Le site avait cessé d'être alimenté en énergie lors des vingt dernières heures. Dieu seul savait ce qui avait coupé les lumières, mais les occupants les plus belliqueux étaient reconnaissants. L'obscurité du site avait recouvert toutes les cellules, permettant aux nombreux objets confinés à la perfection d'échapper aux militaires envoyés pour maintenir l'ordre.
L'un de ces objets s'enfuit à travers l'un de ces voiles d'obscurité, se précipitant dans le dos d'un mercenaire peu méfiant. L'homme était en train d'asperger avec du plomb bouillant une foule d'hommes et de femmes en combinaison orange, chacun en concurrence pour s'échapper de ce site infernal.
L'objet ne put s'empêcher de contempler cette créature inutile, attaquant sa propre espèce inutile avec un armement primitif. Un pétard avec un peu de métal coincé au bout, largué via un tube. Cela était semblable à un homme des cavernes jetant des cailloux, du moins du point de vue de l'objet. Si seulement il avait conservé son armement en arrivant dans cette foutue dimension. Sans cela, il aurait réduit la totalité de l'organisation en cendres…
L'objet balaya ses rêves grandioses de vengeance. Cela n'avait aucune importance, chaque seconde comptait et il devait localiser son partenaire. Pauvre garçon, il n'était pas prêt pour ce type de mission. Parfois, il entendait les pleurs paniqués, presqu'incohérents de son partenaire tard dans la nuit. Il était tout frais à l'académie, dans la fleur de l'âge. Il n'avait pas mérité cette dimension infernale et ses horribles occupants.
"Je dois garder les idées claires," se dit l'objet. Son partenaire était probablement soit paniqué soit presque catatonique quelque part dans le coin. Il n'était pas allé bien loin lorsque le chaos causé par la brèche les avait séparés. Malgré tout, il se sentait mal. Il avait été l'officier senior assigné à ce nouveau cadet, et il avait échoué à sa tâche à tous les niveaux.
Il repensa au moment où ils avaient atterri pour la première fois dans cette zone. Ils avaient déjà perdu tout leur armement, et le SOS qu'ils avaient envoyés n'avait été entendu par personne. Les bêtes bipèdes, les "humains" comme ils s'étaient eux-mêmes nommés, paraissaient dangereux mais stupides. L'objet soupira : il ne souhaitait pas l'admettre, mais il avait sous-estimé ces brutes bipèdes.
Un autre type de créature passa en trombe derrière l'objet. Les délicats sons d'un craquement et d'un cri coupé net en étaient le signe avant-coureur.
Cette chose était plus large qu'un humain et était sculptée de manière à représenter une exagération de leur visage. Étrangement, cela semblait plus dérangeant aux yeux de l'objet qu'à ceux des humains. Malgré tout, l'objet savait grâce aux informations que les humains laissaient échapper et ses observations que la créature avait une faiblesse aisément exploitable.
L'objet se retourna, mais il le fit lentement, délibérément. Cela dans une humble tentative de ne pas avoir à regarder ces iris verts horribles et sans vie.
Il fixa son regard sur la statue, l'arrêtant dans sa course. Il n'avait dû la regarder que durant quelques secondes, mais cette courte durée s'était transformée en d'infernales heures dans l'esprit de l'objet.
L'appel guttural de l'un de ces humains mit finalement fin à l'affrontement. L'objet sentit la misérable main grasse de l'humain sur le haut de sa tête, brossant son sensible organe sensoriel, lui provoquant une sensation de froid à travers tout son corps.
"Merci 131, tu nous as vraiment bien aidé dans le confinement de 173 !".
L'humain attrapa l'objet, qui ne put rien faire d'autre que jurer plus violemment qu'un charretier. Des jurons qui, aux oreilles de l'humain, sonnaient comme de mignons petits bips.
"Allons chercher ton ami, mon petit pote."
La liberté ne lui serait pas accordée aujourd'hui.