couinant alors qu’il se rapprochait, Eugène s’approcha de Pius pour l’aider.

"Eh bien," Eugène grogna sous l’effort alors qu’il tirait sur le bras de Pius, "Ce n’est définitivement pas les Champs de Blé." Il regarda autour de lui et examina la quantité de cabines téléphoniques éparpillées un peu partout dans le paysage aride. "Je ne reconnais même pas ce Nexus. Mais où est-ce qu’on est putain ?"

"Ton hypothèse est aussi — aouch — bonne que la mienne." Pius grimaça quand il réussit enfin à se sortir de la gadoue. Maintenant qu’il avait un meilleur angle de vue, il pouvait clairement voir à quel point Mortimer était gravement endommagé. "Bordel Eugène, comment est-ce que ça a pu arriver ? À quel moment Mortimer c’est planté lors de l’atterrissage ?"

"Je n’en ai aucune idée," répondit Eugène, secouant la tête, les yeux fermés. "Arf, Morty ne peut pas se réparer tout seul ? Qu’est-ce qui est arrivé aux sécurités qui étaient fournies avec lui ? Ces machins sont sensés êtres des fonctions de base !"

Mortimer laisse échapper un long mugissement de corne de brume, ouvrant d’un coup la trappe arrière du téléphone, révélant l’assemblage complexe de sac de Lait, de tubes et de câbles qui rendaient possibles les Appels téléphoniques. Ce qui aurait dû être des conduits de pompage de fuel en bonne santé étaient détendus, perforés et, à certains endroits, complètement tranchés.

Pius se rapprocha, craignant que les composants déjà bien abîmés puissent exploser à tout moment. Il ramassa précautionneusement une portion de tuyau qui aurait dû mener au panneau de contrôle.

"Il a été… coupé à coup de griffe." Déclara Pius dans une confusion la plus totale.

"Par des griffes ?" répéta Eugène d’un ton incrédule. "Par quel forain de – des griffes ?"

"Et mordu également," ajouta Pius. "Regarde, il y a des dents là." Il retira doucement sa main ; environ une douzaine de petites dents tombèrent au sol.

"D’où est-ce qu’elles viennent ?" demanda Eugène, dont la mâchoire s’était décrochée d’ébahissement.

"Attends un instant, j’essaye de trouver les câbles de connexion." Pius repoussa un rideau de sacs et enfonça son bras plus en profondeur, tâtonnant tout en avançant. Ses yeux sortirent de leurs orbites et suivirent son bras. C’était une scène incroyablement étrange, comme un escargot essayant de trouver son chemin dans le noir. Il grimaça. "C’est dégoû—" Il sursauta soudainement et lâcha un cri de surprise.

"Qu’est-ce qui se passe ?" demanda Eugène, surpris.

"Il y a quelque chose de pelucheux là-dedans," marmonna Pius, ses mains et ses yeux toujours à l’intérieur de la machinerie du téléphone. "Je n’arrive pas à l’attraper."

"Pelucheux ? Où est ce que c’est ?"

"Peu importe ce que c’est, il a fissuré deux des circuits à Lait et cassé net en deux celui du haut. Il est emmêlé dans le troisième."

"Tu peux essayer de l’enlever de là ?"

"Je vais essayer."

Pius commença progressivement à remuer la main d’avant en arrière afin de tenter de déloger le corps étranger à l’intérieur de Mortimer. Sa bouche était contractée d’anticipation. Eugène se fit la réflexion d’à quel point il était étrange de voir les yeux de son partenaire ressembler à des anguilles alors qu’ils étaient toujours attachés à sa tête. Il frissonna involontairement.

"Merde, on peut être vraiment bizarres parfois."

"Oh, beurk !"

La main de Pius sorti de l’enchevêtrement de matières organiques et inorganiques, tenant une masse rouge et noir de la même taille que sa main.

"Tu l’as eu !" s’exclama Eugène.

"C’était — atroce." Dit Pius ; une main de fer serrant la chose qu’il avait récupérée, malgré les plaintes de son esprit qui lui criait de le jeter au loin.

"Alors, qu’est-ce que c’est ?" demanda Eugène impatiemment.

Pius ordonna en tremblant à ses doigts de se desserrer, et ouvrit la main pour examiner la balle de fourrure. Le sourire d’Eugène disparu immédiatement. Pius se mit à grommeler.

"Alors c’est pour ça qu’il s’est cassé. Il avait ce truc avec lui lorsqu’il s’est transformé."

"Bordel Mortimer, je t’avais dit que c’était une mauvaise idée de jouer avec ce truc pour passer le temps."

De rage, Eugène envoya valser le rat à poche qui se trouvait dans la main de Pius.


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